Souvenir, souvenir, elle se souvient de ce jour, ou elle s’est sentie trahie pour la première fois. Elle ne l’oubliera jamais. C’est gravé dans son cœur pour l’éternité qui lui reste à vivre.  Des fois ce cauchemar, ce souvenir la hante… C’est un poison que le temps ne guérit pas.  Le soleil était là dans le ciel, il regardait la trahison tranquillement en baignant le petit village de ses caresses.

Eryne  et Ryak avaient encore quitté une ville pour une autre.  Ils aimaient voyagés, voir le monde, dans un sens le conquérir… Et puis, ils avaient une règle, ne jamais rester dans la même ville plus deux semaines. Pourquoi ? Simplement pour éviter la justice. Aujourd’hui, ils s’étaient arrêtés dans ce village… Les maisons se ressemblaient et étaient peu nombreuses.  Il y avait de tout, une petite épicerie, et une boulangerie, un médecin … Un village tranquille qui n’a pas forcément besoin des grandes villes pour évoluer.  Ryak proposa à Eryne de passer quelques jours ici, simplement pour se reposer. Ils avaient assez d’argent pour ne pas voler pendant quelque temps.  Eryne accepta volontiers.

Ca faisait déjà deux jours qu’ils étaient là. Ils vagabondaient. Le troisième jour est celui qu’Eryne n’aurait surement jamais voulu qu’il existe… Elle était assise au rebord d’un petit lac non loin du village. Ses pieds nus reposaient dans l’herbe alors qu’elle scruta l’eau et les doux reflets qu’offre le soleil… Ce soleil qui fut le témoin de tout. Peut –être le seul… Ryak se pointa d’un air triste, un peu résigné, et il s’assit sans un mot à côté d’elle. Elle ne le remarqua pas tout de suite… Elle s’effraya même quand il lui prit délicatement la main. Eryne retourna la tête, lui sourit.

- Bonjour.

Il ne lui répondit pas.  Il fixait au loin comme si, il attendait quelque chose, un signe peut - être.  Elle l’observa inquiète de voir la tristesse gravée sur son visage.  Elle aurait aimé lui demander, le comprendre pour mieux l’aider. Tout ce qu’elle voulait, c’était de l’aider, de lui tendre la main… Elle ouvrit la bouche pour parler mais son ami lui souffla chut… Il serra fort la main d’Eryne sans pour autant lui faire mal. Il voulait simplement profiter de ce moment, de ce dernier moment avant de tout gâcher. Le regret se lisait sur son visage, et Eryne l’a remarqué. Son cœur se mis à battre si rapidement, elle avait soudainement peur. Elle n’arrivait pas à l’expliquer. Ça lui prenait d’un coup… Elle eut peur de le perdre pour la première fois. Elle comprit qu’elle risquait de le perdre, et elle ne voulait pas vivre ça.

Elle perdit son sourire. Ce doux sourire qui avait mis beaucoup de temps à naitre sur aux coins de ses lèvres… Ryak la vit dépérir, comprendre le malaise de la situation….  Il la serra contre lui, dans une délicate étreinte… Il ferma les yeux se souvenant de leur rencontre…  Il la connut sans sourire, y a si longtemps. Elle était une énigme pour lui… Pourquoi ne souriait – elle pas ?  Même enfant, il avait rêvé de la voir sourire, alors il avait fait tout dans ce sens… Et aujourd’hui, il voyait la peine sur son visage, celle qui autrefois l’avait tant troublé… Eryne ne bougeait pas, elle n’arrivait pas  à dire un mot….

Ils étaient si proches, qu’il n’y avait pas besoin de mot pour comprendre la situation… Elle resta contre lui, se blottissant, sentant cette odeur qu’il l’avait réconforté pendant si longtemps… Est – ce la fin pensa – t- elle … Ryak voulait tant dire, tant expliquer … Tant lui avouer, mais il n’en avait pas la force. Etrangement, lui aussi ne voulait pas la perdre. Il se sentait bien avec elle, et avait passé de magnifiques années en sa compagnie. Il susurra son prénom … Cependant, il l’empêcha de s’écarter de lui. Ryak voulait en profiter, car il savait que ce serait le dernier.  Il se sentit si mal… Mais il n’avait pas le choix… Eryne ne disait rien. Elle ne voulait simplement rien n’entendre.

- Eryne, ma douce Eryne…
- Non non… Ne dis rien. Je ne veux rien entendre.

Il lui fit un bisou sur la joue. Elle lui rejeta un regard triste… Son cœur souffrait déjà alors que rien n’était avoué. Elle se crispa contre lui… Elle priait qu’il se taise…

- Pourtant, il le faut…  Eryne… Regarde-moi…
- Non ! Je ne veux pas.
- S’il te plait, il le faut…

Ryak s’écarta d’elle, alors qu’elle gardait la tête baissée. Elle ne voulait pas entendre ses mots, ni le regarder… Elle se refusait à ça. Il lui souleva la tête, tentant d’esquisser un petit sourire…  Elle le regarda avec tristesse, retenant des larmes qui voulaient se laisser emporter sur ses joues pour sombrer dans la noirceur de son cœur.  Ryak se rendit compte à ce moment-là, qu’elle tenait vraiment à lui…Il perdit cette esquisse de sourire pour un visage remplis de souffrance.

- Eryne… Dit – il avec du mal. Je dois te laisser ici. J’ai décidé d’arrête notre vie de vols, et de voyages… J’ai besoin de stabilité…
- Mais… Mais tu en as avec moi. Je suis toujours là.
- Je sais….
- Alors pourquoi m’abandonnes – tu ? Tu es tombée amoureux d’une villageoise ?
- Non non. Je ne suis plus fait pour ça. J’aimerais me poser, et vivre tranquillement. On ne peut plus rester ensemble.
- Comment ça ?

Eryne fut surprise, pour ne pas dire choquée… Elle s’écarta de lui, et se releva. Tout son corps tremblait, se crispant de colère et de tristesse… Il l’abandonnait… Elle aurait aimé crier, lui dire non… Cependant, elle n’y arriva pas. Elle resta figée devant cet homme qui se releva doucement… Quelques minutes passèrent dans un silence si terrifiant que même la nature n’osa pas faire un bruit… Elle baissa la tête, se sentant trahie. L’impression que son cœur tombait en morceaux, telle une statue qu’on aura fracassé contre le sol… Sans amour, sans considération, sans penser à l’autre. Une larme coula sur sa joue, puis une autre …. Ryak comprit l’horreur mais il n’avait pas le choix… Il tendit la main vers elle. Eryne la refusa.

Il avança vers elle, et la prit contre lui, lui faisant encore un bisou sur la joue. Elle ne bougea pas.

- Tu auras toujours une place importante dans mon cœur. Jamais, je ne t’oublierais ma douce Eryne. Lui susurra – t- il.
- Ryak… Non, ne fais pas ça !
- Je n’ai pas le choix… J’espère sincèrement que tu comprendras un jour mon choix…

Il posa un délicat bisou dans son cou, puis il la lâcha, en reculant.

- Adieu Eryne…

Cet Adieu fut le plus horrible qu’elle est connu… Elle se sentit poignardée … Vidée de toute vie. Elle aurait voulu le retenir, le garder avec elle. Elle ne se rendait pas compte mais c’était la dernière fois qu’elle le voyait. Elle était seule face au monde, qu’il lui faisait si peur.  Eryne ne répondit pas à Ryak… Elle n’avait pas la capacité à lui dire « adieu »


Elle se retourna sans prendre ses chaussures, et se mit à courir dans la forêt… Elle n’arrivait pas à le croire. Elle aurait tant aimé se réveiller, et voir que ce n’était qu’un cauchemar.  Elle s’arrêta au milieu de la forêt, s’adossant contre un arbre. Elle se mit à pleurer, à laisser cette souffrance courir sur ses joues, pour la libérer.  Ryak l’avait suivi, s’inquiétant pour elle. Il avait pris ce choix à contre cœur, car il le devait. Pourquoi ? Ca en reste un mystère.

Il se cacha derrière un arbre tout en l’observant… Son cœur se figea en la voyant pleurer. C’était la première fois qu’il la voyait s’effondrer en larme… Il tapa contre le tronc de colère…Puis se cacha mieux pour ne pas se faire remarquer. Il s’en voulait. Il se haïssait pour ça. Il se trouvait tout simplement monstrueux de l’avoir abandonné. Il avait le choix, mais il n’était pas capable d’en subir les conséquences, de la voir morte…  Son cœur lui soufflait de la rejoindre, de la réconforter, de lui dire « désolé », de lui promettre qu’il restera malgré tout avec elle… Qu’il était finalement incapable de la laisser… Il ferma les yeux, et laissa sa raison le guider.

Il la regarda une dernière fois et murmura dans un souffle inaudible :

«  Je le fais pour toi, pour te sauver, pour ton bien… Tu vas horriblement me manquer. »

Il s’en retourna puis partit. Eryne n’avait rien remarqué, et resta des heures sans bouger. Elle était seule à nouveau, et ne savait pas comment réagir à cela. Elle se perdit donc dans ses pensées. La nuit tomba. Elle se recroquevilla sur le sol…. Elle attendait simplement que le temps passe. Pendant des heures, elle resta figée, puis elle se rappela de ce qu’elle est. Et dans la noirceur de ce monde sauvage, elle se redressa, elle refusa de se laisser mourir… Même si dans les mois qui suivaient, elle déprima… Elle préféra quittée ce village, cette terre et s’en allait ailleurs, loin de lui, de ses souvenirs. Elle reprit donc le voyage… Elle souffla à elle – même, si je dois être seule, je le serais mais plus personne ne m’abandonnera…

Que dire de sa réaction ? Seulement que malgré la douleur, elle avance. Elle a repris son chemin.  Elle pensa pendant longtemps à lui, ce qui lui a valu une grosse déprime. Cependant ne dit – on pas que le temps atténue la douleur ? Depuis ce jour, elle s’est promis de ne plus s’attacher à quelqu’un. Arrivera – t- elle ? Cela en est moins sûr.