Sweetmemory s’attendait un peu à tout avec Sebastian mais pas à ça ! Ce rire… Franchement elle se demandait bien ce qu’elle avait pu dire pour provoquer cette hilarité,  au moins il avait l’air détendu et elle trouvait ça bien. Elle le regardait donc un peu surprise mais pas du tout vexée car tout ça n’avait rien d’une moquerie, il riait de bon cœur comme s’il avait entendu un bonne blague.
Elle poussa une peu son assiette vide mis ses deux coudes sur la table et plaça ses mains sous son menton. Le visage ainsi calé entre les mains elle le regardait  avec un petit sourire en coin en attendant sa réponse.
Depuis maintenant plusieurs jours qu’ils voyageaient ensemble, il ne s’était jamais défait de son attitude très « professionnelle » et si impersonnelle alors ce rire, c’était comme  si  un instant il avait baissé son armure et donc  peu importait ce qui l’avait déclanché.
Ensuite elle l’écouta, avec attention,  acquiesçant  du regard ou secouant négativement la tête, restant suspendue à ses lèvres lorsqu’il s’arrêtait de parler pour boire un peu.  Il n’avait jamais autant parlé  et jamais de cette façon.
A certaines remarques les sourcils de Sweet se froncèrent  légèrement et elle prit un petit air grave mais rapidement l’expression de son visage changea devant le sourire qu’il lui donnait, comme pour adoucir la dureté de ses propos et l’encourager à comprendre ses explications. Elle lui rendit donc un petit sourire timide et écouta la suite sans un mot.

« Et enfin, pour répondre à votre question, non, je ne déteste pas les gens de ce monde. Je ne vois pas pourquoi ce serait le cas. Personne ne m’a rien fait, du moins la majorité des gens. Disons que la plus grande partie du peuple m’est totalement indifférente. Pour l’autre… C’est une autre histoire. Tout ce que vous avez à savoir, c’est que vous n’avez rien à craindre de moi, je ne fais pas de mal pour le plaisir. Et personne ne m’a donné un quelconque ordre néfaste à votre égard. »


Elle le regarda  fixement un instant sans un mot et puis curieusement elle eut envie de rire elle aussi, ce devait être un peu nerveux… Elle eut une espèce de petit hoquet et de rire étouffé puis lui répondit :

«Oh mais, je ne me sens suis jamais sentie en danger avec vous !  Je ne sais pas vraiment pourquoi d’ailleurs mais, contrairement à ce que vous semblez penser je ne vous ai pas mis d’office dans le camp des «  méchants » comme vous dites, et même si je me pose plein de questions à votre sujet  ce n’est pas parce que j’ai peur de vous mais plutôt parce que vous êtes extrêmement différent des gens que je côtoie et que  j’aime bien comprendre.  L’inconnu m’inquiète, m’intrigue, c’est normal non ?
Et puis franchement,  je ne me pose jamais de question sur les personnes qui ne m’intéresse pas… et je ne peux pas vous dire pourquoi vous me faites ce drôle d’effet. Une chose et sure et soyez sans crainte la dessus je ne cherche pas du tout à vous changer !! Vous êtes tel que vous êtes,  je le respecte et même si je n’emprunterai jamais vos chemins, c’est comme ça que je vous apprécie, je dirai même que c’est pour çà ! »

Elle lui  offrit un joli sourire et continua :
« Je vous remercie de m’avoir parlé de la sorte, maintenant je pense un peu mieux comprendre et dans un certain sens vous avez raison sur beaucoup de choses, nous avons simplement une idée différente de ce que doit être notre liberté ! Il est bien difficile de se frayer un chemin dans ce panier de crabes qu’est devenu notre monde ! Au moins vous, vous avez l’honnêteté de vos choix et vous savez parfaitement ce que vous voulez et ce que vous ne voulez pas. J’apprécie que vous n’essayiez  pas de minimiser la gravité de vos actes et… »
Sweet regarda Sebastian en coin, avec un petit sourire
« Vous êtes un horrible individu digne de confiance ! »
Elle éclata de rire, sans doute un mélange d’émotions et d’hydromel……
"Ne le prenez pas mal hein ?, je plaisante. Non, plus sérieusement, il y a une chose que je crains en ce monde c’est la bêtise… ça, ça me fait vraiment peur ! Et  par-dessus tout les orcs, par ce qu’eux sont vraiment bêtes, méchants et sanguinaires. Enfin pour ce que j’en sais ! Hem ! Je m’égare… »

Elle s’arrêta de parler un moment regarda à droite et à gauche puis demanda :
« Vous n’avez pas faim vous ? Je crois que l’aubergiste nous a un peu oubliés !! Moi, toute cette discussion  me creuse j’aimerai bien qu’il apporte la suite. »

Elle regarda encore une fois les yeux translucides du jeune homme et ajouta :

« Je me permet de vous demander encore une chose et puis je me tais... promis!……vous croyez que l’on pourrait être amis ? Vous seriez le seul, enfin… je veux dire que je n’en ai pas… Je n’ai pas d’ami et… j’aimerai justement quelqu’un comme vous, très différent de moi et qui ne m’entoure pas de mièvrerie ou de compassion idiote, je voudrai bien trouver un ami qui me dise les choses comme vous me les dites, sans embarras, sans intérêt juste parce que c’est mon ami.

Peut-être avait-il été trop loin ? Personne n’avait jamais demandé à Sebastian d’être son ami. Personne n’en avait même probablement jamais ressenti le désir. Alors, pourquoi est-ce que Sweetmemory l’avait fait ? Avait-il été un peu trop loin dans ses paroles, faisant malencontreusement signifier qu’il souhaitait que la relation client – employé passe au stade de l’amitié ? Ou était-ce simplement la naïveté de la jeune femme qui continuait à faire des siennes, lui faisant voir le monde comme bien plus beau et joyeux qu’il n’était ?

Dans tous les cas, cette question avait mis le doute dans l’esprit du Suniage. Que devait-il lui répondre ? S’il acceptait, cela ne serait probablement pas honnête. Alors, bien sûr, il n’était pas quelqu’un d’honnête, bien loin de là, mais à ce point ? Et même si cela pourrait l’aider à mettre son interlocutrice tout à fait en confiance, il ne se sentait pas résolu à aller jusque là. D’un autre côté, s’il refusait, quelle serait la réaction de la jeune femme ? Partirait-elle ? Deviendrait-elle plus méfiante ? Ou serait-elle simplement déçue ? Bien que cela lui soit égal qu’elle le soit, il ne voyait pas l’intérêt de le faire si cela ne lui apportait rien. Et dans le cas présent, cela aurait été de la méchanceté pure.

Cette naïveté, proche de la stupidité aux yeux du chasseur de primes, avait eu le mérite de faire se questionner Sebastian, de le rendre moins sûr de lui. Il se demanda même si elle ne l’avait pas fait exprès, pour se jouer de lui ou pour le tester. Cette pensée ne fût que fugace, la femme en bleu lui semblant bien trop honnête pour ce genre de coups fourrés. Il se leva alors, et dit, avant de se diriger vers la sortie :

« Je… Excusez-moi, je dois faire quelque chose. »

La solution la plus simple. La fuite. Une solution lâche, certes, et étrange pour une telle situation. En effet, n’importe qui aurait pu s’en sortir d’une manière ou d’une autre, surtout avec la capacité de baratinage que possédait le Suniage. Tourner autour du pot aurait été aisé. Sauf que, pour le jeune homme, cette situation était pire qu’une autre dans laquelle il aurait été en danger de mort. Cela le mettait face à face avec sa solitude, sa façon de vivre et de fuir son passé. Et il en avait peur. Bref, il avait préféré fuir. Peut-être la reverrait-il plus tard, mais il avait l’intime conviction que ce ne serait pas le cas…