Sam 3 Aoû - 13:40 | | | | Il s'agit d'un lieu magnifique, rempli de fleurs aux pétales diaphanes et de champignons titanesques. Entre les arbres nobles qui longent des ruisseaux colorés se trouvent des insectes qui se sont adaptés à la taille de leur nourriture, et qui pour goûter le pollen des fleurs ont vite grandi. Les pierres y ont la clarté du cristal comme l'aspect naturel qu'on leur trouve partout ailleurs.
Les oiseaux qui y passent sont vite accueillis et leur beau chant est respecté. S'ils ne peuvent se sustenter de ces gros grouillants ou de ces grands phalènes, ils se contentent des graines trouvés sur le sol, qui agréablement leur suffisent.
De cette contrée extraordinaire je suis le fruit, et mes racines se mélangent à celle des arbres qui fouissent le sol de Flore pour y trouver leurs nutriments. Je rattache mon existence à cette terre, et j'y suis liée. Il m'est impossible de la quitter sans m'évanouir, et il est mon destin d’y rester jusqu’à la fin. Cette destinée magnifique, cette vie toute tracée ne me dérange guère, car j’aime mon pays. Quand bien même je le trouverais dépourvu de mes sœurs fées, je ne me soucierais guère de cela. Car si je l’aime, ce n’est pas pour celles que je peux y rencontrer, mais pour lui-même. Les arbres sont mes frères, et les animaux des êtres qu’il m’appartient de protéger en éloignant les voyageurs qui viendraient les chasser. Je n’en ai pas toujours le pouvoir, mais mon apparence et ma nature me permettent de remplir cette tâche. En temps normal, il n’y a rien d’autre à faire, et je me contentais d’être avec mes sœurs ou seule, dans mon arbre, à jouir de ce paysage qui représente la quintessence de la beauté de Terra avant le déchirement de ce monde. Aujourd’hui, je suis presque seule, attachée à une aubépine, et le massacre de Flore a considérablement réduit la population d’une terre sans défense. Beaucoup ont quitté ce monde, qu’il s’agisse par la voie des jambes ou par celle de l’âme. Il m’appartient de comprendre l’héritage qui me permettra d’en faire de même, si je ne peux protéger ce lieu qui m’est cher. Le monde des humains est un lieu qui m’a souvent été déconseillé, et rares sont ceux à m’en avoir dit du bien après avoir fait le tour des merveilles de Flore. Il est trop différent du mien, et c’est pour ça que je m’y intéresse, bien que ce ne soit pas une bonne idée. Je veux le voir de mes propres yeux et le comprendre, mais je n’en ai guère l’occasion, car j’appartiens physiquement à une autre place. Cependant, aujourd’hui, je ne crois pas qu’aller à sa rencontre doive être mon but premier ; pas en temps de guerre en tout cas. La guerre avilit, et rendra hideuses les villes que je traverserais. Chercher des habits ne devrait pas avoir mes préoccupations, alors que le monde est en péril. Entre démon et morts, les forêts doivent être protégées. J’ai été prévenue, et je sais que le fer et le feu parcourent Terra et la saccagent. Je ne peux plus me comporter en enfant, et je dois agir. Baratiner les étrangers ne peut plus suffire à garder les miens. Certains méritent d’être sauvés. J’ai compris que Nayris allait se réveiller, et je ne peux participer à cela. Il est peut-être trop tard pour détourner ses adorateurs de leur ignoble objectif, alors il me faudra les arrêter. Il en va de même pour les suivants du démon, qui ont déjà brûlé une partie de cette zone et assassiné la famille royale. Je ne la connaissais pas. Je ne suis qu’une dryade, après tout, et ces civilités presque humaines me semblaient parfois grotesques. Pourquoi devrions-nous avoir une princesse ? Ne somme nous pourtant pas toutes sœurs ? Cependant, leur affront m’a touché. J’ai pleuré cette perte, mais je sais l’avoir fait plus pour la mort de celles qui m’étaient cher que pour le symbole de cette chute. Ils sont susceptibles de revenir un jour. Je ne me suis jamais préoccupée du rayonnement de Flore ; j’étais trop occupée à penser aux humains. Cependant, j’aime ce pays et je sais que je dois le protéger. Et aujourd’hui, je souhaite qu’ils nous oublient, car je n’aime pas me battre. Autour de moi se trouvent actuellement des rongeurs paisibles, une herbe tendre et une terre humide, aux couleurs extraordinaires. Je sens le contact de chacun de ces êtres, et je sais qu’ils ne devraient jamais se trouver dans une zone de conflit. Je vis heureuse, et sais que cela ne risque pas de durer. Mais je ne peux pas fuir avec un pendentif et abandonner ma liée, l’aubépine qui m’est si chère. Je ne peux laisser ce havre de paix sans défense, pour qu’il conserve sa nature en profitant de la mienne. En tant que dryade, je me sais proche plus que quiconque de la nature. Le soleil et l’eau que perçoit mon arbre suffisent à me nourrir, et être dans Flore ou transporter avec moi son énergie est le seul prérequis à mon existence. Contrairement aux animaux, je ne tue pas pour survivre. L’idée d’ôter la vie de quelqu’un me terrifie, mais nul n’est besoin d’en arriver-là. Ce pays que je dois protéger, je peux sûrement y exercer un contrôle. Il doit participer à sa défense, et devrait m’y aider.
Au fond de moi se tient une énergie latente. Il m’arrive de la ressentir lors de moments d’extase, comme un orbe minuscule, rempli d’un trop-plein de pouvoir qui ne demande qu’à sortir. Ces moments de lucidité cependant ne durent jamais trop longtemps, et d’eux ne me restent que des bribes. Je ne sais ce qui se passe, mais seules de vagues réminiscences m’apprennent que j’ai en moi cette capacité inconnue, qui est sans le moindre-doute liée à ma race insouciante. Je ne sais pourquoi je ne l’ai pas débloquée. Je me satisfaisais de ma vie et dans cette indolence je n’y ai pas prêté attention, faisant plus attention aux autres sensations qui s’étaient affolées lors de ces moments, comme ma joie. Lors de mes moments de tristesse, il m’arrive de sentir également cette force, teintée autrement. Elle est alors rassurante, mais je sens que je pourrais m’en servir pour m’évader ou pour faire mal, étrangement. Il se peut que ce soit pour protéger la forêt que je n’ai pas ressenti cela avant qu’il ne soit temps. Je devais être trop jeune et trop immature auparavant. Mais j’ai compris à présent ce qu’est une terre dévastée. Ce qu’est un sol brûlé, où rien ne poussera plus et où personne ne pourra vivre, avant que la nature ne reprenne péniblement ses droits. Je sais ce que sont les pleurs et les cris, et je les redoute.
Près de ma liée, je suis entendue dans l’herbe. Submergée par l’émotion, je doute de pouvoir comprendre efficacement ce dont je suis capable, car je m’y abandonnerais. Je me connais bien et ne doute pas de mes réactions hypothétiques. Mais à l’idée de pouvoir me découvrir des talents cachés, si je n’étais pas dans des circonstances si graves, je crois que je serais dépassée par le bonheur. Il doit s’agir de quelque chose qui se trouve au même niveau que mon cœur. Cette énergie doit pouvoir circuler dans tout mon corps, après tout. Que seule la méditation devrait m’aider à trouver pour une première fois. Il est tout de même étrange de méditer. Je préfère souvent observer, rire, me dépenser en volant et en explorant une contrée que je ne connais déjà que trop bien et qui n’a plus rien à m’apprendre. Je la connais dans ses moindres recoins, et seuls les changements qui peuvent avoir lieu partout m’attirent. Il m’est bien arrivé de me concentrer sur moi-même dans un jour mélancolique, mais l’intensité de l’exercice me dépasse. L’herbe qui normalement ne devrait être qu’un doux support m’irrite. J’apprécie le contact du sol, mais je ne le supporte pas lorsque je me concentre dessus, alors que j’en suis si proche. Je ne peux pas me canaliser. Je veux danser, je veux voir de nouvelles contrées ! J’ai envie de m’arracher les cheveux, et je sens que je n’y parviendrai pas dans cet état. Mais je dois y arriver. Si je remets cet exercice à demain, je devrais attendre, et chaque moment d’attente peut être empli de danger à présent. Ce monde n’est plus celui qu’il était auparavant. Dans mes veines doit circuler un potentiel qui me permettra de sauver Flore. Il faut cependant que j’y accède. Il germera dans un sol riche, et s’élèvera vers le ciel, toujours croissant, pour rayonner. Son ombre douce fera alors écran aux vils êtres qui attaqueront le pays.
Je ne suis pas sûre d’y arriver. Autour de moi, tout me semble propice à la découverte de ce que je peux faire. Cependant, il se peut que je m’abuse. Après tout, cette énergie pourrait être ma joie de vivre, et non une capacité extraordinaire qui serait scellée en moi. Il y a des fées plus savantes que moi, et elles auraient pu sauver Flore si elles avaient eu conscience de ce type de pouvoir. Le ciel est beau. Ses nuages sont purs, sa couleur azur. J’ai envie de me reposer. Que ferai-je lorsque je reprendrais conscience ? J’irai sûrement me renseigner. Sortir de mes habitudes, aussi rares qu’elles soient, à la redécouverte de ce monde. Même si Flore est mon foyer, et que je ne me sens véritablement bien qu’ici, je sens que je dois le quitter, alors que je n’aspire qu’à le protéger. … Que vais-je faire ? Il y a quelque chose qui pulse en moi. C’est doux, et réconfortant. Je vais me laisser bercer par son rythme, rentrer dans mon arbre et me reposer. Perdre conscience, et me réveiller.
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Je sens qu’avec ma vie vient ce que je cherche. Cette sensation ténue qui n’est due qu’à moi et n’a rien à avoir avec mon pendentif. Une capacité innée que je dois découvrir. Je déploie ma main et sors de mon sommeil. Je laisse mon aubépine derrière. Pourquoi ne fais-je pas cela plus souvent ? J’abandonne derrière moi mon arbre. Je reviendrai bientôt, et nos âmes sont liées. Autour de moi tout est superbe. Bonheur. Joie. J’ai déjà vu ce paysage de nombreuses fois mais je l’aime toujours. Les fleurs, les champignons, les lianes. Un morceau de terre qui dépasse, soulevé par une racine. Quel dommage qu’elle ne puisse voir la lumière du jour, et en profiter. Une sensation bizarre dans mon cœur provient. Etrange. Ce n’est pas douloureux, et même plutôt doux. Comparable à une sorte de chaleur. Celle du soleil, et non celle d’un feu. J’ai l’impression d’irradier. Comme si j’étais capable d’attirer à moi les vivants et de favoriser leur croissance par ce biais. C’est compliqué à décrire, mais c’est ce que je ressens ; comme le mécanisme d’aimants qu’un ingénieur perdu m’a expliqué un jour. Mais pas exactement. Extase. Je regarde la racine, et je vois qu’elle est sortie. Je n’ai jamais ressenti avec autant de précisions ce phénomène étrange. M’y abandonnant, je sens toutes les parties de mon corps connectées à Flore, et je sens que j’en deviens une partie. Je sens que des fleurs poussent. Elles bourgeonnent. La racine croit et continue son chemin hors de la terre. Je parviens à comprendre ce qu’elle ressent, et je sens comme si j’étais par elle, pour un bref instant. Le contact de la terre plus loin, une lourde masse à laquelle je suis reliée. Un arbre, que je nourris. La chaleur du soleil qui fait contraste avec la fraicheur de la terre. Comment y suis-je parvenu ? Je ne le sais guère, mais c’est au fond au moi, et j’en suis heureuse. Un pétale me touche la jambe, à présent, alors qu’il n’y était pas avant. La transe s’arrête. La racine est bien loin de son point d’origine, et je suis encerclée par des fleurs. Je ne comprends pas ce dont il s’agit. Mais en m’exerçant, je suis sûre que j’arriverais à le comprendre.
Retournons à l’aubépine. Sous moi se ploient à mon désir quelques feuilles, et j’en profite pour faire pousser de nouvelles fleurs un peu partout ; je me sens puissante dans Flore, et elles grandissent vite, avec leurs pétales translucides.
Flore ne sera pas sans défense.
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