Ven 23 Déc - 10:13 | | | | La seule chose qu’il pouvait faire, c’était courir. D’ailleurs, n’était-ce pas tout simplement l’unique chose qu’il était encore capable de faire ?... Perdu comme il l’était, déboussolé et apeuré, le Clamerian n’avait plus que ça. Ses larges pattes foulaient la neige avec force, inlassablement. Honnêtement, il ne savait même pas où il allait. Et il s’en moquait complètement. Tout ce qu’il voulait, lui, c’était le retrouver. Désemparé, il s’arrêta au sommet d’un petit à-pic rocheux, duquel il hurla sa douleur, face à la lune qui luisait avec douceur dans les cieux, indifférente. Une fois qu’il se fut cassé la voix, Azaghâl laissa tomber son arrière-train au sol, la tête tristement baissée, les yeux obstinément clos. Pour ne pas laisser pas échapper son chagrin, sûrement. Cela faisait plus d’un mois qu’Artelius avait disparu, sans laisser la moindre trace. Sans plus réfléchir, son amant s’était lancé à sa recherche, laissant le village derrière lui. Après tout, ils seraient bien capables de se débrouiller sans lui quelques temps, non ?...
Cependant, cela faisait trop longtemps que le chef s’était absenté, et il ne le savait que trop bien. Az’ devait retourner au village, sans quoi certains commenceraient à douter de sa capacité à mener le clan correctement. Il faut dire que depuis la trahison de Melkor, les Guerriers Canins s’étaient faits beaucoup plus prudents. Ne faut-il pas se méfier des apparences ? Voilà un dicton qu’ils ne sont pas près d’oublier de si tôt, croyez-moi. Le grand chien se releva donc, s’ébroua vivement –faisant tinter les trois grelots qui étaient accrochés aux trois bandes de tissu blanc qui lui servaient d’aides au combat- puis prit la direction du hameau des siens, sans grande motivation.
~ A son retour, une petite fille se précipita vers lui sous son apparence de chien –un joli chiot au soyeux pelage rouquin- pour venir lui mordiller amicalement les pattes. Esquissant un léger sourire sur sa gueule de canidé, Azaghâl frotta sa tête contre celle de l’enfant, qui agita joyeusement le panache de sa queue. Bientôt les autres villageois arrivèrent auprès de leur chef eux aussi, venant aux nouvelles après sa longue absence. Etonnamment, ce fut la petite fille qui lança la conversation :- Tu étais où, Azaghâl ? On s’est inquiétés, tu sais ! Tu as retrouvé Artelius ?En voyant la tête de chien battu (ha ha, bien trouvé, n’est-ce pas ?) qu’afficha leur meneur, la mère de l’enfant vint la récupérer, la prenant dans ses bras pour s’éloigner un peu, laissant la place aux autres. Az’ prit son apparence humaine, avec son sempiternel tic, à savoir remettre son épaisse chevelure bleue en place. C’est un grand homme aux courts cheveux poivre et sel qui prit ensuite la parole, croisant les bras :- Nous sommes désolés, vraiment. Tu n’as retrouvé aucune trace de lui ?- Pas la moindre. C’est comme s’il s’était évanouit dans la nature comme par magie. Je n’y comprends rien… Bref. Il n’y a pas eu de problèmes pendant mon absence ?- Pas l’ombre d’un problème. Tout a été très calme, ici.- Parfait. Il faut que je te parle, Khazâd. Tu as quelques minutes à m’accorder ?- Bien sûr.Les deux hommes prirent donc la direction de la maison qu’occupait le chef du village, laissant les autres villageois retourner à leurs activités, soulagés de savoir Azaghâl de retour. Quand ils furent à l’intérieur, le jeune Clamerian retira son manteau –qu’il lança négligemment sur le premier fauteuil qui passait-, défit la ceinture où pendait Aïsswir et la déposa précautionneusement sur la grande table en bois qui se trouvait au milieu de la salle à vivre, avant d’aller allumer un feu dans l’âtre. Puis il proposa une chaise à son aîné, avant de s’asseoir lui-même sur la table, croisant les bras sur la poitrine. Avant même qu’il ne puisse ouvrir la bouche, Khazâd le devança, un léger sourire aux lèvres :- Ne te fatigue pas, je te connais comme ma poche. Tu ne comptes pas abandonner les recherches, n’est-ce pas ?- Tu as raison. Demain je pars pour Luütra.- La capitale de Selian ? Mais que diable vas-tu fiche là-bas ? Tu connais Artelius mieux que quiconque, il déteste les grandes villes encore plus que n’importe lequel d’entre nous, pour qu’il y mette les pieds, il faudrait que tu y sois, à l’agonie. Autrement, il refuserait d’y poser ne serait-ce qu’une patte, tu le sais bien.- Soit, mais va savoir ce qui lui est arrivé. Il s’y trouve peut-être.- C’est dangereux pour toi, Az’. Avec ce fichu Aile Ténébreuse au pouvoir à Sen’Tsura, personne n’est à l’abri nulle part. Les Glaces sont encore indépendantes, mais ça ne l’empêche pas d’envoyer ses immondes sbires jusqu’ici. Et parfois ils ressemblent de façon troublante à des Humains ou des Sang-Mêlé. On ne peut pas se permettre de perdre un chef tel que toi dans le climat actuel.- Si même les Clamerians ont peur de faire front à des Démons, où va le monde ? Je refuse de rester tranquillement ici, à faire comme si de rien n’était, alors que l’homme que j’aime est peut-être en danger. Et puis, c’est une bonne occasion de voir ce qu’il se passe plus au nord.- Et je suppose qu’en plus tu veux y aller seul ? soupira Khazâd, l’air las.- Je serai plus discret seul, oui. Ce n’est pas pour que tu joues le rôle de ma conscience que je voulais te parler. J’ai besoin de toi pour garder un œil sur le village. En mon absence, c’est toi qui donneras les ordres. J’ai confiance en toi, tu es l’un des guerriers les plus expérimentés de notre clan, et tu agis avec sagesse. Avec toi à la tête des nôtres, je pourrais partir l’esprit tranquille.- C’est un grand honneur que tu me fais là… Je ne suis pas sûr de vouloir accepter.- Si tu refuses, je partirais tout de même.- Je n’en doute pas, bougre de tête de mule… D’accord, je te remplacerais le temps qu’il faudra.- Merci, je veillerais à ce… Qu’est-ce que ?...Un faible cliquètement se faisait entendre depuis maintenant une ou deux minutes, et Az’ commençait à en être sérieusement agacé. De plus en plus irrité, il cherchait du regard la source de ce bruit, et son regard finit par se porter sur la fenêtre juste dans son dos. Le Clamerian se leva, et alla l’ouvrir. Là, perchée sur le rebord de la fenêtre, un petit moineau piaillait avec force, presque comme s’il rouspétait après Azaghâl. C’est avec un soupir que ce dernier lui tendit son index, sur lequel l’oiseau vint se percher, avant de voleter pour aller s’installer sur l’épaule du jeune homme. Une fois la fenêtre refermée, il retourna s’asseoir sur la table, recroisant les bras, avec une petite moue dépitée, cette fois-ci. En revanche, Khazâd avait l’air de trouver la scène amusante, à en juger par le léger rire qui lui échappait :- Eh bien, cette petite demoiselle à plumes a l’air d’avoir eu le coup de foudre !- On dirait bien… Tu me crois si je te dis qu’Artelius et Chun étaient jaloux comme des tigres ? Ils ne pouvaient pas se voir.- Amusant. Mais revenons-en à notre sujet, tu veux ? Tu es décidé, tu pars demain ?- Oui. Je sais que je te laisse une sacrée responsabilité, mais je n’ai pas vraiment le choix.- Je te comprends. Ne t’inquiète pas, le village sera en sécurité avec moi, je t’en fais la promesse.- Merci.Une fois son aîné partit, Az’ se laissa tomber dans l’un des fauteuils, face à la cheminée où ronflait paresseusement le foyer rougeoyant, avec un profond soupir. L’oiselle alla se jucher sur la tête de son maître en gazouillant, comme pour essayer de lui remonter le moral. Distraitement, le jeune homme plongea la main dans la poche de son pantalon de toile blanche, en sortant un bout de biscuit, qu’il réduisit en miettes dans sa main, avant de la tendre à Chun. Cette dernière ne se fit pas prier et vint prendre son repas en quelques coups d’ailes. Pendant que l’oiseau lui picorait la main, Azaghâl avait fermé les yeux, laissant aller sa tête contre le dossier du fauteuil, rêveur. La route serait longue. Luütra n’était pas franchement la porte à côté. Mais rien que ne puisse faire un Clamerian. Ce n’est pas comme s’il n’était pas habitué à parcourir de grandes distances dans ces vastes étendues gelées et désertiques. D’ailleurs, peut-être par orgueil, les Guerriers Canins ont souvent tendance à considérer la Toundra comme étant leur territoire, et conçoivent mal que d’autres races puissent y survivre. Cependant, suite aux événements qui ont frappé le village et la Toundra toute entière, lorsque Melkor était au pouvoir, leur point de vue a changé. Ils savent désormais qu’ils sont loin d’être les seuls êtres dangereux à arpenter ces terres, et ont réappris la prudence. Un mal pour un bien…
~ Le lendemain matin, à peine l’aube fût-elle levée, qu’un grand chien quittait le village à grande allure. Sa crinière, d’un bleu électrique reconnaissable, se balançait au rythme de sa course, tout comme les bandes de tissu blanc au bout desquelles tintaient les grelots dorés. Les foulées d’Azaghâl étaient larges, mais il n’était pas encore à son maximum, loin de là. Non loin au dessus de lui, Chun le suivait fidèlement voletant avec énergie malgré le froid mordant de ce début de matinée. Franchement, il aurait préféré la laisser derrière lui. Mais avez-vous déjà essayé de faire comprendre à un moineau qui vous suit comme son ombre qu’il vaudrait mieux qu’il reste là au lieu de vous suivre ?... Non ?... Eh bien je ne vous le conseille pas ! C’est à se taper la tête contre un mur. Vous auriez plus de chance d’être exaucé en demandant à Nayris de vous danser une polka. C’est vous dire. Enfin bref ! Ne nous éloignons pas du sujet.
Le voyage de notre chef Clamerian fut plutôt tranquille. Fatigant, soit, mais tranquille. Il traversa les montagnes, puis suivit le cours du fleuve qui menait vers le lac Losheëz. Là, il fit une halte d’une bonne journée, afin de retrouver ses forces avant de poursuivre son chemin. Car il lui restait encore beaucoup à parcourir, et il préférait arriver à la capitale avec la force de se battre. On n’est jamais trop prudent, comme dirait l’autre. Quand il fut reposé, Az’ reprit sa course vers le nord, plus déterminé que jamais.
Luütra. La grande cité de Selian. L’une des villes les plus prestigieuses de Terra. Siège du pouvoir du Royaume des Glaces, et de l’Impératrice Issendra. Evidemment, les Clamerians ne se considèrent pas comme sujets de cette Humaine, mais cela ne les empêche pas de lui accorder un grand respect. Ce n’est pas parce qu’on est à moitié chien que l’on est forcément un barbare qui déteste tout ce qui n’est pas de sa race. Pour des raisons évidentes –enfin à mon sens et au sien- Az’ avait adopté sa forme humaine pour marcher dans les rues de la ville. Bon, son mètre quatre-vingt quinze lui valait tout de même certains regards curieux, mais il avait appris à ne pas s’en formaliser. Même s’il gardait la main sur la garde d’Aïsswir, un rien nerveux. C’était un environnement totalement nouveau pour lui, et il n’avait aucune idée de ce qui pouvait bien l’attendre. Enfin, maintenant qu’il était là, une autre question se posait… Comment savoir si Artelius était passé par ici ? En même temps, un jeune homme aux longs –interminables serait plus juste- cheveux écarlates, ce n’est pas franchement commun, mais tout de même. Certaines personnes ont la mémoire courte. Un peu perdu, il arpentait le sol pavé sans vraiment savoir où il allait. Par où commencer ? Qui questionner, qui aller voir ? C’était un véritable casse-tête ! Et puis, se repérer dans une forêt ou dans une vaste plaine enneigée était une chose, et retrouver son chemin dans le dédale des rues en était une autre. Ce que Az’ apprit à ses dépends. Car oui, il s’était perdu !*Et on applaudit l’idiot de service… Oh mes dieux, je ne suis pas sorti de l’auberge…*Sur son épaule, Chun pillait nerveusement, comme en écho à la nervosité de son maître. Evidemment, cela ne faisait que le faire encore plus remarqué, et il n’aimait pas beaucoup ça… C’est pourquoi il décida de bouger, ne s’arrêtant que quelques instants dans les carrefours, essayant de déterminer quelle serait la meilleure direction à suivre. Lorsque le crépuscule tomba, entraînant à sa suite la nuit, Az’ n’avait toujours rien trouvé de probant. Las et fatigué, il trouva un coin discret, au fond d’une impasse, dans laquelle il passa la nuit, sous son apparence de chien, roulé en boule pour se tenir chaud.
En rouvrant les yeux, Azaghâl constata deux choses. La première, le moineau avait disparu. Bien que cet oiseau soit un véritable casse-pieds et une nuance sonore à plumes, il avait fini par s’y attacher et se demandait où il avait bien pu passer. Quant à la seconde, c’est que le soleil était déjà haut dans le ciel. Il estima qu’il devait être environ dix heures, quelque chose comme ça. Le jeune Clamerian se releva, s’étira en baillant à s’en décrocher la mâchoire, puis se transforma en humain. De là, il reprit ses recherches hasardeuses, en jetant de temps à autres de rapides regards vers les nuées, dans l’espoir de voir apparaître la petite silhouette de Chun.
Finalement, après près d’une heure à marcher sans trop savoir où il allait débarquer, il arriva sur une grande place sur laquelle se tenaient quelques échoppes, rien de bien spectaculaire. Les marchands proposaient surtout des breloques et autres bijoux, certains étant censés repousser les Démons. Ce qui fit bien rire Az’, d’ailleurs. La seule chose qu’il ait jamais vu faire réellement fuir un Démon –du moins si ce dernier était seul et relativement faible- c’était la vue d’un Clamerian en fureur. Il faut avouer que peu de personnes –hormis les candidats au suicide et/ou les masochistes- iraient provoquer l’un de ces Guerriers Canins lorsqu’ils sont en colère… Ils n’ont rien d’animaux de compagnie, il faut le rappeler. Bref !
Alors qu’il allait s’éloigner d’ici, le jeune homme se figea, et son cœur parut en faire autant. Cette aura, cette odeur… Un Démon ? Ici ?... Et pourtant, pas moyen de se tromper. Bien qu’il se sentait de plus en plus tenaillé par l’envie de prendre sa forme canine pour débusquer ce rat des Ombres, Azaghâl se força au calme. La précipitation n’a jamais rien donné de bon. Et puis, faire durer la chasse ne permettait-il pas de la savourer plus amplement ? Faisant mine de jeter un œil aux marchandises proposées, il tentait de repérer son futur adversaire parmi la vingtaine de personnes qui se trouvaient là. A ce propos, c’était un autre paramètre à tenir en compte. Il ne pouvait pas mettre en danger ces gens, qui n’avaient rien demandé à personne. Un imperceptiblement soupir sec de frustration lui échappa. Notre chef Clamerian avait les mains liées, en quelque sorte. Pourtant, il ne pouvait pas le laisser s’échapper comme ça, sans rien dire, sans réagir. Un, son honneur de chasseur de Démons en aurait pris un coup –et un gros !- et deux, cette créature ne comptait sûrement aller lire de belles comptines aux enfants de l’orphelinat du coin. C’est pourquoi il devait l’arrêter ici et maintenant, s’il le pouvait.
Az’ pataugeait quasi littéralement, jusqu’à ce que les pépiements furieux d’un petit oiseau lui parviennent. Intrigué, il les suivit, se frayant un chemin parmi les badauds qui se trouvaient là. Dire qu’il fut surpris serait un euphémisme. Là, juste sous ses yeux –et ceux d’une petite dizaine de personnes- un homme essayait de se débarrasser d’un moineau qui l’asseyait de coups de bec et de pattes. Azaghâl reconnu Chun et fit bien vite le rapprochement. L’oiselle avait reconnu le Démon, et essayant vaillamment d’imiter son maître, elle l’avait attaqué. Je suis d’accord avec vous, ç’aurait pu être amusant, si la situation n’était pas problématique. En voyant le jeune homme, le moineau fila à tire d’ailes se percher sur son épaule, le plumage tout ébouriffé. On aurait dit une boule de plumes qui piaillait à tue-tête. L’homme qu’elle avait attaqué se redressa, dévoilant aux yeux de tous de fines prunelles fendues d’un vert pénétrant, ainsi qu’une paire de petites cornes qui prenaient naissance sur son front. Un sourire carnassier sur ses lèvres aussi pâles que celles d’un mort, il remit en place sa longue chevelure ébène de sa main affublée de griffes longues d’une bonne dizaine de centimètres. Puis il ficha son regard dans celui d’Az’, qui le soutint sans même sourciller.- Ton odeur me dit quelque chose… siffla-t-il en laissant apparaître une langue bifide, semblable à celle d’un serpent. Mais je n’arrive plus à me souvenir, c’est bête, n’est-ce pas ? De toute façon, ça n’aura aucune importance lorsque je t’aurai tué.A ces mots, les citadins se dispersèrent plus ou moins calmement, laissant la place vide. Ou du moins, pas tout à fait. Car, comme vous devez le savoir, l’être humain a au fond de lui une espèce de curiosité macabre qui l’empêche de détourner le regard lorsqu’un drame se déroule juste sous ses yeux. C’est plus fort que lui. Il faut qu’il voie ce qu’il passe, quitte à en cauchemarder pendant tout le reste de sa vie par la suite. Eh oui, certains étaient restés à proximité, à une distance qu’ils jugeaient sûre mais depuis laquelle ils pourraient néanmoins tout voir, ne rien rater de ce sanglant spectacle qui s’annonçait.
Un sourire carnassier aux lèvres lui aussi, Azaghâl chassa Chun du revers de la main et bondit en arrière, se métamorphosant durant le saut, si bien que c’est un humain qui avait quitté le sol et que c’est un chien qui retomba sur ses pattes, grondant imperceptiblement, le pelage hérissé par l’excitation du combat à venir. Au début stupéfait, le Démon se reprit bien vite, s’exclamant gaiement :- Ah oui, je sais ! Tu es un Clamerian ! Cela fait si longtemps que je n’en ai plus croisé… Je sens que je vais m’amuser. Ta fourrure fera une excellente descente de lit.Pour toute réponse, Az’ gronda avec une telle force que tous ceux présents ce jour-là jurèrent l’avoir entendu rugir. Ce n’est pas particulier à notre chef Clamerian, cependant. C’est quelque chose que tout Guerrier Canin peut faire, c’est tout à fait naturel, et ils s’en servent généralement pour tenter d’intimider l’ennemi. C’est de mauvais augure pour l’adversaire d’un Clamerian d’entendre ce rugissement.
Et la bataille commença. Le Démon s’était rué vers Az’, toutes griffes dehors. Ce dernier esquiva de justesse en faisant un bond de côté, puis riposta derechef en essayant de planter ses crocs dans son épaule. Manque de chance, il avait affaire à un être aussi rapide que lui. La créature feinta à son tour, s’éloignant quelque peu du chien, qui grognait de frustration. La vivacité et la présence d’esprit sont les deux choses les plus importantes dont a besoin un Clamerian, en combat. La force brute aide, c’est vrai, mais elle ne fait pas tout. Surtout face à leurs proies de prédilections, les Démons. C’est pourquoi Azaghâl se creusait les méninges pour trouver un moyen d’abattre son adversaire le plus rapidement possible, avant qu’il ne soit trop fatigué pour frapper avec une puissance suffisante pour le blesser. S’élançant en avant, il résolut d’utiliser ses rubans, et parvint à saisir un bras et une jambe du Démon, alors qu’il sautait par-dessus sa tête. Une fois qu’il se fut réceptionné de l’autre côté, il tira de toutes ses forces afin de faire chuter son adversaire, et de pouvoir lui infliger le coup fatal. Cependant, il y a toujours une faille, dans un plan. Et celle-ci était de taille. Loin de s’être laissé désarçonné, son ennemi avait tiré de son côté, et le chien se retrouva involontairement dans les airs. Le Démon en profita pour lui asséner un coup de griffe, qui entailla la chair d’Az’ sur presque toute la longueur de son flanc. Ce qui ne l’empêcha pas de se recevoir correctement, libérant les membres de l’être reptilien, qui affichait un grand sourire, comme certain de sa victoire.*Je vais t’arracher ce sourire, sale bête…*Le Clamerian fonça vers le Démon, qui s’esquiva vivement. Néanmoins, c’est ce qu’avait espéré Az’. Vif comme l’éclair, il fit volte-face et s’abattit sur lui, son sabre à la lame gelée apparaissant dans sa gueule, duquel il lui infligea un large coup de taille, qui rata de peu –tellement peu que cela le fit rager- l’une des artères qui passent près de l’épaule, avant d’aller atterrir quelques mètres plus loin, serrant Aïsswir entre ses crocs. Stupéfait de s’être laissé berner de la sorte, la créature démoniaque siffla de colère, plissant ses iris fendues en lançant un regard mauvais au chien, qui grognait de satisfaction, tendu comme un arc. Tout allait se jouer sur l’assaut suivant, Azaghâl pouvait le sentir. Furieux comme il l’était, son ennemi allait vouloir laver l’affront au plus tôt. Le Clamerian n’avait pas droit à l’erreur. Il devait vaincre. S’il voulait retourner dans son village et revoir Artelius un jour, il devait rester en vie. Et la fuite n’est certes pas une option acceptable parmi les siens ! La victoire ou la mort, voilà tout. Lorsque le Démon chargea –un peu beaucoup sottement il est vrai-, le chien ne bougea pas du moindre millimètre, attendant patiemment le moment propice. Et quand il ne resta plus qu’un mètre ou deux entre eux, il bondit, y concentrant toute la force possible. Sa technique paya, car la lame s’enfonça jusqu’à la garde dans la panse de son adversaire, qui s’écroula au sol dans une suite de borborygmes assez malsains.
Essoufflé, mais pas moins content de lui, Az’ recula de quelques pas, lança Aïsswir dans les airs, puis reprit apparence humaine pour rattraper son sabre et le rengainer. Bon, il était blessé assez sérieusement, mais rien de mortel non plus. Notre chef Clamerian s’apprêtait à s’en aller lorsqu’il y eut… Une complication, dirons-nous. Des gardes armés vinrent l’encercler. Bien que contrarié et aussi relativement agacé –c’est qu’il n’avait pas que ça à faire, mine de rien-, le jeune homme ne résista pas. S’opposer aux soldats impériaux n’était pas franchement une idée de génie, mieux valait les suivre pour savoir ce qu’on lui voulait.
Finalement, Azaghâl fut conduit dans l’une des casernes de la cité, devant un grand homme à l’allure stoïque qui le toisait d’un air froid et détaché. Pas très sympathique, le loustic… Bref ! Assis derrière son bureau de bois sombre et massif –accessoirement noyé sous une tonne de paperasse administrative- il finit enfin par lever les yeux vers Az’ et se leva pour s’adresser à lui :- Mes hommes prétendent que tu es un Clamerian, et que tu as vaincu un Démon sur l’une des places de notre belle capitale. Est-ce vrai ?- Oui, effectivement. Je suis assez pressé, voyez-vous, je ne veux pas vous manquer de respect, mais j’ai autre chose à faire. De plus, j’aimerais que vous me parliez avec le respect qui m’ait dû, je suis le chef de mon clan, pas n’importe quel vaurien que vos soldats auraient ramassé au fond d’une ruelle.- Soit, pardonnez mon impolitesse. L’armée m’a rendu rude, et vous semblez bien jeune. Si je vous ai fait venir jusque devant, c’est afin de vous faire la proposition suivante. Notre dernier général de Selian s’est malheureusement fait tuer dans une embuscade, il y a peu. Pour tout vous avouer, j’étais dans un sacré embarras, car je ne voyais aucun homme capable de lui succéder, mais vous… Vous êtes un Clamerian, un Guerrier Canin. Votre peuple a élevé le combat au rang d’art. De plus, vous avez l’esprit de meute, vous savez mener les hommes à la bataille. Franchement, vous êtes une perle rare. Acceptez-vous ce poste ?- Je… Je dois y réfléchir. Laissez-moi cette nuit, je vous répondrai demain.- Soit. Je vous dis à demain, en ce cas.~ Devenir général de Selian n’avait jamais fait partie des ambitions de Azaghâl. Déjà qu’il n’avait jamais espéré être le chef de son clan, alors un tel poste !... Et puis, il n’était pas venu jusqu’à Luütra pour ça. Il avait autre chose à faire, et cette chose, c’était chercher et retrouver Artelius. Cependant… C’était une occasion en or. En devenant un haut gradé de l’armée des Glaces, il pourrait défendre sa patrie comme jamais il n’aurait pu le faire en restant simplement le meneur des Clamerians. Soit, il devrait délaisser quelque peu ses obligations de chef, mais Khazâd surveillerait le village comme personne. Et puis, allez savoir, peut-être qu’il pourrait recueillir des informations sur son amant, durant ses déplacements ? Après tout, il n’est pas interdit d’espérer !
… C’était donc décidé, il accepterait l’offre, et serait le prochain général de Selian. Pour protéger sa terre et les siens, en bon Clamerian qui se respecte._________________________________________ Voilà, j'espère que ça conviendra ! ><"
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