Mais bon sang, que lui racontait-il ? De plus un plus, ses phrases lui paraissaient complexes. De moins en moins, Yrelith était capable de le comprendre, même pas la moitiés des mots qu'il utilisait n'étaient répertoriés dans la mémoire de la Cianopsitta. Plongeant son regard dans le sien, elle pencha la tête sur le côté, exprimant simplement son incompréhension... Totale. Finalement, peut-être qu'apprendre à parler n'était pas aussi chose aisée que marcher ou voler. Haussant les épaules, elle voulut dire un "Tant pis" pas forcément déçu, mais plutôt neutre. Ce n'est pas grave si elle n'y parvenait pas maintenant, peut-être réussira-t-elle un autre jour. En attendant, elle comptait bien profiter de sa présence autrement qu'en lui soutirant des informations.

Gloussant d'un ton amusé, Yrelith s'en alla en gambadant... Avant de reprendre sa forme originelle, déployant ses grandes ailes afin de pouvoir s'envoler. Son plumage brillait de milles feux sous l'astre lumineux, elle battait des ailes pour gagner de la hauteur. Enchaînant quelques pirouettes aériennes, elle stationna et, bombant sa poitrine, poussa un majestueux cri. Mélodieux, harmonieux, peu de qualificatifs pouvaient parfaitement décrire ceci. Baisant son regard vers le sol, elle put facilement retrouver Vy, en bas. Qu'attendait-il pour la rejoindre ? Aurait-il oublier comment s'envoler ? L'idée la fit rire, puisqu'après tout, voler, c'est certainement la seule chose que savent faire correctement les Cianopsittas. Elle poussa un second cri, appelant son congénère à venir à ses côtés.

Elle gloussa d'amusement. Vy, qu'au début elle croyait cloué au sol, volait plutôt bien, maintenant, malgré ce qu'elle pensait, elle se rendit compte qu'il n'était pas si mauvais que ça. Elle, elle ne savait pas parler... Mais on va dire, pour équilibrer, que lui, il ne sait pas faire d'acrobaties aériennes. Maintenant soulagée par ce rééquilibrage réalisé personnellement, Yrelith pouvait voler l'esprit tranquille. L'air de rien, se voir inférieur à quelqu'un l’horripilait désagréablement, au point que cela devienne une obsession de chercher la petite bête afin de révéler les défauts au lieu de s'affliger des qualités. Oubliant rapidement ce détail, une autre sensation, plus terrifiante qu'autre chose, envahit la Cianopsitta. Qu'était-ce ? Devrait-elle seulement poser cette question ? Puisque, après tout, elle en avait déjà une bonne idée...

Guidée par la peur, Yrelith s'envola loin d'ici... Avant de tourner la tête vers son nouvel ami, criant de détresse pour qu'il la rejoigne le plus rapidement possible. Poussée par des idées horribles, elle chercha à se dissimuler quelque part... La falaise, un peu plus loin, semblait receler diverses cachettes, ce qui saura convenablement l'aider à s'en sortir. Filant entre les feuilles, elle parvint finalement à découvrir une cavité qui saura les dissimuler des regards indiscrets. Attendant Vy à l'entrée, elle pénétra à l'intérieur de la grotte en première, s'hâtant de s'enfonçant jusqu'au bout d'un tunnel avant de se rouler en boule, plongée dans l'épouvante. Comme si cela était instinctif, elle reprit sa forme humaine, son chaperon usé la recouvrant entièrement tandis qu'elle était assise sur le sol, dos au mur, répétant sans cesse le même mot.

Elle entendit Vy parler, mais ses gémissements plaintifs ainsi que son esprit étouffé sous les pensées obscures qu'elle avait de l'avenir l'empêchait de comprendre quoique ce soit. De toute manière, réconfortante ou non, la Cianopsitta ne voulait pas entendre sa phrase. Difficile à exprimer ce qu'elle désirait à cet instant, peut-être bien la volatilisation de ces traqueurs qui arpentent le monde à la recherche de proies qui leur rapporteront énormément de gloire et de butins. Peut-être aussi de l'aide... Tellement d'années à être seule, à rester isolée du monde, sans pouvoir discuter, sans pouvoir partager, sans pouvoir comprendre ou appréhender des peuples qu'elle avait pourtant rencontré voilà depuis déjà des siècles. Tant de temps à ne compter que sur soi-même... On en vient presque à se demander si la compagnie d'autrui est vraiment bénéfique pour soit ou pas...

Cependant, à cet instant, Yrelith sentit bien qu'elle ne parviendrait pas à se relever seule. Pour une fois qu'une chose merveilleuse lui arrive dans ce monde, il fallut qu'elle ressente la présence de chasseurs, certainement à sa recherche. Après tout ce temps, elle était enfin parvenue à retrouver un membre de son peuple perdu, et voilà qu'ils risquent d'ors et déjà leur vie... C'en était trop, elle n'en pouvait plus. Fondant en larmes, la Cianopsitta s'enfonça dans la mélancolie. Quand ce monde se rendra-t-il compte que tout ce qu'ils savent faire, c'est empiéter sur la liberté d'autrui simplement par plaisir ? Désespérée, elle ne savait plus quoi faire, car à vrai dire, c'est la première fois qu'elle était aux côtés d'un de ses confrères, comment lui montrer une force qu'elle ne possédait pas ?

Le temps défilait rapidement sans que les deux Cianopsittas s'en rendirent compte. L'un contre l'autre, ils ne firent pas grand chose d'autre qu'attendre que la journée s'écoulait. Les chasseurs avaient disparu, partis. Où ? Sans doute à la recherche d'autres proies plus accessibles. À l'intérieur de la caverne, on entendait les pleurs d'Yrelith, cette dernière se serrant contre le seul être à ses côtés qui pouvait la consoler. Sa tristesse dorénavant calmée, ce furent les dernières larmes de soulagement qui perlèrent sur ses joues roses et son nez rougit de mélancolie. Dehors, c'était les ululements du hiboux qui annonçaient la nuit, et également que plus aucun bipède n'était dans les parages, auquel cas il se serait caché. Bien que le ciel se soit obscurcit, La Cianopsitta n'avait pas sommeil, les derniers évènements qu'elle avait vécu l'avait trop bouleversé pour qu'une quelconque envie de dormir s'empare d'elle.

S'accrochant à Vy, elle ne comptait plus passer ses nuits seule, ses voyages se feront désormais avec sa compagnie. C'est un évènement bien trop fabuleux pour le laisser lui échapper, elle s'en voudrait sans doute éternellement si elle le laisserait s'en aller. Reniflant à cause de son nez enrhumé par ses sanglots, elle chercha tout le réconfort qu'il pouvait lui offrir.

Blottie contre Vy, la Cianopsitta s'était endormie avant même de s'en rendre compte. À vrai dire, elle ne s'en est toujours pas rendu compte. Se serrant d'avantage contre son nouveau compagnon, elle était plongée dans son inconscience, lourde torpeur qui pesait sur ses paupières et qui engourdissait son esprit jusqu'à le rendre inconscient de ce qui lui arrive. Certaines personnes parvienne à en être conscient, Yrelith n'en fait pas partie. Elle faisait même plus partie de ces gens qui ont le sommeil loin d'être léger, sûrement à cause d'être entourée d'oiseaux qui piaillent, des ruisseaux qui coulent et du vent entre les arbres. Jusqu'ici, elle avait toujours eu la chance de trouver un coin tranquille, loin de la civilisation ou des regards indiscrets, sauf certains cas où elles parvenaient malgré tout à en ressortir.

À présent, elle attendait. Quoi exactement ? Le lendemain, en espérant qu'il soit meilleur que les jours précédents. On dit souvent que les espoirs sont des idées infondées de l'avenir, et sur lesquelles il ne faut pas miser beaucoup, pourtant, parfois, il s'agit de la seule chose qui nous reste dans ce monde. Un lendemain meilleur... Plutôt optimiste, comme vision du futur, mais elle avait, en même temps, appris à toujours voir le bon côté des choses. Peu importe quelles atrocités l'attendront, il y aura toujours une faible chance de s'en sortir et de voir à nouveau le jour se lever. Tout ce que souhaitait Yrelith, à présent, c'était être là, à ses côtés. Il y aura certainement des jours où ils seront séparés, mais elle savait pertinemment que, quoi qu'il arrive, il adviendra toujours des évènements hasardeux qui les feront se rejoindre à nouveau. Elle le savait.

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