Perdue dans la forêt... C'est exactement ce que ressentait la Cianopsitta sous sa forme humaine, depuis un petit moment. En fait... Depuis qu'elle est retournée dans cette forêt, elle s'est sentie totalement perdue. Apeurée à l'idée de ne jamais pouvoir sortir d'ici, elle s'entêtait pourtant à avancer droit devant elle, se retrouvant malheureusement parfois forcée à faire un détour, voire un demi-tour. C'était frustrant de devoir parcourir en sens inverse un chemin qui fut fort difficile à emprunter, mais bon... Quand on y est obligée, on a pas trop d'autres choix. Cela devait bien faire une petit heure qu'elle s'est empêtrée dans ce dédale, mais elle ne voulait pas reprendre sa forme originelle, pas tout de suite.

Cependant, malgré ce silence perturbé uniquement par les piaillements des oiseaux, quelque chose la dérangeait... Quelque chose, ou quelqu'un. Après toutes ces années à être traquées, elle avait pris l'habitude de sentir une présence humanoïde dans les parages. Se retournant pour observer les alentours, elle ne vit rien au premier coup d'oeil... Rien au second non plus.... Peut-être se faisait-elle des idées. Reprenant sa route malgré cette pesante gêne d'avoir l'impression d'être suivie, Yrelith regardait consciencieusement là où elle marchait. Elle avait déjà goûter à la douleur de la chute plusieurs fois, mieux valait ne pas recommencer ça trop fréquemment. Une branche craqua dans son dos... Vivement, elle se retourna, apercevant enfin la silhouette de celui qui la poursuivait depuis avant. Choquée, elle fut tétanisée. Qui étai-ce ? Que lui voulait-elle ? Déjà la dernière fois, elle fut incapable de fuir un bipède, alors pour cette fois... serait-ce la fin ?

Peur ? Mademoiselle ? Que lui voulait-il ? En tout cas, il semblait navré de l'avoir approché si vivement et sans prévenir. Un peu plus calmée, Yrelith put plus convenablement le détailler. Il ressemblait à n'importe qui, c'était d'apparence un humain, sûrement quelqu'un de passage... Ou pas, sinon il ne n'aurait pas poursuivi jusqu'ici. Avant de pouvoir s'exprimer, Elle dû s'éclaircir légèrement la gorge, libérant ses cordes vocales, pour enfin... Parler, si on peut dire ça comme ça.

Bon, c'est sûr que, niveau expression, la Cianopsitta n'était pas très douée. Ayant seulement l'habitude de crier ou de piailler, sa voix n'était pas... Entraînée à être utilisée de façon si complexe. Tout ce qu'elle pouvait espérer, c'est d'être comprise... Toussant un petit peu une nouvelle fois, elle voulut tenter une nouvelle approche.

Ohw, malgré le fait qu'elle s'était silencieusement exprimer avant, l'inconnu était quand même parvenu à la comprendre. À moins que ça ne soit que le fruit d'un pur hasard... Ça doit être ça, si on prend en compte qu'elle a trop rarement parlé pour égaler un gamin de quatre ans dans l'expression orale. Donc, il s'appelle Vy... Sauf erreur de sa part, ce prénom ne fait pas très "humain". Bah, les noms sortent parfois d'imaginations si débordantes qu'on peut trouver de tout, mais ce Vy... Il ne dégageait pas la même odeur que les autres bipèdes, malgré les petites traces que l'on pouvait sentir, ni la même sensation, lorsqu'on croisait son regard. Au lieu de lui vouloir du mal, qu'importe de quel angle on le regarde,ses yeux paraissaient plutôt... Familiers.

Sûrement une autre feinte de ces fichus chasseurs. Vivement, elle se retourna avant de s'enfuir d'ici. Loin d'être habituée à cette forme, elle s'en sortait encore pas mal, après tout ce temps à marcher au milieu de nul part. Durant sa fuite, elle ne prenait pas le temps de regarder derrière elle, seulement là où elle mettait ses pieds et là où elle les mettra. Apeurée, Yrelith failli céder aux larmes, car malgré cette pesante peur de la chasse, elle voulait se retourner pour à nouveau contempler ses yeux...

Yrelith pensait qu'elle pourrait le semer, mais une fois de plus, elle s'était surestimée. La voilà désormais incapable de fuir, la peur la prenait, respirer en devenait étouffant. Il lui faisait face, et pourtant... Rien. Il ne sortait pas de dagues ou d'autres armes dangereuses. Il ne la menaçait aucunement, ni ne voulait juste l'effrayer. Il restait là, planté devant elle.

Comment le disait-il ? Après des années de recherches ? Que recherchait-il de si important ? Pourquoi la poursuivre si ardemment alors qu'il était à la recherche de quelque chose ? Peut-être...

Pareils... Que voulait-il dire par là ? Serait-il... Comme elle, un membre de ce majestueux peuple ? Les larmes continuaient de monter en elle. Après toutes ces années... Tout ce temps... En voila un, juste en face d'elle. L'un de ses congénères. C'était impossible autrement, son âme et son coeur lui assurait qu'il s'agissait bien d'un Cianopsitta, tout comme elle. Fondant en larmes, Yrelith s'approcha lentement de celui qui se prénommait Vy. Une fois qu'elle fut à moins d'un mètre, elle put pleinement s'en apercevoir, son regard, comme le sien, ne venait pas du monde des humains.

Souriante, elle pleurait de joie. Elle voulait tant reprendre sa forme originelle, mais, étrangement, elle n'y parvenait pas, elle n'en avait pas envie. Ce qu'elle souhaitait en cet instant, ce n'était pas voler ou piailler, mais rester là, à le regarder, à le contempler. Pour la première fois depuis trop longtemps, elle avait enfin retrouver une trace de son peuple.

C'était donc vrai, ses larmes étaient justifiées, son bonheur et sa joie étaient fondées sur une réalité. L'être qui, en ce moment même, vint la prendre dans ses bras, il s'agissait bel et bien d'un de ses semblables. Noyée dans le bien-être, Yrelith ferma les yeux, profitant de cet instant du mieux qu'on le pouvait. Des siècles à parcourir le continent, des décennies à chercher ici et là, tant de solitude et de moments durs pour, enfin, profiter de cet instant. Elle qui était seule depuis si longtemps, c'était mieux qu'un soulagement, mieux que simplement la joie de ne plus vivre en solitaire. C'était purement le comblement de son bonheur. À présent, après avoir enfin retrouvé quelqu'un qui ne lui est pas différent, plus rien dans ce monde ne pourra la rendre plus heureuse que maintenant.

Comment elle s'appelle ? Ça fait si longtemps qu'elle n'avait plus entendu son propre nom à elle se faire prononcé. Elle le connaissait par coeur, c'était inscrit dans son esprit, elle ne pourrait jamais l'oublier.

Après sa réponse, elle gloussa gaiement. Il avait accepté de lui apprendre à se passer de potion, elle pourra enfin reprendre sa forme de Cianopsitta sans regret pour que, plus tard, elle puisse se retransformer en humaine. Ça peut toujours servir, si jamais, mais c'était surtout le fait qu'elle n'aura plus la crainte de regretter d'être revenue sous son apparence originelle. Prise d'une pulsion, elle vint rapidement déposer un baiser sur la joue de son congénère... Avant de rougir timidement, comprenant mal pourquoi elle a agit ainsi... Peu importe, elle avait senti un petit pic de bonheur en elle à cet instant, et cela suffisait pour la faire sourire avant de reculer prestement en gloussant. Décidément, être humaine, ça ne changeait pas que son apparence. Mais, maintenant, ce qui importait pour elle, plus qu'autre chose, c'était d'apprendre ce nouveau sortilège. Yrelith s'inclina humblement en avant, voulant affirmer qu'elle était désormais prête.

En temps normal, Yrelith aurait roucouler et sautiller de joie... Mais pourquoi la complimente-t-il à cet instant, alors qu'il devrait plutôt être en train de lui enseigner ce nouveau savoir magique ? Enfin bref, au lieu de se perdre dans ses pensées, elle tenta plutôt de l'écouter... Maintenant, il lui parle de pourchasse. Mais... Ça doit être l'émotion de voir un de ses congénères après toute cette solitude. Elle le comprenait, elle aussi elle était heureuse... Et pourtant, actuellement, c'était apprendre une connaissance supplémentaire qui la rendait si jouissif, pas vraiment sa présence... Dissimulant du mieux qu'elle peut sa tristesse, elle écouta ce qui semblait être cette fois la "recette de cuisine" du sortilège pour redevenir humaine.

... Il chantait dans une langue étrangère ? Tout ce qu'elle comprenait, c'était "humaine"... Décidément, elle n'était pas sortie de l'auberge. Penchant sa tête sur le côté, elle tenta tout de même de faire de son mieux pour comprendre ne serait-ce qu'une bribe de ce qu'il lui racontait. Dommage, il venait de finir... Elle émit un léger piaillement, un peu comme si un bipède aurait dit «Euuuh...». Finalement, la voilà sous forme de Cianopsitta... Pour un bon moment. Bah, au moins, ce fut une agréable expérience, d'avoir été humaine. Dommage qu'elle ne comprenne rien de ce qu'il lui dit.

Il faut qu'elle intègre... Une apparence humaine... Donc, si elle comprend bien, elle avait déjà trouvé la bonne réponse en pensant qu'il s'agissait d'une erreur puisque ça semblait trop facile... Feignant d'avoir finalement compris, Yrelith releva la tête et ferma les yeux, se concentrant sur son apprentissage. Elle n'avait pas eu l'occasion de se voir dans un miroir auparavant, donc à part user de son imagination, elle n'avait pas trop d'autres options pour recouvrir sa forme humaine. Deux bras fins, des mains élancées et des doigts méticuleux, de longues jambes, des pieds plutôt petits, et pour finir... Un visage juvénile, révélant toute l'innocence de son âme. Cette image d'elle même la fit sourire intérieurement.

Rouvrant ses yeux, elle était fin prête maintenant... Bon, c'est beau, elle se visualisait, mais... Y'aurait pas une technique ? Parce que là... À part continuer à s'imaginer comme tel, Yrelith ne parvenait pas à réussir grand chose de magique. Elle s'approcha de son congénère avant de le pousser doucement du bec, voulant qu'il l'aide, lui donne un tuyau, une astuce qui pourrait l'aider. Peut-être si elle y mettait un peu plus d'énergie... Nan, ça ne changera pas grand chose, elle sait à peine manier le vent, donc faire émaner l'énergie pure de la magie, ce serait trop compliqué et loin d'être de son niveau, même si l'idée est tentante...

À nouveau, il lui parla de "peau" et de "humaine". Ça semblait glauque et morbide, et pourtant, elle semblait plus ou moins comprendre qu'il s'agissait tout bêtement d'immerger sa conscience à l'intérieur de ce corps imaginaire. Hochant brièvement la tête, elle releva la tête et ferma à nouveau les yeux. Re-visualisant sa forme d'humaine, elle se focalisa sur son esprit pour que ce dernier investisse le nouveau corps. C'était un processus lent, et également légèrement douloureux, mais la magie faisait son effet. Pour une seconde fois durant cette existence, Yrelith s'était transformée en une humaine, ravissante et infantile. Inspirant profondément avant de souffler doucement, elle rouvrit ses yeux, laissant paraître des perles orangées dans ses yeux. Ses iris, flamboyants, se posèrent sur Vy... Avant de sourire et de se hâter d'aller lui sauter dessus, se blottissant toute contre lui.

Les deux Cianopsittas se retrouvant à terre, elle n'osait plus bouger. Pas parce qu'elle pensait qu'elle lui avait sans doute fait mal, ou encore moins à cause de la timidité, puisqu'elle est collée contre lui, mais plutôt... Parce qu'elle se sent incroyablement bien, dans ses bras. Fermant ses yeux, elle voulut profiter de cet instant magique, elle voulait que ce moment s'éternise, que même le temps ne saura les séparer. Relevant la tête, elle croisa le regard de son congénère, ce qui la fit sourire joyeusement, en même temps elle chercha un mot qu'elle avait entendu quelques fois de la bouches des bipèdes. Elle en connaissait vaguement la signification, mais elle savait au moins le sens qu'il impliquait.

Lorsqu'il prit la parole, Yrelith remarqua qu'il semblait non seulement terriblement gêné, mais également... Qu'il était devenu tout rouge. C'est drôle, ça, elle n'avait jamais fait attention à ce détail, est-ce que tous les humains peuvent rougir de cette manière, ou bien cette colorisation est due aux plumes de leur peuple ? Aucune idée, elle finira bien par le savoir un jour, si elle parvient à voir le visage d'un humain devenir aussi rouge que le sien. Cependant, le plus drôle dans l'histoire... C'est qu'il balbutiait. Avant, il ne bégayait pas autant, il semblait même plutôt très sûr de lui, alors pourquoi d'un seul coup il trébuche sur les mots ? On dirait qu'il parle aussi bien qu'elle... Ah tiens, en pensant ainsi, la Cianopsitta se rappela que, comme elle ne maîtrisait pas bien l'utilisation de la voix orale pour parler, Vy le lui apprendrait. L'aurait-il déjà oublié ? Bon, rafraîchissons-lui la mémoire.

Ses yeux brillaient, impatiente de savoir communiquer aussi bien que lui. Il lui avait dit que cela pourrait s'avérer utile pour elle, à l'avenir, alors pourquoi attendre ?