La nuit était noire, sans lune. L'air était froid, sans merci. Lentement, la meute progressait dans une plaine désertique et gelée, Thran en tête.
L'hiver semblait interminable, la nourriture s'était faite rare, contraignant la meute à quitter le couvert de la forêt de Drayame. Malheureusement, le blanc-manteau s'était étendu sur la totalité de Terra et bien vite, les rangs de la meute s'étaient éclaircis. C'est le froid qui vint ôter la vie des plus jeunes durant leur sommeil, quelle triste vision que celle d'un jeune lycan mort de froid. Puis vint la faim, les plus faibles succombèrent bien vite, et désormais de la meute, il ne restait plus rien qu'une pauvre troupe.
Thran ne pouvait chasser ce sentiment de culpabilité qui grandissait en lui, jours après jours. Ses muscles criaient au martyr, mais son esprit était resté vif et son instinct de survie, aiguisé. Il avait conscience que bien vite, la faim et la fatigue l'emporterait sur la raison, mais il voulait repoussé l'échéance, ne serait-ce que quelques heures. La meute avait besoin de repos, de nourriture. La glace crissait sous les pattes du vieux lycan qui jeta un coup d'oeil derrière lui.
Le moral était au plus bas, la fatigue était telle qu'il pouvait presque la palper. A ce rythme, ils ne passeraient pas la nuit.
"Encore un effort"
Sa voix se voulait rassurante, forte, il devait l'être, pour lui, mais aussi pour la meute. Il ne pouvait pas abandonner, pas maintenant. Et pourtant... Thran était fatigué, épuisé, agonisant. Il se surprit à rêver de la mort, de ses bras glacés qui, pensa-t-il, l'était peut-être moins que le vent furieux qui venait mordre son flanc.
Le lycan chassa cette macabre pensée de son esprit, tandis qu'à l'horizon semblait se dessiner la forme d'un bois. Une illusion ? Thran n'en était pas certain, mais il se devait d'aller jusqu'au bout des choses, sous le couvert du bois, ils trouveraient un endroit ou dormir à l'abri du vent, et avec un peu de chance de la nourriture, ne serait-ce que des insectes ou des baies. Ils ne pouvaient, de toute façon, pas faire marche arrière. Car la meute ne cherchait pas qu'à fuir l'hiver.
Il fallut un peu plus de deux heures à la triste bande pour arriver à l’orée du bois. Les arbres étaient recouverts de glace, le sol était gelé, il y avait très peu de chance de trouver âme qui vive dans tel endroit. Après quelques minutes de pseudo exploration, Thran opta pour une petite caverne qui les protégerait correctement du vent. Les dieux de la forêt les avaient peut-être bénis car il ne fallut que quelques instants à Thran pour trouver des baies comestibles. Repas de fortune, mais repas tout de même. Après un partage équitable entre les différents membres de la tribu, la triste troupe put enfin se repaître, avant de sombrer côte à côte dans un profond sommeil telle une masse de poil sur un sol rocheux.
Thran ouvrit les yeux, combien de temps avaient-ils dormi ? Lentement, Thran s'extirpa de la masse anonyme de poil que formait sa meute endormie. Ses muscles le tiraillaient mes une odeur étrangère à celle de la forêt était venue chatouiller son museau. Sa curiosité l'emportant il quitta le couvert de la caverne pour suivre la piste portée par le vent. Après quelques minutes d'une marche lente, le lycan arriva à la limite du bois. Il comprit alors.
Au loin dansaient, inquiétantes et dangereuses, les flammes de grandes torches. Le désespoir submergea le lycan, la meute n'était pas en état de se battre, et ces humains ne semblait pas prêt d'abandonner leur traque. Thran avait conscience de ce que recherchait ces hommes, la fourrure de loup, comme celle de lycan, était en cette période de froid, une denrée rare et hautement convoitée. Ainsi, c'était l’appât du gain qui allait pousser ces hommes à tuer des êtres affaiblis.
La rage vint chasser le désespoir. La folie des hommes allait une nouvelle fois détruire ce qu'il avait mit tant de temps à bâtir. La meute avait souffert de la faim, du froid et de la solitude, évitant, sous les instructions de Thran, les villages humains. Mais les chasseurs étaient intelligents et étaient venus les débusquer jusque dans leur territoire. En temps normal il aurait fallut peu de temps à une meute de lycan pour se débarrasser de ces nuisibles, mais le froid et la privation leur avait ôté toute force.
Thran rebroussa chemin, aussi vite que possible, pénétrant en toute hâte dans la grotte, réveillant les siens et leur intimant de quitter le bois, sans lui. Il était fatigué de fuir. Avec un peu de chance, il arriverait à retenir les chasseurs assez longtemps pour que la meute réussisse à fuir, avec un peu de chance il arriverait à survivre. Sans plus de cérémonie, Thran quitta la meute.
Tapis dans les ténèbres du bois, le lycan observait les silhouettes se rapprocher. Ils étaient bel et bien à leur recherche, une dizaine d'hommes vêtus d'armures de cuir, une chance pour lui. L'adrénaline irriguait son sang si bien que la douleur de ses muscles ne fut bientôt qu'un vague souvenir. Thran était un guerrier, il avait conscience que l'effet de l'adrénaline ne tarderait pas à s'estomper et que ses forces le quitteraient, il ne pouvait pas faire dans la finesse.
Ce soir, il avait soif de vengeance, soif de sang. Son corps fut pris de spasmes tandis que s'opérait la transformation.
Un hurlement sauvage jailli de sa gueule tandis que l'homme, désormais sous sa forme hybride, se ruait en direction des humains. Ses yeux animés par les flammes d'une haine animale. Il ne lui fallut que quelques foulées pour atteindre le groupe de chasseur, les griffes du lycan vinrent sectionner la carotide d'un premier humain, qui s'écroula dans un gargarisme des plus jouissif. Un sourire carnassier avait alors illuminé la face de l'homme, ou du moins de la bête. Une lame siffla dans l'air, agilement Thran esquiva la frappe, décrivant à son tour un arc de cercle avec son bras, ses griffes tailladant le visage de l'humain qui recula en hurlant. Sans plus attendre le lycan sauta au visage d'un troisième chasseur, ses dents aussi aiguisées que des rasoirs venant perforer la boite crânienne du pauvre diable qui mourut sous le coup.
Une flèche vint se loger dans l'épaule du guerrier, Thran rugit tandis qu'intérieurement son être brulait. Rapidement il délogea la flèche et fit face au restes de ses ennemis. Ils avaient utilisé de l'argent, fort heureusement pour lui, l'arc de mauvaise fortune n'avait pas permis à l'archer de tirer avec suffisamment de force pour que la flèche ne perfore efficacement sa peau. Tandis que la douleur irriguait son être, la fatigue vint alourdir son esprit. Après avoir démembré un quatrième assaillant, les griffes du lycan vinrent se frayer un chemin dans les entrailles d'un cinquième.
Ses mouvements étaient de plus en plus lourds, de plus en lents si bien qu'il n'était plus apte à esquiver les assauts de ses ennemis. L'argent avait entaillé une grande partie de son corps et le sol glacé de la plaine était recouvert de son propre sang. Thran hurla, tombant à genoux tandis qu'il arborait sa forme d'humain.
Ses yeux étaient froids. Il ne restait plus que cinq chasseurs... Il était à la fois si proche et si loin de son but.
"Tu t'es bien battu l'animal, mais c'est fini." Beugla un des chasseur.
Épuisé, Thran ne voulait plus lutter. Un des hommes se saisit d'un sac au sol avant d'en extraire le contenu et de le jeter aux pieds du lycan abasourdis. La tête d'un autre lycan. L'image de ses frères de meutes ainsi décapité s'imposa à son esprit, faisant grandir en son coeur une rage inégalable. Sans plus se soucier de sa propre vie, Thran dégaina une de ses longues dagues, cette dernière fila dans l'air avant de se joncher entre les yeux du chasseur.
La surprise ralentie les réflexes des autres, profitant de cette ouverture, le guerrier effectua une roulade, extirpant la dague de la tête du mort, sectionnant les tendons d'un premier chasseur, puis l'acier vint trouver chemin entre les jambes d'un second. Il ne fallut pas longtemps à Thran pour égorger les secondes, tandis qu'au sol gémissait encore l'homme désormais femme. Sans plus de pitié il s'agenouilla, extirpant avec soin les globes oculaires de l'homme encore vivant.
"Ainsi tu ne verras pas les portes de l'enfer qui t'attendent mon ami."
L'acier vint caresser la gorge de l'homme, désormais mort.
Thran était sévèrement blessé, au loin résonna un cri qui déchira le ciel. Thran tomba à genoux, il comprit alors qu'il n'avait décimé qu'une partie de la troupe de chasseur qui avait très certainement encerclé le bois et capturé ses frères.
Il courût, en vin, ne trouvant que les restes d'une courte bataille... Il comprit alors qu'il en était fini de sa meute. Désormais seul, seul avec sa haine, Thran devait survivre, survivre pour faire payer à ses humains le prix de leur folie. Mais avant ça, il avait besoin de se nourrir, et quelle meilleure nourriture que celle d'un gibier qu'on vient de tuer, et par la grâce des dieux, il disposait de 10 cadavres frais pour retrouver des forces tandis que le bois lui offrirait le couvert qu'il avait besoin pour passer l'hiver.