- Citation :
- « Raconte ta toute première sortie à l'extérieur du château, jusqu'à ton retour. Tu insisteras sur tes impressions et sentiments face au monde inconnu et ce fameux vent, sur tes éventuelles rencontres...etc De même que sur les ruses utilisées pour t'enfuir et revenir. »
‘’Pour la dernière fois, c’est non.’’
Ton sec, réponse claire, sentence irrévocable. Encore une fois, on l’empêchait de sortir de ce maudit château. Ses demandes quotidiennes aboutissaient toujours à un refus catégorique qui ne laissait d’ailleurs pas envisager d’évolution dans l’immédiat. Mais Ur voulait tant sortir ! Il était pris au piège ici, enfermé dans une prison dorée et réduit à lire des livres qu’il aimait quelques mois plus tôt, devenus à présent une véritable torture, une injure lancée à son esprit curieux, à sa soif de découverte et d’expérience. Un défi lancé à sa motivation et à sa ruse.Unique héritier de la famille, le garçonnet s’était vu doté à son grand désespoir de gardes du corps. Xia et Lagash veillaient sur lui, jour et nuit, et se passaient le tour de garde devant la porte du jeune noble toutes les deux heures d’après ce qu’il avait pu entendre au travers. Ur ne pouvait passer par la porte principale de sa chambre, elle n’était jamais libre et il était hors de question d’en droguer un pour s’échapper, l’autre aurait tôt fait de remarquer le disfonctionnement, se serait précipité dans la chambre de son client et aurait constaté son absence. Le procédé aurait à la rigueur pu fonctionner en les droguant l’un après l’autre, mais il n’aurait été efficace qu’une fois et la supercherie, bien qu’improuvable, aurait été découverte.
Allongé sur son lit, l’apprenti fugueur pensait. Non. Ur avait besoin d’une solution durable et invisible. Il devait pouvoir sortir et rentrer sans attirer l’attention autant de fois qu’il le souhaiterait si l’expérience lui plaisait. Le problème principal était donc ces deux gardes. Dehors, la nuit le cacherait grâce à de simples vêtements noirs et il esquiverait les tournées de surveillance des murs, extrêmement défaillantes, avec de faibles efforts. Dehors … accéder à l’extérieur, directement, sans laisser de traces. Une seule porte lui permettait de s’échapper par le château, mais il lui restait un autre recours pour le moins classique, mais efficace : la fenêtre. Ur se leva et s’enquit des possibilités offertes par l’ouverture murale. De grandes dimensions, elle était composée de deux vitres imposantes encadrées par du bois de chêne vernis. Plus important, le système de verrou était basé sur une poignée accessible de l’intérieur mais impossible à atteindre une fois dehors. Actionnant le mécanisme, le jeune garçon jeta un œil sur la hauteur qui le séparait de sa potentielle liberté. Le sol se trouvait à environ 5 mètres, sa chambre se situant au premier étage, une distance raisonnable pour un saut mais difficilement accessible pour le retour. Comment faire. Observer.
Balayant les environs, et surtout les murs, ses yeux repérèrent très vite la constitution de la façade en contrebas. Des pierres de formes différentes avaient été appareillées entre elles grâce à un banal ciment qui les maintenait ainsi sans soucis de correspondance et de planéité. Avec un peu de chance, Ur pourrait escalader le mur, les pavés irréguliers semblaient en tout cas le lui permettre. Restait le problème de la fenêtre qui ne se fermait pas de l’extérieur. Si les gardiens extérieurs étaient négligents, il ne demeurait pas moins évident qu’une fenêtre du premier étage grande ouverte attirerait à coup sûr leur attention. Le jeune garçon devait inventer un mécanisme lui permettant de maintenir les deux panneaux en place. Il examinait les bords intérieurs du cadre et se rendit compte que l’une des deux servait à bloquer l’autre. Un système de très simple qui nécessitait uniquement un fil résistant et un piton. Restait à trouver cette dernière pièce qui n’était pas l’objet le plus simple à trouver dans un château. Une bonne heure à fouiller la réserve après son entrainement quotidien au cimeterre lui permis d’en trouver un de relativement bonne qualité, après être tombé sur des objets tous plus incongrus les uns que les autres, des figurines représentants des paysans à leurs affaires, d’étranges tubes à bords arrondis dont l’usage lui échappait, ou des bocaux amplis d’étranges mixtures translucides.
18h30, heure du repas. Il ne fallait pas éveiller l’attention des autres par un trop plein d’enthousiasme à aller se coucher, et le temps lui sembla s’être figé tant Ur était impatient. Il prit néanmoins des forces pour cette première nuit qui s’annonçait riche en découverte. Chaque seconde passait et le rapprochait inexorablement de sa sortie nocturne, tous ses sens étaient déjà en éveil. Il observait les convives, cette étrange façon dont les gens mangent, empreinte de mimique et d’expression contradictoire. Comme si cet acte était inconsciemment passionnant. 19h30, le jeune garçon commençait à croire que ses parents étaient au courant et le faisait patienter pour prolonger lui annoncer finalement que son entreprise échouerait. Mais non. Le repas s’acheva sans un bruit, et il décida de monter directement à sa chambre. Il avait réellement du mal à retenir son excitation et son pas dû être un peu trop précipité en sortant de la salle à manger, puisque son père l’interpela :
‘’L’entrainement d’aujourd’hui t’a épuisé à ce point mon fils ? Hahaha’’
Acquiesçant de la tête, un sourire gêné sur le visage, Ur poursuivit son chemin et monta, une fois seul, les marches, quatre à quatre. La pose du piton allait en effet être un peu bruyante et il devait l’effectuer avant l’arrivée imminente de ses gardes du corps. Les rondes extérieures, elles, ne commençait que dans une heure, ce qui lui laissait largement le temps d’opérer de ce côté-là. Marteau en main, il ouvrit les fenêtres et commença à enfoncer le clou à bout recourbé qui lui servirait à accrocher le fil à la fenêtre. Plus vite. Plus vite. Enfin ! Ce satané piton était fiché de façon discrète dans la dalle de pierre qui séparait sa fenêtre du mur du château. La porte s’ouvrit alors que le jeune garçon était toujours penché à la fenêtre, marteau en main. Pas de panique. C’était Xia, qui vérifiait sa présence dans la chambre. Le garde du corps avait visiblement entendu parler des demandes de sortie d’Ur car il s’avança dans la chambre en entamant la discussion :
’’Tu essayes d’imaginer ce qui se trouve derrière cette muraille n’est-ce-pas ?’’
‘’Oui, je ne comprends pas cette interdiction de sortie Xia, je n’ai pourtant rien fait de mal.’’
L’homme s’approchait dangereusement d’Ur qui devait réfléchir vite pour s’en sortir, comment expliquerait-il le marteau ? Il décida tout simplement de le laisser tomber au pied du mur, l’herbe était assez haute pour le dissimuler et il le récupèrerait cette nuit. Au même instant, une main se posa sur son épaule.‘’C’est sans doute ton jeune âge qui les rend très protecteur envers toi. Sois indulgent avec eux, ils t’aiment de tout leur cœur et s’inquiète de ta santé, c’est dangereux dehors.’’
Le garçon acquiesça avec une moue boudeuse, il s’estimait assez grand pour se défendre tout seul. Et il le prouverait à un public absent ce soir.
/!\ EN COURS /!\