Perchée au sommet d'un imposant étalon à la robe gris souris, armurée des pieds à la tête et parée d'un tabard aux couleurs de la maison de la Valériane, la duchesse suivait de près l'entretien de celle qui remplissait le rôle de capitaine de sa garde avec les douanes des frontières Nyrianës. Coutumière de ce genre d'exercices, le capitaine ne tarda pas à conclure les vérifications usuelles et la calèche sensée abriter la duchesse passa à la suite d'un quatuor de cavaliers, suivie par dix autres dont quatre se déployèrent des deux cotés du véhicule dès qu'ils eurent passés la porte. Ils furent bientôt rejoints par l'escorte mise en place par les forces du duché et entrèrent plus profondément dans les terres.

Elle même occupait la position la plus sécurisée de la formation, au premier rang des six chevaliers qui veillaient sur l'arrière de la calèche, et arborait des couleurs similaires à ses "semblables". Le stratagème de l'échange était connu mais toujours fonctionnel, et il lui semblait qu'en dépit de l'alliance naturelle qui existait entre les nobles de l'Empire, il était bon de faire preuve de prudence en terre étrangère.

Les jours qui suivirent son entrée dans le domaine de Nyrianès ne souffrirent d'aucune entrave et elle atteignit le château sans le moindre trouble, quoi que sa suite eut attiré les regards des locaux tout du long de son trajet.
Il fallut que le capitaine règle de nouveaux détails administratifs avant que la suite accède à l'enceinte du château et, une fois à l'intérieur, Caliel et son voisin de convoi mirent pied à terre tandis que l'on ouvrait la porte de la calèche, accueillant la duchesse fantoche avec les honneurs.
Elle portait un voile qui dissimulait l'essentiel de son visage et était renforcé par une capuche, et fit mine d'ordonner à celle pour qui elle jouait le rôle de doublure et à son voisin de l'accompagner à l'intérieur. L'escorte de Nyrianës s'occupa d'installer le reste de la suite tandis qu'un valet accompagnait la duchesse fantoche et ses deux gardiens vers une salle où on leur laissa le temps de s'apprêter.

Profitant du temps qu'on leur accordait, Caliel se défit de son armure, assistée par le chevalier qui l'avait accompagnée, et passa la tenue qu'elle avait pris soin d'emporter sous coffre et sous laquelle elle apparaissait la plupart du temps en public; une robe sans manches à la jupe souple et ample au décolleté pour le moins avantageux quoi qu'il emprisonne sa poitrine dans un étau serré, d'un blanc immaculé marqué par le soleil de la Valériane passée par dessus une chemise combinant des nuances de noir et de gris en bande dont les manches bouffantes étaient emprisonnées sous le montant de gants d'un blanc plus sombre coupés au dessus de la première phalange et s'achevant plus haut que le coude.
Ajouté à cela, un mantelet composé sur lequel on retrouvait l'or et le noir de sa maison, et qui complétait une collerette montant un peu plus haut que sa nuque dont les deux pans -le tout lui assurant par ailleurs une certaine protection contre l'égorgement - , un pantalon en toile épaisse du même blanc que ses gants et des bottines sobres et noires.

Elle laissa à sa doublure le temps d'enfiler l'armure dont elle s'était délestée plus tôt et en profita pour colorer ses ongles d'une touche de vernis noir, seule forme de maquillage qu'elle se permettait avec le trait charbonneux qui marquait le contour de ses yeux.
Elisen, sa favorite parmi les chevaliers de Castelronce et celle qui la servait depuis le plus longtemps, lui tendit sa lance et elle s'en arma comme de l'immense sceptre qu'elle paraissait être, grimée d'une gaine en bois décorée avant d'amorcer le pas, rejoignant le valet qui l'avait accompagnée jusque là.

Il les guida toute les trois dans une série de couloirs, puis s'arrête devant une porte qu'il ouvrit avant de tendre la main vers l'intérieur. Suspicieuse, la duchesse s'avança d'un pas vers l'intérieur et scruta l'habitacle avant de poursuivre sa route en faisant signe à ses deux suivantes de patienter à l'extérieur, les laissant aux bons soins du valet.
Elle s'enfonça plus en avant dans le salon et laissa échapper un bref soupir en inspectant la pièce sous tout les angles tandis que l'on refermait la porte dans son dos.

Tiana de Nyrianës avait décidé de revenir chez ses parents, dans leur duché de Nyrianës, pendant le mois de Sildallunà 114. Non seulement pour se reposer un peu de ses voyages à droite à gauche pour les Adorateurs, mais aussi pour se concentrer sur une chose : le cœur de Caïn. Le premier vampire créé par Nayris devait être dans les parages, du moins elle l'espérait.

Ses parents lui avaient laissé le manoir pour quelques jours, partant pour la cité de Rhetae, où ils avaient décidé de se rendre pour faire le tour du propriétaire ; ils savaient que Tiana saurait gérer le duché sans problème, aussi purent-ils partir en toute tranquillité, laissant aussi à leur fille adoptive le temps nécessaire pour savoir exactement où se trouvait Caïn.

Le treizième jour du mois, alors que la vampire était tranquillement installée dans sa bibliothèque, lisant les différents rapports que ses gens lui avaient fait concernant Caïn, Jar, l'un des domestiques de la famille, vint dans la bibliothèque et lui annonça :

Dame Tiana ? Excusez-moi de vous déranger, mais la duchesse Caliel de la Valériane est ici. J'ai pris la liberté de la conduire à votre salon privé.

La duchesse Caliel de la Valériane ? Ne serait-ce pas l'une de nos voisins ?

Si, madame. Elle doit venir pour une visite diplomatique, sans doute.

Très bien, merci Jar. Puis-je vous demander d'aller préparer une collation pour la duchesse ? Le voyage a dû être assez long pour elle.

Oui, madame.

Et Jar tourna les talons, filant en cuisine, pendant que Tiana refermait ses rapports, les rangeait avant de filer vers son salon privé. Une fois devant la porte, elle salua de la tête un de ses valets et les deux femmes qui l'accompagnaient avant de pénétrer dans son salon.

La personne qui l'y attendait était de dos, quand Tiana entra, mais la vampire put sentir la noblesse qui se dégageait de son invitée. Elle toussota doucement puis, souriante, lui lança :

Dame Caliel ? Soyez la bienvenue dans cette humble demeure. Je suis Tiana de Nyrianës, fille de Lucius et Angel de Nyrianës. Votre voyage a-t-il été agréable ? J'ai demandé à un de mes domestiques de vous faire parvenir ici une collation, je me doute bien que vous devez avoir un peu faim après tout ce temps...

Elle attendit ensuite qu'elle lui fasse face pour l'inviter à s'asseoir dans un des fauteuils proches de la cheminée avant de faire de même ; que lui voulait-elle donc ?

En dépit du fait qu'elle n'ait pas prévenu de son arrivée, Caliel fut surprise par la réactivité de son hôte et lui fit face dès lors qu'elle vint la retrouver dans le salon. Elle inclina sobrement la tête en guise de salut et la laissa à ses présentations qu'elle lui rendit en bonne et due forme, droite et solennelle.

- Je vous remercie de votre accueil, dame Tiana, et, dans un premier temps, permettez moi de m'excusez. Il aurait été plus convenable que je vous fasse parvenir une missive préliminaire pour vous annoncer ma venue, mais j'avoue ne pas y avoir songé. Ma prise de fonction est récente et je croule sous une charge de travail qui ne cesse de se renouveler.

Malgré son habituelle retenue, la duchesse subissait le contrecoup d'un long voyage, et son dos lui faisait encore mal d'avoir autant chevauché. Si ce stratagème était efficace, le confort n'en était certainement pas le point fort, et elle jura intérieurement de ne pas réitérer sur de plus longs trajets.
Conformément au voeu de son hôte, le Séraphin s'installa dans un des fauteuils en face de l'âtre, calant son sceptre contre la cheminée. Elle attendit qu'elle la rejoigne et la détailla avec la plus grande attention.
Discuter avec un vampire n'était pas dans ses habitudes du fait de leur nature profonde, et c'est avec une légère appréhension qu'elle considéra son interlocutrice avant de lui adresser la parole d'une voix calme, affichant comme de coutume une mine composée et impénétrable.

- Le voyage n'a pas été si long, commença-t'elle pour faire écho aux questions de son homonyme, et je le faisais pour la première fois. La découverte d'un nouveau paysage m'est toujours agréable, d'autant que vos terres ne sont pas les moins bien garnies de l'empire. Mais je vous remercie pour le repas, je serais ravie d'en profiter en votre compagnie.

Bien qu'elle fut capable d'enterrer son ressenti et que son visage n'en laissa rien paraître, elle admit intérieurement que cette perspective n'avait rien de réellement réjouissante. Elle se demanda si un vampire était en mesure d'ingérer de la nourriture saine, ou si la duchesse de Nyrianës allait se nourrir à sa manière en sa compagnie.
Cette idée là lui fit presque aussitôt regretter ses paroles; quoi qu'elle fut consciente de ne pas avoir pu faire autrement, ne serait-ce que pour éviter d'offenser son interlocutrice.

- Pour en venir à l'essentiel et vous éviter de perdre votre temps, je suis venue vous rendre visite pour consolider notre...Amitié induite par notre allégeance commune envers l'empereur. Nos duchés sont voisins, et malgré les frontières qui nous séparent, il me semble naturel d'entretenir de bons rapports. Pour notre profit individuel et...dans l'intérêt de l'unité impériale, bien entendu.

Comme souvent quand elle devait traiter ce genre de sujets, elle se devait de choisir ses mots avec précaution. Son mépris des démons de Zelphos était si grand qu'elle avait toute les peines du monde à affirmer de telles absurdités. Le mensonge était monnaie courante dans le monde de la noblesse, mais malgré les dix ans qu'elle avait passée dans ce milieu, elle ne parvenait toujours pas à considérer cela comme normal.

- Je pense que nos productions respectives sont complémentaires. Votre duché est réputé pour sa production massive de lin, le mien pour sa production navale. Hors, nous savons toute les deux qu'il n'y a pas matière plus prisée que le lin pour la constitution des cordes et des voilures les plus solides. J'aimerais que nous nous entendions sur des accords commerciaux dignes d'amis aussi proches par leurs frontières que nous le sommes.

Tiana accepta avec un grand sourire les excuses de son invitée surprise, sur la question de la missive que Caliel aurait dû envoyer pour prévenir de sa venue. Cela ne gênait nullement Tiana, bien au contraire ; elle savait qu'elle ne craignait pas grand-chose, après avoir observé sa voisine et homologue.

Caliel s'installa dans un des fauteuils face à la cheminée, observa Tiana pendant quelques instants avant de reprendre :

- Le voyage n'a pas été si long, et je le faisais pour la première fois. La découverte d'un nouveau paysage m'est toujours agréable, d'autant que vos terres ne sont pas les moins bien garnies de l'empire. Mais je vous remercie pour le repas, je serais ravie d'en profiter en votre compagnie.

Tiana hocha la tête en souriant ; elle avait entièrement confiance en Jar et ses cuisiniers, ils sauraient faire une collation qui plairait aux deux duchesses. Elle nota cependant une certaine gêne après les dernières paroles de Caliel, comme si elle était prise de doutes sur le fait que les vampires ne pouvaient pas se nourrir comme tout le monde.

La vampire ne broncha pas lorsque Caliel lui expliqua la raison de sa venue :

- Pour en venir à l'essentiel et vous éviter de perdre votre temps, je suis venue vous rendre visite pour consolider notre...Amitié induite par notre allégeance commune envers l'empereur. Nos duchés sont voisins, et malgré les frontières qui nous séparent, il me semble naturel d'entretenir de bons rapports. Pour notre profit individuel et...dans l'intérêt de l'unité impériale, bien entendu.

Je pense que nos productions respectives sont complémentaires. Votre duché est réputé pour sa production massive de lin, le mien pour sa production navale. Hors, nous savons toute les deux qu'il n'y a pas matière plus prisée que le lin pour la constitution des cordes et des voilures les plus solides. J'aimerais que nous nous entendions sur des accords commerciaux dignes d'amis aussi proches par leurs frontières que nous le sommes.

La vampire put sentir l'hésitation dans la voix de Caliel lorsqu'elle parla de l'unité impériale, comme si elle n'était pas forcément convaincue de l'utilité de la chose. Au fond d'elle, Tiana savait que les Adorateurs feraient tout pour parvenir à leur fin, la libération de Nayris, Leur Déesse ; ce ne serait pas un bête démon qui les en empêcherait.

Elle se redressa sur son fauteuil puis adressa un sourire rassurant à Caliel avant de répondre :

Je serais honorée et ravie de collaborer avec vous. Et si moi-même n'avais pas trop d'administratif à faire, je vous aurais certainement conviée à en discuter avec moi. Mais vous m'avez devancée, aussi les choses iront-elles assez vite, du moins je l'espère.

À cet instant, Jar entra dans la pièce, portant un plateau où se trouvait la collation prévue, composée de thé, gâteaux au lin assez consistants et de la confiture, puis se retira pour laisser les deux femmes parlementer. Tiana tendit une main amicale vers le plateau en déclarant :

Allez-y, servez-vous. Avant de parler affaires, laissez-moi vous convier au repas du soir et à vous proposer une chambre, afin que vous puissiez vous reposer après ce long voyage jusqu'à moi.

La duchesse de Nyrianës s'était montrée polie et avenante, et Caliel maintint son regard dans le sien tandis qu'elle se redressait sur sa chaise. C'était une belle femme, sans aucun doute, et elle affichait une dignité qui convenait à son rang. Mais c'était un vampire, un monstre de Nayris, et la nature même de son existence était une insulte aux lois édictées par Yéhadiel. La mort ne donnait pas la vie. C'était contre nature.

- Je serais honorée et ravie de collaborer avec vous. Et si moi-même n'avais pas trop d'administratif à faire, je vous aurais certainement conviée à en discuter avec moi. Mais vous m'avez devancée, aussi les choses iront-elles assez vite, du moins je l'espère.

Sur ces mots, le Séraphin tourna à peine la tête vers le serviteur qui exauçait le voeu de sa maîtresse et apportait leur repas. Si elle s'était attendue à être servie rapidement, elle n'avait pas songé à l'être sans délais. Elle le suivit encore des yeux quand il les laissa seules, puis reporta brièvement son attention vers la collation qui les attendaient avant de relever les yeux sur ceux de son interlocutrice.


- Allez-y, servez-vous. Avant de parler affaires, laissez-moi vous convier au repas du soir et à vous proposer une chambre, afin que vous puissiez vous reposer après ce long voyage jusqu'à moi.

- Je vous remercie, fit-elle en remplissant la tasse qui lui était la plus proche avant de s'en saisir et la porter à auteur de poitrine, naturellement, j'accepte votre proposition, je suis éreintée et mes gardiens le sont probablement aussi. J'aime mieux qu'ils soient reposés avant chaque voyage, ils sont plus efficaces. Si je dois rester ici pour la nuit, je vous quitterais toutefois un moment pour aller en informer le capitaine de ma garde. J'apprécierais que vous laissiez à mes guetteurs le soin de veiller sur la chambre que vous m'allouerez.

Le Séraphin ne craignait pas réellement une attaque à l'intérieur du château, mais elle savait que, si elle ne le leur laissait pas cette tâche, ses chevaliers y verraient un affront et passeraient le reste du voyage à tenter de racheter leur honneur en se demandant quelle faute ils auraient pu commettre.
Si elle admirait le sens de l'honneur des académiciens de Castelronce, elle désespérait parfois de leurs raisonnements. Elle porta doucement sa tasse à ses lèvres et ferma les yeux à demi tandis qu'elle accueillait une première gorgée. La chaleur intense du breuvage lui incendia le palais et fit monter une légère rougeur sur ses joues, mais c'était une douleur qu'elle avait appris à apprécier.

- Mon père et prédécesseur privilégiait une économie interne très développée au détriment des relations diplomatiques avec ses voisins. De fait, quand bien même possédons nous nos propres productions de lin, elles sont, de mon point de vue, insuffisantes à la production massive que nous pourrions atteindre avec un apport plus conséquent et régulier. Un apport que vous pourriez fournir, cela va de soi. Quant à la nature des transactions...Eh bien, nous pouvons envisager plusieurs solutions. Ou bien pourrions nous vous céder quelques navires en échange d'un apport permanent, ou bien pouvons nous opter pour la solution plus classique; soit un apport constant en échange d'une somme en phénix d'or semestrielle voire annuelle.

Elle reprît une gorgée plus allongée et darda sur son interlocutrice un regard placide et intense. Pour elle, il était indispensable d'avoir en face de soi le visage de son interlocuteur quand on traitait d'affaires de cet ordre là, car son père lui avait appris à déceler, dans le visage d'un Homme, le mensonge, la vérité et le doute. Et à les exploiter.
La chaleur du foyer la gagnait progressivement, ajoutée à celle que le thé répandait dans son corps, et elle se sentit disposée à prendre quelques aises. Prudemment, le Séraphin reposa sa tasse sur le plateau pour un moment et croisa les jambes tandis qu'elle s'affalait un peu plus sur son fauteuil, étendant les bras le long des accoudoirs pour refermer ses mains au bout.

- Mais peut-être aviez-vous déjà songé à ce genre de procédés, si l'idée d'une union similaire vous avait déjà traversé l'esprit.

Si elle avait gardé un ton neutre, la question était bel et bien là, et elle leva à peine un sourcil en inclinant la tête sur le coté pour le rappeler à son homonyme.

Caliel accepta l'invitation de la vampire à rester au manoir le temps de se remettre du long voyage, ajoutant comme condition le fait qu'elle soit gardée par son escorte. Tiana n'y vit pas d'inconvénient, et hocha la tête pour lui signifier son accord.

Elle se servit ensuite une tasse de thé et écouta attentivement Caliel qui lui expliquait la raison profonde de sa visite au duché :

- Mon père et prédécesseur privilégiait une économie interne très développée au détriment des relations diplomatiques avec ses voisins. De fait, quand bien même possédons nous nos propres productions de lin, elles sont, de mon point de vue, insuffisantes à la production massive que nous pourrions atteindre avec un apport plus conséquent et régulier. Un apport que vous pourriez fournir, cela va de soi. Quant à la nature des transactions...Eh bien, nous pouvons envisager plusieurs solutions. Ou bien pourrions nous vous céder quelques navires en échange d'un apport permanent, ou bien pouvons nous opter pour la solution plus classique; soit un apport constant en échange d'une somme en phénix d'or semestrielle voire annuelle.

Hum... En effet, elle se souvenait des critiques sur le père de Caliel par son propre père à elle, Lucius, disant qu'il était trop refermé sur lui-même, qu'il risquait la ruine tous les jours... Il était intéressant de voir que la nouvelle génération avait décidé de reprendre les choses en main, tant mieux pour eux. Tiana vit la jeune femme croiser les jambes et s'affaler un peu plus confortablement dans son fauteuil avant de reprendre :

- Mais peut-être aviez-vous déjà songé à ce genre de procédés, si l'idée d'une union similaire vous avait déjà traversé l'esprit.

Tiana croisa les doigts devant ses lèvres, réfléchissant à la proposition que lui faisait son homologue, et répondit :

Ma foi, il me semble bien que mes parents avaient parlé d'un rapprochement entre nos deux duchés, lors de votre intronisation, mais nos affaires internes ont quelque peu accaparé notre attention. Du coup, je suis prête à m'adapter à la formule qui vous conviendrait le mieux, très chère. Nous ne manquons jamais de lin, toujours des excédents qui finissent sur les marchés hors de nos frontières ; nous pouvons toujours nous débrouiller, désormais, pour vous vendre le lin à votre prix. Combien y mettriez-vous ?

La question de l'argent... Toujours un moment délicat, certains nobles étant très - trop ? - proches de leurs bourses. La vampire espérait que Caliel n'était pas de ceux-là, et quelque chose lui disait qu'elle était raisonnable.

La duchesse vampire céda au Séraphin ce qu'elle lui demandait et hocha la tête pour lui témoigner de son approbation. Caliel hocha la tête en retour et poursuivit sur sa lancée, accueillant finalement la réponse de son homonyme par un long silence.
Si elle ne semblait absolument pas offensée, elle détourna toutefois les yeux pour regarder les flammes danser dans l'âtre, et se saisit de tasse dont elle déduisit une nouvelle gorgée.
Si elle s'était attendue à devoir conduire des négociations, elle n'avait pas prévu que les choses se dérouleraient aussi bien, et ses calculs préliminaires étaient trop vagues pour être exposés sans que son trésorier n'y prenne part. Naturellement, elle ne comptait pas doter ses voisins de davantage de navires au risque de perdre le seul avantage stratégique que lui conférait sa position; et son domaine était suffisamment riche pour qu'elle puisse se permettre quelques excès.

L'amitié de ses voisins lui tenait à coeur, et elle savait qu'elle aurait bien davantage de difficultés à gagne celle des Féral de l'est, ne serait-ce que de par leur nature démoniaque et ce qu'elle savait de leur caractère sanguinaire.
Elle ne pouvait décemment pas se permettre de laisser ses frontières ouest dans le déni, et le renforcement des remparts qui entouraient le duché passerait pour une mesure préventive douteuse si elle le conduisait sans motif valable. Créer une route commerciale stable, éviter la contrebande, renforcer l'image de son duché; il s'agissait là d'idées qu'elle ne pouvait exploiter qu'en s'accordant en bons termes avec ses voisins.

- Ravie de l'entendre. Nous ne manquons pas de moyens, et de par notre production, l'apport de lin représente l'une de nos priorités commerciale. Je laisserais à mon trésorier le loisir d'établir la somme adéquate avec précision et je vous transmettrais ses réflexions au plus tôt. Par ailleurs, il me faut vous soumettre avec ça un autre projet qui me tiendrait à coeur dans l'optique de favoriser les échanges entre nos deux duchés.

Si la proposition qu'elle s'apprêtait à faire présentait peu de dangers car elle aurait ses avantages pour elle comme pour Tiana, Caliel laissa planer un léger silence et reporta son regard sur son interlocutrice. Elle tenterait, avec celle la, de faire passer le coup d'une proposition plus audacieuse.

- Avec cela, il serait bon d'envisager de consolider la stabilité de nos...Voies d'échange. Présentement, mes murs sont dans un état relativement déplorable, et l'acheminement du lin jusqu'à Kusheth serait...Difficile du fait de l'état des routes. Difficiles parce que nombreux seraient les routiers à profiter des ouvertures qui traversent mes frontières, et de l'état passable de mes routes. Je ne sais véritablement ce qu'il en est de votre coté, mais je suis certaine que nous pourrions envisager une étroite collaboration dans l'optique de favoriser ces échanges, en améliorant la qualité desdites routes. Bien entendu, ma part des frais serait plus importante du fait de leur positionnement, quant aux murs, il en va de mon entière responsabilité, mais il serait préférable pour nous deux que nos chargements de lin et d'or ne souffrent d'aucune attaque sur leurs chemins respectifs, n'est-ce pas ? Elle marqua un nouveau temps de silence et reprît presque aussitôt. Et j'aimerais vous demander, avec ça, de m'accorder une exclusivité sur votre production, moyennant des prix tout à fait à votre avantage. Naturellement.

La duchesse, qui avait jeté un bref regard aux flammes, le reporta sur les yeux et le visage de son interlocutrice pour en guetter la moindre réaction. Elle garda aussi un oeil sur ses mains, qui pouvait parfois trahir des émotions que le visage serait en mesure de dissimuler, et attendit patiemment sa réponse.

Tiana acquiesça lorsque Caliel lui assura qu'elle aviserait avec son trésorier pour fixer le prix de l'échange commercial qui allait être le leur pendant de nombreuses années, du moins Tiana l'espérait. Elle haussa cependant un sourcil lorsque la jeune femme lui fit part d'un autre projet, un peu plus ambitieux afin de davantage lier les deux duchés :

- Avec cela, il serait bon d'envisager de consolider la stabilité de nos...Voies d'échange. Présentement, mes murs sont dans un état relativement déplorable, et l'acheminement du lin jusqu'à Kusheth serait...Difficile du fait de l'état des routes. Difficiles parce que nombreux seraient les routiers à profiter des ouvertures qui traversent mes frontières, et de l'état passable de mes routes. Je ne sais véritablement ce qu'il en est de votre coté, mais je suis certaine que nous pourrions envisager une étroite collaboration dans l'optique de favoriser ces échanges, en améliorant la qualité desdites routes. Bien entendu, ma part des frais serait plus importante du fait de leur positionnement, quant aux murs, il en va de mon entière responsabilité, mais il serait préférable pour nous deux que nos chargements de lin et d'or ne souffrent d'aucune attaque sur leurs chemins respectifs, n'est-ce pas ? Et j'aimerais vous demander, avec ça, de m'accorder une exclusivité sur votre production, moyennant des prix tout à fait à votre avantage. Naturellement.

Cette annonce enchanta Tiana, dont un sourire trahit sa joie : en effet, elle avait eu vent d'une hausse du chômage dans ses terres, et cette perspective de redonner de l'emploi à tous ces chômeurs ne pouvait qu'être une bonne nouvelle. Gardant son sourire franc, elle répondit :

C'est une excellente idée que voilà. Si vous avez besoin de main d'œuvre, je peux vous fournir en ouvriers, parmi tous ceux qui resteront inactifs. Mes propres routes doivent aussi être améliorées en même temps, et j'ai besoin de fournir du travail à tous ceux qui se sont retrouvés au chômage ces derniers temps.

Quant à votre demande d'exclusivité, je vous l'accorde avec grand plaisir ; je peux bien me le permettre, vous êtes la seule de tous mes voisins à en avoir vraiment besoin.

La duchesse de Nyrianës afficha un sourire qui suffit à convaincre le Séraphin de son contentement. De toute évidence, l'accord lui semblait correct; et il l'était sur tout les points, quoi que Caliel lui accordait d'autres intérêts que son interlocutrice ne pourrait pas saisir dans l'immédiat.

C'est une excellente idée que voilà. Si vous avez besoin de main d'œuvre, je peux vous fournir en ouvriers, parmi tous ceux qui resteront inactifs. Mes propres routes doivent aussi être améliorées en même temps, et j'ai besoin de fournir du travail à tous ceux qui se sont retrouvés au chômage ces derniers temps.

Quant à votre demande d'exclusivité, je vous l'accorde avec grand plaisir ; je peux bien me le permettre, vous êtes la seule de tous mes voisins à en avoir vraiment besoin.

La fille de Valériane acquiesça avec calme et lui rendit son sourire, quoi qu'il fut plus solennel. Son plaisir était sincère, car cet accord représentait beaucoup pour elle, mais le sourire était pour elle une arme plus qu'un moyen d'expression, aussi avait-elle peine à l'employer autrement.

- En ce cas il nous faudra correspondre régulièrement pour échanger les plans desdites routes. Il me semble plus convenable de se baser sur un modèle unique, ainsi pourront nous adapter nos moyens de transport en fonction d'un pavage uni et rendre nos transactions plus agréables à ceux qui en seront chargés. Plus agréables pour eux et...plus rapides, pour nous. Quant à ce contrat d'exclusivité, vous ne le regretterez pas; comme je vous l'ai dit, nous y seront toute deux gagnantes, et je m'assurerais qu'il soit honoré pour...l'éternité, termina-t'elle en adressant à son interlocutrice un sourire cynique dont elle n'avait pas l'habitude. Considérer le statut vampirique de la duchesse de Nyrianës avec un semblant d'humour adoucissait ses aprioris, mais elle gardait malgré tout une certaine réserve et craignait toujours pour le diner du soir.
D'une traite, elle acheva son thé qui refroidissait, et reposa la tasse sur la table, laissant intacts les gâteries qui avaient été apportées avec.

- Peut-être pourrions nous envisager d'avoir des discussions plus personnelles, à présent. Si nous devons être amies, j'aimerais mieux vous connaître. Mais je ne sais trop par où commencer, je ne sais de vous que ce que l'on en dit et ce que l'on m'en a appris quand j'ai du assimiler les centaines de pages concernant les différents régents de l'Empire.

- En ce cas il nous faudra correspondre régulièrement pour échanger les plans desdites routes. Il me semble plus convenable de se baser sur un modèle unique, ainsi pourront nous adapter nos moyens de transport en fonction d'un pavage uni et rendre nos transactions plus agréables à ceux qui en seront chargés. Plus agréables pour eux et...plus rapides, pour nous. Quant à ce contrat d'exclusivité, vous ne le regretterez pas; comme je vous l'ai dit, nous y seront toute deux gagnantes, et je m'assurerais qu'il soit honoré pour...l'éternité.

Tiana continua de sourire après cette petite pique ; qu'on lui rappelle sa nature vampirique ne la dérangeait pas, tant que ce n'était pas pour lui nuire. Et Caliel n'entrait certainement pas dans cette catégorie, loin de là.

Tiana reprit plusieurs gorgées de thé et se servit en petits gâteaux, commençant à ressentir une petite faim, quand Caliel, reposant sa tasse, reprit :

- Peut-être pourrions nous envisager d'avoir des discussions plus personnelles, à présent. Si nous devons être amies, j'aimerais mieux vous connaître. Mais je ne sais trop par où commencer, je ne sais de vous que ce que l'on en dit et ce que l'on m'en a appris quand j'ai du assimiler les centaines de pages concernant les différents régents de l'Empire.

La vampire reprit son sourire, posa sa tasse de thé et s'installa confortablement dans le fauteuil avant de répondre :

Ma foi... Ma famille et moi-même étant discrets de nature, ce n'est certainement pas dans les rapports concernant les différents régents de l'Empire, comme vous dites, que vous trouverez les informations plus personnelles. N'hésitez pas à poser des questions, même celles qui peuvent vous paraître déplacées ou indiscrètes, je me ferai un plaisir d'y répondre le plus honnêtement possible. Et ensuite, nous échangerons les rôles, cela vous va ?

Puis elle reprit une autre gorgée de thé pour finir sa tasse, avant de la reposer à nouveau pour porter son attention sur Caliel. Elle était curieuse d'en savoir davantage sur sa charmante homologue...

Le vampire souriait beaucoup, et Caliel se demanda s'il s'agissait d'une façade. Elle s'était attendue à converser avec un personnage froid ou blasé, comme il advenait souvent que soient les immortels passés un certain âge, mais son interlocutrice était particulièrement polie et avenante.
Elle fit, à l'instar du Séraphin, preuve d'un semblant de relâchement et s'installa plus confortablement sur son fauteuil avant de reprendre la parole.

Ma foi... Ma famille et moi-même étant discrets de nature, ce n'est certainement pas dans les rapports concernant les différents régents de l'Empire, comme vous dites, que vous trouverez les informations plus personnelles. N'hésitez pas à poser des questions, même celles qui peuvent vous paraître déplacées ou indiscrètes, je me ferai un plaisir d'y répondre le plus honnêtement possible. Et ensuite, nous échangerons les rôles, cela vous va ?

La discrétion devait être une vertu Terrianne, car rares étaient les familles, à sa connaissance, à exhiber leurs histoires au reste du monde. L'on connaissait généralement l'activité principale du domaine, ses centres d'intérêt publics et ses allégeances, mais rarement davantage.
Elle s'était attendue à ce que Tiana lui en demande davantage sur sa propre famille, mais cela n'impliquait rien qui puisse lui nuire, car les gens de la Valériane étaient honnêtes, droits et ne possédaient surtout aucun véritable lien avec sa nature.

- Eh bien, pour commencer, quelle est votre position dans la famille ? Vous semblez proche du pouvoir, mais m'avez rappelé à plusieurs reprises que vos parents étaient encore en vie. De fait, je suis curieuse; je me demande ce qui peut amener un régent à céder le pouvoir avant sa mort. A moins que vous ne possédiez qu'un des titres qui composent votre duché ? J'ai cru comprendre que votre lignée régnait sur Nyrianës depuis longtemps. Comment avez-vous préservé votre pouvoir pendant la conquête de l'Empire ?

Au travers de ses questions perçaient une réelle curiosité, et la duchesse de Blancval espérait tirer de cet échange davantage que des réponses nettes. Elle ne connaissait pas bien son interlocutrice, et elle comptait profiter de leurs conversations, présente et à venir, pour placer le Vampire dans la bonne position pour éviter le conflit le plus longtemps possible.

- Eh bien, pour commencer, quelle est votre position dans la famille ? Vous semblez proche du pouvoir, mais m'avez rappelé à plusieurs reprises que vos parents étaient encore en vie. De fait, je suis curieuse; je me demande ce qui peut amener un régent à céder le pouvoir avant sa mort. A moins que vous ne possédiez qu'un des titres qui composent votre duché ? J'ai cru comprendre que votre lignée régnait sur Nyrianës depuis longtemps. Comment avez-vous préservé votre pouvoir pendant la conquête de l'Empire ?

Des questions nullement futiles pour Tiana, et même légitimes pour la vampire ; elle n'avait tellement pas l'habitude de se confier, sauf à son cercle intime très restreint, que pour le coup, elle ne savait pas tellement quoi répondre. Elle dut prendre quelques instants avant d'hasarder une réponse :

Normalement, le duché de Nyrianës m'appartient, mais je l'ai rendu à mes parents quand des serviteurs trop... zélés de l'Empire sont venus exercer une certaine pression sur ma personne. Mais je ne désespère pas de surmonter cette épreuve, qui me fait détester la plupart des Impériaux, et de reprendre les rênes du duché quand je me sentirais prête. Et puis, les vampires font peur, d'ordinaire, de par leur nature et parce qu'ils sont obligés de vénérer Nayris, et en ce moment c'est un peu... compliqué, dirons-nous, de se distinguer niveau religion, avec ces Adorateurs qui traînent...

Parlons de vous, à présent : je devine que vous n'êtes pas une humaine comme les autres, mais je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce que vous êtes... Vous m'intriguez, en fait.

Normalement, le duché de Nyrianës m'appartient, mais je l'ai rendu à mes parents quand des serviteurs trop... zélés de l'Empire sont venus exercer une certaine pression sur ma personne. Mais je ne désespère pas de surmonter cette épreuve, qui me fait détester la plupart des Impériaux, et de reprendre les rênes du duché quand je me sentirais prête. Et puis, les vampires font peur, d'ordinaire, de par leur nature et parce qu'ils sont obligés de vénérer Nayris, et en ce moment c'est un peu... compliqué, dirons-nous, de se distinguer niveau religion, avec ces Adorateurs qui traînent...

Parlons de vous, à présent : je devine que vous n'êtes pas une humaine comme les autres, mais je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce que vous êtes... Vous m'intriguez, en fait.

Pas une humaine comme les autres ? C'est ce, dans le discours de la duchesse, qui avait le plus marqué l'esprit de Caliel. Si elle n'en montra rien, elle se demande ce qu'elle avait bien pu laisser filtrer pour la conduire à une telle déduction. A moins qu'elle ne la distingue de ses pairs qu'en rapport à des critères "humains".
Elle fut tout aussi surprise d'entendre la Nyrianës exposer son mépris de l'Empire; un mépris qu'elle partageait bien évidemment mais dont elle n'aurait jamais osé parler dans de telles conditions. Elle se demande d'ailleurs s'il s'agissait d'imprudence ou si Tiana tentait d'éprouver sa fidélité en la poussant à l'erreur. Dans un cas comme dans l'autre, elle préféra éclipser la question et passer à autre chose.

- Eh bien, non, je n'ai rien de particulier, si ce n'est une bonne éducation et de grands projets. Vous devriez modérer vos propos concernant votre haine de l'empire, vous risqueriez d'être...Remplacée, sans cela. J'avoue avoir peine à saisir la manière dont la succession peut fonctionner dans le cas d'une famille de vampire, où l'âge ne compte pas vraiment, mais je suppose que ce genre de pratique est justifiable dans le cas présent.

Quant à la religion...Ne m'en parlez pas, il est difficile de rompre avec des pratiques inculquées dès la naissance. Le peuple de Blancval souffre de ces...changements radicaux, et l'on est forcés de pendre des "hérétiques" régulièrement pour satisfaire le bon plaisir de notre empereur et de ses prêtres. Cela dit, je doute que vous; nous soyons seules à vénérer un autre dieu que celui que l'on tente de nous forcer à aimer malgré sa nature si...distante.

Me concernant, j'avoue que mon histoire présente peu d'intérêts. J'ai été élevée en Blancval, éduquée pour prendre la suite de mon père et...c'est ce que j'ai fait à sa mort. Rien d'original ou qui se distingue des moeurs habituels, en somme.

La réponse de Caliel ne surprit pas tellement la vampire ; le fait qu'elle annonce clairement sa haine de l'Empire n'était pas anodine, quelque chose lui disait que, pour certains sujets, elle pouvait avoir confiance en son homologue et se permettre de se libérer un peu. Et pourtant, elle fut un peu déçue en entendant la jeune femme :

- Eh bien, non, je n'ai rien de particulier, si ce n'est une bonne éducation et de grands projets. Vous devriez modérer vos propos concernant votre haine de l'empire, vous risqueriez d'être...Remplacée, sans cela. J'avoue avoir peine à saisir la manière dont la succession peut fonctionner dans le cas d'une famille de vampire, où l'âge ne compte pas vraiment, mais je suppose que ce genre de pratique est justifiable dans le cas présent.

Quant à la religion...Ne m'en parlez pas, il est difficile de rompre avec des pratiques inculquées dès la naissance. Le peuple de Blancval souffre de ces...changements radicaux, et l'on est forcés de pendre des "hérétiques" régulièrement pour satisfaire le bon plaisir de notre empereur et de ses prêtres. Cela dit, je doute que vous; nous soyons seules à vénérer un autre dieu que celui que l'on tente de nous forcer à aimer malgré sa nature si...distante.

Me concernant, j'avoue que mon histoire présente peu d'intérêts. J'ai été élevée en Blancval, éduquée pour prendre la suite de mon père et...c'est ce que j'ai fait à sa mort. Rien d'original ou qui se distingue des moeurs habituels, en somme.

En effet, pour l'instant, les deux femmes ne seraient pas tout à fait aussi intimes que de vieilles amies, mais Tiana ne désespérait pas. Elle savait que Caliel était une femme - non humaine - de confiance, tôt ou tard elles se comporteraient comme deux vraies amies.

Elle manqua de sursauter lorsque l'on toqua à la porte : Jar, qui avait apporté la collation, entra et signala :

Mesdames, l'apéritif est servi.

Déjà ? Mais quelle heure est-il ?

Six heures et demie du soir, madame. L'escorte de Dame Caliel est prise en charge, et sa chambre est également prête.

Vous êtes une perle, Jar, vraiment... Très bien, nous vous suivons au grand salon.

Jar s'inclina et sortit de la pièce ; Tiana se leva de son fauteuil et invita Caliel à la suivre :

J'avais oublié à quel point le jour tombait vite, en hiver... Allons nous restaurer, nous ferons peut-être plus ample connaissance devant un vrai repas.

Le séraphin venait à peine d'achever sa tirade que le serviteur qui avait apporté leur coupe-faim frappa à la porte et annonça que l'apéritif était servi et que le dîner ne tarderait pas. Il indiqua également l'heure et précisa que la suite de Caliel avait été prise en charge, et la duchesse de Blancval s'étonna encore de la qualité du service de maison de son hôte, tout autant que de la vitesse à laquelle l'heure avait tourné.

- J'avais oublié à quel point le jour tombait vite, en hiver... Allons nous restaurer, nous ferons peut-être plus ample connaissance devant un vrai repas.

La centenaire acquiesça et se redressa avant de se relever et de s'étirer discrètement tandis qu'elle s'emparait de son sceptre. Elle se retourna ensuite vers son interlocutrice privilégiée et hocha la tête pour lui signaler qu'elle était prête, puis lui emboîta le pas aussitôt en se laissant conduire jusqu'à la salle à manger, poursuivant la conversation dans les couloirs.
Ses deux gardiens lui emboitèrent le pas dès lors qu'elles quittèrent le salon, et leur présence lui rappela qu'en dépit de la condition de son hôte, elle ne courait aucun risque.

- Je ne savais pas que les vampires étaient...Forcés de vénérer Nayris,admit-elle en cours de route, j'avais entendu parler d'un vampire du nom de Caïn, qui, de ce que l'on m'en avait appris, avait renié le culte de la déesse et maudissait son nom pour la malédiction qu'elle lui avait infligé.

Ce faisant, elle jeta un coup d'oeil à la duchesse vampire, guettant sa réaction en cherchant à déterminer avec exactitude la considération qu'elle avait pour l'amante déchue de Yéhadiel.

Pendant qu'elles se rendaient au grand salon, Tiana put remarquer que les gardiens de son invitée suivaient cette dernière comme une ombre et esquissa un sourire : Caliel avait la même chance qu'elle, d'avoir des gens prêts à mourir pour leur maîtresse.

Sur le chemin, Caliel fit une remarque fort intéressante pour la vampire qui la conduisait :

- Je ne savais pas que les vampires étaient...Forcés de vénérer Nayris, j'avais entendu parler d'un vampire du nom de Caïn, qui, de ce que l'on m'en avait appris, avait renié le culte de la déesse et maudissait son nom pour la malédiction qu'elle lui avait infligé.

Tiana sourit, se gardant de répondre pour le moment ; poussant les portes du salon, elle put révéler la simplicité doublée de la noblesse de sa famille, avec la petite table dressée avec deux couverts de bonne facture, hérités du temps où Lucius, son père, était encore un humain, et un petit nombre de plats qui trônaient en son centre. La duchesse conduisit son homologue près d'une table basse, un peu à part, où un véritable apéritif les attendait : feuilletés à la viande, verrines de salade aux graines de lin... Vraiment très simples, comme plats.

Tiana invita Caliel à s'asseoir à côté d'elle, sur le canapé derrière la table basse, et fit signe à ses serviteurs, sagement installés près de la table, de préparer les boissons ; ceux-ci s'exécutèrent et s'empressèrent d'aller les chercher en cuisine. La vampire se tourna vers Caliel et sourit :

Pour vous répondre, très chère, Caïn est une exception. Il doit être le seul à considérer sa nature comme une malédiction... En ce qui nous concerne, mes parents et moi, nous nous y sommes accoutumés, et nous arrivons plus ou moins à vivre comme des êtres humains normaux.

Les boissons firent servies à cet instant : deux verres remplis d'un vin rouge rubis furent déposés devant elles avant que les serviteurs ne reprirent leur place. Tiana prit son verre et le leva en gardant son sourire :

À la vôtre, dame Caliel. Et nos relations puissent-elles durer aussi longtemps que dureront notre amitié et nos vies respectives.

La duchesse suivit son homonyme jusqu'à un nouveau salon où les attendaient deux tables dressées pour elles seules et de nouveaux serviteurs. Elle confia son sceptre à l'un de ses deux guetteurs qui allèrent se poster des deux cotés de la porte et rejoignit la vampire sur le canapé où elle l'invitait à s'asseoir.

- Pour vous répondre, très chère, Caïn est une exception. Il doit être le seul à considérer sa nature comme une malédiction... En ce qui nous concerne, mes parents et moi, nous nous y sommes accoutumés, et nous arrivons plus ou moins à vivre comme des êtres humains normaux.

Le Séraphin médita un instant sur les propos de son interlocutrice. Le seul ? Elle se demandait comment l'on pouvait apprécier une malédiction, et s'interrogeait sur ce qui rendait le reste des vampires si satisfaits de leur condition qui les privait pourtant de nombre de ce que leur condition d'humain leur permettait.
Elle fut coupée avant de pouvoir répondre, par un serviteur qui leur proposait du vin et la duchesse vampire qui levait son verre en se tournant vers elle.

Si ce genre de coutumes très Terrianes la dépassaient, Caliel s'empara tout de même de son verre et le fit tinter contre celui de son interlocutrice

- A notre collaboration et à tout ce qui en découlera, incluant notre amitié naissante, tout naturellement, déclara-t'elle avec un léger sourire, portant ensuite son verre à ses lèvres comme l'exigeait le "rituel". Elle prit la mesure du vin qu'elle devait avaler et s'enquit d'une première gorgée très mesurée.
Elle n'aimait pas l'alcool, et dut se faire misère pour ne pas exprimer son dégoût, reprenant rapidement la discussion pour éviter d'en laisser percer la moindre trace.

- Il semble cependant avéré que votre vie sera plus longue que la mienne, ironisa-t'elle sans méchanceté, reprenant un ton plus sérieux pour la suite. Je suis curieuse. Comment se fait-il que les vampires accueillent si bien leur ...Nouvelle condition ? Dans votre cas, je puis le comprendre, si votre famille toute entière est vouée à la nuit depuis longtemps, mais pour un novice qui a toujours vécu le jour, comment peut-il faire une croix sur sa vie d'antan ? Comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu d'autre Caïn qui méprisaient leur situation ? Et...J'avais entendu que les vampires ne vivaient que la nuit, mais vous semblez, à défaut de l'apprécier, très bien survivre à la lumière.

Tiana observa sa vis-à-vis pendant qu'elles buvaient toutes deux une gorgée du breuvage, et remarqua un infime détail que Caliel pensait pouvoir cacher : elle n'aimait pas l'alcool, et de loin. Remarque, Tiana ne courait pas après non plus, mais avez-vous déjà vu un pacte commercial se sceller au jus de fruits ?

La vampire continua d'observer la jeune femme, qui se hâtait de masquer son dégoût en reprenant la conversation :

- Il semble cependant avéré que votre vie sera plus longue que la mienne. Je suis curieuse. Comment se fait-il que les vampires accueillent si bien leur ...Nouvelle condition ? Dans votre cas, je puis le comprendre, si votre famille toute entière est vouée à la nuit depuis longtemps, mais pour un novice qui a toujours vécu le jour, comment peut-il faire une croix sur sa vie d'antan ? Comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu d'autre Caïn qui méprisaient leur situation ? Et...J'avais entendu que les vampires ne vivaient que la nuit, mais vous semblez, à défaut de l'apprécier, très bien survivre à la lumière.

D'autres questions intéressantes que voilà, songea Tiana en reposant son verre et s'autorisant à piocher dans les feuilletés en attendant le vrai repas. Une fois son feuilleté avalé, elle s'essuya doucement la bouche avant de répondre :

Concernant notre famille, mon père n'est pas devenu fou quand Caïn l'a transformé, grâce à sa nature profonde. C'est grâce à sa gentillesse et ses nombreuses autres qualités qu'il est resté maître de lui-même ce jour-là. Après, il est possible que Caïn ait des confrères qui pensent comme lui, mais là, je ne suis pas au courant.

Quant à la lumière... De fait, je n'y survivrai pas si j'étais placée directement dessous, mais je m'adapte à la situation quand cela m'est possible. Sinon, je me déplace la nuit, comme tous les vampires, même si, en ce moment, je fais comme tout le monde : je dors.

Elle adressa un sourire à Caliel avant de la rassurer :

Quant à votre dégoût de l'alcool, je comprends tout à fait. Moi-même n'en suis pas friande, mais avouez que sceller un accord au jus de fruits, c'est étrange... Mais ça pourrait certes éviter bien des désagréments.

Elle se souvint, amusée, des quelques visites diplomatiques qui avaient mal fini, la plupart des protagonistes étant ivres morts à peine le contrat signé...

La duchesse vampire laissa planer un bref silence tandis qu'elle engloutissait une première partie de son "repas", et le Séraphin l'imita davantage par politesse que par besoin. Elle songea aux manières de son hôte tandis qu'elle s'essuyait la bouche avec élégance et se fit la remarque qu'elle n'aurait jamais eu la moindre crédibilité dans son rôle sans les longues années d'exercice auxquelles son "père" l'avait soumise.
Ce constat lui rappela un énième conseil de son maître Séraphin, qui lui répétait souvent, quand elle s'interrogeait sur le but de telle ou telle manoeuvre, que tout était bon à apprendre, et elle le maudit intérieurement car, jusqu'ici, rien de ce qu'il avait pu lui suggérer ne s'était avéré faux.

Concernant notre famille, mon père n'est pas devenu fou quand Caïn l'a transformé, grâce à sa nature profonde. C'est grâce à sa gentillesse et ses nombreuses autres qualités qu'il est resté maître de lui-même ce jour-là. Après, il est possible que Caïn ait des confrères qui pensent comme lui, mais là, je ne suis pas au courant.

Quant à la lumière... De fait, je n'y survivrai pas si j'étais placée directement dessous, mais je m'adapte à la situation quand cela m'est possible. Sinon, je me déplace la nuit, comme tous les vampires, même si, en ce moment, je fais comme tout le monde : je dors.


Le Séraphin hocha vaguement la tête en gardant les yeux rivés dans ceux de son interlocutrice. Elle n'avait pas besoin de feindre son intérêt, car elle considérait que toute information était bonne à prendre concernant un potentiel ennemi. Et les vampires rentraient tous dans cette catégorie, de par leur nature même.

- J'imagine que d'un point de vue général, les avantages conférés par cette situation sont plus nombreux que les...Désavantages. Quoi que, pour ma part, je ne trouve aucun intérêt dans l'immortalité et dans tout ce qui se rattache à votre condition. Votre père a donc été mordu par Caïn lui même ? J'imagine qu'il doit être très âgé. Et vous de même...Un vampire peut-il enfanter, ou bien sont-ils stériles ?

Alors que la situation, jusque là, lui semblait admissible à défaut d'être à son avantage, elle reconsidéra la question quand elle apprît que son interlocutrice était du lignage direct de Caïn. Elle ne savait pas vraiment comment fonctionnent les vampires, mais elle supposa que plus le "donneur" était puissant et ancien, plus le converti avait des chances de le devenir.

- Quant à votre dégoût de l'alcool, je comprends tout à fait. Moi-même n'en suis pas friande, mais avouez que sceller un accord au jus de fruits, c'est étrange... Mais ça pourrait certes éviter bien des désagréments.


Le Séraphin se permit un bref rire nasal, se massant les sinus avec dépit tandis que son hôte lui reconnaissait son embarras avec l'alcool. Elle releva finalement la tête sans se défaire du léger sourire qui s'était installé sur ses lèvres et reprît d'une voix toujours tranquille.

- Si nous partageons le même avis sur le sujet, tant mieux. Et, il y a bien des accords qui se seraient mieux déroulés s'ils avaient été fêtés avec du...jus de fruit, j'en suis certaine. Navrée de vous noyer sous les questions concernant votre ascendance, mais, je me demandais si la puissance du vampire "converti" dépendait de celle du vampire qui le mord ?

- J'imagine que d'un point de vue général, les avantages conférés par cette situation sont plus nombreux que les...Désavantages. Quoi que, pour ma part, je ne trouve aucun intérêt dans l'immortalité et dans tout ce qui se rattache à votre condition. Votre père a donc été mordu par Caïn lui même ? J'imagine qu'il doit être très âgé. Et vous de même...Un vampire peut-il enfanter, ou bien sont-ils stériles ?

Une question que d'autres auraient pu trouver futile, mais Tiana ne s'en offusqua pas. Elle tendit la main vers son verre, avala une gorgée avant de grimacer légèrement et de reprendre :

Hum, je ne vais pas insister avec le vin... Non, les vampires sont stériles, ils sont obligés de mordre pour se "reproduire". En ce qui me concerne, j'ai deux cents ans, donc oui, je suis vieille pour les mortels, mais à jamais figée dans mes vingt ans...

Quelques secondes après qu'elle lui eût assuré qu'elle n'aimait pas non plus l'alcool, Caliel poussa un petit rire puis se reprit, ne dissimulant pas le mince sourire qui s'était dessiné sur ses lèvres, avant de reprendre :

- Si nous partageons le même avis sur le sujet, tant mieux. Et, il y a bien des accords qui se seraient mieux déroulés s'ils avaient été fêtés avec du...jus de fruit, j'en suis certaine. Navrée de vous noyer sous les questions concernant votre ascendance, mais, je me demandais si la puissance du vampire "converti" dépendait de celle du vampire qui le mord ?

Je ne vous en tiendrai pas rigueur, ne vous inquiétez pas. Après tout, nous sommes là pour discuter et faire plus ample connaissance... Pour vous répondre, je suis tentée de vous dire que la puissance diminue entre le vampire qui mord et le vampire transformé. Mais honnêtement, je ne saurais vous répondre précisément, je regarderai dans ma bibliothèque quand j'aurais du temps libre.

Et vous ? Je devine que vous n'êtes pas un être humain normal, alors qu'êtes-vous ? Certainement pas un vampire, vous n'en avez pas l'odeur, pardonnez-moi.

Hum, je ne vais pas insister avec le vin... Non, les vampires sont stériles, ils sont obligés de mordre pour se "reproduire". En ce qui me concerne, j'ai deux cents ans, donc oui, je suis vieille pour les mortels, mais à jamais figée dans mes vingt ans...

Le Séraphin élargit à peine son sourire quand son interlocutrice annonça qu'elle cédait au dégoût pour le vin, et reprît son air sérieux habituel quand elle poursuivit. Elle se demandât comment les vampires pouvaient être si nombreux en dépit de cet état de fait concernant leur mode de reproduction.

Je ne vous en tiendrai pas rigueur, ne vous inquiétez pas. Après tout, nous sommes là pour discuter et faire plus ample connaissance... Pour vous répondre, je suis tentée de vous dire que la puissance diminue entre le vampire qui mord et le vampire transformé. Mais honnêtement, je ne saurais vous répondre précisément, je regarderai dans ma bibliothèque quand j'aurais du temps libre.

Et vous ? Je devine que vous n'êtes pas un être humain normal, alors qu'êtes-vous ? Certainement pas un vampire, vous n'en avez pas l'odeur, pardonnez-moi.

Le Séraphin considéra la question un moment, s'interrogeant en analysant la situation sous différents angles. Si les vampires perdaient en puissance à mesure qu'ils mordaient, elle imagina ce qu'aurait pu donner une armée constituée uniquement par les soins du premier d'entre eux. Les vampires étaient nombreux, mais ceux qui étaient vraiment puissants se faisaient rares, et malgré leurs compétences surnaturelles, les générations les plus récentes étaient, de son point de vue, presque aussi faibles qu'un humain normal.

L'insistance du vampire concernant son manque d'humanité devenait dérangeante. Caliel se demanda ce qui lui semblait si anormal chez elle pour qu'elle doute autant de ce qu'elle avait avancé dans un premier temps. Elle s'était comportée comme une humaine; ouverte d'esprit certes, mais comme une humaine malgré tout, et elle n'estimait pas qu'elle eut eu une réaction disproportionnée à un instant ou un autre.

- Je vous l'ai déjà dit, pourtant : Je n'ai rien de particulier. Je suppose que je suis mieux élevée que certains de mes pairs, que j'ai la chance de bénéficier d'une tête bien faite et d'un corps en suivant. Mais hors de cela, je crains de n'avoir aucune qualité exceptionnelle qui me détacherait de tout autre humain. Ni pouvoir surnaturel, ni force exceptionnelle, ni même l'immortalité.

Le Séraphin marqua un plus long temps de pause et s'interrogea sur la suite de la conversation. Elle engloutit, pour passer le temps, l'une des gâteries qui trainaient sur la table, et jeta un petit coup d'oeil vers la grande table. Elle espérait que son interlocutrice laisserait couler cette question, car même si elle ne manquait pas d'argument, la situation en viendrait rapidement à l'agacer.

- Les vampires sont donc capables de se reconnaître entre eux à l'odeur ? C'est un procédé très...bestial. Et, pour vous épargner davantage de questions sur le sujet, quelles sont vos...positions face à la guerre ? En tant que duché côtier, j'imagine que vous avez déjà subi quelques troubles avec les soldats des Glaces ?

La réponse de Caliel signala à Tiana qu'elle ne voulait pas forcément parler de sa nature non-humaine, et la vampire hocha la tête : très bien, elle n'insisterait pas, elle pouvait parfaitement comprendre que ses interrogations pouvaient mettre Caliel mal à l'aise...

La duchesse attrapa une mignardise et l'avala avant de jeter un coup d'œil vers la grande table, avant de demander :

- Les vampires sont donc capables de se reconnaître entre eux à l'odeur ? C'est un procédé très...bestial. Et, pour vous épargner davantage de questions sur le sujet, quelles sont vos...positions face à la guerre ? En tant que duché côtier, j'imagine que vous avez déjà subi quelques troubles avec les soldats des Glaces ?

Je n'ai pas encore eu de retour comme quoi des soldats des Glaces, mais nous les attendons de pied ferme si jamais ils venaient poser leurs pieds sur mon territoire sans ma permission. Et sur ce, je vous invite à passer à table, mes cuisiniers ont voulu s'essayer à des recettes inconnues jusqu'à maintenant...

Elle se leva, tendit la main à Caliel pour l'inviter à faire de même, et la conduisit jusqu'à la table où elle s'installa, donnant le signal à la domesticité qu'il était temps de servir les plats, toujours dans la simplicité. Une entrée : des asperges à la vinaigrette au lin. Un plat : un agneau de lait grillé avec des graines de lin parsemées dessus. Un dessert : une simple salade de fruits de saison. Le repas se passa sans encombre, et Tiana en fut presque soulagée : aucune question mal placée de la part de chacune pour plomber l'ambiance, qui se voulait bon enfant...

HRP:

La porte de la vaste pièce fut poussée avec force contre le mur alors qu'un homme hors d'haleine, aux cheveux bruns désordonnés et manifestement de classe sociale peu enviable, entra en trombe à l'intérieur. Il crachait pratiquement ses poumons tout en essayant de reprendre son souffle. Il avait copieusement ignorer le garde à l'entrée qui se jeta sur lui pour le maintenir au sol, l'empêchant de faire quoi que ce soit contre la duchesse et sa prestigieuse invitée. L'homme avala bruyamment sa salive avant de dire quelques tons au-dessus de ce qui lui était permis qu'il venait du quartier de la ville où se trouvait la nécropole et qu'il avait un message à transmettre à Madame la duchesse. Prudent, le garde le relâcha avec précaution et se releva tout en dévisageant bien le jeune homme d'une vingtaine d'année histoire d'y déceler la moindre source de mensonge. Si il y en avait, il n'en vit point et recula d'un pas pour laisser le messager dire ce qu'il avait à dire. Celui-ci prit encore quelques instants pour pouvoir parler correctement et regarda le duo de demoiselles d'un air terrorisé.

- Ma... madame la duchesse ! Je... je viens vous informer au nom de tous les citoyens qui se trouvaient avec moi au même instant que... que les morts... les morts se sont réveillés !

Il tomba les genoux à terre et enfouit son visage dans ses mains en gémissant.

- Ils... ils sont trois... trois morts sortis de leur tombe ! Ils étaient... horribles ! Ils se sont approchés de nous. On... on était en train de rentrer de la taverne quand ça c'est passé... On a vu des choses bouger dans le cimetière. Il y avait des bruits bizarres qui arrivait de là-bas. Un de mes amis c'est approché et... et ils l'ont attrapé ! Le temps qu'ils l'emmènent on a pu voir leurs visages à la lueur de la torche... complètement bouffés par les vers ! C'était des morts ! Et ils sont revenus ! Je me suis enfuie comme un lapin... je... je n'ai jamais courus aussi vite...

Il ne put dire un mot de plus et laissa les sanglots de terreur prendre le pas sur les mots. Aucun doute, il était sincère. Le garde hésita quelques secondes avant de le relever et de l'installer à une des chaises avant de lui tendre un verre d'eau. Il n'était certainement pas autorisé à faire cela mais il était certain que sa duchesse comprendrait. Il remettait cet « incident » entièrement entre ses mains. Il se posta devant elle au garde à vous, le visage neutre mais qui trahissait sans peine une vive inquiétude.

- Ma dame, que voulez-vous que l'on fasse ? Je propose que vous vous mettiez à l'abri pendant que je vais vérifier. A moins que vous ne préféreriez voir par vous même. Les gardes ont dû s'occuper de ces... monstres et je pense qu'il n'y a plus le moindre danger.

Rien ne laissait présager que le repas allait virer à 180° ; quand la porte du salon fut ouverte de manière précipitée, révélant un homme complètement essoufflé et paniqué, Tiana sut que quelque chose n'allait pas du tout. Et ses craintes furent confirmées par l'histoire de l'homme :

Ma... madame la duchesse ! Je... je viens vous informer au nom de tous les citoyens qui se trouvaient avec moi au même instant que... que les morts... les morts se sont réveillés ! Ils... ils sont trois... trois morts sortis de leur tombe ! Ils étaient... horribles ! Ils se sont approchés de nous. On... on était en train de rentrer de la taverne quand ça c'est passé... On a vu des choses bouger dans le cimetière. Il y avait des bruits bizarres qui arrivait de là-bas. Un de mes amis c'est approché et... et ils l'ont attrapé ! Le temps qu'ils l'emmènent on a pu voir leurs visages à la lueur de la torche... complètement bouffés par les vers ! C'était des morts ! Et ils sont revenus ! Je me suis enfuie comme un lapin... je... je n'ai jamais courus aussi vite...

Il sanglotait, complètement paniqué et effrayé par ce qu'il avait vu. Et l'annonce de la sortie des morts hors de leurs sépultures n'avait rien de très rassurant. Le garde qui l'avait suivi le fit installer sur une chaise et lui servit un verre d'eau, avant de se tourner vers Tiana pour lui demander avec une inquiétude difficilement masquée :

Ma dame, que voulez-vous que l'on fasse ? Je propose que vous vous mettiez à l'abri pendant que je vais vérifier. A moins que vous ne préféreriez voir par vous même. Les gardes ont dû s'occuper de ces... monstres et je pense qu'il n'y a plus le moindre danger.

Merci, Jak, mais je vais aller voir en personne ce qu'il se passe. Je vous confie dame Caliel, faites préparer Sémillante et je pars sur-le-champ. Veillez à sa sécurité et à celle de ses gens.

Entendu, madame. Soyez prudente.

Tiana hocha la tête et se tourna vers Caliel :

Pardonnez-moi, mais je crains de devoir vous abandonner pour le moment. Restez ici, vous y serez en sécurité.

Puis elle commença à quitter la pièce à grands pas, revêtant le costume de duchesse qui prend soin des gens vivant sur ses terres et prête à les défendre en cas de danger. Il n'est pas dit que ces cadavres ambulants allaient mettre le bazar chez elle, et elle se doutait de qui en était les responsables...

La duchesse, qui considérait jusque là que la journée s'était bien passée, accueillit l'importun avec un regard chargé de menaces. Elle n'aimait pas être dérangée, et considérait que ce genre de demandes devait être rapportée et non traitée directement. Elle s'étonna d'ailleurs que ses deux veilleurs l'ait laissé passer sans l'escorter, puis mit cet écart sur le compte de leur position. Ce n'étaient pas ses terres, ce n'étaient pas ses lois.

Si son premier réflexe, quand l'inconnu annonça que les morts revenaient à la vie, avait été de se relever comme pour s'en aller se saisir de son arme, elle laissa la responsable des lieux s'occuper du manant et se laissa porter par ses réflexions. Si des revenants étaient apparus ici, si proche de ses terres, il était possible qu'elles aient aussi été touchées, et une vague d'inquiétude lui fit regretter que la journée soit aussi avancée.

Pardonnez-moi, mais je crains de devoir vous abandonner pour le moment. Restez ici, vous y serez en sécurité, fit le vampire avant de quitter la pièce avec précipitation. Le Séraphin ne lui en tint pas rigueur et se contenta d'incliner la tête vers elle avant son départ, compréhensive, puis fit signe à l'un des serviteurs avant de lui demander de la conduire à ses appartements.

Elle quitta la pièce sur les talons de la duchesse de Nyrianës - et sur ceux du serviteur - et fit signe à ses deux veilleurs de lui emboîter le pas. La nuit lui serait probablement courte, et, peu avant de rejoindre son lit, elle se mit à faire les cent pas face à la fenêtre de sa chambre. La situation n'avait eu de cesse de dégénérer depuis l'avènement des premiers zélotes de Nayris, et l'absence de Yéhadiel lui faisait douter de la suite des évènements.
Malgré son zèle habituel et sa dévotion, il lui venait encore parfois à douter de la survie de son dieu, et c'est après avoir jeté un dernier regard vers le dehors qu'elle rejoignit son lit et tenta, enfin, de trouver le sommeil.
L'épuisement accumulé tout au long de la journée de voyage vint rapidement à bout de ses interrogations et elle sombra dans un sommeil profond malgré ses fraîches inquiétudes.