Le 10 de Raël 113

Il faisait froid aujourd'hui. Vraiment froid. L’hiver a Sen’rin est parmi les plus rude. L’humidité contenue dans la brume éternelle qui en recouvrait chaque recoin, n’y est sûrement pas étrangère. Même les épais murs de mon manoir ne suffisaient pas souvent à la tenir à bonne distance. Le feu crépitait vaillamment dans la cheminée, apportant un peu de chaleur dans le salon que j’occupais. Assise devant mon bureau, Tarella dormant non loin dans un des recoins obscure de la pièce, je faisais mes comptes avec une satisfaction évidente. Une longue et épaisse cape de velours noire était posée sur mes épaules, auréolant ma sombre chevelure de la fourrure argentée qui en encerclait la capuche. Mes cheveux étaient lâchés aujourd’hui, et un collier aux armoires de ma famille épousait le tour de mon cou. Enfin bref, j’étais aussi bien apprêtée qu’à mon habitude

J’ai commencé la revente de mes potions depuis peu, mais déjà je voyais mon stock diminuer, prouvant la demande et la facilité que j’aurais à gagner ainsi de quoi financer mes activités et passions personnel. Mais hélas, bientôt je n’aurais même plus assez de produits pour continuer mon commerce. C’est pourquoi j’avais fait appel, il y a un mois déjà à l’un de mes fournisseurs pour me faire parvenir des matières premières et en bonne quantité. Hélas, celui-là avait refusé tout net de faire convoyer une telle abondance d’araignées venimeuses et autres substance dangereuse et si facilement repérable. Il craignait pour sa réputation assurément. Mais au moins m’avait-il proposé une alternative, aussi inattendue pour moi qu’inquiétante. Il avait un certain pirate nommé Statch dans ses connaissances. Un pirate qui fréquenterait la grande ville de Sen’Tsura et qui serait probablement partant pour me porter son aide. Le commerçant m’assura qu’en retour d’une prime pour lui et moyennant une somme assez rondelette pour le pirate j’obtiendrais en toute discrétion et rapidement toutes les marchandises les plus sombres que je puisse demander. Ayant une relative confiance en ce marchand qui avait su se montrer constant et honnête avec moi, j’acceptais donc de tenter l’affaire et lui passait ma commande à transmettre comme convenue.

Et depuis lors j’attendais l’arrivée du dit pirate sur mes terres. Je dispose d’une petite crique privée dissimulée dans l’une des failles parcourant les grandes falaises du sud de l’île. Celle-ci permettait l’accostage de chaloupe ou de petit navire. Ayant indiqué l’endroit à mon intermédiaire de fortune chargé de m’envoyer le pirate, j’avais bon espoir de le voir arrivée depuis déjà quelques jours et je dois l’avouer, l’impatience et l’incertitude me pesait. Allais-je seulement voir venir se dit marchand des mers ? L’inquiétude ne m’allait pas au teint. On aurait pu me dire pâlotte si je n’avais pas toujours eu la peau blanche. De plus, l’idée de recevoir un sauvage des mers sur mes terres… Enfin les pirates ne sont pas connus pour être des enfants de cœur, et moi la rustrerie, la violence et tout ça, il n’y a pas grand-chose qui me répugne de plus. Et si l’idée lui venait de me faire du mal… ce ne serait pas mes quelques domestiques qui me seraient d’un grand secours. Je pourrais toujours compter sur mon amie à huit pattes, mais l’idée d’en arriver là me mettait sur les nerfs.

Reposant mes papiers je me callais dans le fond de mon fauteuil, relevant les yeux vers le haut plafond du salon, je laissais libre cours à mon imagination. A quoi pourrait bien ressembler ce pirate qui s’apprête à me rendre visite? Oh ce sera sûrement un hideux personnage ! Recouvert de crasse, de sel séché, et de parasites en tous genre… Je le voyais barbus, aux cheveux en bataille, blindé de cicatrices en tout genre, et pourquoi pas avec un membre en moins. Pour le moins ce ne serait pas la plus agréable de mes rencontres. Au moins tenterais-je de ne pas la faire durer. A condition qu’il arrive un jour… Un jour pas trop lointain tant qu’à faire ! Ce serait mieux pour mon bizness.

Son navire lui manquait. Ça ne faisait que six jours que le capitaine Statch était sur le Brig bien-nommé "Eisenstein" afin d'accompagner comme il se devait ce qu'il espérait être la première d'une longue série de cargaisons, la base d'un solide partenariat avec une certaine Alissya Arachnéa. C'était un marchand de la capitale avec lequel il commerçait depuis plusieurs dizaine d'années qui lui avait offert cette opportunité. Le seigneur pirate n’hésita pas longtemps avant d'accepter. Même la piraterie était affectée durant la saison froide, le commerce se faisait moins dense et les proies plus rares, il fallait trouver une autre source de revenue, comme chaque année avant celle-ci.

Le clan des Varounds avait l'avantage d'une certaine polyvalence concernant les travaux qu'il pouvait réaliser en comparaison avec le clan de Krist par exemple qui ne se complaisait -en général- que dans les bains de sang. Mais malgré cette rentrée d'argent qui se profilait à l'horizon, en même temps que la crique indiquée par le marchand, Feygor avait l'impression d'avoir perdu quelque chose. La barre du petit navire n'avait pas la grâce ni ne transpirait la puissance de celle du Clairon de Nayris. Certes, la compagnie d'Azuria était suffisante à ses yeux pour son bien-être, mais il n'empêchait que les quarante canons et les trois mats de sa frégate lui manquaient cruellement.

Alors que le navire pénétrait lentement dans la crique, aucun pavillon au vent et seulement quelques voiles secouée par la brise glaciale, le capitaine se frottait les mains afin de rétablir un semblant de circulation dans ses articulations endormies. Tirant longuement sur la pipe qui quittait rarement le bord de ses lèvres, il laissa la chaleureuse fumée fruitée lui envahir les poumons et lui réchauffer le reste du corps.

« Carguez les voiles. » ordonna t-il sans même avoir à hausser le ton pour se faire entendre tant le pont était calme.

Très vite, le navire n'était mu que par l'inertie auparavant accumulée qui l'amena lentement à se rapprocher du seul et unique ponton de toute la crique. Alors que ses marins bataillaient en fermant leurs mains congelée sur les avirons qui avaient étés mis à l'eau afin de diriger le bateau en douceur, le pirate admirait le paysage qui l'entourait. Le seul et unique chemin de pierre qui suivait le ponton menait tout droit à un imposant manoir dont la silhouette menaçante dominait l'horizon. Malgré la brume et le vent glacial, il arrivait à distinguer la bâtisse dont la superficie incommensurable le laissait perplexe.

Ce n'est qu'alors qu'il nota les servants qui arrivaient au bout du ponton pour recevoir les marins et la cargaison qu'ils transportaient. Sans doute étaient-ils à la bonne adresse si tel était l'accueil. Lorsque l’Eisenstein s’immobilisa, Statch laissa son second le soin des présentations. Ce dernier indiqua où se trouvait les précieuses marchandises dont s'emparèrent sans plus attendre les domestiques qui entamèrent alors leur longue marche vers le manoir, chargés de trois lourdes caisses.

« J'y vais seul, indiqua alors Feygor à ses hommes. Tâchez de m'attendre et de ne pas boire tout le rhum. »

Le capitaine, haut de son mètre quatre-vingt-dix ne mit pas très longtemps pour rattraper et même dépasser les servants chargés comme des mules. Ses longues enjambés sur l'escalier de pierre qui menait à la demeure de sa cliente était ponctués du tintement métallique du fourreau de son sabre battant contre sa cuisse. Malgré son tricorne et le haut col de son manteau entrouvert, de maigres cristaux de glaces s'étaient formés dans sa barbe et ses cheveux pendant hors de son bandana écarlate.

Lorsqu'il posa ses pieds bottés en face de l'imposante porte du manoir laquelle il frappa du poing à deux reprises, il inspira une énième fois la douce fumée de sa pipe en chassant le givre de sa pilosité dont certaines mèches étaient devenues raides et cassantes à cause du froid. Il avait besoin de quelque chose de fort, et de quelque chose de chaud.

Enfin, alors que j’en étais à mes spéculations et rêveries, l’une de mes servantes vint m’annoncer l’approche d’un navire sur l’entrée de la crique. Me relevant prestement, j’envoyais assez de monde les accueillir et récupérer la marchandise. Curieuse, j’allais me planter à l’une des fenêtres du salon pour tenter d’apercevoir ce navire pirate et ses occupants, mais hormis quelques voiles rabattues sur leurs mats et le début du pont où s’afféraient trop d’hommes, trop loin pour que je puisse les détailler, je ne voyais rien pouvant combler mon regard… Rien… Jusqu’à voir approcher ce géant des mers, aussi imposant par sa tenue que par sa carrure. Je pouvais entendre son pas lourd sur la pierre qui devançait ma demeure, accompagné par le tintement de son arme que je voyais briller à sa ceinture. A l’ombre de mon observatoire improvisé, je le regardais approché sans hélas ne rien pouvoir apercevoir de sa personne. Son chapeau a la forme originale, relevé en trois coins, m’empêchait de voir le visage de mon visiteur. Et son accoutrement bien trop chargé à mon goût, encombrait et me masquait son corps…

Déçue, je m’écartais donc de la fenêtre, envoyant l’une de mes domestiques, une jeune femme blonde qui était rentrée à mon service depuis peu, aller ouvrir la porte à l’inconnu et me le ramener au salon. En même temps je faisais préparer aux cuisines de quoi recevoir notre voyageur comme il convenait, et enfin je retournais m’installer à mon bureau.

Tarella, réveillée par toute cette agitation, vint m’y rejoindre, ses grandes pattes cliquetant sur le bois de la table qui me faisait face. Contente de retrouver sa compagnie rassurante et familière, je la pris délicatement d’une main pour la placer sur mon épaule, où elle se lova sous une mèche de cheveux noir avant de demander.

« -Le stock est enfin arrivé ? Et les pirates ? Tu les a vues ? J’ai faim… On peut aller chasser ? »

Un sourire indulgent parcouru alors mes lèvres. Le pirate était arrivé sur le perron, et la demoiselle que je lui avais envoyé se chargeait de l’accueillir et de le guider jusqu’à moi.

« -Ils sont arrivé. Et on ira chasser plus tard. Avant on a de la visite. Restes tranquille et surtout ne t’écarte pas de moi Tarella. Je n’ai aucune idée de quoi ces bandits des mers sont capables. »

Alors que j’entendais les pas du dis pirates accompagné de ma jeune domestique approcher du salon, je décidais finalement de me relever pour les accueillir plus…. Convenablement. Même si je dois avouer ne rien connaître sur la façon dont il convient d’accueillir ce genre de personnage. Un peu tendue, et franchement curieuse à présent, je lisais nerveusement ma robe et replaçais une mèche de mes cheveux, lorsque la domestique s’effaça pour laisser rentrer dans mon salon le pirate. D’une très subtile révérence, un simple geste respectueux de la tête en gros, je le saluais, tentant de garder pour moi mes appréhensions et mon excitation face à cette nouvelle rencontre. Mon visage se voulait le moins expressif possible, et presque hautain, même s’il me fallait vivement relever la tête pour pouvoir faire face à cet homme.

« -Bonjour monsieur Statch. Soyez le bienvenu au manoir. J’espère que le transport de mes marchandises ne vous aura pas apporté trop d’ennuis.»

Clairement on ne lisait aucune inquiétude sur mon visage, peut-être par ce que je me fichais pas mal des éventuels ennuis d’un vulgaire pirate. Penchant légèrement la tête je laissai mon regard flâner sur ce curieux personnage à la recherche de plus de détails… Il était d’une large carrure, ne semblait ni recouvert de puces ni défiguré de cicatrice. De ce que je pouvais en juger il avait tous ses membres, et visiblement l’air de la mer et la rudesse que devait être la vie sur les flots n’avait en rien émoussé sa prestance. Le teint légèrement halé de sa peau qui avait vu le soleil plus que son compte ne le rendait que plus exotique. Ce ne serait peut-être pas une rencontre si désagréable finalement…

Statch s'inclina poliment lorsque la charmante domestique finit par lui ouvrir la porte. Un jeune femme blonde aux manières timides et maladroites qui lui rendit son salue. « Messire Statch » l'appela t-elle, une marque de courtoisie auquel le pirate n'était pas accoutumé. Il la suivie à l'intérieur non sa la complimenter sur sa candeur :

« Si les rayons de soleils sous tous enfermés dans ce manoir, voilà qui explique le temps peu clément qui règne sur la région. »

Les joues de la jeune demoiselle s'empourprèrent face au compliment flatteur du forban plein de prestance qui vida le foyer de sa pipe sur le pas de la porte avant de la refermer derrière lui. Tapant ses bottes sur le paillasson afin de ne pas souiller la noble demeure de ce qui traînait dehors, il prit la suite de la jeune domestique qui ne pouvait s'empêcher de lancer des regards emplis de curiosité derrière elle.

Sans doute ne recevait-elle pas souvent la visite d'homme aussi intrigant que ce cher pirate. Son long manteau noir et sa posture droite lui donnait des allures de faux noble. Il avait cependant ce teint de peau et ces mains calleuses qui supposaient qu'il passait le gros de son temps au grand air. Au détour de plusieurs couloirs interminables, il finit par s'inviter dans un majestueux bureau dont la propriétaire l'attendait de pied ferme.

Elle inclina légèrement la tête et l’accueilli comme il se devait. L'observant de haut en bas, le forban sourit de toute ses dents en appréciant la beauté ténébreuse de la charmante brune qui se tenait face à lui sans sourciller. Il s'attendait plus à une vieille noble aigri renfermer dans son imposante bâtisse et à dire vrai, il était plutôt satisfait de découvrir une vérité toute autre.

« Pour moi, Feygor suffira dame Arachnéa, la salua t-il en retour, inclinant poliment la tête comme cette dernière. Comme vous l'aurez certainement deviné, j'incarne une bonne partie des ennuis que l'on trouve sur les océans. »

C'était à moitié vrai en réalité. Il n'aurait pas été surpris de voir quelques pirates indépendants contrecarrer ses plans et sa livraison mais il n'en fut rien. On n'attaque pas les Varounds sans une excellente raison lorsque l'on tient un minimum à sa vie. Bien qu'assez pacifique envers leurs confères en général, le seigneur Sttach n'était pas le genre d'homme auquel on aimait chercher des poux.

« Hormis le froid, le manque de compagnie chaleureuse et de visages enjôleurs, le voyage s'est déroulé sans accroc ma bonne dame, merci de vous en soucier. »

Bien que pirate par nature, Feygor côtoyait régulièrement les nobles et les bourgeois, il savait ainsi comment traiter avec eux de la meilleur façon possible. Les brosser dans le sens du poil, minimiser ses efforts pour valoriser les leurs et toujours les appeler par leur titre, ça les confortait dans leur puérilité alliant un savant mélange de jeu de rôle et de chaise musicale. La question à la fin c'est « Qui à le titre le plus pompeux ? » et « Comment avoir la chaise du voisin qui à l'air bien plus confortable. ».

En général, ça marchait plutôt pas mal. En général. Statch ressentait une certaine différence concernant celle qui se trouvait devant lui. Peut-être à cause du manque d'ornement sur la parure de la noble dame. Il avait l'habitude de voir ces gens se pavaner avec plus de dorure et de bijoux que celui d'à coté afin d'étendre ses richesses aux yeux de tous. « La richesse, c'est comme la confiture ? » se demanda t-il intérieurement.

Alissya, elle, semblait presque banale. D'une banalité intéressante et avenante si vous demandiez au pirate qui -dès le premier regard- commençait à apprécier la maîtresse de maison.

Les pirates sont-ils tous ainsi? L’homme qui me faisait face n’avait rien d’un sauvage comme me l’avaient décrit bon nombre d’ouvrages au sujet de pirates. Je ne voyais rien en cette homme de repoussant, en vérité je le trouvais plutôt… Canon. Ce qui devait être pratique pour un pirate pensais-je avec un petit sourire amusé. Il ne manquait pas d’éducation non plus, comme me le prouva le geste polis de la tête qu’il me retourna. Et son sourire était… A faire battre le cœur des jouvencelles. Je me serais volontiers laissé prendre à son charme d’ailleurs. Mon dernier amant ayant malencontreusement chuté de la falaise, je devais bien avouer que je n’avais en l’instant aucun mal à voir ce pirate prendre sa place dans mon lit… Mais pour l’instant j’avais d’autre genre d’affaires plus urgentes et productives à voir avec lui. Aussi je repoussais cette idée rapidement.

Feygor donc. Et Feygor avait de l’humour. Même si je ne doutais pas de ses paroles. J’entends bien assez d’histoires de la bouches des commerçant de passage au domaine pour imaginer de quoi étaient capables les pirates. Et à voir celui qui me faisait face, et l’arme qui pendait a sa taille, je n’avais aucun mal à concevoir la violence qui pouvait découdre de leur voyages. Mais la nouvelle de ma livraison sans encombre me retira une sacrée épine du pied ! Le tact n’étant pas vraiment mon point fort, je répondis donc de but en blanc.

« Parfait ! Vue le temps qu’à mis cette marchandise à venir jusqu’à moi, il aurait été vraiment regrettable pour moi qu’elle m’arrive amochée. Ces petites bêtes sont tellement fragiles ! Et tellement inutile une fois morte. »

Une plainte a peine voilée. En somme, le voyage de cet homme que je ne connaissais ni d’Eve ni de Yehadiel, ne m’importait que bien peu, si ce n’est qu’il avait été trop long à mon goût. Seul la marchandise qu’il me portait et qu’il me porterait à nouveau dans des temps à venir comme je l'espérait avait de l’importance. Néanmoins, la bienséance oblige, et le plaisir de recevoir un peu de fraicheur exotique me rendant plus agréable, je repris d’une façon bien plus avenante, et faussement désolée.

« Hélas, je crains que vous ne soyez contraint de vous restreindre à ma personne pour ce qui est d'une d’agréable compagnie. Ne serait-ce que le temps que nous ayons fini de passer notre accord et que je vous libère de mon domaine. Je ferais donc de mon mieux pour me montrer chaleureuse. »

« Fricottes pas avec le pirate Lissy, il va te jeter aux requins ! » Me prévint ma familière bien plus avisée que moi, alors qu’elle s’avançait sur mon épaule pour mieux observer l’homme à son tour.

Je l’ignorais royalement, la laissant faire à sa guise. Et tandis que la jeune servante de plus tôt s’avançait discrètement dans l’entrebâillement de la porte de mon bureau, accompagnée d’une autre femme plus âgée et rondelette, celle chargée des cuisines, je proposais à mon convive.

« Peut-être seriez-vous plus à même de parler affaire après un repas chaud ou une quelconque boisson ? »

Plus commercial que jamais Statch acquiesça face à la critique non dissimulée de la dame concernant le délais de livraison.

« Les vents n'ont pas étés des plus généreux malheureusement. » s'excusa t-il platement sans pour autant montrer la moindre émotion, de la même façon que l'aurait fait un militaire devant son supérieur.

Observant un peu plus son interlocutrice pendant qu'elle lui parlait, Statch prit le temps de noter chaque détails dans un coin de son esprit. Ses longs cheveux noirs aux reflets étrange s'offraient une descente vertigineuse au delà même de sa fine taille somptueusement sculptée. Une sorte de beauté ténébreuse et perturbante émanait de la jeune noble qui semblait bel et bien vouloir en jouer d'après son discours.

« Je suis certain que votre compagnie sera plus que suffisante ma chère. » lui confirma t-il en affichant un sourire aux multiple facettes qui scia son visage en deux sans discontinuer lorsque l'araignée montra le bout de ses mandibules dans le dos de la noble.

À bord d'un navire, toutes sortes de créatures proliféraient, jouissant d'un environnement propice à leur développement. Les rats tapent dans les réserves, se fond dévorer par les serpents qui attirent les mouches offrant alors les repas aux araignées. Un véritable écosystème vivant auquel le vieux forban était accoutumé depuis bien longtemps.

Remarquant alors soudainement l'arrivée des deux servantes accompagnées de victuailles appétissante et enivrante, il fut soudainement moins pressé de régler les affaires commerciales qui le liaient à Alissya pour profiter de son hospitalité. Un repas chaud ou une quelconque boisson ? Ce genre de choix lui faisait penser au d'autre décision cornéliennes qu'ils avaient dû prendre dans d'autre circonstance, mais ici, son hésitation ne fut que de courte durée :

« Je vais prendre les deux si vous n'y voyez pas d’inconvénient. »

Choisir entre le beurre et l'argent du beurre n'était pas le genre de la maison. Seul les faibles d'esprits et les impertinents sont confrontés à ce genre de choix. Un dicton de l'archipel disait qu'il fallait prendre tout ce qu'il passait sous la main, prendre le beurre, l'argent du beurre et se faire la crémière c'est ça ?

Réchauffé par la chaleur ambiante d'un confort incontestable, le pirate se débarrassa de son manteau et d'une de ses ceintures à laquelle pendait son précieux sabre pour le tendre à la servante qui accepta les effets du forban avec un grand sourire. Ajustant sa chemise blanche entrouverte, il s'approcha de la tablée, désireux de découvrir tous ce que Alissya lui réservait.

Je laissais là ses excuses, montrant d’un petit geste de la main l’intérêt que j’y portais. Mon sentiment était donné, je n’attendais aucunes réponses en retour. Pas la peine d’en faire toute une histoire, la livraison étant finalement arrivée intacte et avant que mon stock ne se soit éteint. Je devrais tous juste avoir le temps de préparer ma prochaine commande. Et puis, il me semblait difficile de demander d’avantage que ces quelques excuses inespérées de la part d’un pirate… Tout charmeur et charmant soit-il ceci dit.

Feygor ne sembla pas montrer la moindre réaction de recule face à l’approche de mon amie Tarella, ce qui ne me le rendis que plus agréable, et il me rassura sur la suffisance de ma compagnie. Un pirate canon, sans peur et sans reproches ? J’en doute pour le dernier point mais je ne saurais le lui reprocher. Ceci dit, je ne reteins pas mon plaisir face a sa flagornerie, celui-ci se dessinant sur mon visage en un sourire malicieux et faussement flattée. Honnêtement, il n’aurait pas été bon pour nos affaires qu’il en soit autrement je l'avoue. Flatter ma beauté et mon égo est certainement la meilleure manière de pousser les négociations en sa faveur… Je me laisse prendre au jeu avec un plaisir si évident, et je n’en ai jamais assez ! Même si je suspectais Feygor d’en avoir fait au minimum pour le coup.

« -Il va te bouffer faudra pas venir te peindre… Et si tu lui fais du mal alors ce sera son équipage qui te jettera aux requins… Et moi je serais obligée de te suivre. Tu auras nos deux morts sur la conscience Alissya. » Jugea bon de me préciser ma famillière toujours aussi ronchonne avant de retourner se cacher sous mes cheveux, se désintéressant de nous. Une perspective pas forcément repossante cela dit...

« -Je prends note Tarella… » Lui répondis-je un peu agacée, dans un murmure en espérant que cela reste assez discret.

A l’approche de mes servantes, il se mit à son aise en retirant veste et ceinture d’armes pour leur remettre. Avec un plaisir évident je laissais mon regard parcourir chaque partie de son corps à présent dévoilé, suivant les lignes de son torse à la peau légèrement halée… Ce pirate était décidément un véritable appel au désir. Cette attitude effrontée qu’il avait et cette désinvolture me le rendait incroyablement attirant. Quel ennui serait de retrouver ces fils de bonne famille avec leur attitude blasée et leur apathie… Il m’en était presque tentant de faire durer les négociations justes pour pouvoir me repaitre plus longtemps de sa présence. En espérant que durant notre entretien son équipage ne soit pas tenté de piller mon domaine.

Reportant mon attention sur mes servantes pour les envoyer à leurs tâches respectives, mon regard tomba sur la jeune nouvelle, dont les joues me semblaient aussi rouges qu’après une paire de baffe. Elle reluquait MON pirate, MON invité l’effrontée ! … Et ne se cachait pas de montrer ce qu’elle en pensait avec le sourire niais ridicule et parfaitement déplacé qui se dessinait sur ses lèvres ! Cette petite pucelle effarouchée allait me le payer. Quelle profites en attendant... Gardant mon calme habituelle et ne laissant rien paraître de mon trouble si ce n’est un petit pincement de lèvres agacé qu’elle comprit rapidement. Je décidais de garder pour plus tard l’esclandre que je lui réservais, préférant me retourner vers une perspective plus agréable.

« -Très bien ! Le souper sera servi d’ici peu si cela vous convient, mais que puis-je vous faire apporter d’ici là ? Que bois un pirate ? »

Puis d’une main je lui indiquais une table en bois vernis, une œuvre ancienne aux gravures stylisé qui était entouré de chaises doublées d’un molleton noir et or, aux armoires de ma famille. Tous chez moi respire le luxe et la sobriété. J’aime les belles choses, j’aime le luxe, pas le ridicule ni l’ostensible.

Statch ne nota pas le regard plein de reproche que la noble jeta à sa servante. Il aurait sans doute cherché à la disculper s'il savait, considérant la pauvre jeune femme comme asservie à sa maison de la même façon qu'il le fut autrefois à un maître tyrannique. La pauvre. S'il n'était pas la pour affaire, il aurait tout fait en son pouvoir pour rendre la liberté de l’innocente créature mais ces idéaux et autres tergiversation devront se taire pour l'instant.

Le pirate acquiesça poliment à l’affirmation de la maîtresse de la maison concernant le souper. Feygor, à défaut d'être groumant, était un gourmet qui appréciait la bonne cuisine et il avait déjà hâte de découvrir quel fin repas avait été préparé pour lui et la jeune noble. S’asseyant alors sur les confortables chaises qu'il aurait presque qualifié de fauteuil tant il se sentait bien installé dessus, il laissa ses omoplate s'appuyer en douceur contre le dossier rembourré puis ses longues jambes s'étendirent en douceur jusqu'à ce que la pointe de ses bottes se lèvent légèrement.

« Je suppose que la culture populaire nous dépeint une bouteille de rhum à la main par vrai ? »

Il sourit et secoua la tête. Cette image était plus tenace qu'une tache de sang sur une chemise blanche par Nayris. Les préjugés concernant les pirates n'étaient vraiment pas flatteurs en général. Balafrés, violents, bagarreurs et goujats, ils avaient tout pour eux décidément :

« Le rhum pour la plupart des bouteilles n'est pas chère, fort, et infecte. C'est pour sa première qualité qu'il est comment à bord mais en tant que capitaine, j'ai le plaisir de goûter à autre chose. De ce que je me souvient des uses et coutumes, on boit le vin à table alors je vais prendre un bon verre de Scotch je vous prie. »

Une boisson à l'image du forban qu'il était. Fort et sec mais pourtant raffiné, plus subtile qu'il n'en avait l'air. Une fois la boisson servie, il attrapa le verre dont la transparence cristalline en était presque irréel. Observant l'ambre du spiritueux devant l'âtre de la cheminée, il admit un hochement de tête satisfait avant de humer les arômes que lui réservait la douce boisson.

« À une rencontre attrayante et un partenariat profitable. » lacha t-il en levant son verre pour l'entrechoquer avec celui d'Alissya.

Goûtant au doux liquide ambré qu'il savourant longuement avant de daigner l'avaler en faisant claquer sa langue sur son palet, visiblement satisfait.

« Alors dites-moi à présent, qu'est ce qu'un humble forban peut faire de plus pour vous dame Arachnéa ? »

Voyant le pirate prendre place sur le siège désigné, je m’installais à mon tour face à lui, de l’autre côté de la petite table ronde, laissant avec un plaisir non feint, mon dos rejoindre la fraîcheur et la douceur du velours recouvrant le dossier. La chaleur toute relative qui inondait la pièce, me faisait presque oublier la rudesse du temps dehors et la froideur qui tentait inlassablement de se répandre entre mes murs. M’assurant qu’il ne manque pas de munition pour ce guerrier presque silencieux qui menait son combat entre les pierres de l’âtre d’un rapide regard, je reportais ensuite mon attention sur Feygor, m’amusant de sa façon de se mettre à l’aise. Il étirait tant ses jambes qu’elles auraient pu en butter contre les pieds de mon assise si celui-ci n’en avait pas mesuré la portée. A sa remarque concernant l’image dépeinte sur ceux de son espèce, je ne pus retenir un petit rire, celui-ci s’échappant de mes lèvres, que je couvrais immédiatement d’une main pâle avant de hocher la tête, pour lui répondre, d’une voix tintée d’amusement.

« -Vous êtes sûrement bien placé pour savoir comment les brigands des mers son repeint de pars le monde… Je suspect les colporteurs de ces idées, d’avoir eu même eu quelques différent avec certain de vos collègues… Ceci pourrait expliquer l’idée qu’ils s’en seront faits. »

Prenant note de son explication, je pensais avec un peu de gêne masquée à la bouteille de rhum qui attendait justement dans la cave d’être ouverte, hélas, elle y resterait sûrement longtemps finalement n’aillant jamais compris qu’on puisse avoir goût à un tord boyau pareille. J’hochais ensuite la tête à sa demande, qui me surprit légèrement par son raffinement et la preuve d’une éducation qui me semblait un peu décalé avec la nature de pillard des mers. Cependant encore une fois je ne laissais rien paraître de ma surprise, et je fis donc signe à la jeune et impétueuse domestique de servir monsieur, exigeant pour ma part qu’elle remplisse mon verre de ce liquide sombre et sirupeux que j’affectionnais tant. Un breuvage certainement moins noble mais bien plus délicat en palais que le scotch demandé par mon invité, qui semble t’il était tout à son affaire. Gardant ma coupe de cristal dans une main, je laissais les parfums de miel et de baies m’entourer doucement, tout en dévorant le pirate des yeux. Je le vis apprécier la vue, puis l’odeur du millésime qui lui avait été servi, puis levant mon verre à mon tour dans un sourire charmeur, je trinquais avec lui.

« -A une rencontre certes attrayante et captivante, et à un partenariat certainement profitable… »

Je goûtais à mon tour au morat qui m’avait été servi, appréciant comme toujours la note fruitée et délicate, ainsi que l’épaisseur sucrée qui nappait mon palais et toute l’intérieur de ma bouche pour se rependre dans ma gorge en douceur. Un délice comme toujours. Rassurée par le plaisir que semblait prendre mon convive à déguster son verre, je renvoyais la jeune domestique a ses corvées, d’un geste peut être un peu sec de la main. Celle-ci n’ayant pas oublié la punition qui l’attendait déjà déguerpit sans même un regard en arrière, même pas pour ce splendide pirate qui semblait tant la fasciné. N’y portant aucun intérêt, je ne remarquais même pas cet empressement, et gardais toute mon attention sur celui-qui me faisait face. Cependant je restais silencieuse un instant réfléchissant à la réponse que j’offrirais a sa dernière question, cherchant les mots qui ne me mettraient pas en défaut tout en permettant à cet homme de comprendre ce que j’attendais de lui… Pour ce qui est des tâches officielles que je lui réserve.

« -Et bien, comme vous aurez certainement pu le comprendre ou l’imaginer, mes activité toutes personnelles, réclames un approvisionnement assez fréquent dans des matières aussi dangereuses que redoutés… J’ai besoin d’un convoyeur de confiance, et qui connaisse le sens même du mot discrétion. J’ai aussi besoin qu’il garde pour lui ses interrogations sur ces dites activités. Je saurais me montrer généreuse envers celui qui acceptera de me rendre ce service… Son prix sera le mien. »

Puis après une seconde de silence, un regard perçant et enjôleur bien appuyé et un sourire déjà charmé, je lui demandais.

« Ce rôle est-il dans vos corde ? Serez-vous cet être de confiance ? »

Le pirate écouta attentivement ce que la noble avait à lui dire. Parmi toutes les conditions qu'elle imposait pour l'éventuel partenariat qui naissait entre les deux individus, aucune ne posait véritablement de problème à Statch. Il n'avait pas la moindre idée de la marchandise qu'il avait transporté jusqu'ici hormis le fait qu'elle tenait dans une caisse bien trop petite pour que ce soit un homme et bien trop trouée ainsi qu'agité pour qu'il ne s'agisse que de marchandises conventionnelles, mais son analyse s'arrêtait ici. Il ne lui serait d'aucun usage d'en savoir plus que cela.

« Vous savez, commença t-il en posant son verre à moitié vide sur la petite table qui les séparait. On dit que l'Homme -au sens large du terme- est un très mauvais juge quand il parle de sa personne. Si je vous affirmais qu'une telle tâche serait trop ardue pour moi reviendrait à faire ressortir la part humble de ma personnalité. Au contraire, être catégorique sur le fait que j'incarne la personne de confiance que vous cherchez montrerait plutôt du doigt une assurance peut-être trop importante. »

Nerveusement, il se mit alors à se gratter le menton en cherchant comment répondre correctement à Alissya. Il était prêt à travailler pour elle du moment que les marchandises qu'elle lui demandait de transporter entraient dans le cadre de son éthique, loin d'être très contraignante. Ses affaires ne le concernaient pas tant qu'elles ne projetaient pas d'ombre sur les siennes.

« Je pense donc pouvoir réitérer de tels livraisons en tâchant si possible d'être plus rapide. Ce que vous transportez dans ces boites ne me regarde pas et ne m'intéresse pas à dire vrai, je pense donc pouvoir faire ce travail sans demander la moindre explication. Concernant le tarif, nous pouvons sûrement rester sur le prix agencé à cette première livraison, mais seule vous pourrez me dire si je suis cette personne de confiance.»

Attrapant de nouveau son verre pour le vidé d'une traite en jetant sa tête en arrière, il le reposa en douceur sur la table en notant le regard que la noble lui lançait. Il avait l'impression d'y voir autre chose que de la curiosité, la convoitise peut-être ? Souriant de toutes ses dents en jouant l'air de rien avec les nombreuse bagues et chevalière qui ornaient ses doigts, il affirma pour conclure :

« Sachez tout de même que je suis ici pour combler vos besoins du mieux que je le pourrais et que votre pleine satisfaction est mon seul objectif. »

Statch parlait comme il combattait. Il ne frappait pas beaucoup mais le moindre de ses coups était le fruit d'un calcule mesuré. Sa langue se trouvait être encore plus affûtée que son sabre et les multiples sens qui se cachaient derrière ses paroles étaient choses communes. Alors il composait ainsi, tordant les mots et leurs sens selon ses envies comme le forgeron bat l'acier pour lui donner la forme désirée.

Quittant soudainement sa position nonchalante, affalé dans le fond du fauteuil, il se redressa et posa ses coudes sur ses genoux, se penchant ainsi vers la noble comme pour partager ses confidences avec elle. Il se mit à parler d'une voix plus sourde, enjôleuse et même envoûtante :

« Et dites-moi dame Arachnéa, comment est-ce que l'on occupe ses journées de ce côté de Terra ? Si cela ne fait pas parti des questions que je ne dois pas poser, » précisa t-il quasi immédiatement, cherchant à ne pas froisser Alissya, ne sachant encore quels étaient les limites à ne pas dépasser, il lui fallait avancer à tâtons.

Laissant mon verre tourner doucement entre mes mains, je tâchais d'empêcher mon regard de vagabonder excessivement sur ce pirate qui me faisait face. Me retenant de penser à ce visage à la machoir carrée si masculine, a cette cicatrice fine qui le parcourait négligement, comme un chemin brûlant mes lèvres de le parcourir. Cette barbe naissante, je réprimais un frisson en l'imaginant parcourir ma peau laiteuse. Les lèvres pincées, je tâchais de garder mon éternelle attitude détachée, painant à contenir la chaleur qui s'emparait de mon être lorsque mon regard se posa sur sa bouche, s'y attardant même un instant.

Ce pirate me fait un effet incroyable... Pourquoi? Le goût du risque ou du changement? Me surpris-je à penser, alors que je m'efforçais de détourner mon attention de ses pensées déplacées dans un moment de négociation tel que celui-là... Même si une voix intérieure me soufflait que je n'aurais aucun mal à trouver un accord avec cet homme. Ce que me confirmèrent bientôt ses paroles que je buvais avec un plaisir évident. Enfin je vidais les dernières douces gorgées sucrées de mon breuvage avant d'en reposer mon verre à mon tour puis je hochais délicatement la tête ravie de la tournure de la situation, avant de répondre.

"-Parfait. Dans ce cas je pense que vous ferez parfaitement l'affaire. Pour ce qui est de la confiance laissons-nous le temps de voir ce qu'il en sera, pour le reste je pense que nous avons un accord."

L'attitude si décontractée de ce pirate avait tout lieux de me déconcerter. Non pas que je trouvais cela déplacé, quoique je me serais certainement ombragée d'une telle attitude de la part d'un homme de mon rang, mais de la part de ce Feygor, je trouvais cela... Aussi rafraichissant que captivant. À l'aise dans toute situation, en toute compagnie. Pensais-je à nouveau alors que j'avisais le verre vide qu'il reposait sur la table. J'allais lui en proposer un nouveau, mais alors que j'ouvris la bouche, mon souffle fut coupé par le sourire qu'il m'offrit, alors qu'il jouait avec l'orfèvrerie qui recouvrait ses doigts. Avait-il capté une bride de mes pensées? Répondant à son sourire, d'une façon peut être moins éhonté et évidente, je penchai légèrement la tête sur le côté, curieuse. Un sourcil se leva sur mon visage marquant mon étonnement et alors que je pinçais légèrement les lèvres, intéressée, je tâchais de décrypter la proposition du pirate. Peut-être finalement était-il aussi désireux que moi de combler un besoin qui se faisait plus évident à mesure que le temps s'égrainait en sa présence? Cette tension que je ressentais en le regardant était peut-être partagée?

Me forçant à rester parfaitement immobile, je retenais mon souffle alors que je regardais l'homme me faire face en se penchant sur son siège, son visage a porté de mes lèvres à présent. Il me brulait de le toucher, de l'embrasser, de le goûter, mes yeux en brillaient d'envie, pourtant je tachais de ne rien en laisser paraître... Tachais, car cela n'était vraiment pas évident, même pour une femme de mon rang et de mon éducation. Un large sourire s'étira ensuite sur mes lèvres, clignant des yeux sous la surprise je cherchais comment tourner ma réponse. Comment le guider là où je le voulais, quelques étages au-dessus, sans me montrer déplacée, outrancière, dévergondée, enfin, sans faire honte à ma famille...

Un petit rire cristallin et parfaitement féminin s'échappa alors de mes lèvres, et tandis qu'a mon tour je m'avançais au-dessus de la table, assez proche de lui pour sentir son souffle chaud sur mon visage, comme une délicieuse brûlure avivant encore un peu la tension présente dans la pièce, je répondais d'une voix basse, presque un chuchotement, auquel j'ajoutais un regard complice et charmeur.

"-Je pense que nous ne diffèrons pas de bien d'autres endroits... Il y a bien des manières d'occuper son temps sur cette île. Si ce n'est qu'ici la fraîcheur constamment ambiante, oblige a favoriser les activités d'intérieur. Surtout en cette saison. On a tôt fait de s'y ennuyer si on ne sait comment se distraire.

Et je sais comment me distraire. Tous de suite j'en avais une idée bien précise. Refoulant un soupire à cette idée je restais silencieuse une seconde, inspirant légèrement pour laisser l'odeur salée et qui n'avais pourtant rien de repoussant, bien au contraire, envahir mes sens et affoler mon ceur, puis juste avant de retrouver ma place d'origine contre le dossier de mon fauteuil je rajoutais.

"-Hélas il serait dangereux pour votre équipage de reprendre la mer avec le jour qui défile et cette brume si envahissante. Vous êtes donc mon invité si vous l'acceptez. Et si vous pensez que vos hommes sauront se contenter de votre navire et de quelques ravitaillements que je leur ferais porter."

Me mordant la lèvre inférieure j'attendais de voir quel serait la réaction du forban. J'espérais ne pas m'être trompé sur ses attentions et si je n'ai aucun doute sur l'attirance qu'ont tous les hommes pour moi, je craignais intérieurement me faire apprendre la présence d'une dame pirate, ou tout autre raison qui le détournerait du chemin que je nous avais tracé pour la soirée et le renverrais finir sa soirée a bord de son navire.

HRP:

Le rire de la noble était extrêmement contagieux, tant et si bien que Feygor ne pu retenir un léger rire entendu qui aurait fait tourner de l’œil la jeune servante tombée sous le charme exotique du pirate. Mais malgré cette entente claire entre les deux individus, il demeurait aux yeux du pirate un malaise étrange en la présence d'Alissya. Sa beauté avait quelque chose de dérangeant, à la manière des merveilleuses sirènes qui attirent les marins dans des coupes gorges sanglants et redoutés, cependant Statch aimait le danger. Il souhaitait bel et bien découvrir ce qui se cachait derrière le rideau et il n'allait pas s'en priver pour une stupide intuition.

Il savait précisément de quel genre de distraction elle voulait parler mais patience, précipiter les choses était une très mauvaise manière d'aborder le sujet. Se reculant alors dans son fauteuil un sourire satisfait ornant ses lèvres fines, il s’aventura à souligner les lignes généreuse de la belle Alissya, laissant son regard vagabonder sur les courbes et falaises plus dangereuses encore que toutes celles qui garnissaient l'île de Sen'rin. Les nobles à ses yeux avaient toujours ce petit parfum sucré de l'interdit et de l'inaccessible qui ne faisait qu’accroître cet aura désirable qui en émanait.

Le pirate reçu alors ce qu'il attendait depuis quelques minutes déjà, ne faisant que confirmer ses pensées antérieurs : Une invitation à passer la nuit ici. Lui lançant un regard entendu, il croisa les bras sur sa poitrine tatouée que l'on pouvait entrevoir au niveau du col de sa chemise, il répondit sans aucune hâte et affichant une mine faussement surprise :

« Ce sera avec plaisir que je me plierais à toutes vos invitations, » lui répondit-il, d'humeur joueuse.

Il ne s'était pas rendu à quel point la brume s'était même épaissi au dehors. Il peinait déjà à distinguer son navire à travers la fenêtre qui lui faisait face, juste derrière Alissya. Nombres de navires ayant fait route avec un tel brouillard n'avaient trouvé que mauvaise fortune. Les récifs, une quelconque créature sous-marine ou pire, des pirates. Les océans étaient dangereux et Feygor passerait un nuit bien plus confortable dans le somptueux manoir, il n'avait aucun doute là-dessus.

Mais bien avant de profiter du confort de la bâtisse ou de ses occupantes, le pirate aurait adoré goûter aux autres délices gustatif que l'on pouvait lui apporter. Voilà des mois qu'il n'avait pas mangé à proprement parler et les douces saveurs d'un repas chaud commençaient à lui manquer. Il ne voulait cependant pas brusquer la maîtresse de la maison, il fallait la conforter dans sa position actuelle, elle tenait les rennes, pour l'instant.

Tout comme je l'avais espéré, le pirate accepta mon invitation, et dans un sourire aussi complice qu'entendu je haussais la tête, satisfaite, pour clore ce sujet. Je lui ferais préparer une chambre après le souper, il y en a bien assez dans ce manoir pour en trouver une rapidement apprêtable. Laissant mes yeux vagabonder une nouvelle fois sur le pirate, j'allais lui proposer un nouveau verre lorsque mon regard se posa sur un début de lettrage à l'encre noire qui ornait le torse du pirate. De là je peinais à distinguer le mot qui y était écrit, et la curiosité s'ajoutant au désir je ne pensais plus qu'à retirer cette chemise pour pouvoir évaluer et admirer l'oeuvre qui le recouvrait. J'en étais presque jalouse, enviant la proximité de cette écriture avec le torse musculeux et effrontément attirant de ce forban. Aurait-il l'occasion de voir celui que je cache sous ma robe? Eprouverait-il alors le même désir que moi d'en parcourir chaque ligne de ses lèvres? Un frisson me parcourut à cette idée, et je ne tentais même pas de le masquer cette fois-ci.

Il jouait de sa personne, de sa prestance, comme je savais si bien le faire moi-même. J'aurais presque juré qu'il se jouait du désir qu'il laissa s'insinuer en moi, tel un doux venin réchauffant mes veines et accélérant mon souffle. Cette façon éhontée qu'il avait de me sourire et de me répondre... Cette posture nonchalante qu'il abordait en ma présence... Je laissais la raison dominer mon fantasme, m'empêchant de pousser cette fichue table qui nous séparait pour me lancer sur le champ dans une exploration des plus poussés du cadeau qui ce soir m'était servi sur un plateau.

Plus un son ne sortait de ma bouche et bientôt un silence légèrement pesant se répandit dans la pièce, entrecoupé par la douce mélodie du crépitement des flammes dans la cheminée. Un mélange d'odeurs se répandait dans tout le manoir alors que l'animation en cuisine ne désemplissait pas. Toujours à mon observation muette, je souris amusée à l'idée que tous les pirates puissent être semblable à celui que je recevais en l'instant chez moi. Voilà qui expliquait certainement la véhémence des auteurs de récits les décrivants... N'osant guère risquer de perdre leurs fillettes à la lecture d'un récit décrivant ces tombeurs des mers, ces opalons du large, ils auront certainement préféré les dépeindre comme de vils sombres et hideux personnages. En effet pensais je en me mordant une nouvelle fois la lèvre pour étouffer un petit rire suivit d'un nouveau soupire quelle pucelle toute bien élevée soit elle, pourrait espérer résister aux charmes de cette sirène au masculin? Comment se refuserait elle a s'embarquer à bord de l'un de ces navires pirates sur le champ? Ces récits avaient certainement été fait pour épargner le père éploré qui verrait sa fille ainsi se dévergonder, et éviter de bien tristes sorts à ces pucelles échaudées...

Une tension toujours plus palpable se répandait dans la pièce. Mais heureusement le silence fut bientôt interrompu par l'arrivée de la domestique bedonnante, qui s'approcha visiblement mal à l'aise d'interrompre quelque chose? Quoi? Aller savoir... N'y portant aucune attention, je me relevais donc, replaçant d'une main légèrement moite un pli de ma robe, je m'adressais à mon invité.

"-Le repas est servi... Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre..."

Sans un mot de plus je laissais me devancer la domestique qui retourna à ses tâches attitrées, et m'avançais pour rejoindre le sombre couloir. Des cuisinières et servantes défilaient plateaux en mains pour apporter toutes sortes se mets dans la grande salle à manger. Celles-ci s'écartèrent prestement pour nous laisser passer Feygor et moi, et ainsi nous rentrions dans une grande pièce aux dimensions presque grotesques. Une pièce que je n'occupe que rarement, généralement pour les dîner officiel, mais puisque c'est ici que mes domestiques avaient dressé le couvert, j'acceptais avec bonne grâce de m'installer à la tête de ce qui était une table gigantesque en bois vernis. Un autre couvert était dressé à ma droite, je remerciais mentalement mes employés de ne pas l'avoir installé à l'autre bout, où j'aurais peiné à le dévorer des yeux.

Sur la table se trouvait plusieurs sortes de mets différent tous traiter avec la même application et joliment disposé. Il y avait là un poulet rôti, une pièce de mouton de sel, du poisson, et toutes sortes de fruits et légumes qu'il me plaisait de faire parvenir des quatre coins de Terra. Ce qui me coute une véritable fortune ceci dit au passage, mais rien n'est trop cher pour ce qu'on aime paraît-il. Deux pichets trônaient entre mon invité et moi-même, l'un contenant du vin rouge comme me l'indiquait la robe sanglante de son contenu, l'autre du vin blanc. Au moins y en aurait-il pour tous les palais... Enfin, je laissais le pirate se servir à sa guise. N'étant nullement croyante il n'y aura pas de grâce ni quoi que ce soit d'y ressemblant chez moi avant le repas.

HRP:

Le pirate suivit la noble sans poser la moindre question. Il ne quitta pas une seconde le doux nuage du parfum envoûtant qu'elle laissait derrière elle. Une odeur si féminine et riche à la fois qu'elle en était enivrante, tout autant si ce n'était plus que la vue du déhanchée de la maîtresse de la maison qui se dandinait de gauche à droite sans discontinuer, au détour de chacun des couloirs de la vaste bâtisse. Elle en jouait, ça ne faisait pas de doute aux yeux du pirate qui étaient rivé désespérément trop bas pour respecter les règles de bienséance qu'il devrait suivre en tant qu'invité et obligé.

Ils finirent tout de même par arriver dans la salle où était dressé le souper. La taille de cette dernière laissa Feygor sans voix. Il imagina quelques instants ses hommes célébrer une quelconque prise à cette table lors d'un banquet mémorable, cette vision le fit sourire. Une expression involontaire que lui rendit la domestique qui semblait être tombée sous son charme, pensant sans doute être à l'origine de cette joie. Feygor ne resta pas de marbre pour autant, il lui adressa un clin d’œil discret avant d'aller s'aventurer aux côtés de l'aristocrate.

Observant longuement le banquet qui avait été dressé en son honneur, le pirate se savait où donner de la tête. Quand on se contente de fèves, de viande séchée et de pain pendant des mois, l'odeur et la vue de ce genre de repas pourrait vous faire remontez les lames aux yeux. De par sa condition particulière, Statch ne peut mourir de faim, toutefois, ça ne retire pas le plaisir incommensurable d'un tel repas cuisiné avec soin et partagé avec amour ou désir peut-être. Le poisson, le pirate connaissait, il était certainement proche d'avoir goûté chaque espèce de ces créatures, et ce, à toutes les sauces. Le mouton en revanche, voilà un plat dont un pirate n'a pas souvent l'occasion de profiter.

Baignant dans sa sauce brune au parfum appétissant, la seul pièce qui donnait encore plus au pirate l'envie de la dévorer était assis à sa gauche et semblait observer quelle démarche allait-il suivre. Ne connaissant par particulièrement la façon de faire aux quatre coins de Terra, Statch avait comme habitude de commencer par ce qu'il lui plaisait le plus, -à savoir la viande- qu'il accompagnait toujours d'un verre de rouge. Attrapant alors la cruche avec beaucoup de précaution, il en versa quelques gouttes dans son verre avant d'y tremper les lèvres.

Le doux liquide circula lentement entre sa langue et ses gencives, il libérant tout ses arômes. Minéraux, terreux, rien n'échappait au capitaine qui hocha la tête de satisfaction. Il faisait selon les mesures qu'il avait appris et il continua sur cette lancée en remplissant le verre d'Alissya en premier, puis enfin le sien. Il fit de même quand il commença à découper précisément la pièce de mouton. Maniant le couteau comme un écrivain faisait danser sa plume, il trancha avec une indubitable habilité deux parfaites tranches de viande rosée qui trempèrent allégrement dans leur jus avant de rejoindre les assiettes des deux convives.

Laissant bien évidement l'aristocrate entamer la dégustation, Feygor suivit très vite avec un plaisir non dissimulé. La chair tendre fondait en bouche tant la cuisson était parfaite. Le forban était aux anges, il n'en perdait pourtant rien de sa prestance. Appréciant la viande comme le ferait un paysan, il la dégustait pourtant comme un noble, avec contenance et classe, et ce, sans cesser de lancer des regards chargés de sous-entendus à Alissya. S'arrêtant quelques instant pour profiter d'une gorgé du breuvage à la robe sanglante, il s'adressa à son hôte une fois la bouche parfaitement vide :

« Dites-moi, commença t-il, malicieux. Aviez-vous entendu parlé de moi auparavant ? Que raconte t-on du capitaine Statch par ici ? » l’interrogea t-il, plus par curiosité que pour flatter son ego.

Il les avait toute entendue sur son compte, vraiment. Entre ceux qui l'accuse de cannibalisme, les autres qui penses qu'il n'est rien d'autre qu'une création de Nayris, Feygor n'avait pas finit d'en rire, mais jamais il ne démentait. Ainsi, la populace en parlait, ils le craignaient et ses cibles se rendaient sans même combattre. Pourquoi gâcher de la poudre quand ceux qui sont attaqués vous apportes leurs marchandises sur un plateau d'argent, mmh ?

Silencieuse, je regardais le pirate admirer la tablée, hésitant sur que choisir de manger, ce que je trouvais assez amusant. Je dois bien avouer que de tels buffet reste assez rarement préparés au manoir, ou seulement lorsqu’il a assez de monde à table pour en profiter convenablement, mais ignorant les goûts d’un pirate en matière culinaire j’avais expressément demandé que l’on fasse varier les plats. Je regardais le poisson avec une certaine appréhension et un dégoût masqué. Je n’ai guère d’affection pour cet animal que je trouve bien fade au palais, souvent trop salé et rarement apprêté à mon goût. La cuisinière qui connaissait pourtant parfaitement mes affinités gastronomique avait du juger ce plat adéquats pour un forban. Au moins ne serait il pas trop dépaysé. Je me forcerais à faire honneur au repas comme la bien séance l’oblige, mais je dois bien avouer avoir fermement espéré que le choix de mon convive se porte sur autre chose.

Lorsque celui-ci servit nos verres du liquides sanglant qui se trouvait dans un des pichets, je du retenir un soupire de soulagement, mon sourire se faisant plus franc tendit que je le remerciai. S’il choisissait de nous servir du vin rouge, j’en déduisais qu’il avait arrêté son choix sur la viande, comme me le confirma les deux belles tranches de mouton qu’il venait de découper. Le pirate avait donc un palais plutôt raffiné. J’adorais cette viande moi-même. Le mouton étant élevé dans un pré salé, cela apportait une très légère touche iodé à cette viande délicate. Le jus qui l’accompagnait était simple mais bien fait, je n’ai jamais rien eu à reprocher a mes cuisiniers, et une fois servit, j’entamais mon assiette avec un plaisir non feint. Jetant de temps à autre une petite œillade en direction de mon invité si insolemment attirant. Même en mangeant il gardait sa prestance, contredisant encore une fois les ragots le décrivant comme sauvage et sans aucune convenances

Entre deux bouchées et après s’être rincé la boche au vin, Feygor me demanda alors avec une curiosité évidente, ce que pouvait bien raconter la légende a son sujet. Je pris le temps de finir ma propre bouchée, en profitant pour réfléchir a comment tourner ma réponse. Que voilà une question délicate, et avec un petit haussement d’épaules je m’essuyais les lèvres avant de lui répondre sur le ton de la plaisanterie.

« -Vous savez les racontars ne sont que rarement flatteur et encore plus rarement fondé. Mais il est vrai qu’il y a quelques légendes qui vous suivent capitaine. Je vous passerais toutes ces idioties sur un pirate sanguinaire aussi sauvage que rustre et bagarreur, je pense que vous les aurez toutes déjà entendues, et elles dépeignent bien trop mal la vérité vous concernant à mon goût. Non pas que vous n’ayez guère goût pour la violence, je ne doute pas de cela, mais ce n’est certainement pas le fondement de votre personne comme le laisse entendre ces histoires. »

J’hésitais un peu a poursuivre dans ce sens, car en effet, en attendant l’arrivée de mon convoyeur j’avais eu tout le loisir de me renseigner sur celui-ci, et il avait bien une partie de ce que l’on m’avait rapporté qui m’avait rendu curieuse… Prenant une bonne gorgée de vin pour me donner plus de contenance, je reportais toute mon attention sur lui, penchant un peu la tête pour mieux plonger mon regard dans le sien et tenter d’y déceler toute réaction alors que je reprenais.

« - Il y a cependant bien une histoire que l’on raconte… Certainement une fable de plus. Certains affirment que vous vous seriez joué de la mort en vouant votre âme à la déesse que vénèrent ces gens d’Adhes et qui se veut maîtresse des trépassé. »

Puis avec une petit rire mal a l’aise me refusant de croire à une chausse pareille je ajoutais dans un petit frisson gênée a cette idée.

« - Marchander avec la mort, voilà une idée absurde. Je suis presque certaine que ceux qui font courir cette ridicule rumeur vous jalouse fermement. »

J’attendais alors sa réaction, espérant bien qu’il rirait de cette affaire avec moi plutôt que de s’en outrer, après tout c’est lui qui avait lancé le sujet.

Certes les absurdités qui circulaient étaient rarement fondées, cependant c'était ce que le citoyen lambda retenait en général, ne bénéficiant pas du recule d'une noble de bonne famille, ni de son éducation. L'analyse de cette dernière fit plaisir à Statch, elle comprenait, réfléchissait et ne gobait n'importe quel préjugé sans y penser deux fois. Combien de client avec lequel il avait déjà marchandé restait en permanence accompagné d'une dizaine de garde, craignant le pirate plus que tout, restant en tout temps à plus d'une dizaine de mètres du grand gaillard. Cette fois, c'était différent, il semblait que celle qui portait le doux nom d'Alissya ne désirait que s’approcher du forban, et toujours plus près, tous deux sachant déjà où est-ce que ce manège allait les conduire.

Feygor ne n'allait pas s'en plaindre. Il ne cherchait pas l'amour, pas plus qu'il ne cherchait une allégeance. Mais il voyait en cette femme le moyen de passer un moment d'intimité sur lequel il n'allait pas cracher, d'autant que si cela pouvait renforcer la confiance qu'elle lui accordait en tant que convoyeur, pourquoi pas ? L'observant alors qu'elle reprenait une gorgé de vin, le pirate ne pouvait nier la beauté de l'aristocrate au regard pénétrant et il comptait bien s'y adonner, se livrant corps et âme dans la bataille.

Le discours qui suivit le fit sourire. Un sourire franc, honnête et amusé. Il était épaté par les recherches évidentes qui avaient étés réalisé sur sa personne car durant toutes ces années, après toutes ces rencontre, très peu avait connaissance des travaux que Statch avait réalisé pour les adorateurs. Pas grand chose, quelques navires à couler, des hommes qui devaient disparaître, ou bien des villes qui devaient brûler, des travaux habituels, seul le client différait. Il ne les appréciait pas beaucoup pour être franc, ils semblaient plutôt étrange à ses yeux. Feygor croyait en Nayris, il moissonnait pour elle depuis décennies, remplissant les limbes à chaque abordage, mais jamais, ô grand jamais il ne souhaiterait l’avènement de la déesse des trépassés sur Terra.

« J'ignorais même que l'on pouvait vendre son âme, comment se porte le cours de cette marchandise ? plaisanta t-il en étouffant un rire. Cependant, je sais que j'ai réalisé quelques tâches pour de nombreuses personnes, plus ou moins fréquentables, tout autant estimable, mais savez que l'or n'a pas d'odeur, pas vrai ? »

Se recentrant sur son assiette, le pirate termina sa de mouton avidement avant de reporter son attention sur le poulet qui traînait pas loin d'ici. Attrapant le plat sur lequel il répandait la chaleur encore loin d'être dissipé de sa cuisson, Statch le posa lentement en coin de table, entre l'aristocrate et lui.

« En revanche, commença t-il. Si le pécule obtenu lors de ce genre de transaction ne porte point de senteur, je déplore tout de même ne pas avoir à faire à d'aussi charmante cliente me recevant aussi chaleureusement que vous. »

Attrapant la cisaille à volaille prévue à cette effet, Feygor commença la découpe de l'animal en douceur, mesuré de ses gestes et s'appliquant à trancher net à chacun de ses mouvement. Malgré cette occupation, il continuait de lancer des regards mêlant reconnaissance et jovialité à Alissya, reprenant là où il était resté :

« Sachez que je me souviens de ce genre de fait et je vous en serais redevable, par un repas que je vous offrirais tout d'abord. Mais ce n'est qu'un début. » lui lâcha t-il en lançant un de ces regards complice qu'il ne pouvait s'empêcher de lancer à l'aristocrate.

Achevant sa besogne, il reposa la cisaille plus loin sur la table, s'essuya les mains en prenant outrageusement son temps à passer la serviette sur chacun de ses doigt avant d'ouvrir les bras vers la volaille découpée, baignant encore dans son jus et accompagnée de ses pommes de terres à l'aspect divin.

« Je vous en prie, faite votre choix. »

La plaisanterie qui découla de ma remarque eu tout lieu de me détendre sur ce sujet, et le rire du pirate me fut rapidement communiqué, mon cœur loupant un tour au passage dans un élan de désir. Le regard légèrement brillant toujours posé sur lui, je riais de bon cœur à sa remarque, rassurée qu’il en soit ainsi et d’une voix tintée d’amusement je répondais.

« -Aucune odeur en effet… Et rien ne me permettrait de juger vos actions passées. Seul compte à mes yeux les services que vous me rendrez. »

Il était bien difficile finalement de reporter mon attention sur mon assiette, d’un intérêt bien moindre face au forban qui m’accompagnait. Mais finalement j’y parvins, et bientôt mon assiette se vidait à son tour. N’étant qu’une jeune demoiselle de fine composition, je n’ai guère besoin de grosse quantité de nourriture pour me rassasier, et cette assiette avait clairement comblé mon faible appétit. Mais ce n’était guère le cas de mon invité dont l’attention s’était retournée sur le poulet cette fois-ci. Le laissant a son affaire, je prenais ma coupe, m’en désaltérant de quelques gorgées sucrées. Puis la gardant près de mes lèvres j’observais le pirate à son œuvre. Ou je profitais qu’il soit tout a sa tâche pour l’observer, peut importe. Un sourire radieux et charmeur éclaira mon visage à l’écoute de sa flatterie suivit d’une proposition, certes pas des plus subtile, mais tout aussi agréable a recevoir. Lui répondant d’un clin d’œil complice, je repris une gorge de vin pour m’empêcher de trop m’enorgueillir, et pris le temps de laisser celle-ci s’écouler dans ma gorge avant de lui répondre d’une voix légèrement mielleuse et pour le moins charmeuse… ou charmée.

« -Allons, c’est un plaisir pour moi que de vous recevoir, mais ce serais avec un plaisir tout aussi grand que je vous laisserais me retourner la pareille. »

Me mordant la lèvre inférieure, je détournais le regard, les joues légèrement rosis tant je n’avais aucun mal à imaginer ce que la suite de ce début pouvait signifier. Et serrant discrètement mon petit poing sur la table je me forçais à garder contenance, tâchant de ne pas laisser paraître l’empressement que cette idée avait fait éclore en moi. Mes yeux se posèrent alors sur le poulet, découpé avec une délicatesse et un savoir faire d’expert, et désespéré de retrouver l’appétit, je me servais toute fois du plus petit morceau histoire d’accompagner comme il se doit mon convive. L’arrosant d’une cuillère de jus, je laissais ensuite au tour du pirate de se servir. Entamant ma nouvelle assiette avec un appétit moins évident que pour la première, et histoire de ne pas laisser un silence trop lourd s’installer, je demandais a mon tour, sur un ton parfaitement détaché.

« -Et vous, aviez vous déjà entendu parler de moi d’une façon ou d’une autre ? »

Je me doutais que non, n’étant guère le membre le plus connu de ma famille, pas comme feu ma cousine et toute cette branche des Arachnéa, mais je devais avouer ma curiosité à l’idée que quelconque rumeurs puissent circuler à mon sujet, encore plus de l’idée que ce forban s’était fait de moi en venant a mon manoir. Amusée je rajoutais assez rapidement comme-ci je n’avais cessé de parler.

« -Je serais curieuse de savoir comment vous aviez imaginé celle qui de son île faisait appel a vos services. »

Statch se servit à son tour, tout juste après Alissya et commença sans plus attendre à savourer la volaille dont la chair rosâtre libérait un goût divin en bouche. Il savoura longuement cette première bouché, laissant tout les arôme de la viande se répandre, en profitant comme jamais. C'était sans doute le meilleur poulet qu'il lui avait été donné de déguster, peut-être la compagnie de aristocrate y était pour quelque chose. Cette dernière retourna par ailleurs sa question, l'interrogeant sur ce qu'il savait d'elle avant d'être venu ici. Feygor avait fait quelques recherches avant d'accepter cette livraison. Le nom des Arachnéa ne lui était pas inconnu, comme quiconque sur Terra d'après lui, mais Alissya œuvrait bien plus dans l'ombre que sa célèbre cousine.

Quelques-uns de ses contects connaissaient la douce Noble, mais aucun n'avait été capable de lui dire précisément quels étaient ses affaires, pas plus qu'ils n'avaient su la décrire. Il y avait bien ce marchand, le même qui avait œuvré comme un intermédiaire entre les deux individus qui lui avait brièvement parlé d'elle, sans vraiment entrer dans les détails.

« Croyez moi, ce n'est pas faute d'avoir essayé, je n'aurais même su vous décrire avant de vous avoir rencontré. Je dirais que votre nom est connu, quand on le prononce les gens ont différentes réaction, mais aucun n'est capable de dire quoi que ce soit à votre propos. »

Il termina son verre de vin théâtralement, laissant quelques instants la coupe pendre à ses lèvres afin de ne pas en perdre une goutte, puis reposa le flacon pour reporter son attention sur son interlocutrice. Son assiette était quasiment vide et son appétit rassasié, pour ce qu'il s'agissait de la nourriture en tout cas.

« Vous êtes plutôt mystérieuse en soit, je dirais même insaisissable. »

En rester là semblait insuffisant, elle attendait une réponse plus développée que cela, rester dans le vague n'était pas la bonne marche à suivre.

« Cependant, si je puis me permettre, les dires d'un individu lambda auraient eus bien du mal à vous décrire sans ternir le moindre aspect de votre portrait. On ne fait pas tenir le soleil dans une boite d'allumette si vous voyez ce que je veux dire. »

S'étirant alors les jambes, son tibia vint heurter par mégarde celui de la noble qui sembla se crisper de surprise, mais qui n'en dit rien. Elle semblait plus tendue depuis quelques minutes, mais Statch devinait que ni la peur ou le poids des négociations étaient à l'origine de cette pointe de tension, l'impatience. Il savait la reconnaître là où il la trouvait et ici, aucun doute n'était permis. Le forban devait admettre qu'une certaine pointe de ce sentiment venait s'ajouter à chaque seconde dans le vaste mélange de ses humeurs, ne faisant que gagner en concentration.

Il espérait simplement ne pas se tromper sur l'idée que cachait Alissya derrière ces sourires charmeurs et regards équivoques qu'elle lui jetait depuis tout à l'heure. Ce genre de choses ne trompent pas en général, la curiosité était la première étape lorsque l'on rencontrait le forban. Par la suite, on ne pouvait que vouloir sa mort ou bien désirer le suivre jusqu'aux portes des limbes. C'était peut-être exagéré, mais l'idée était là en tout cas.

Estimant alors que le repas touchait à sa fin, le forban posa ses couverts dans son assiette qui tinta comme l’angélus de midi, annonçant lui aussi le terme de quelque chose. Ne sachant quoi ajouter, il se contenta du silence, croisant ses doigts sur le bord de la table, faisant s'entrechoquer ses imposantes chevalières qui finirent par s’emboîter à la perfection. Levant son visage affûté comme le profile d'une dague vers Alissya, il l'interrogea du regard, ses iris sombres ne se démarquant que peu des pupilles brillantes qui bataillaient pour trouver un point d'attache sur l'aristocrate, se trouvant être un véritable délice pour les yeux.

Jouant de ma fourchette dans mon assiette, je n’avais plus du tout envie d’avaler un morceau de viande de plus. Et gardant mon regard rivé sur le poulet que je ne mangerais pas finalement, j’écoutais avec un intérêt particulier ce que me répondrait le pirate, tout en tachant de ne rien laisser en paraître. Ainsi éviter son regard me permettais de garder les idées un peu plus claire et réfrénait un peu le désir que j’avais de lui. Un sourire comblé s’étira sur mes lèvres en apprenant combien mon identité restait mystérieuse. Voilà qui était parfait. Ainsi don la pression que j’avais mise sur mes contactes pour un maximum de discrétion avait porté ses fruits. Parfait. Me saisissant de mon verre à mon tour, je le vidais beaucoup plus délicatement, retenant contre le frais contacte de ma coupe sur mes lèvres un sourire enchanteresse, en réponse aux flatteries si évidente de ce pirate. Le regard brûlant que je relevais alors sur lui laissait dépeindre contre ma volonté le plaisir que j’avais à l’entendre me parler ainsi. Et après avoir avalé cette gorgée de vin plus difficilement que les autres je répondis, sur un ton que je voulais amusé et assez détaché.

« -Je vois oui… Et je remarque également que la flatterie et un art que vous maitrisez à merveille. »

Un petit rire s’échappa alors de mes lèvres, tentant d’apaiser un peu la pression ambiante, même si l’on pouvait sentir dans celui-ci tout la tension qui s’y cachait. Je laissais on convive finir son repas, le miens étant déjà achevé, et j’en profitais pour laisser courir mon regard sur ce visage rudement ciselé, ces pommettes proéminente et cet air un peu lasse qui parfois semblait se dépeindre sur les traits du marin. Et lorsqu’un pied botté vint heurter doucement mon tibia, je du retenir une petite exclamation de surprise en me redressant assez brusquement sur ma chaise. Cela aurait été totalement exagérer comme réaction si mon cœur n’avait pas alors loupé un coche, un brûlant frisson d’envie me parcourant l’échine dans une sensation aussi pesante que délectable.

Lorsqu’enfin l’homme fut rassasié et déposa ses armes, fourchette et couteau, au bord de l’assiette, je jugeais que le repas était terminé, et répondant d’un sourire parfaitement calme et charmeur au regard qu’il me tourna alors, je fis signe aux domestiques de débarrasser avant de finir a mon tour les quelques gouttes qu’il restait au fond de mon calice et de le reposer sur la table. Puis avisant une de mes dame de compagnie la plus ancienne, une femme a peine plus vieille que moi, dont le visage traversé de cicatrices laissait entrevoir la dure vie qu’avait été la sienne, et dont la robe bien plus luxueuse que celle des autres demoiselles à mon service, montrait l’amitié et la confiance que je lui portais. D’un signe je la fis approcher, et lui demanda d’envoyer un certain monsieur Jekil s’occuper d’ouvrir et d’entretenir la livraison qui m’était parvenue. Je lui demandais également d’envoyer l’une des filles disponible préparer une chambre pour mon hôte, qu’elle veille à faire porter les reste et victuaille au navire de se dernier et enfin je lui murmurais a l’oreille une rapide mention qu’elle seule aura entendu. Cette besogne terminée, je la laissais repartir à ses occupations, et enfin je retournais toute mon attention sur celui qui l’avait déjà captivé dés son arrivée pour ne plus la quitter. Une seconde d’hésitation se peigna dans mon regard alors que finalement, usant de mon sourire tapageur et d’une voix que je voulais enjôleuse, je lui proposais.

« -Peut être aimerez vous partager encore quelques instants de cette douce soirée en ma compagnie ? »

J’hésitais un moment à finir ma proposition, espérant bien que mes attentions évidente ne ferait pas fuir se brigand des mers. Je n’ais guère dans l’habitude de m’adonner trop longtemps a la subtilité, et encore moins de me voir refuser quelque chose que je désir… Et si bien rares étaient les hommes a repousser mes avances, je dois bien avouer avoir un instant redouté la réaction de celui-ci. Mais puisque nous en étions là, il me fallait bien lui proposer quelque chose le temps que sa chambre ne se prépare, et après une fraîche journée comme celle qui venait de s’écouler, un délice bien mérité me venait a l’esprit, que j’espère mon invité saurait partager.

« -Je pourrais vous montrez si vous l’acceptez, un petit trésor que recèle mon manoir, et qui a cette heure et après tous ce froid, saurait se montrer des plus agréable et attendue. »

J’espérais bien l’avoir rendu assez curieux pour qu’il accepte mon offre, mais je ne doutais pas que ce serait le cas.

« Je ne suis pas du genre à me vendre envers et contre tout, mais sachez tout de même que je maîtrises certains arts bien mieux que celui-ci » lui répondit le pirate sans aucune gène cette fois.

Certes, sa phrase pouvait laisser le champs libre aux interprétations comme toutes les précédents, cependant, il espérait avant tout être un meilleur capitaine qu'il était un homme de cours, ou bien ses hommes auraient bientôt à choisir un nouveau meneur pour le clan des Varounds car il n'était certainement pas à la hauteur. Elle avait toutefois compris le message, Statch avait finit son repas et désirait passer à autre chose. Cette autre chose, Alissya finit par le proposer en restant extrêmement vague. Le pirate savait quoi répondre ne savait franchement pas à quoi s'attendre.

Peut-être voulait-elle mettre à exécution tous ces signaux et clin d’œil qu'elle lui envoyait depuis le début de cette entrevue. N'aurait-elle pas été alors plus explicite en parlant de ce trésor ? Sûrement gardait-elle cette activité pour plus tard, autre chose attendait le forban, mais il ne savait pas quoi.

Malgré cette ignorance apparente et ce manque d'information le plongeant dans un océan de curiosité sans aucun repère tant il était étendu, Feygor s'empressa d'accepter l'invitation, manquant tout de même son impatience lorsqu'il prit la parole.

« Ce sera avec plaisir ma chère que je découvrirais ce trésor. »

Statch était joueur, il adorait les surprises. L'inconnu se faisait de plus en plus rare au bout de trois siècles d’existence et chaque zone d'ombre qu'il découvrait éveillait en lui une envie irrépressible de découverte. Il lui fallait lever la brume, savoir, connaître, c'était dans sa nature et il ne pouvait lutter contre ça. À l'heure actuelle, il lui tardait de lever un voile de velours posé sur une richesse inconnue.

Alors il se leva, ajusta prestement sa chemise avant de prendre la suite de l'aristocrate, le pirate n'était pas du genre à poser des questions. Il préférait ne pas entamer le mystère de ce qui allait suivre. S'il avait réussi à acquérir la moindre notion de repérage dans cette bâtisse aux limites imperceptibles, ils se dirigeaient actuellement vers les escaliers, mais cela ne lui disait toujours pas à quoi devait-il s'attendre.

Tout comme je l’avais espéré le pirate accepta mon invitation mystérieuse. Je lui offris en retour un sourire radieux, ravis qu’il se prête au jeu avec autant d’entrain que je l’aurais souhaité. Les convenances auraient voulu qu’il m’offre sont bras pour marcher à son coté, mais je n’allais pas en vouloir a un pirate de ne pas se soucier des convenances. Je me contentais donc de le guider d’à peine un petit pas devant lui, passant dans le grand couloir qui menait au hall d’entré et aux escaliers. En route nous croisions quelques domestiques affairés à rassembler des victuailles pour aller porter le souper aux pirates sur la crique.

Tout en marchant je donnais quelques indices au forban sur l’endroit où je le menais sans jamais lui dévoiler la surprise. Mon plaisir de l’y conduire était surement évident, mais après tout je suis assez fière de cet endroit. C’est une des raisons qui avait poussé le choix de ma mère sur ce manoir en particulier. Un véritable trésor de la nature, souterrain. Ce fut donc à l’étage inférieur que je le conduisis. Descendant l’escalier à son coté, tout en lui jetant quelque petits regard amusés, il m’avait semblé voir se dépeindre un peu de doute dans son regard, auquel je répondis d’un petit sourire joueur et charmeur. Le sous-sol était assez… lugubre dans son genre. Sombre et taillé dans la pierre de Sen’rin. Un long couloir était bordé de torches, qui avaient toutes été minutieusement allumées, apportant un peu de clarté à l’endroit. Histoire de détendre un peu l’atmosphère je lui offrais un nouveau sourire rassurant avant d’ajouter.

« -Vous comprendrez en arrivant, que cette endroit à vraiment son charme. »

A mesure que nous avancions dans le couloir l’air se faisait un peu plus lourd, chargé d’humidité, il semblait faire un peu plus chaud aussi, et bientôt un bruit très léger d’eau se fit entendre quelques nuages se formant sous la lumière des torches. Un peu impatiente de constater la réaction du pirate face à ce que je lui préparais, je rayonnais, souriais, mais n’accélérais pas le pas, avançant comme à mon habitude de ma démarche sereine et un tantinet chaloupante. Bientôt nous arrivions dans une salle de taille moyenne, et qui ressemblait fortement à une petite crypte souterraine. L’espace était entièrement envahi de brume, mais celle-ci était bien plus chaude que celle qui recouvre l’île. Sur les murs étaient disposés d’autres torches, qui elles aussi avaient été préalablement allumées, quelques tissus colorés de pourpre et de mauve décorait un peu la roche apportant une touche moins brute à l’endroit. Au centre de la crypte, se trouvait un bassin taillé en pente douce dans une roche plus claire que les autres, et alimenté d’une eau presque limpide dont les quelques petite vapeurs laissaient en imaginer la chaleur. M’écartant un peu je me tournais alors face à lui avec un sourire conquis. J’en aurais presque dit « tadam !! » mais ce genre d’exclamations n’est pas vraiment mon style. Je me contentais donc d’un plus sobre…

« -J’espère que vous apprécierez l’endroit. Ce sont des sources naturelles que nous avons simplement aménagé lorsque se manoir est entré dans la famille. L’eau y est chaude mais parfaitement supportable et des plus agréable.»

Alissya semblait se délecter de la curiosité du forban alors qu'elle le menait à la source de toutes ces questions. Il n'avait pas la moindre idée de ce que l'on pouvait trouver dans les sous sols d'un manoir tel que celui-ci, à part une cave peut être. Elle avait déclaré qu'à cause du froid, ce serait une découverte agréable, la cave était donc à éliminer, laissant Feygor sans aucune autre hypothèse. Lui adressant un sourire rassurant, l'aristocrate conforta le mystère qui ne faisait que s'épaissir à chaque pas en avant, ajoutant même une petite allocution sur le charme du lieu comme le pâtissier ajouta une cerise sur le gâteau.

L’atmosphère se faisait de plus en plus étouffante entre ces parois de pierres brutes. Le capitaine avait l'impression de se trouver dans l'une des nombreuses forêt tropicale que portaient les îles de l'archipel de la Muerta. L'air était humide et chaud, cependant, contrairement à ces îlots, la faune y était loin d'être aussi hostile. Statch percevait un clapotis croissant, résonnant entre les cloisons taillées dans la roche comme s'il s’agissait de la caisse de résonance d'un gigantesque instrument. Le bruit était reposant, apaisant et le forban appréciait déjà l'endroit sans même savoir ce qui se cachait derrière cette brume chaleureuse ne faisant qu'épaissir avec leur avance.

Ils finirent tout deux par déboucher dans une salle d'une taille inattendue en comparaison avec le chemin qu'ils avaient emprunté pour l'attendre. Feygor mit un certain temps s'accoutumer à l’atmosphère et percer l'épaisse brume pour distinguer l'origine de cette dernière. Une salle richement décorée autour d'un véritable bassin souterrain. Il savait que la richesse ouvrait bien des portes mais un tel ouvrage avait ce petit quelque chose qui le rendait presque incroyable. Une source naturelle dont la température parlait d'elle même reposant ainsi sous la bâtisse presque austère, qui l'eut cru ?

« Impressionnant. » lâcha simplement Feygor, laissant son expression contentée parler pour lui alors qu'il s'approchait du bassin à l'intérieur duquel il trempa le bout des doigts.

Comme l'avait affirmé Alissya, l'eau y était chaude mais plutôt accommodante. Loin des eaux froides et troubles des océans, sa clarté limpide ferait pâlir Yehadiel en personne. Il semblerait que le bassin puisse être profond de plusieurs centaines de mètre qu'on y verrait le fond, toujours aussi distinctement. Se tournant alors vers la propriétaire d'une telle attraction, Statch se demandait ce qu'elle attendait de lui. Était-ce un test ?

« Je suppose qu'une telle merveille existe pour que l'on en profite, » avança t-il, sans indiquer s'il parlait de la crypte ou d'Alissya.

Il commença alors par se débarrasser de ses bottes de cuirs. Elles avaient vu nombre de paysages et marché sur plus de territoires que le pirate ne pourrait se rappeler, mais elles tenaient encore le pied, il n'avait donc aucune raison d'en changer. Lorsque qu'il en fut libéré, son large pantalon qui jusque là était rentré dans ses bottes se mit à traîner mollement par terre. Mais ce n'était le centre de ses attentions, il dénoua lentement le nœud qui se trouvait derrière son bandana aux couleurs écarlate qui rejoignit les bottes sur le sol, délivrant ainsi ses cheveux bruns qui s'agitèrent lorsque la chemise blanc remonta le long de son visage.

Cette dernière aussi tomba au sol, ne laissant au pirate que son pantalon et sa ceinture. Son torse ainsi dévoilé, laissant aux regards le loisir de ses balader sur ses formes sèches et tatouées de tout cotés, notamment ce superbe drapeau -le même qui flottait au sommet du mât de son navire- représenté sur son bras droit, installé non loin de son ancienne marque d'esclave, représentant un « S » à l'intérieur de son poignet. Mais la trace d'encre inratable était celle qui se dévoilait sur l'intégralité de son dos. De ses épaules jusqu'à son coccyx s’étendait les quatre vingt-dix vers d'un poème méconnu : « Adieu à la mer »

Sans ses vêtements plus encore, le capitaine était impressionnant. Sa musculature sèche et sa taille non négligeable y étaient pour quelque chose. Déjà sur cette peau finement dorée se déposait une fine pédicule d'eau, se liquéfiant à la surface de se corps qui était loin d'être désagréable à la vue. Le pirate n'avait jamais été confronté à ce genre de situation. Ses clients étaient habituellement bien plus distant que cela et jamais ils ne l'invitaient à ce genre d'activités. Et pourtant, Statch plongea son regard dans celui d'Alissya alors que ses mains s'affairaient lentement à déboucler sa ceinture.

La réaction du pirate ne fut pas pour me déplaire, bien au contraire. Le regardant évoluer entre la brume pour admirer chaque recoin de cette crypte fabuleuse, je le laissais faire avec un plaisir non feint. De fines gouttelettes d’eau s’accumulant déjà sur mon visage et mes bras, il faisait ici une chaleur telle que porter tout ces vêtements en devenait presque un calvaire. Je lui souris largement en retour de son exclamation de contentement partageant son avis d’un signe de la tête. Tandis qu’il plongeait ses doigts dans l’eau pour en tester la température, je m’avançais à mon tour un peu plus dans la pièce, laissant une main caresser le mur humide en pierre au passage, toujours sans quitter le forban des yeux. Je suppose que l’eau chaude lui avait parut idéal et lorsqu’il se releva pour me faire face, j’hochais légèrement la tête pour lui répondre, d’une voix aussi amusée que joueuse.

« -Oui… Ce serait dommage de ne pas en profiter… »

Je restais tout aussi énigmatique que lui et le regard brûlant que je laissais parcourir son corps et s’arrêter sur ses mains alors qu’il commençait à retirer ses bottes, laissait clairement entendre que je ne parlais pas non plus uniquement du bain. Je restais ensuite silencieuse, profitant du spectacle qu’il m’offrait, et ne loupant rien de son déshabillage, me demandant même parfois ce qu’aurait ressentit se pirate si je m’étais moi-même occupé de défaire sa chemise. Mon cœur s’accélérait dans ma poitrine et sembla louper un coche à la vue de ses marquage pas tous subtiles qui recouvrait son torses en de multiples symboles. Il y en avait tant que j’avais du mal à choisir sur lequel m’attarder, et pinçant les lèvres je me retins de tendre une main vers se torse sculptural pour en parcourir chaque tracé des doigts. Mon sang froid étant à toute épreuve je parvint à rester à ma place sans pour autant empêcher le plaisir que j’avais de le voir ainsi éclairer mon visage. Retirant finalement à mon tour mes escarpins, je m’approchais de lui alors qu’il portait sa main à… à sa ceinture. Me mordant l’intérieur de la joue je tâchais de ne rien laisser voir de mon empressement, et lorsque je fus a son niveau, très prés de lui, assez sûrement pour ajouter un peu de tension à celle qui nous parcourait déjà, je me retournais finalement pour lui offrir ma nuque et mon dos, et lui demander.

« - Auriez-vous l’obligeance de m’aider à détacher cette robe ? »

Ainsi je lui montrais une ouverture cachée sous le tissus et composé d’une dizaine d’agrafes métalliques. Les robes de bourgeoises sont certes très jolies une fois porté, mais un désastre si l’on veut la mettre ou la retirer seule… Heureusement pour moi je dispose généralement d’assez de domestique pour en charger une de cette tâche. Pour cette fois, je laisserais le pirate sans charger, savourant d’avance le contact de ses doigts descendant dans mon dos pour le libérer de son fourreau de tissus.

Être pris la main dans le sac, l'expression prenait tout sont sens. Lorsque sa ceinture toucha le sol en émettant le claquement métallique caractéristique de la boucle qui heurte la pierre, se répercutant en écho dans toute la caverne, son pantalon ne tenait alors que par l'unique contact humide de sa peau contre le vêtement. Fruit de la température ambiante déraisonnablement haute qui se faisait que grimper de façon asymptotique, une liaison ponctuelle vint alors compléter le tableau et cette dernière ne fit que gagner en intensité lorsque la douce aristocrate lui offrit son dos, n'attendant que le bon forban le libère de ce carcan qui opérait tel une frontière entre les deux corps dangereusement proche l'un de l'autre.

« C'est avec grand plaisir que je libérerais vos épaules de ce poids. »

L'abordage ne pourrait pas commencer avant que la canonnade ne fasse tomber ces défenses mineures, ainsi le bombardement commença. Ses longs cheveux passés avec grâce par dessus son épaule à l'apparence si fluette à proximité des larges mains du forban, ces révélant pourtant une agilité insoupçonnée lorsque ses doigts se mirent à danser sur la nuque de la jeune noble. Lentement, ils progressaient dans le dos encore bien dissimulé par la robe dont les attaches eurent à faire à son autre main. D'un mouvement s'apparentant à un claquement de doigt, Feygor triompha des attaches une à une, usant d'une vitesse délibérément et outrageusement lente alors que ses phalanges prolongeaient le contact aphrodisiaque au fur et à mesure que la colonne merveilleusement courbée d'Alissya se dénudait. La passion n'était pas un feu de forêt que l'on allumait en l'arrosant d'alcool et de poix, bien que la finalité restait la même, il finirait par tout dévorer. Alors Statch attisait l'âtre en soufflant dessus, l'alimentant avec parcimonie de brindilles et d'amadou. Les étincelles pleuvaient déjà et les premières flammes avaient vu le jour dès le premier contact des amants, mais il ne triompherait pas de cette bataille avec de belles paroles, l'incendie qu'il s'apprêtait à lancer était d'une toute autre dimension.

L'art de la canonnade dépendait de plusieurs facteur. Lorsque l'on attaquait un navire par intérêt, pour ce qu'on comptait trouver à bord, on ne prolongeait pas ce genre de chose pendant des décennies, pour ne pas endommager le cargo, mais avant tout parce que ça n'avait pas d'intérêt de gaspiller de la poudre de cette façon. En revanche, quand cette attaque avait une dimension personnelle ou instinctive, il se pouvait que ce genre d'acte se prolonge sans que la finalité n'en soit entamée, au contraire, l'abordage après une longue série de chocs et d'effroi se révélaient d'autant plus accommodant. Le pirate comptait bien user de ce fait, jouant patiemment avec sa cible. L'attrapant par les épaules pour la mettre face à lui, il se rendit compte que -tout comme lui- le peu de tissu qui couvrait sa partenaire ne tenait que par quelques excroissance de leur anatomie. Bien que ces dernières n'étaient pas les même pour chacun des belligérant, le parallèle fit sourire le pirate qui se trouvait dangereusement proche de l'aristocrate sur le point d'être dénudée.

Le pirate ne se fit pas prier pour consentir à ma demande. Lui tournant le dos, j’entendis d’abord le bruit métallique de sa ceinture rejoignant le reste de ses affaires au sol, attendant avec une certaine appréhension l’approche de ses doigts sur ma nuque que mes cheveux relevés en chignon laissaient apparente. Je restais parfaitement immobile, offrant mon dos à ses bon soins lorsqu’enfin ses mains chaudes et un peu caleuses se posèrent sur la première agrafe qu’il détachât avec une aisance presque déconcertante. Je retins ma respiration un instant, mon cœur tambourinant toujours plus fort dans ma poitrine alors que je sentais le fin carcan de tissus de ma robe, se desserrer doucement autour de moi. Toujours sans bouger, je le laissais les détacher les unes après les autres, appréhendant d’un nouvel élan de désir chaque fois qu’il revenait frôler ma peau de ses doigts, descendant ainsi le long de ma colonne vertébrale. Alors que celle-ci s’ouvrait dans mon dos, le tout a présent uniquement tenue par les bretelles sur mes épaules et les formes généreuse de ma poitrine, il pouvait apercevoir sur mes reins un entremêlement de longues et fines lignes d’encre, disparaissant de chaque coté sous la robe.

Alors qu’il posait ses larges mains sur mes épaules pour me faire pivoter dans son sens, la tension dans mon corps était a son comble, menaçant de seder l'envie que j’avais de ce forban. A présent face à lui, je laissais mon regard se poser sur ce pantalon lâche, et tenant tout juste en place, qu’un simple geste aurait fait tomber au sol, puis je les laissait doucement remonter sur son ventre tatoué et divinement viril, pour remonter sur les lignes rudement taillé de ses pecs. Enfin j’arrivais à son visage pour m’arrêter sur ses lèvres qui me semblait a présent si attractive. Resserrant mes petits poings sous une tension soudains étouffante, je plongeais enfin mon regard dans le sien, laissant durer un silence lourd d’un désir presque palpable. Profitant un instant de cette ambiance électrisante, comme ci doucement le temps s’arrêtait pour ne laisser place qu’à la passion.

Puis rompant le charme d’un petit pas en arrière, toujours sans rompre le regard que je partageais avec ce si séduisant Feygor, je laissais les fines bretelles tomber sur mes épaules puis le long de mes bras, laissant d’une lenteur toute calculée la robe glisser sur mon corps si divinement glabre et modelé, le noir de ma robe caressant la craie de ma peau. Le fourreau de tissus dévoila alors ma poitrine haute, généreuse et durcie par l’envie, qui se relevait doucement sous chacune de mes respirations. A nouveau ces tracés sombres voilaient délicatement mon sein droit pour descendre sur mes côtes, semblant ne jamais s’arrêter alors que la robe continuait son chemin pour venir s’arrêter sur mes hanches. Les marques comme de multiples toiles d’araignées stylisées et d’une finesse incroyable parcourait alors une partie de mon ventre, ajoutant à la tentation en disparaissant sous les plies de ma robe bloquée là.

Dans un petit sourire joueur et coquin que je partageais avec le forban visiblement captiver par le spectacle, je l’aidais à reprendre sa route en la tirant un petit coup vers le bas, et ainsi ma robe s’aplatis à mes pieds dans un flope de tissus froissé, ne laissant pour me couvrir qu’un petit bout de dentelle noir et mon tatouage. Ainsi il pouvait contempler l’ensemble de celui-ci et qui parcourait ainsi mes formes pour se finir sur ma cuisse gauche, juste au dessus du genou. J’adore ce tatouage qui m’a été offert par l’un de mes ancien amant.

Avant de laisser le temps au pirate de venir à ma rencontre, je reculais à nouveau, lui tournant finalement le dos pour me diriger vers l’entrée du bassin. Alors que l’eau chaude et fumante recouvrait délicieusement mes pieds et mes chevilles, et sans cesser d’avancer, je tournais mon regard vers lui dans une invitation évidente.

« -Vous venez ? »