« Tout a une fin, sauf le saucisson, qui en a deux »
Philosophe charcutier anonyme.
Cela faisait dix jours que j’essayais de mettre la main sur une dent de nain afin d’en apprendre plus sur leur histoire. Au matin du dixième jour, alors que je sortais d’une profonde transe méditative, comme à mon habitude, j’en vins aux conclusions suivantes : sois les nains ne possédaient pas la moindre dentition, et j’en doutais fortement : bien que leur consommation de bières excessive pourrait avoir rongé le peu d’ivoire qu’il leur restait, ce peuple avare devait bien mordre dans chaque pièce qu’il possédait afin de confirmer leur authenticité.
Ou alors, selon le conte populaire de la petite souris qui passait pour ramasser leurs précieuses dents de lait, le nain s’empressait de s’arracher l’entièreté de sa cavité buccale pour augmenter sa richesse. Je penche pour celle-ci. Une dizaine d’enfants m’ont confirmé cette histoire, et j’en viens a penser que cette « petite souris », en apparence mignonne, n’est qu’une engeance démoniaque mandée par un sombre sadique afin de me faire échouer dans ma mission. Ainsi, en ce jour funeste, je te déclare la guerre, rongeur infernal. Tu m’as volé ma raison de vivre, je te volerai ta vie. Œil pour œil, et dent dans l’œil !
A cet instant, Le vent s’alourdît d’échos montagneux, et je décidai alors de me téléporter à Sent’Sura afin d’essayer de poursuivre ma noble quête. Je croisai alors mes mains, mes jambes et commençai à fredonner un air afin que mon âme et mon corps ne fasse plus qu’un pour que le voyage se déroule sans encombre. Cédant à mon propre air, empli d’un calme absolu, mes paroles furent emportées dans mon souffle.
Quand je me réveillai enfin, je m’attendais à voir la noble cité de Sent’Sura devant mes yeux. Or, ce que je vis me surpris quelque peu. Une petite créature, apparentée aux rongeurs, me regardait d’un air à la fois furibond et troublé. Je mis peu de temps à comprendre la situation ; cette boule de poil m’avait touché alors que le rite de téléportation touchait à sa fin, et l’infortuné hôte de mon voyage se retrouvait sûrement loin de chez lui par ma faute.
Néanmoins, quelque chose me traversa l’esprit. J’engageai alors la conversation :
- Es-tu la petite souris ?Il parut surpris par ma question. Redoutant l’affirmation, je préparais mes dents en vue d’une rixe qui allait surement troubler la quiétude qui semblait régner dans les environs de Sent’Sura. Finalement, j’aurais rencontré mon ennemi juré plus tôt que prévu…
- Non mais t’es cloche ou quoi ? J’ai l’air d’être une souris pour amuser les enfants ? Autant m’insulter en me demandant combien fait 9881 ailes de bronze plus 758 ailes de bonze divisé par 32,5 ! La réponse en est aussi évidente ; je ne suis pas ta foutue souris !- Veuillez m’excuser pour ma méprise, je vais vous laisser.- HEPHEPHEP ! tu crois vraiment t’en tirer comme ça ? Avant que tu m’amènes ici j’avais une charrette remplie de pierres précieuses ! Ramène moi d’où tu es venu, tout de suite !- Tout de suite ne sera pas possible, mais je pourrais t’y conduire dans six heures. - SIX HEURES ! Les nains auront mis la mains dessus depuis longtemps ! Misère de bourse de mendiant, ma vie est finie. Je vais devoir mettre fin à mes jours… ne plus humer l’air frais apporté par l’aurore…Il commença a pleurer. La culpabilité m’envahi. J’avais détruit la vie d’un énergumène en l’espace de quelques secondes. Je devais réparer ma faute :.
- En quoi puis-je t’aider ?Soudain, ses yeux se séchèrent d’un coup, il sortit un registre de compte avec une vivacité telle que son ombre peina à la suivre, et il me sembla qu’il esquissa un petit sourire :
- Sachant l’énorme fortune que je viens de perdre, au prorata de ma tristesse et de mon accablement, le tout multiplié par ton manque évident de moyen, je dirais que, pour que nous soyons quitte, tu devras m’aider dans toutes mes entreprises jusqu’à la fin de ma vie. Ça serait équitable.- Mais…- Quoi, tu tiens donc alors à ce point à ma mort immédiate ? Tu la porteras sur ta conscience, je te le garanti.- J’accepte. C’est mon erreur et je dois la réparer.- Bien, je m’appelle Berlingot. Notre but ultime est d’être les plus riches du monde. Pour réaliser cela, notre prochaine étape consistera a donc devenir les plus riches du monde. Des questions ?Et c’est sur cet exposé saugrenu que ma nouvelle dette commençait.