Mellinià était à son milieu, et l'hiver à son apogée, et pas même Drayame était épargnée. Ni même sa population ... Et c'est d'ailleurs ce qui nous préoccupe actuellement. Car alors que les fleurs dorment paisiblement sous une couche d'humus gelé ou bien de neige, au fond d'un ancien et large terrier abandonné, caché sous un immense talus mousseux, transformé par d'habiles créatures forestières en un humble et douillet logis, un Être de Floraison dans la fleur de l'âge souffrait.
Il s'agissait du frère le plus jeune de Sythandra. Il revenait de Flore. Et nous savons tous ce qui se passe à Flore ... Certes, les Êtres de Floraisons ne sont pas des fées. Certes ... Mais ils n'en restent pas moins des créatures d'origine tout aussi magique que naturelle et il est de coutume de croire que tout ce qui est aussi pur et pacifique que ce genre d'être se retrouve toujours poursuivit, chassé, persécuté, mis en esclavage ou encore coupé en petits morceaux et exposés au bout de piques sur des places publiques ... Une sorte de décoration avant-gardiste, paraît-il ...
Toujours est-il que ce jeune homme aventureux et aventurier avait fourré son nez là où il n'aurait peut être pas du et qu'il se retrouvait au fond de son lit d'enfance, se tordant de douleur et assailli par la fièvre.
Il était indéniable que sa maladie n'était point d'origine naturelle : la feuille de jasmin de sa queue avait prit une coloration ocre d'un goût douteux ... Et aucun remèdes de famille n'avait su y faire quoi que ce soit. Ni les potions, ni les tisanes, pas même les cataplasmes divers et variés ...
Il fallait une aide plus expérimentée ... Une aide plus ... elfique !
Aussi, tandis que la mère couvait son petit - plutôt grand pour son espèce par ailleurs -, le père fila à travers bois vers la seule elfe qu'il connaissait - avec une excuse toute trouvée pour voir sa fille ...
Il faisait nuit, froid, et humide, mais rien ne pouvait entraver la course effrénée de l'être floral, pas même ces stupides ronces qui tentaient sans vergogne d’agripper les braies du vieil homme. Rien que cela ferait acte de preuve indéniable que même les plantes sont des êtres vivants - et sournois de surcroît !
Sans trop se perdre en route - en exploit pour celui qui avait pour habitude de prendre deux heures pour se rendre au ruisseau à moins d'un kilomètre de l'habitation - l'Être de Floraison atteignit enfin son but avec bonheur - mais s’abstint de faire une danse de la victoire. Il se faufila jusqu'à la porte sur laquelle il tambourina - peu au fait des coutumes elfiques lorsqu'il s'agit de déranger les gens dans leur sommeil à une heure aussi tardive.
Le serviteur de maison - un humain d'un certain âge, mais toutefois très élégant et surtout on-ne-peut-plus serviable - fit apparaître sa tête renfrognée dan l'ouverture soudaine de la porte :
Plaît-il ?
Nous avons besoin de l'aide de la Dame ... Un malade qu'on ne sait guérir ... c'est urgent !
Oh ... Ne restez pas dehors. La Dame n'est point ici, mais votre fille saura trouver la bonne personne ... je suppose ... Je vais la réveiller !
L'Être de Floraison penaud se contenta de rester n on loin de l'entrée, se sentant comme intrus en ce lieu hautement civilisé. Sa mine triste trouva tout de même un semblant de sourire à la vue de sa cadette, qui, affolée, fit tomber un ou deux vases sur le court trajet entre sa chambre et le hall - chose commune à vrai dire, si l'on se référait au regard blasé du domestique, qui, avait un flegme magistral, entreprit de faire un brin de ménage. La routine habituelle quoi ...
Sans faire de préambule, l'homme qui accusait tout d'un coup une grande fatigue, expliqua à sa fille la situation, et réitéra son appel à l'aide.
Père, retournez auprès de Mère. Je vais trouver un médecin, je vous le promet !
Accord conclu, au revoir expédié, la père repartit d'où il venait - avec espoir de mettre moins de temps qu'à l'aller - et la fille se précipita vers la Cité des Arbres, souhaitant avec ferveur que son amitié avec la Dame l'aide à mettre avec vitesse la main sur un soigneur efficace ...