De la frustration. Le feu glacé de la rage, animé par les combustibles de la détermination. L'air de la conviction animait ses flammes. Rägmor... Inadel suivait son aura depuis longtemps, déjà, depuis les cieux. Elle la sentait bien, malgré la distance et les vents qui les séparaient. Leurs esprits, leurs pensées étaient étroitement liés et elle ressentait elle même l'envie d'agir. Enfin. Détruire ce qui était tellement néfaste pour ce monde.
Elle aimait le suivre dans ses voyages. Il était sa source d'énergie, la stabilité de sa philosophie, sa justification qui l'empêchait de sombrer dans les méandres de l'indécision.

Alors que l'ange se laissait emporter dans ce flot de sentiments puissants, d'autres vagues de pensées parasitèrent sa perception. Son regard se porta dans sa direction. Une silhouette claire, qui semblait monter un destrier étrange, suivait la route à la rencontre de son bon mentor Rägmor. Les pensées de cet être étaient étrange. Ni malsaines, ni particulièrement bonnes, mais bien calmes et sereines. Un sentiment qui lui laissait penser à du laisser aller, dans un courant d'évènement qui lui paraissait immuable. Elle n'aimait pas cette impression, presque d'impuissance, où le désir d'agir était seulement pousser par le désir d'agir même, irraisonnable et inconditionnel. Probablement celui qui était produit par l'instinct de survie. Elle suspectait fortement que ce soit un partisan de l'aile ténébreuse et trouva bon de rejoindre Rägmor, qui s'était alors arrêté.

Inadel se posa à droite du géant, un genoux au sol, y enfonçant dans le même temps la pointe de son hallebarde.
- Je te salue, Rägmor. Je sent ton désir d'agir, enfin. Je crois que tu as deviné que cet homme est potentiellement dangereux, dans le sens où ses convictions sont favorables à l'influence de l'Aile Ténébreuse. Je ne m'aventurerais pas à confirmer ces pensées avant d'avoir bien analysé les siennes, mais s'il se trouve qu'il est bien du mauvais coté de notre lame, je te prierais de me laisser te montrer ma foi envers l'Aurore en le vainquant.

Inadel s'était redressée, quelque peu étonnée de la manière dont Rägmor l'avait quitté. Il avait changé... Cela était certain. Son désir de paix avait été altéré et elle douta de ses convictions. Son souhait était-il vraiment qu'elle s'empare de cet apôtre de l'Aile Ténébreuse ? Et si ce n'était qu'un mercenaire sans valeur, autre que celle qu'il portait à l'argent ? C'est avec un regard marqué d'un certaine incompréhension qu'elle observa de nouveau la silhouette qui s'approchait dorénavant au galop.
Une fois le cavalier en face d'elle, elle comprit pourquoi elle avait trouvé son destrier étrange. Jamais elle n'avait vu un cheval à la crinière de feu. Le noir et le rouge... le sang et les ténèbres... voilà des éléments qui allaient bien à l'enfer. Pourtant, l'être ne semblait en rien maléfique, même désireux d'avoir une certaine délicatesse.
- Salutations, ma Dame. Cavalerie de l'Armée d'Aile Ténébreuse ! Veuillez décliner votre identité et la raison de votre présence en ce lieu, s'il vous plaît.
Elle n'avait jamais été dans une telle situation. Annoncer qu'elle était ici pour l'emprisonner et éventuellement le détruire, alors qu'elle s'était presque toujours contentée d'emplir les têtes de ses philosophies plutôt que de les trancher, lui était étrange. Presque inconcevable. L'idée de détourner le sujet de la conversation lui traversa l'esprit. Stupide !
- Je vous salut, cavalier. Je suis Inadel, la voix de l'Aurore. Celle que j'espère faire portée ici. Mon objectif n'est que paix et, pour cela, votre présence est une bénédiction, déclara-t-elle d'une voix douce, avec un sourire légèrement gêné, avant de reprendre. Je peux affirmer que vos intentions sont loin de la corruption que j'ai pu déceler dans d'autres esprits de vos rangs. Ainsi, j'ose espérer que vous comprenez que l'aile ténébreuse est un obstacle à la paix, en semant sa guerre. L'Aurore a besoin de points de pression et je vous implore de collaborer. Nous ne ferons que vous capturer. Je ne sais ce qu'on l'habitude de faire les rebelles avec leurs prisonniers, mais sachez que je viellerais moi-même à ce que vous soyez bien traité. Votre captivité pourrais même vous être agréable, ajouta-t-elle avec un sourire plus large dans une tentative d'humour.
La pression s'accumulait en elle et elle se sentit presque ridicule. Jamais elle n'avait réussi à obtenir la paix par les mots. Pourquoi cela changerait-il ? La risée ! Voilà ce qu'elle ramassait depuis l'arrivée de la violence. D'un seul coup, depuis l'apparition de l'aile ténébreuse, la douceur n'avait plus d'importance, par rapport à la violence.
Son expression laissa son permanent éclat de bienveillance pour des traits plus attristés. L'ange resserra sa poigne sur son hallebarde, prête à affronter son échec. Ce qu'elle était incapable te transpercer de la raison plutôt que de sa lame.

Inadel sourit, préférant la dérision plutôt que la tragédie que sa vie s'obstinait à suivre. Ce serait-elle trompée sur sa voie ? Était-elle davantage destinée à ouvrir le rideau de la chair sur le sang plutôt que de lever la brume de l'ignorance ? Probablement que Dieu c'était trompé, à son propos. Et ce n'était actuellement pas pour lui déplaire. Non pas qu'elle aime détruire, mais elle avait acquis une certaine affection pour la simplicité. Celle de ces gens qu'elle voyait vivre par automatisme, sans se torturer. Celle de cet homme, surtout, qui lui était contagieux. Il se fichait visiblement de pas mal de choses et rien ne marquait une quelconque hésitation dans sa décision. Elle perçut même l'ombre d'une passion.

Pour une fois, elle abandonna ses réflexions, les trouvant soudainement futiles. Cela faisait longtemps, qu'elle n'avait pas sentit le danger. La mort... Sa mort, plutôt que celle des autres. Elle l'avait oublié. Un élément si fondamentale de la vie... pourtant enseveli sous une montagne de pensées qui ne lui appartenait parfois même pas... L'ange comprit qu'il fallait qu'elle revienne aux sources.

L'homme avait dégainé une flamberge et semblait l'attendre. Elle ne se priva pas de ce délai pour l'analyser. D'expérience, une arme à deux mains plus impressionnante par sa forme qu'utilitaire... Quoi que les ondulations de la lame pouvaient déranger l'adversaire, s'il souhaitait y faire glisser la sienne. Mais elle ne comptait pas s'y confronter. Si les précédentes années de paix avaient peut-être détruit ses capacités de persuasion, elle avait développé son talent pour les armes. Elle se saisit alors de son hallebarde, espérant avoir l'avantage de la portée. Elle mesurait près de deux mètres et était terminée sur ses deux extrémités par une pique qu'elle savait utile pour transpercer son armure si elle en avait l'occasion. Quant à la lame de hache à double tranchant qui la surmontait, elle serait tout juste bonne à faire produire des contusions, sauf si elle visait la chair bien-sûr.

Inadel entreprit enfin d'évaluer l'expérience de son adversaire. Elle fit tournoyer son hallebarde, se dirigea à petit trot sur le côté gauche de sa cible jusqu'à juger la distance favorable au coup qu'elle comptait lui porter.

Entraînée par sa main gauche, la lame trancha l'air jusqu'à ses jambes. Lentement, maîtrisant sa force, qu'elle souhaitait davantage utiliser pour stopper l'élan et transpercer son armure avec la pointe plutôt qu'avec les tranchants.