Clydwen n’était pas revenue sur ses terres natales depuis bien trop longtemps, déjà. Elle n’avait pas une fibre nostalgique particulièrement marquée, cependant la flore locale étant bien plus diversifiée sur la seule terre de Flore que dans le reste du monde de Terra Mystica, sa fonction d’apothicaire la poussait dernièrement à considérer un retour aux sources. De plus, le timing était plutôt bon, la Confrérie des Brumes étant actuellement en déplacement pour la grande majorité, elle pouvait elle aussi s’absenter impunément sans que l’on ait besoin d’elle à un moment inopiné. Enfin, ça, elle l’espérait.

Après avoir passé une nuit avec son peuple, l’Ilwynog se mit en route pour Drayame ; la relation avantageuse qu’elle pouvait avoir avec les elfes lui permettrait sûrement d’en retirer quelques pétales d’une fleur que ces précieuses créatures faisaient exclusivement pousser au sein de leur territoire et qui était particulièrement efficaces contre les rhumatismes. C’était peut-être un détail inutile mais ça se vendait très bien, à Sent’sura ! Et on ne disait jamais non à une rentrée d’argent, n’est-ce pas. A fortiori lorsqu’on s’appelait Clydwen et qu’on avait développé une espèce de fétichisme certain sur tout ce qui brillait ; mais ça, c’était une autre histoire. En cours de route, celle-ci s’arrêta d’ailleurs en redressant les oreilles, captant des bruits de pas se dirigeant pile vers elle. Si elle en croyait son ouïe, elle le croiserait d’ici quelques secondes. Mais ce n’était pas le plus important, non. La démarche était lourde, plus lente que celles des elfes, moins chantante aussi. Quelque chose qu’elle n’avait jamais entendu auparavant et qui attisait sa curiosité au plus haut point. Accélérant le pas, elle finit par se retrouver nez à genoux avec un géant qui n’était pas sans lui rappeler quelque chose.

« - Qu’est-ce qu’un Giguêtre fait ici à Drayame ? demanda-t-elle d’une voix rythmée, presque joyeuse, un sourire aux lèvres avant de réaliser quelque chose. Vous êtes un Giguêtre. répéta-t-elle en ouvrant un peu plus les yeux, assurément surprise. »
Et puis, animée d’une excitation soudaine, elle sauta d’une impulsion sur une branche basse voisine pour se retrouver à hauteur du visage du colosse, le museau s’agitant au rythme des inspirations qu’elle prenait, humant l’inconnu pour mieux pouvoir le comprendre au fil des effluves qu’elle prenait de lui.
« - Par Yehadiel, je pensais que les Giguêtres étaient éteints – oh je suis si heureuse de vous rencontrer, je suis Clydwen, j’ai toujours rêvé de.. enfin si un jour j’avais la possibilité, comment êtes-vous ici ? enchaîna-t-elle très rapidement sans reprendre sa respiration, tournant autour de l’être de pierre en sautant du sol en branches pour revenir se poser face à lui, lui adressant un sourire radieux. C’est un honneur. termina-t-elle ensuite en penchant sa tête en signe de respect. »

Clydwen accepta l’invitation avec joie, bondissant dans l’immense main du colosse pour se laisser porter sur son épaule sur laquelle elle s’assit, faisant attention à ce que son bâton – qu’elle rangea dans son dos et qui était une brindille comparé au Giguêtre – ne le gêne pas dans ses mouvements. Si elle avait remarqué sa précaution, elle n’en fit aucunes remarques : de toute façon, elle semblait bien trop focalisée sur le fait que sa route ait eu la chance de croiser un Giguêtre pour se soucier d’autres choses. Elle se voyait déjà revenir en ville et prévenir toutes les personnes susceptibles de savoir de quoi elle parlait de son extraordinaire découverte. Voire toutes les personnes tout court, finalement, peu importait s’ils comprenaient de quoi elle braillait tant qu’elle pouvait partager au Monde cet événement exceptionnel. Son esprit débordait de questions, et elle n’aurait sûrement pas hésité à les poser si Rägmor n’avait pas pris la parole assez vite pour l’en empêcher, la sortant de sa torpeur excitée.

« - Ilwynog, oui. acquiesça-t-elle en hochant la tête, appuyant les propos du colosse alors qu’il ajoutait autre chose. Oui bien entendu c’est tout à fait compréhensible, il existe un lac dans cette direction, l’eau était potable encore récemment je suis persuadée que les choses n’ont pas changées. rajouta-t-elle en désignant l’Ouest de sa patte, ne tardant pas à remuer celle-ci à côté de son oreille, chassant un insecte qui lui tournait alors autour dans une course effrénée. Oh silence, racoleuse ! Je n’en sais pas plus que toi pour le moment ! »

Car oui, si Clydwen était excitée, elle était aussi privilégiée ; Rägmor n’en pouvait n’avoir que l’impression mais l’Ilwynog, elle, savait que toute la forêt avait les yeux rivés sur eux, avides de cette apparition qu’ils n’espéraient plus. Les Giguêtres étaient une race particulièrement appréciée de tous, et c’était une chose assez rare pour être mémorable.

« - D’où venez-vous ? Où étiez-vous toutes ces années ? On vous croyait disparus, vous savez. Oh, pas vous en particulier, mais je veux dire, toute votre race. reprit-elle, toujours aussi fébrile et davantage bavarde encore qu’elle ne l’était d’habitude – ce qui était relativement difficile, affirmeraient quelques mauvaises langues. Que venez-vous faire en Drayame ? Oh cette vieille sorcière d’Eolia serait verte de jalousie si elle me voyait. sourit-elle, ignorant si Rägmor avait connaissance de la Princesse de Drayame – une personne somme toute respectable mais que Clydwen ne supportait pas à cause de son comportement fort peu délicat et, à ses yeux, fiable, trait indispensable pour gouverner des terres. »

Le silence de Rägmor, étonnamment, n’empêcha pas Clydwen de poser des questions. Parfois, elle se répétait ; souvent, elle énonçait des vérités ou des légendes, sur les Giguêtres, leurs relations avec le Monde, leurs pouvoirs. Certains faits n’étaient que légende et, quelque part, Clydwen savait que le colosse l’écoutait, assimilait tous ses mots pour mieux lui répondre plus tard, en temps voulu, aussi ne s’offusqua-t-elle pas de son silence. Elle profitait du temps qui lui était accordé pour calmer son euphorie, étaler toutes les pensées qui lui passaient par la tête avant de les oublier et, surtout, posait un regard sur le Monde bien plus élevé qu’elle ne l’avait jamais fait. Oh, bien sûr, elle avait déjà élu domicile pendant quelques heures sur une branche, le temps d’une sieste ou d’une lecture estivale, mais rarement avait-elle pu profiter du mouvement durant ces instants-là. Enfin, non loin du lac susnommé, l’Ilwynog finit par se taire, laissant le vent siffler à leurs oreilles et les pas du Giguêtre résonner à travers l’air environnant.

Lorsque ce dernier lui fit comprendre qu’il allait profiter de l’eau pour se rafraîchir, Clydwen sauta prudemment au sol, retombant agilement sur ses pattes pour mieux s’asseoir au bord de l’eau. La nudité de son compagnon ne la gêna aucunement ; à peine prit-elle le temps, d’ailleurs, de le remarquer, tant cela lui passait par-dessus la tête. Il y avait des détails dont on se souciait plus que d’autres au fil des races, et celle des Ilwynog n’avait que faire de la pudicité ridicule d’autres pour les faits de la Nature.

Se mettant à chantonner à voix basse en laissant le géant se baigner à son loisir, elle conta l’ancienne histoire d’une Nyrh qui aurait autrefois habité cette surface d’eau, une élémentaire d’eau qui rêvait de rejoindre l’océan sans oser quitter sa Drayame natale. Ce faisant, elle fit pousser une petite culture de fleurs à ses côtés en faisant passer sa main au-dessus du sol ; la pousse fut rapide, mais assez attentive cependant à prendre le temps de développer ses pétales et de laisser aux curieux les observant le plaisir d’admirer toute leur splendeur. Là, elle se mit à les trier, récolant une pétale par-ci, une feuille par-là, un bout de tige qu’elle renfermait précieusement dans un tissu, visiblement patiente mais toujours attentive aux faits et gestes de Rägmor. Lorsqu’il vint s’installer à ses côtés, elle lui adressa un sourire affable, presque suppliant cependant, ses yeux brillant d’une envie qu’elle ne réfrénait même pas. Là, enfin, le Giguêtre daigna répondre à toutes ses interrogations, et Clydwen l’écouta attentivement tout en continuant ses affaires alchimiques, la concentration savamment partagée.

« - C’est une histoire passionnante. conclut-elle gentiment, sans manquer de sincérité néanmoins, rivant lentement son regard sur lui alors que visiblement ses pensées bouillonnaient dans son esprit bien trop éveillé. Vous êtes toujours en possession de cette épée ? Elle doit regorgée d’une magie particulière, j’aimerais beaucoup la voir si ça ne vous embête pas, mais oh je comprendrais si vous refusez, je respecte votre intimité et la préservation de votre histoire. rajouta-t-elle en hochant lentement la tête, un doux sourire aux lèvres.. Œuvrer pour la liberté des êtres, dites-vous ? Tous, sans exceptions ? Qu’en est-il de ceux qui œuvrent pour Aîle Ténébreuse et qui voient en lui une promesse d’un Monde meilleur ? demanda-t-elle ensuite sans arrières pensées ni méchanceté, réellement animée d’une sincère curiosité, avant de rajouter en haussant un sourcil : Et quid de Drayame ? Ce lieu est sous protectorat.. à moins que vous ne veniez chercher ici quelque chose ? »

Rägmor trouva un endroit où les rayons du soleil passaient. Il s'y allongea, dans le but de vouloir se sécher. Il croisa les jambes et déposa sa lourde tête sur ses mains. Dès lors, il eut lieu une réaction chimique, voire physique. Si celle-ci était une nouveauté pour Clydwen, elle n'était qu'une habitude "d'après le bain" pour Rägmor.

Au contact du soleil, le Giguêtre fumait. Sa peau qui avait emmagasiné le surplus d'eau la libérait de cette manière. De même, son corps se recouvrit de la tête aux pieds de stries, de vergetures, qui apparaissaient comme de petites fissures blanchâtres et qui s'éparpillaient. Tandis que Rägmor séchait au soleil (On aurait pu croire qu'il était en train de cuire tel un tas de viande..), il réfléchit au sujet de la dernière réponse de Clydwen. Prononcer le mot "liberté" n'avait pas le même impact sur toutes les personnes, et l'Ilwynog l'avait très bien compris.ses remarques furent un rebondissement déstabilisant pour Rägmor, mais ce dernier s'était penché sur la question, et il avait une réponse qui pouvait satisfaire Clydwen.
Ainsi, tournant sa tête vers son interlocutrice, il s'exprima.


Le Giguêtre se releva. Lorsqu'il passa en dehors du cercle lumineux, les vergetures sur son corps s'effacèrent. Il réajusta son unique pagne et vint se poser aux côtés de Clydwen.

Clydwen se laissa trahir par une expression déçue lors de l’aveu du Giguêtre mais ne s’en offusqua pas ; après tout, il était courant qu’une arme magique, a fortiori si ancienne et destinée un unique but bien précis, disparaisse une fois son œuvre achevée. Tandis que ce dernier s’allongeait à son aise sous les rayons du soleil, l’Ilwynog plaça une pétale sous sa langue et, se mettant à la suçoter comme le ferait un enfant à qui l’on aurait permis une sucrerie, elle l’observa se sécher avec intérêt. Retenant son envie de se pencher de plus près, elle plissa néanmoins légèrement les yeux pour déchiffrer les stries qui se mirent alors à parcourir la peau de Rägmor. Bien sûr, elles ne voulaient rien dire en particulier et la bestiole se rendit bien vite compte que ce n’était là qu’une allégorie aux vergetures naturelles de la pierre, mais sa curiosité l’incitait à faire attention à tout ce qui se présentait à elle. Après tout, il lui était déjà arrivé de croiser un elfe qui possédait un tatouage dont elle ignorait la provenance dans son dos, et même s’il s’était bien vite avéré qu’il s’agissait simplement d’une lubie parentale tout à fait douteuse Clydwen s’était obstinée à en chercher la signification des jours durant, nourrissant l’espoir que le texte elfique bizarrement retranscrit parmi les dessins indique une quelconque source de magie cachée il y avait des siècles par une ancienne mage dont l’elfe en question aurait été le descendant. Un peu tiré par les cheveux, certes, mais assez crédible pour qu’un membre de la Confrérie des Brumes prenne le temps d’être certain de ne pas passer à côté de quelque chose qui pourrait s’avérer d’une importance capitale.

Arquant finement ses lèvres en un sourire poli, Clydwen prit ensuite le temps d’écouter sa réponse en penchant très légèrement sa tête sur le côté. Presque intriguée, elle essaya très sérieusement de se mettre psychologiquement à la place de Rägmor ; elle ignorait tout de son passé d’humain mais elle comprenait, quelque part, qu’il avait été influencé par ses années ‘banales’ avant d’être Giguêtre. Tout, dans son discours, transpirait le sacrosaint égoïsme rationnel qui caractérisait tant cette race qui, même si elle était largement majoritaire sur Terra, avait encore tant de choses à apprendre. Oh, bien sûr, l’Ilwynog était une optimiste, elle ne doutait pas qu’ils y parviennent un jour : il fallait juste s’armer de patience. Et tel était le cas pour Rägmor également.
« - Considérons Aile Ténébreuse comme un Alpha quelconque. commença-t-elle doucement en plaçant une nouvelle pétale sous sa langue, grimaçant brièvement cette fois avant de continuer sereinement. À l’image de tous les Alpha, il possède une meute grégaire qui le suit et lui obéit avec allégeance ; bien sûr il y a quelques brebis galeuses indécises mais c’est un autre sujet. Cet Alpha, de ce fait, agira comme la Nature l’a forgé, conquérant de nouveaux territoires, tuant pour se nourrir, limiter la concurrence, réguler la population, éliminer les faibles.. sa meute l’imitant alors pour mieux prospérer. Et au final, cet Aile Ténébreuse, n’est-ce pas ce qu’il fait ? Répondre à ses impulsions naturelles, peu importe ce qu’il en coûte aux autres – qui eux, de ce fait, subissent cette loi sans vraiment avoir le choix. Brève pause, qu’elle ponctua d’un petit rire étrangement amusé. Sauf lorsqu’ils tuent par plaisir. Je t’accorde cette nuance. On ne tue jamais par plaisir, dans la Nature. Mais c’est une question de conscience. »

Clydwen ne se rendait pas réellement compte, peut-être, à quel point son discours pouvait sonner mécanique. Mais il était vrai qu’elle se tenait majoritairement aux faits purement biologiques, et que malgré sa capacité analytique ‘d’âme supérieure’ elle avait toujours eu du mal à poser un regard autre que scientifique sur le Monde qui l’entourait. Au final, ses pairs n’étaient que des animaux qui n’avaient évolués que plus rapidement que ceux encore habitués à se mouvoir sur quatre pattes. Si dans les faits son discours n’était pas erroné, il manquait cependant cruellement d’humanité ; son ouverture d’esprit cependant lui permit d’accueillir les propos de Rägmor avec sérénité, même si elle ne l’était pas assez pour l’envisager personnellement.
« - Mais je comprends tes ambitions. Ce n’est pas chose possible, mais qui sait.. je serais curieuse de t’y voir réussir. conclut-elle avant de rajouter avec une certaine gravité : Même s’il serait regrettable de sacrifier un tel spécimen pour une hérésie, mais j’imagine que nous ne pouvons pas grand-chose contre l’éveil spirituel. »

Clydwen se permit un rire clair et léger, sans moquerie aucune et innocemment amusée. Si ces évidences étaient  sous-entendues dans ses propos, le fait que Rägmor les énonce avec une telle honnêteté presque enfantine lui rappelait ses elfes encore trop jeunes pour être tout à fait sages de qui elle fut le précepteur lorsqu’elle était encore attachée à Flore. De son point de vue, personne n’était à la hauteur de tenir tête à Aile Ténébreuse ; quand les rebelles réunissaient cent hommes, deux cent rejoignaient les rangs du démon. Dans son esprit carré et scientifique, l’Ilwynog ne voyait pas qui que ce soit réussir à enrailler cette machine trop bien huilée ; pas qu’elle soit plus ou moins la victoire de l’un ou l’autre des camps, non. Dans son intérêt personnel elle avait tout intérêt à laisser les choses évoluer pour le moment jusqu’au jour où elle y retirerait des avantages – ou éviterait des désagréments. Elle croyait aux faits cependant, et les faits n’allaient clairement pas dans le sens d’un autre Alpha à l’heure actuelle.

Lorsque Rägmor lui présenta sa main la bestiole n’hésita pas une seconde à y bondir à nouveau, se reposant sur son épaule en arquant ses lèvres en un sourire complice suite à ses propos.
« - Eh bien j’imagine que tu connais l’adage.. Pour vivre heureux vivons cachés, ce genre de choses. avança-t-elle avant de rajouter avec malice : Ou en l’occurrence, pour tenter de vivre heureux cachons nous jusqu’au jour propice. »

Les mots suivants de Rägmor cependant lui firent prendre une mine un peu plus sérieuse et concentrée. Si elle avait entendu parler de l’Aurore ? Bien évidemment. Elle faisait partie de la Confrérie des Brumes après tout, ce qui se passait sur Terra n’arrivait jamais sans que la Confrérie ne soit au courant. Une idéologie récemment née qui commençait à prendre une certaine ampleur timide. Elle n’avait pas fait attention aux noms cités dans ce dossier-là mais il est vrai qu’à y réfléchir Rägmor sonnait comme un patronyme familier. Alors comme ça, il cherchait la bénédiction des lieux et ses habitants pour s’y dissimuler ? Il était vrai qu’à part les coins paumés des Montagnes et, éventuellement, les terres du Feu si l’on était dans les bonnes grâces des insulaires, Drayame était un endroit prédisposé aux étrangers qui cherchaient une planque. Bien sûr ce n’était pas moins dangereux qu’un autre lieu, a fortiori si on ne savait pas s’y prendre avec les choses de la Nature, mais Rägmor n’était de toute évidence pas de ces gens-là.
« - Une sage décision, pour un prédateur en devenir. sourit-elle en étirant ses oreilles. Eh bien, tu es un Giguêtre ! Tout ce qui vit entre ses arbres t’accueillera à bras ouverts. Si tu comptes vous installer de manière prolongée à Drayame cependant, a fortiori si vous êtes nombreux, tu devrais te faire des alliés chez les elfes. Depuis que Drayame est sous protectorat, certains n’ont pas hésité à rejoindre les rangs d’Aile Ténébreuse, aussi rapportent-ils les mouvements inhabituels de cette forêt à leurs nouveaux amis et ils n’hésiteront pas à donner votre position s’ils vous aperçoivent – ce qui vous apportera des ennuis, aussi sûr que le vent solaire cause des orages magnétiques. Un temps. Bien sûr libre à toi de dissimuler tes véritables intentions, tant que tu leur donnes une raison crédible.. mais sache que rien ne reste bien longtemps secret aux elfes de la cité des arbres, en Drayame. »

Rägmor prit le temps de digérer les paroles de Clydwen. Son réalisme, son savoir et les préventions qu'elles prenaient étaient sans aucun doute un point qu'il manquait à Rägmor et dont l'expérience de la vie les ancreraient naturellement dans son esprit.

Et comme à ses habitudes quand il devait résoudre un problème, il prenait le temps de se poser pour réfléchir. Ce caractère récurrent pouvait être parfois énerver l'entourage. Le Giguêtre a aussi une part de Géant de Pierre, et ces êtres prenaient toujours de réfléchir et de se déplacer.

Après plusieurs minutes de réflexions intensives au pied d'un arbre, il releva le tête et s'exclama.

Rägmor déposa la petite Clydwen sur la paume de sa main. Elle pouvait aisément se tenir debout. Il approcha son visage d'elle et lui chatouilla le bout de son nez pour la taquiner, tout en souriant.


Rägmor se releva et replaça la petite Ilwynog sur son épaule. Il n'attendait plus qu'elle confirme ou non que son plan avec les elfes puisse marcher.

Le silence de Rägmor accommodait Clydwen : outre le fait qu’elle avait deviné cette sérénité passagère comme propice à la réflexion pour le Giguêtre, elle y décelait là une certaine sagesse qui n’était pas sans lui déplaire. Patientant sagement (et Yehadiel savait à quel point il était difficile de la faire tenir dans un tel état, il fallait bien qu’un géant de pierre disparu depuis des siècles revienne pour ainsi la dompter !)  en laissant ses pieds brasser l’air de droite à gauche, toujours installée sur l’épaule de Rägmor, l’Ilwynog n’eut cependant pas à s’ennuyer bien longtemps et ses oreilles se dressèrent, droites comme des i, lorsque son compagnon l’interpella à nouveau.
« - Oh oui bien entendu, je.. ! s’empressa-t-elle de répondre, visiblement impatiente de redonner vie à son corps endolori par l’inactivité, avant de s’interrompre, coi d’étonnement tandis que le Giguêtre la déposait sur sa main. »

Là, les yeux de la bestiole louchèrent sur le doigt que ce dernier déposa sur son museau, et celui-ci s’anima alors, agité d’une toute nouvelle énergie : cela l’empêcha de surcroît d’éternuer malencontreusement sur son nouvel ami, et d’un mouvement de patte elle remit ses moustaches en place pour ne pas perdre sa notion d’équilibre stupidement maintenant qu’elle voyageait en hauteur.

« - Je connais quelqu’un qui peut correspondre à ta description. acheva-t-elle alors se replaçant sur l’épaule du géant, sagement, regardant autour d’eux avec curiosité avant de désigner une direction au Nord de là. C’est une sorte d’ermite un peu déjanté, mais adorable. Il a dévoué sa vie à la Nature – avec un n majuscule – je pense qu’il serait judicieux de s’adresser à lui. Si quelqu’un peut s’extasier sur le retour d’un Giguêtre et répandre la nouvelle plus vite que l’éclair, alors c’est bien lui ! expliqua-t-elle avec un sourire satisfait, comme si elle se sentait particulièrement honorée d’aider Rägmor dans sa quête – et aussi parce que le petit compliment que ce dernier lui avait glissé lui était allé droit au cœur, évidemment. En attendant ta sagesse future et si tu acceptes de me faire confiance, je pense que c’est un bon début !. »