Dépaysement, voilà ce que ressentait Vaelh depuis son départ forcé de Feu. Parfois, le blues surgissait de nul part pour assombrir son humeur. Les Cabales lui manquaient ; à l'inverse il s’estimait heureux de se tenir loin de toute la bande de putains d’insectes sans discernement qui les peuplaient. Plus précisément, c'était l'ambiance, l'atmosphère des Cabale qu'il n'arrivait à retrouver nul part qui lui faisait défaut, et quand la déprime pointait le bout de son nez, il n'y avait pas 36 solutions pour la chasser : soit Vaelh avait Soif et dans ce cas il pouvait passer sa mauvaise humeur dans la couche d'une femme, soit il s'isolait pour exercer son art.
Il en vivait d'ailleurs de cet art, mais cela l'ennuyait de devoir rester constamment mobile pour aller à la rencontre du client. C'était au client de se déplacer pour venir supplier l'Incube de daigner leur offrir une fraction de son talent ! C'est comme ça que ça devait marcher...
Pourquoi ne pas simplement s'établir quelque part et ouvrir une échoppe ? La question traversa son esprit, l'air de rien, avant de solidement s'y installer. Pourquoi pas ! C'est sans doute le meilleurs moyen de jouir de revenus fixe et d'une réputation qui ne pourra qu'enfler ! Sans plus attendre, il s'était rendu en ville pour avoir toutes les informations et autorisations nécessaires. Initialement il avait voulu s'installer Sylfiria. Une ville on ne peut plus raffinée où faire fortune aurait été un jeu d'enfant et où il aurait été si plaisant de vider les poches de quelques gros lards de bourges ! Mais quand l'Incube avait vu ce qu'il lui en coûterait pour ouvrir un local d'une taille ridicule il s'était rabattu sur Misora, près du centre ville d'Alesia. Il enrageait tant de devoir en passer par là avant de baigner dans le luxe !
Quelques mois plus tard, tout était en place. D'extérieur, la boutique se détachait du reste des autres commerces : une façade ovoïdale noir à l'entrée allongée sur la rue et soutenue par une rangée de petites arches au profile acéré, parcourues sur toute leur longueur d'une myriade de runes Cabalistes pourpres que seuls les connaisseurs pouvait interpréter. Hormis deux fentes qui partaient du sol jusqu'à son sommet, laissant filtrer un lueur tamisée, cette étrangeté n'était pourvu d'aucune fenêtre. Sur la surface de l'ovoïde, à plusieurs niveaux, on retrouvait des séries d'excroissances semblables à des lames courbées, très fines, tournée vers le ciel. Pour un ressortissant des Cabale de Feu, une architecture si typique avait une gueule d'enfer Il était à la limite de l'endettement, mais Dieu que ça valait le coup ! Les réactions chez les autres races étaient mitigées. Les uns adoraient d'autres beaucoup mois. Certains trouvait la battisse dérangeante, d'autres la trouvait attirante ; mais invariablement, tous étaient curieux de savoir ce qui se cachait à l'intérieur.
Plutôt qu'une enseigne lisible par le commun des passants, Vaelh avait opté pour une rune Cabaliste très spéciale, celle du Cla'han-Ku'Tesh, suspendue à la première arche de l'entrée par des liens magiques invisibles -cette même magie permettait à l'enseigne de rayonner la nuit-. Ainsi lorsque les citadins passaient et qu'ils remarquaient ce symbole insolite, la curiosité prenait immanquablement le dessus. Ils voulaient savoir ce que la grande rune signifiait, interrogeaient leurs amis qui n'en savaient pas plus, avant de ne plus tenir et d'entrer dans l'établissement pour demander directement à son gérant !
Lorsque un curieux entrait, il s'en trouvait violemment projeté dans un univers foncièrement différent, contrastant avec les rues de Ciel au point que le regard se perdait , ne sachant plus où se poser. Désorientation totale ! l'intérieur semblait immense comparé à l'idée qu'on s'en serait fait à voir la façade. Un subtile fumet d'encens à la senteur inconnu mais incroyablement agréable, enivrante, entêtante, planait dans l'air.
A droite, un rideaux pourpre est tiré sur une abondance de toile représentant des objets allant d'une bague à une lance en passant par l'armure, la cuirasse, sans oublier robe, bure, bottes... Rien ne manquait. Tous les tableaux, dont la taille variait de l'un à l'autre, étaient composés de la même manière : on y voyait l'objet simple et à côté son modèle enjôlé au point qu'il s'élève au rang d'oeuvre d'art. certains défiait même la compréhension.
A gauche, nombres d’accessoire, de vêtement, d'armures et d'armes étaient présentés. Ici on distingue un or couleur platine sculpté pour représenté un lion rugissant, la tête du porteur arrivant dans la gueule grande ouverte du félin. Là, une rapière dont la garde est en fait une rose bleue pâle absolument exquise. Sur ce mannequin, au fond, une cuirasse légère au ventre nu, la zone sans cuir contournée d'une lisière dorée sur laquelle on remarque gravées de minuscules runes. Et là, surprenant... Une cape rouge vive sur laquelle glissait de grandes traînée de coton... des nuages ! On repère également des bracelets sur lesquels s'épanouit du lierre d'argent...
En cet instant, la profession exercée en ces lieux par le gérant demeurait rester flou... Forgeron ? Couturier ? Peintre ? Bijoutier ? Simple revendeur ?
Chaque côté étaient simplement éclairés par quelque bougie. Sur le sol en bois noir, un grand tapis pourpre au détails blancs guidait le curieux jusqu'au centre de la pièce, seule zone vivement éclairé par un globe magique au plafond. Par contre, en face... Les ténèbres, épais, absolus, insondables. Une présence s'en détachait et même si les yeux des clients ne la trouvaient pas, elle dégageait une aura de béatitude et de charme écrasante pouvant aisément brouiller les sens de ces dames non préparées.
On pouvait distinguer un sourire éclatant se dessiner dans cette noirceur.
Une vois s’éleva, chaude, vibrante, mélodieuse, sensuelle.
Bienvenue au Cla'han-Ku'Tesh. Que puis-je faire pour vous ?