Donovan encocha une flèche à son arc. Pour une fois, les choses n’allaient pas trop mal. Le voyage du retour avait été long, mais s’était déroulé sans trop de problèmes. Mis à part le mal de mer qui lui avait collé au court tout le long, pas de tempête, pas de pirates, pas de mutinerie… Juste un voyage en mer.

Il avait initialement prévu de rejoindre directement le QG de l’Aurore, au Drayame, mais il avait voulut arpenter les lopins de terre alentours pour répandre les idéaux de Rägmor. La décision était lourde de conséquences ; car si du temps avait passé, et que tout l’amour dont il était capable maintenant était tourné vers Luz, cet endroit restait celui qui avait vu sa femme mourir. Il avait soigneusement évité l’endroit où il s’était établit, autrefois, avec Ysle.

Mais l’heure n’était pas aux souvenirs. Il n’avait rien avalé depuis la veille, et il venait de tomber sur quelques cerfs. Il avait dans l’idée de mettre en application les leçons de Rägmor. Le colosse avait passé du temps à lui enseigner l’art de la chasse, mais il était un élève pitoyable. Pourtant, il lui fallait tenter le coup s’il voulait faire cesser les crampes qui assaillaient son estomac.

Il s’accroupit, cherchant à se déplacer furtivement. Son arc le gênait, la position était inconfortable… Il trébucha la tête la première dans un buisson en poussant un juron haut et fort. Décidemment, il n’était pas fait pour ça. Il entendit vaguement un bruit de troupeau qui se déplace, et, lorsqu’il releva la tête, il vit les cerfs s’enfuir.

Donovan se relevait tout juste lorsque retentit le hurlement d’un loup. Il redressa vivement son arc, se rendant soudainement compte qu’il était encerclé par une petite meute, grondante, le poil hérissé. L’archer réagit d’instinct, visa le plus proche des loups, décocha et…

La flèche n’atteignit pas sa cible. Sortie de nulle part, une femme bondit entre lui et les loups, interceptant sa flèche au vol. Allons bon, qu’était-ce, cette fois-ci ?

-TAS DE CRÉTINS FINI ! HORS DE MA VUE ! ALLEZ DONC CHASSER VOTRE TROUPEAU DE CERFS AILLEURS ET RENTREZ !

Donovan se demanda une seconde si la nouvelle venue était une folle, avant de se rendre compte qu’il reconnaissait cette voix.

-Des réclamations ? Vraiment ? Je dois te rappeler qui est le chef ou ce n’est pas utile ?

Le fait que les loups suivent ses directives confirma son identité- et ses soupçons au passage. Ce n’étaient pas des loups, mais des lycans probablement sous forme lupine.

-Je vous prie de leur pardonner leurs élans agressifs. Mais que diable faites-vous donc ici Donovan, vous vous improvisez chasseur ? Non je dis cela parce que, sans vouloir vous offenser, vous êtes aussi discret qu’un Gigaqueus chez un potier.

- Vous, vous êtes… Alyna !

Un sourire éclaira son visage.

- Content de vous voir arriver. Un peu plus et je finissais en charpie.

Il ébouriffa ses cheveux, l’air à la fois soulagé et confus.

- Vous étiez en train de chasser les cerfs, n’est-ce pas ? Je suis navré. Sans moi vous les auriez probablement eu, je n’ai même pas remarqué votre présence. Un ami a bien tenté de m’apprendre la chasse, mais je crois être un cas désespéré dans ce domaine.

Son ventre gargouilla.

- Mais comme vous pouvez l’entendre, la nécessité fait parfois la loi…

Spoiler:

-Pour être un cas désespéré ça vous l’êtes à ce qu’il semble ou alors vous manquez cruellement de conseils. Auquel cas vous n’auriez pas approché ces cerfs en vous laissant sentir. Enfin... ventre affamé n’a pas d’oreilles à ce qu’on dit.

Le ventre de la jeune femme gronda, et elle rougit. Donovan lui adressa un sourire afin de chasser sa gêne.

-Il semble que moi aussi j’ai besoin de manger. Je vous propose de chasser avec moi, mais écoutez mes indications, sinon nous ne mangerons pas avant quelques heures.

- Vous avez toute mon attention, fit l’archer alors qu’elle se mettait en marche.

Il la suivit en l’observant. Elle marchait d’un pas souple, discret, presque aussi léger que le vent. Donovan essaya de faire attention où il mettait les pieds, de même qu’il essaya d’imiter sa démarche, mais rien n’y fit : il avait plus l’air d’un homme saoul que d’un chasseur.

La jeune femme s’arrêta et sembla humer l’air. Donovan faillit faire de même, avant de se rappeler qu’elle n’était pas humaine, et avait donc des capacités qui le dépassaient. Un simple humain ne pouvait pas repérer une proie à l’odeur, si ? Il émit tout de même un léger reniflement, juste au cas où.

Mais elle ne sembla pas trouver ce qu’elle cherchait dans l’air, et reporta son attention sur le sol. L’archer suivit son regard et aperçut des traces dans le sol. En revanche, il était absolument incapable de dire de quoi il s’agissait. Il arrivait à reconnaître les traces de bottes et de sabots quand il en voyait, et ce pour avoir suffisamment pataugé dans la boue des champs de bataille, mais c’était bien tout. A coup sûr, il serait incapable de faire la différence entre les empreintes d’un lapin et d’un sanglier.

Alyna marmonna quelque chose à propos de bestioles et d’encornés, paroles qui lui échappèrent sur le coup, avant de suivre une piste et l’amener devant un terrier. Un lapin, donc, supposa Donovan.

-Règle numéro un se cacher et ne plus bouger, surtout ne pas se faire sentir. Mais là je n’ai aucune envie d’attendre, alors je vais faire sa façon accélérer.

Donovan acquiesça sans broncher, se contentant de hocher la tête. Se cacher et ne plus bougé ; il nota la règle dans un coin de son esprit. Mais… comment faire pour ne pas se faire sentir ? Devait-il s’enduire de la sève d’arbres ou quelque chose comme ça ? Il grimaça. Un repas ne valait peut-être pas toute cette peine. A cette pensée, son estomac grommela son mécontentement.

Il regarda Alyna faire un petit feu devant l’entrée du terrier, puis aller se déplacer pour attendre. Pendant un instant, il se demanda ce qu’elle pouvait bien faire- il eut sa réponse lorsqu’il vit une boule de poils sortir en trombe de l’autre côté du terrier.

La main d’Alyna jaillit promptement et pour saisir le lapin par la peau du cou. Elle se tourna vers lui, lui montrant sa prise.

-Un moyen assez simple d’attraper quelque chose en solitaire, on l’en déloge ou on attend qu’il sorte, toujours tenir compte du vent.

- Tenir compte du vent… Compris ! Pour l’odeur, j’imagine ?

Il regarda le lapin, pensif.

- Mais comment saviez-vous qu’il y aurait un autre trou ? Je veux dire, vous êtes allé l’attendre au bon endroit…

Une fois de plus, le peu de patience qu’il possédait cédait devant sa curiosité.

- On ne peut faire ceci que pour le cas où il s’agit d’un lapin, non ? Par exemple, comment auriez-vous fait pour attraper un cerf ?

-Heum... je m’excuse si je vous ai choqué pour... Ceci.

Sur le coup, Donovan n’avait même pas été surpris, avant de réaliser vraiment ce qu’elle venait de faire. A bien y réfléchir, il n’avait pas croisé beaucoup d’humains ces derniers temps, et peut-être que les effets commençaient à s’en faire ressentir. Dragons, Lycans… Il eut le sentiment qu’à force, il finirait par se prendre pour un animal grand et fort lui aussi.

- Oh, ne vous en faites pas… Je suppose que je commence à prendre l’habitude de ce genre de réflexes. Entre vous et…

Il laissa sa phrase en suspends, la regardant préparer le lapin. Luz lui manquait suffisamment déjà, inutile d’en rajouter une couche.

-Bien... Que savez-vous au juste ?

- A propos de la chasse ? Bien trop peu, je pense.

Il s’assit et étendit ses jambes.

- Je sais que les gens trouvent étrange, généralement, qu’un archer ne sache chasser. Il faut savoir que j’étais épéiste avant de me retrouver incorporé dans une troupe d’archers, à l’armée. On m’avait transféré d’une part en raison de mes facilités à me servir de cette arme, et d’autre part parce que j’étais à deux doigts d’étriper la moitié de mon unité d’infanterie. Du coup, je me suis retrouvé à m’entraîner au maniement de l’arc, mais jamais à chasser.

Il se gratta la tête.

- Le peu que je connaisse de la chasse m’a été enseigné par un ami. Jusque là, je chassais comme je tuais dans une bataille : je décochais à vue en espérant être suffisamment bon pour atteindre ma cible.

Il prit une mine pensive.

- Mais pour ce que l’on m’a apprit… On m’a dit que me déplacer discrètement serait un plus. Ne pas faire de bruit, se fondre dans la forêt et je ne sais quoi d’autre. Sauf que dans la pratique, je n’y arrive pas. Me déplacer discrètement, tout en gardant mon équilibre, m’est impossible. J’ai l’impression d’écraser toutes les brindilles et feuilles mortes qui se trouvent sur mon passage.

Il se tut un instant, cherchant dans sa mémoire les leçons de Rägmor.

- On essayé de m’apprendre à reconnaître les traces, mais encore une fois la pratique me manque. Je ne sais voir que des traces, puis des traces un peu plus petites ou un peu plus grosses. Mais la différence de taille mise à part…

Que Rägmor lui avait-il dit d’autre ?

- Ha oui et… mon plus gros problème… la patience. On m’a dit qu’il fallait faire preuve de patience, savoir attendre, ne pas bouger… Or, je suis incapable de rester immobile plus de quelques secondes. Je ne tiens pas en place.

Il fit un sourire amusé à Alyna.

- Alors, votre diagnostique ? Vous pensez arriver à faire de moi un véritable chasseur ?

En entendant le diagnostique d’Alyna, Donovan eut un léger sentiment de désespoir. Etait-il un cas irrécupérable ? Devrait-il voyager sans cesse le ventre creux, incapable de trouver de la nourriture autrement qu’en allant en acheter dans les tavernes et les marchés ?

Elle le rassura vite, lui expliquant qu’il existait diverses façons de chasser, et que une, en particulier, pourrait lui convenir. Les pièges… Oui, pourquoi pas ? C’était une bonne idée. Encore fallait-il qu’il puisse pouvoir en construire. Et avoir suffisamment de patience pour attendre sagement qu’un animal daigne tomber dedans.

Il l’écouta donc attentivement la chasseuse, essayant de retenir tout ce qu’elle lui disait. Elle lui parla d’empreintes- décidemment-, lui montra des marques qu’elle avait au niveau de l’épaule. Donovan grimaça, et soudainement, il se demanda s’il valait vraiment la peine de risquer se faire dévorer pour un peu de viande plutôt que de cueillir quelques fruits.

A priori, confondre les traces d’un renard avec celles d’un ours n’était pas chose fréquente. Pourtant, l’archer était presque certain qu’il ferait cette erreur également.

-Je ne dis pas cela pour vous effrayer ou vous dégoûter de chasser, mais pour que vous ne tombiez pas dans des erreurs grossières. Et confondre des traces de lapin ou cerfs avec un ours ou un Skoll il faut vraiment le faire exprès, donc ça ne devrait pas être trop compliqué. Le seul piège sera de ne pas confondre un cerf avec un sanglier.

- He bien… je suppose qu’aller acheter un jambon à un marché est trop facile. Ceci dit, j’en connais une qui serait bien fâchée de me retrouver avec deux bras en moins.

Son ventre émit un autre grognement alors que l’odeur du lapin en train de cuire commençait sérieusement à envahir les environs. Il lorgna sur la viande avec insistance.

- J’imagine qu’il y a plusieurs sortes de pièges, non ? Ce doit être comme quand on enfonce des pieux dans la terre et les recouvrant d’une toile en attendant que les ennemis viennent s’empaler dessus. Quoique… Un animal devrait être plus réactif.

Il jeta un regard à Alyna.

- Où avez-vous apprit tout ça ? Je veux dire… Vous pouvez chasser sous forme de loup, ce doit être plus pratique, alors pourquoi vous embêter à chasser sous forme humaine ? Les pièges, les traces, la discrétion sommaire d’un corps humain… D’autant que vous devez éprouver plus de liberté sous forme animal, non ? Et…

Il s’interrompit net, prenant conscience que ses nombreuses questions, indiscrètes de surcroît, pouvaient bien embarrasser la jeune femme. Il lui sourit et ébouriffa ses cheveux.

- Ha… désolé. Je me laisse un peu emporter parfois. N’hésitez pas à me rembarrez, sinon ma curiosité va encore prendre le pas sur le peu d’éducation que j’ai.

Il poussa un léger soupir.

- Quoiqu’il en soit, je vous suis reconnaissant du temps que vous m’accordez. J’imagine que vous n’avez pas que ça à faire, et vous êtes en train de me sauver d’une famine certaine.

Une qui n'aimerait pas qu'il finisse avec les bras en moins ? Mais de qui parlait-il ? Elle n’en savait rien, mais il n’était pas dans ses habitudes de demander, en tous les cas il continua à parler et elle l’écouta avec attention, tout en surveillant les environs du coin de l’œil. Il était assez rare que Fylia ne fasse pas les tours de guet en volant dans le ciel, mais son amie était présentement en train de se goinfrer des restes normalement non comestibles du lapin, alors la louve reprenait ses habitudes de méfiance, ses sens exacerbés, le moindre son était analysé en plus de ce que disait Donovan, la moindre odeur et chaque mouvement dans les bois.

- Où avez-vous apprit tout ça ? Je veux dire… Vous pouvez chasser sous forme de loup, ce doit être plus pratique, alors pourquoi vous embêter à chasser sous forme humaine ? Les pièges, les traces, la discrétion sommaire d’un corps humain… D’autant que vous devez éprouver plus de liberté sous forme animal, non ? Et…

La lycan se tourna vers lui en fronçant légèrement les sourcils, question à ne pas vraiment poser, il sembla s’en rendre compte car il s’en excusa et la jeune femme se radoucir en étirant ses lèvres d’un sourire sur son visage d’aspect jeune. Bah elle allait quand même lui donner une réponse, même si cela ne serait pas la totalité des véritables raisons. La vérité c’était qu’elle avait gardé le plaisir de la chasse sous forme humaine du temps où elle était encore assassine, ce qui calmait d’ailleurs les envies de sang de Lyän. Elle lâcha un léger rire en écoutant ses remerciements.

-Bah, ce n’est pas comme si j’avais l’éternité devant moi pour faire d’autres choses. Pour ce qui est de pourquoi je chasse sous forme humaine... elle marqua une pause et se contenta d’un haussement d’épaules. Je trouve ça plus amusant, mais c’est vrai que parfois je suis plus enclin à ma forme louve, mais pas toujours. L’une comme l’autre ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Elle ajouta quelques herbes à la viande, puis elle baissa la chaleur grâce à son don. Elle n’aurait pas fait cela devant tout le monde, mais Donovan l’avait déjà vu faire, donc elle ne lui dévoilait rien qu’il ne sache déjà. Alyna fit signe au chasseur qu’il pouvait se servir, quant à elle, elle se redressa pour sonder les buissons du regard, l’odeur de viande cuite risquait d’attirer des prédateurs. Ne voyant rien elle s’assit au sol tranquillement et prit un morceau de viande avec la pointe de sa dague, mordant du point des dents dans la chair tendre du lapin.

Du coin de l’œil elle vit sa chouette reprendre son envol pour s’éloigner, l’avertissant mentalement qu’elle allait continuer son repas, c’est vrai qu’elle se nourrissait pas mal et plus elle aimait se dégourdir les ailes. Mais la lycan dépréciait assez d’être privé des capacités visuelles de son amie, ainsi que son ouïe. L’oiseau étant capable de repérer un mouvement à un kilomètre, on comprenait facilement la réaction de la louve. Cependant elle ne dit rien, se contentant de lui dire au revoir mentalement, puis reporter son attention sur son morceau de viande.

-Une fois le ventre plaint...

« J’ai faim... »

-... je vais essayer de vous apprendre les pièges qui en effet sont un peu dans l’idée du pieu, mais en plus fiable généralement.

« Sanglier... »
« Lyän tais-toi... »
« Pfeu, je m’en fiche j’ai faim. »

Elle entendit un bruit et vit approcher timidement un jeune renardeau à l’air apeuré venu chercher quelque chose à manger. La lycan le rassura d’un doux grondement venu de sa gorge et il vint chaparder les quelques restes d’intestin que la chouette n’aimait pas et qu’elle avait délaissé, puis il se sauva avec son larcin en fixant Alyna.

-Ça tombe bien qu’il soit passé je pourrais te montrer le genre de traces qu’il faut éviter puisque la plupart des prédateurs ont des pattes et pas des sabots, comme les lapins sont les rares proies possédant des pattes.

Elle acheva son morceau pour s’en servir un autre. Dire qu’elle pouvait avaler un lapin entier sans aucun problème et jeûner ensuite pendant une semaine, pratique et Lyän qui râlait d’avoir faim, non elle n’aurait pour rien au monde été chasser un sanglier blessé. C’était aussi fou que de s’attaquer à un femelle lynx avec des petits.

Donovan avait eu tout juste ce qu'il fallait de retenue pour ne pas se précipiter sur la viande du lapin, remerciant Alyna lorsqu'elle lui dit qu'il était fin prêt à être mangé. Il savoura le gibier- il fallait reconnaître à la lycan, en plus de ses talents de chasseuse, un certain don pour la cuisine. Enfin, pour la cuisson d'un lapin, en tous cas.

Alors qu'elle lui disait qu'elle lui apprendrait à construire des pièges, un renard s'approcha discrètement d'eux. L'archer ne le vit que trop tard, et eut un léger sursaut quand il entendit Alyna grogner doucement, alors que le renardeau s'appropriait les restes des entrailles du lapin. Il avait porté d'instinct une main à ses flèches, mais la baissa rapidement.

-Ça tombe bien qu’il soit passé je pourrais te montrer le genre de traces qu’il faut éviter puisque la plupart des prédateurs ont des pattes et pas des sabots, comme les lapins sont les rares proies possédant des pattes.

Il resta pensifs quelques instants.

- D'accord. Pattes, prédateurs, sabots, proies. Sauf le lapin.

Si la chasse n'en tenait qu'à cela, il devrait s'en sortir, mais il se doutait malheureusement qu'il n'était pas au bout de ses peines. Il jeta un regard aux empreintes laissées par le renardeau, essayant de les mémoriser. Que n'avait-il pas du papier et de l'encre pour dessiner la trace !

- Laisse t-on le renard partir comme cela ? Ca se mange, n'est-ce pas ?

Quitte à apprendre la chasse, autant savoir ce qui était comestible ou pas. Ce qui le fit penser, étrangement, à Luz.

- Cela nous prendra combien de temps, pour apprendre à préparer les pièges ? J'ai bien quelques heures, voir un jour ou deux devant moi, mais il faudra que je reprenne ma route.Il lui restait encore tant de chose à faire... Continuer à véhiculer les idéaux de l'Aurore, par exemple. Mais la principale raison était que malgré le temps passé, revenir aux plaines lui faisait toujours le même effet. Ce sentiment de perte qu'il avait à chaque fois qu'il penser à cet endroit. Car cela le ramenait inévitablement des mois en arrière, à ce jour où il était rentré chez lui pour retrouver sa femme assassinée.

Son visage s'assombrit soudainement.

- Non, je ne tiens pas à rester ici. J'y ai perdu... ma femme, il y a quelques temps, et ça me fait toujours l'effet d'un coup de couteau, d'y revenir. Je ne sais pas si tu aime quelqu'un, mais je te souhaite de ne jamais le perdre.

Alyna devait se ficher de ses états d'âme, mais tant pis. Les Plaines le déprimaient, et la gentillesse de la lycan le poussait à parler. Après tout, un lycan pouvait s'avérer être une aussi bonne oreille qu'un humain, non ?

Pas officiellement ? Cela voulait dire qu'il y avait pourtant quelqu'un... Mais Alyna ne le laissa pas satisfaire sa curiosité, et enchaîna presque tout de suite avec une démonstration de piège. Elle lui expliqua le principe du collet, puis, après avoir nettoyé la carcasse du lapin, elle lui montra comment procéder. L'archer tenta de mémoriser la leçon : le corde, le noeud, la planque dans le buisson...

Il faillit décrocher au chapitre des empreintes. Cerf, sanglier, lapin... C'était presque trop d'informations à assimiler, en si peu de temps ! Non seulement il avait du mal à voir les différences entre les empreintes de sabots, mais en plus, il avait du mal à retenir les dites différences. Peut-être Alyna senti t-elle son désarrois, car elle en revint bientôt au piège posé dans le buisson...

Elle avançait d'un pas souple, silencieux, et Donovan scruta sa façon de faire, regardant où se posaient ses pieds, la manière dont elle se mouvait... Et rougit, puis détourna la tête, espérant qu'elle n'aurait rien remarqué. Manquerait plus qu'elle s'imagine des choses...

Elle ralentit soudainement, attentive à ce qui l'entourait... Comme si elle cherchait quelque chose... Avant que Donovan ne comprenne ce dont il s'agissait, elle se transforma, adoptant sa forme de louve, se mit à gronder en montrant les crocs.

- Alyna ?

L'archer, à quelques pas derrière elle, vit alors un ours se dresser d'entre les feuillages, posté sur ses deux pattes arrières. Avant qu'il n'ait pût faire le moindre geste, trop stupéfié par cette soudaine apparition, l'animal tenta de frapper Alyna, qui esquiva la patte griffue, recula de deux pas et... se retrouva prise au piège.

Le piège ! Elle s'était empêtrée dans la collet qu'ils avaient placé plus tôt ! Et l'ours qui s'apprêtait à frapper à nouveau...

Le corps de Donovan réagit instinctivement. Sa main gauche vola vers son carquois- qu'il portait à la hanche depuis quelques temps- et en tira une flèche, qu'il encocha à son arc alors qu'il relevait celui-ci. Il avait apprit à être rapide, et à économiser les gestes. Sa respiration se stoppa d'elle-même...

La flèche quitta l'arc, et vola droit vers la patte de l'ours, la traversant de part en part. La bête gronda, stoppa son geste et retomba sur ses quatre pattes. Il semblait à Donovan... que l'animal était bien en train de lui jeter un regard méchant. Lentement, l'ours se mit en marche dans sa direction, en boitant.

L'archer recula de quelques pas, assez rapidement, prenant de la distance en encochant une autre flèche. Il allait tirer quand son regard retomba sur Alyna. Une simple flèche mettrait-elle à terre un ours ? Il en doutait. Et il ne pourrait en décocher une deuxième pour finir le travail. Et une fois qu'il serait mort, viendrait le tour de la louve, coincée dans le collet...

Il s'arrêta à quelque pas de l'ours et chercha des yeux la corde du collet. Alyna tirait toujours dessus, aussi la vit-il bouger dans les buissons. Il fit abstraction de l'ours- seule la corde importait. Il leva rapidement son arc, coupa sa respiration... et décocha sa flèche, qui alla trancher la corde du collet.

Mais l'ours était déjà sur lui, ses griffes prêtes à frapper. Donovan eut un léger mouvement de recul; son pied se prit dans une racine et il tomba en arrière. Il sentit la patte de l'ours le frôler, traçant trois sillons sanglants sur sa poitrine. Sa réception fut rude, et, tandis que l'ours lui rugissait dessus, il pria pour que Alyna soit assez rapide.

-Reculez et visez sous sa mâchoire, ou les yeux, je vais lui faire relever la tête !

Heu... oui... Plus facile à dire qu'à faire. Donovan se releva d'un bond. Ses yeux avaient du mal à suivre la scène qui se déroulait devant lui; il ne voyait que griffe, fourrure et... pour quelques secondes, il vit Alyna reprendre forme humaine, puis changer à nouveau, et rechanger encore...

Et avant qu'il ne comprenne vraiment tout ce qui s'était passé, Alyna, juchée sur les épaules de l'ours, lui offrait une ouverture de rêve. Il fit abstraction de la douleur sur sa poitrine, fit abstraction que s'il se ratait, il embrocherait la lycan. De plus, son petit orgueil ne lui permettait pas de se planter devant elle- il se sentait suffisamment misérable comme cela. Mauvais chasseur, archer plus lent, pas de crocs et de griffes...

Ses mains volèrent à nouveau vers sa hanche gauche. Le geste avait été difficile à adapter, après avoir porté son carquois dans le dos pendant des années. Mais il fallait reconnaître qu'il était un brin plus rapide.

Ses doigts agrippèrent deux flèches simultanément. Il n'avait encore jamais tiré sur un ours, et il se serait bien passé de cette expérience. Le cou de la bête était si énorme qu'il peinait à croire qu'une brindille en travers la gorge l'arrête vraiment- alors il doublait ses chances.

Il encocha les deux flèches, visa, et lâcha ses traits. Il avait déjà fait cet exercice, et depuis quelques mois, il utilisait son arc peut-être plus qu'il ne l'aurait voulut.

C'était sans compter la précipitation. Avec Alyna en situation dangereuse, il n'avait pas eu le temps d'effectuer posément son tir. L'une des flèches se ficha dans la gorge de l'animal, s'enfonçant de quelques centimètres dans sa chair, quelques centimètres en dessous de sa mâchoir. En revanche, l'autre partie un poil trop haut... et frôla la joue de la lycan.

Il ne prit pas le temps de regretter son geste- pas encore. L'ours grogna, s'étouffant peu à peu dans son sang, mais n'était toujours pas mort. Sous l'impact de la flèche, il s'était laissé retombé à quatre pattes. Et l'archer réagit comme il avait toujours réagit face à un ennemi blessé, mais toujours vivant : l'achever, et vite, avant que le dit adversaire, acculé, n'en devienne que plus dangereux.

Une deuxième flèche vint se planter à la base de la nuque de l'ours. Donovan frémit de colère, cette colère qui le possédait chaque fois qu'il se sentait menacé, n'éprouvant rien d'autre qu'une soif de sang. L'ours releva la truffe tant bien que mal, et une flèche perça son oeil.

L'archer toisa la bête d'un air froid. Allait-elle finir par mourir, ou devait-il encore la cribler de flèche ? Il tira encore une flèche, se saisit d'une autre et visa à nouveau l'ours. Sans tirer, cette fois-ci, tentant de réfréner ses ardeurs. Les pattes de l'animal cédèrent sous son poids.

- Dois-je continuer ?, demanda t-il Alyna.

Après tout, c'était elle, la chasseuse. Elle devait bien savoir comment tuer un ours. La flèche qui avait frôlée la lycan lui revint alors en mémoire.

- Et heu... Désolé pour le coup du double tir... Tendance à pas réfléchir correctement, parfois.

-Ne méprisez jamais un animal, eux n’ont de mépris pour personne, juste colère, amitié, amour, joie, jeu et peine. Bien que pour ma part mon côté loup à quelque chose d’ironique et théâtral, m’enfin passons. Leur réaction a toujours un sens propre, j’imagine qu’elle avait perdu ses petits, c’est le plus probable à cette période de l’année et a manifesté sa rage sur les premiers êtres des environs.

Ne pas mépriser l'animal ? Donovan n'avait jamais été très proche de la nature. Trop d'insectes, de boue, de bêtes féroces, de lycans, d'humidité ou de chaleur, parfois les deux en même temps... Trop grand, et aucun abri, jamais. Enfin, aucun qu'il ne puisse trouver.

Mais ceci étant dit, il comprenait le sens des paroles d'Alyna. Oh, bien sûr, il ne vouerait probablement jamais de culte à un animal quelconque, mais... Il lui était déjà arrivé de croiser le fer avec des hommes qu'il avait respecté- pour leur qualité de guerriers, certes- avant de les tuer sauvagement.

Il abaissa alors son arc et remit la flèche à sa place. Maintenant que l'ours ne lui grognait plus dessus, il trouvait, effectivement, que c'était un bel animal. Qui n'avait pas eu de chance, de perdre ses petits, comme le supposait Alyna, et de s'en être pris à deux individus qui avaient pût, ensemble, le terrasser. Il sentit poindre en lui un sentiment de culpabilité, et lorsque la lycan lui demanda si elle pouvait examiner ses blessures, il releva la tête, affichant un air penaud.

- Oui... heu... oui, bien sûr.

Son regard se tourna vers le cadavre de l'ours.

- Je crois que je comprends... C'est dommage d'avoir eu à le tuer, alors que ce n'était pas pour nous nourrir. Nous nous sommes défendus, et...

Il commençait à comprendre ce qu'impliquait réellement le terme de « Règne Animal ». Ou « Loi de la Nature ». A l'armée, on entraînait des brutes à tuer, et on les plaçaient sous le commandement d'hommes un poil plus censés, histoire qu'ils ne s'entretuent point. Mais ici... pas de supérieur, sinon le plus fort.

- Les animaux ont l'air si simples et intègrent dans leurs émotions, d'après ce que vous m'en dîtes. Mais... Est-ce toujours ainsi ? Tuer constamment pour survivre, et que le plus fort l'emporte toujours ? N'ont-ils point de répit ?

Il grimaça.

- Je ne suis pas sûr d'aimer ce genre de vie. Protègent-ils des individus de leur espèce, comme nous nous protégeons ceux que nous aimons ? Je veux dire, en dehors de leurs petits ?

Donovan écouta les explications de la lycan, hochant la tête de temps en temps, histoire qu’elle sache qu’elle ne l’avait pas perdu. Oui, il écouta attentivement- chose rare pour quelqu’un possédant si peu de patience. Il nota le pétillement dans les yeux d’Alyna, alors que sa queue de louve se mit à battre l’air, quand elle évoqua les « partenaires » des loups… et conclut qu’il y avait bien quelqu’un dans les pensées de la louve. Un lycan, aussi ?

Elle eut alors un réflexe animal, et l’archer se retint de rire- il préférait ne pas vexer une lycan, qui pourrait tout aussi bien le manger.

-Oups... J...je...suis... désolée...

Donovan lui fit un sourire aimable.

- Oh, ne vous en faites pas pour ça… je commence à être habitué, aux réflexes animaux. Je…

Il marqua une courte pause. Devait-il vraiment déballer sa vie à une personne qu’il ne connaissait pas. Oh et puis… il amait bien Alyna, et à Nayris les conventions !

- En fait j’ai finit par tomber amoureux d’une dragonne… Toute jolie qu’elle soit sous sa forme humaine, il n’en reste pas moins que sous sa forme naturelle, c’est griffes, crocs et flammes. Avec des écailles et des ailes, aussi. Comme un lézard géant, en fait.

Si elle l’entendait.. heureusement qu’elle n’était pas dans les parages. Il passa une main dans ses cheveux, comme il en avait l’habitude quand il pensait à quelque chose.

- Je crois que j’aime bien les loups, fit-il. Enfin… si je devais être autre chose qu’un humain, ce serait un loup. A une époque, j’ai crût que je trouverais à l’armée la fraternité, la camaraderie que je recherchais, mais je ne suis tombé que sur des brutes écervelées et égoïstes.

Il sourit à nouveau à Alyna.

- Mais je suis d’accord avec vous, en ce qui concerne les partenaires. Rester avec une même personne, et partager des sentiments profonds est bien mieux que batifoler à tout va. Cette personne deviens une âme sœur, une moitié de sois, et même si elle est éloignée, on sait qu’elle existe quelque part. Ca devient un bon moteur de motivation pour ne pas mourir, et pour protéger quelqu’un ! Enfin, ceci étant, en ce qui me concerne, ma dragonne peut très bien se débrouiller toute seule. Voir me protéger, moi, plutôt que moi la protéger , elle.

Son expression se fit sérieuse, tout à coup.

- Connaissez vous ce genre de sentiment, Alyna ? Y a-t-il quelqu’un, quelque part, pour penser à vous ? Qui se bat pour vous retrouver un jour ?

Et la question qui, peut-être, le taraudait le plus.

- C’est un lycan, lui, ou elle, aussi ?

Usé ? Il était… usé ? Bon, certes, il n’était plus tout jeune, et les années passées sur les champs de bataille, avec tout le stress que cela engendrait, n’avaient pas arrangé sa trogne. Et oui, effectivement, il n’avait pas un visage gardant sa jeunesse, comme Luz qui, du haut de ses cinq siècles et des poussières, avait toujours un visage de jeune femme.

Mais usé ? Tout de même, il n’était pas encore un vieillard ! Il fit une légère moue.

- Je n’ai encore que trente-deux ans, grommela-t-il.

Il poussa un soupir.

-Oui, nous autres, humains, sommes plus durement marqués par les ans. J’imagine que vous êtes plus vieille que vous n’en avez l’air, non ?

Il la soupçonnait, effectivement, d’être plus âgée qu’elle ne le paraissait. Il n’y avait pas pensé jusque là, mais maintenant qu’elle en avait évoqué l’idée… Les lycans étaient bien quelque chose comme immortels, non ? En tous cas ils guérissaient plus vite, et vivaient beaucoup plus longtemps.

Il repensa alors aux paroles d’Alyna, avant qu’elle ne fasse une remarque sur son corps usé- il avait l’impression d’être un vêtement usagé et en fin de vie, qu’on ne tarderait pas à jeter pour des frusques neuves.

- Je suppose que vous saurez si vous ressentez quelque chose pour lui quand vous le reverrez… Mais je vais vous dire une chose : la plupart des gens se ferment à leurs propres sentiments, de peur que cela n’en fasse une trop grosse faiblesse. D’autres ne se rendent tout simplement pas compte qu’ils ont ces sentiments en eux. C’est dommage, ils passent à côté de quelque chose…

Lui n’avais jamais eu ce genre de problème, que ce soit avec Ysle ou Luz. Pour les deux femmes, il avait accepté très volontiers ce qu’il ressentait, apaisé par ces présences à ses côtés.

- Vous devriez y penser… Avant que ce ne soit trop tard. C’est généralement lorsque l’on perd quelqu’un qu’on se rend compte à quel point on tenait à cette personne. Et il n’y a rien de pire que de savoir que l’on a eu… ceci, à portée des doigts, et qu’on a préféré fermer les yeux parce que ça nous faisait peur.

Il sourit à la lycan.

- Vous êtes amoureuse, Alyna, alors assumez ! Qu’avez-vous à craindre ?

Deux ans de moins seulement ? Il prit soudainement un sacré coup de vieux. Peut-être que s’il se rasait, il aurait l’air plus jeune... il secoua la tête. Pas le moment de penser à sa vieille trogne- il aimait bien Alyna, et était bien décidé à l’aider à y voir plus clair, dans ses amourettes. Sauf que pour expliquer les sentiments amoureux à un Lycan, il ne savait pas par où commencer.

Il s’assit en tailleur dans l’herbe et invita Alyna à faire de même.

- J’aurais préféré vous dire que c’est quelque chose de très simple, mais c’est loin d’être le cas. L’amour s’apparente à la haine ; les deux sentiments sont très proches, et il est facile de tomber de l’un à l’autre.

Il s’avisa qu’il était en train de dresser un tableau assez noir de la chose.

- Mais c’est aussi quelque chose de merveilleux. Vous n’êtes plus seul. Enfin je veux dire, vous l’êtes toujours physiquement parfois, mais… Mais il y a quelqu’un, en ce bas-monde, qui tiens à vous, plus encore que les autres personnes qui vous entourent habituellement. Quelqu’un qui serait prêt à braver les limbes pour vous. Et de votre côté, vous êtes prêt à faire de même.

Il réfléchit quelques instants.

- Et puis, sa présence vous manque. Vous vous plaisez en sa compagnie, et votre âme et la sienne ne font plus qu’une. Le fait d’être à proximité vous rend heureux, et il y comme… comme un manque, lorsque la personne qu’on aime n’est pas là. Comme une faim, qui ne s’apaise qu’avec les retrouvailles.

Il soupira.

- C’est difficile à expliquer. Avec Ysle, nous menions un amour paisible. C’était ma femme, et elle est morte maintenant. La présence de l’un faisait tourner le monde de l’autre. Quand on me l’a arrachée, ca a été comme si tout s’était effondré. C’est un sentiment qui vous donne l’air stupide, qui vous pousse à faire des choses que vous n’auriez pas faites de manière rationnelle. En fait, c’est comme si cette personne était une part de nous-même.

Il sourit légèrement.

- Après, tout n’est pas rose, non plus. Etant amoureux d’une dragonne, j’ai déjà faillis me faire bouffer. On a eu quelques coups de colère, avec Luz, mais ça passe toujours.

Donovan resta pensif après quelques instants. Il connaissait la situation d'Alyna... pour ne l'avoir jamais vécut. A vrai dire, quand il en avait parlé avec ses rares amis, des années auparavant, c'était un sentiment qui revenait assez souvent. Il mettait ceci sur le compte de l'indécision, mais au fond, que pouvait-il réellement en dire ?

Lui était tombé amoureux d'Ysle dès qu'il l'avait vu. Il l'avait croisée lorsqu'il était en permission- il était sorti durant une journée entière de la caserne, et avait arpenté la ville au hasard, profitant de ces instants rares de liberté pour flâner. Il avant rencontré Ysle au détour dans une rue commerçante, alors qu'elle croulait sous ses achats, et il l'avait aidée. Dès que ses yeux s'étaient posés sur elle, il avait été certains qu'il l'épouserait, un jour ou l'autre. Ca n'avait pas manqué.

Il secoua la tête; c'était une époque lointaine, dans une autre vie, pour lui. Et puis, maintenant, il aimait profondément Luz, et rien ne changerait cela. Enfin, tant qu'il était encore vivant.

- J'ai bien conscience d'être un peu confus, dans mes explications. C'est pas quelque chose de rationnel; ce sont des sentiments qui vous prennent aux tripes sans que vous sachiez trop pourquoi. Mais je peux vous dire que vous ne serez pas totalement heureuse si vous les rejetez, si vous les ignorez.

De manière générale, on n'était jamais vraiment heureux tant que l'on acceptait pas des sentiments profonds. Que ce soit de l'amour ou de la haine, d'ailleurs. Cogner sur quelqu'un que vous détestez procurait presque autant de plaisir que d'embrasser la personne aimée.

- Vous devriez arrêter de réfléchir, Alyna. Retrouvez le, courrez le rejoindre. Si, en le voyant, vous avez envie de sauter dans ses bras, vous l'aimez. Si vous vous rendez compte que vous étiez mieux toute seule chez vous...

Il avait cherché les complications, mais au fond la solution était toute simple. Quand il avait rencontré Luz, tout avait été très vite, et il était tombé amoureux de la dragonne en un rien de temps. Ils avaient envoyé baladé les conventions; tous deux étaient trop âgés, pour ça, et trop plein d'envie de s'aimer.

Il y pensait quand il se rendit compte qu'il avait à nouveau faim. Le combat avec l'ours lui avait à troué l'estomac.

- Ne devrions nous pas nous préoccuper du prochain repas ? Je sais qu'on a mangé il n'y a pas longtemps mais...

Il était comme un gosse, avec ces histoires de chasse, et il voulait en savoir plus.

- J'ai envie d'en savoir plus... N'y a t-il pas autre chose que le lapin, facile à chasser ?

Il fit un petit sourire à la lycan.

- Et... pour votre histoire, pourquoi ne prendriez vous pas des vacances, histoire de pouvoir aller voir celui que vous aimez ? Dans ces époques troublées, pouvoir trouver un peu de quiétude est vraiment agréable, vous verrez.