Terra Mystica

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 [Terminé] Entre la savane et le désert

 
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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Dim 28 Avr - 13:41
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Ivor laissa Alyna et Skallag s'ébrouer joyeusement dans l'eau, profitant de cela pour reprendre son souffle et s'asseoir sur la rive, les observant avec un amusement teinté d'une certaine envie, aussi. Il y avait dans leurs mouvements, dans leur joie innocente, une sorte de liberté qu'il n'avait jamais vraiment connue. Il se sentait presque pris au piège des faiblesses de sa condition d'humain, si lourd, si fragile, comparé à la puissance gracieuse de ces fauves.
La voyant disparaitre sous la surface, il se pencha pour essayer de la distinguer, mais l'eau vive de la mare ne réflétait que la lune, et sa propre image brouillée par les remous. Skallag s'ébroua près de lui, l'arrosant d'une pluie de goulettelettes glacées, et il se détourna de la rive au moment où Alyna surgissait, ruisselante sous la lune comme une vision de quelque sirène prête à le dévorer tout vif. Il eut un mouvement de recul, surpris, retombant en arrière en appui précaire sur ses mains. Elle avait reprit son apparence humaine, mas gardait la même attitude qu'elle pouvait avoir quand elle était louve, et à cet instant plus que jamais, il était clair qu'elle restait toujours animale. Il se retint presque de respirer quand elle s'avança vers lui, captivé par son regard changeant, ambre et or mêlés, brillants comme des yeux de loups sous la lumière pâle de la lune.

Un baiser lui coupa le souffle, et il ferma brièvement les yeux, alors qu'autour tout s'effaçait: il n'y avait plus, soudain, que l'odeur humide de ses cheveux, un soupçon de poussière, des parfums passés qui avaient imprégné ses vêtements, et tout au fond, la fragrance familière de sa peau claire. Plus encore que tout cela, il y eut ses paroles, ce qu'il n'aurait jamais cru entendre d'elle.

Il lui sourit, se redressant pour poser son front contre le sien.

-Je t'aime, répondit-il à voix basse, comme si cet aveu soudain se devait d'être chuchoté.

Ivor se fendit d'un sourire, levant les yeux vers elle pour la fixer un instant.

-Tu disais que j'avais besoin d'une leçon?

Un soupçon d'insolence, comme un défi, fila dans son regard.

-Que veux-tu me faire?

Il leva les mains en l'air, et reprit:

-Je crois bien que je suis à ta merci!

Ivor le Silencieux

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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Mer 1 Mai - 0:55
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Son cœur battait, toujours plus vite que la normal, envoyant le sang dans le reste de son système circulatoire, elle parvenait toujours à entendre le son des tambours au loin, portés par le vent, s’accordant au rythme du sang qui battait à ses oreilles. Quelque chose d’entêtant, envoutant et la présence de Lyän n’aidait pas beaucoup à rester impassible, comme elle était de plus en plus affleurante dans leur fusion, c’est-à-dire avec une présence plus visible sans l’emporter sur Alyna, les pulsions augmentaient. Les mots d’Ivor concernant le fait qu’il était à sa merci, ne firent qu’accroitre cette émotion qu’elle ne connaissait pas, du moins pas aussi intensément, mais elle pouvait mettre un mot dessus très facilement : le désir. C’était une et sensation agréable, picotante et aussi dévorante. En tous les cas elle avait dit qu’elle lui donnerait une leçon.

Ses lèvres s’étirèrent en un sourire et elle lui caressa la joue, puis la gorge d’un air joueur, s’arrêtant sur son col, l’autre main fit de même au niveau de son torse pour s’arrêter au bas de sa chemise, à ce moment elle le souleva en se relevant et le balança dans l’eau sans ménagement. Puis, sans attendre elle bondit à sa suite en se débarrassant du baudrier de sa dague et de ses bottes pour être plus à l’aise, elle le rejoignit à la nage assez rapidement, nageant sous la surface, remontant dans son dos pour l’enlacer, réprimant un léger frémissement qui n’était pas seulement dû à l’eau fraîche. Elle déposa ses lèvres sur sa nuque en souriant, puis se plaça face à lui.


-Quand tu arriveras, proportionnellement à ta taille, à faire ce que je viens de faire, ensuite on en reparlera.

Elle vint lui voler ses lèvres quelques secondes pour un doux baisé avant de sourire avec amusement et ironie. Oh elle n’avait pas tout à fait terminé avec lui. Même si ce qu’elle allait enclencher elle ne l’avait jamais fait.

-Ce que je veux te faire... hum... un indice peut-être ?

La jeune femme, pour tout indice, lui retira sa tunique et se blottit contre lui pour murmurer dans un souffle :

-Evite de dire que tu es à ma merci, même si c’est vrai s’il te plaît...

Alyna Minami

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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Mer 1 Mai - 17:18
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Ivor n'eut guère le temps de se demander ce qu'il allait lui arriver, et quelle bonne leçon elle comptait lui donner. Avant même de comprendre, il se sentait soulevé de terre et retombait dans l'eau, dans une gerbe d'éclaboussures. L'eau était glacée, mais la froidure soudaine ne réussit pas à lui changer les idées, surtout pas lorsqu'il vit Alyna le rejoindre. Il eut un sourire, alors qu'elle lui ôtait sa chemise trempée.

-Tu veux parier?

Oh, bien sûr que c'était tricher, mais en amour, qui peut se targuer de jouer à la loyale? D'un geste, alors qu'elle se blotissait contre lui, il la souleva dans ses bras pour la ramener jusqu'à la rive, là où l'eau claire murmurait sur le sable. Ah, qu'on lui pardonne, s'il fautait ce soir par trop de hâte; mais, dieux, comment ne pouvait-il pas céder quand il avait dans ses bras la femme qu'il aimait? Doucement, il l'étendit sur son manteau, laissant sa main brunie et usée par trop de travaux s'égarer comme un spectre le long de son corps d'ivoire, pâle et diaphane dans la nuit.

-Tu vois, murmura-il en l'embrassant dans le cou. Moi aussi je peux faire pareil, en étant juste un peu moins brutal.

Il y avait comme une moquerie cachée dans son sourire, et son regard avait, dans l'ombre, un éclat nouveau, comme si la glace s'était mué en joyaux scintillants, et brillait, comme des étoiles... Il la serra contre lui, doucement. Le reste n'avait plus aucune importance, qu'importe le lendemain, la chute, la fin, l'instant présent valait tous les sacrifices du monde, toutes les souffrances, tout le reste. Il semblait prêt à tout détruire, tout tuer, juste pour qu'elle soit là, près de lui, juste pour ressentir à nouveau le goût de ses lèvres, pour sentir son corps tiède se presser contre le sien, se noyer dans ses yeux, pour qu'elle soit là, près de lui. Des années de morne solitude venaient de s'évanouir dans un murmure, dans un baiser, et il en voulait toujours plus, un brasier au fond des entrailles, qui la poussait vers elle, si fort que c'était comme une vague qui l'emportait, contre laquelle il ne pouvait lutter.

Il la serra un peu plus fort contre lui, si petite entre ses bras. Sa main s'était posée au creux de sa taille, et glissait, doucement, comme un aveugle lit entre les lignes, les yeux clos. Du bout des doigts, il allait, comme pour découvrir, le long de la grande courbe de ses hanches, froissant, soulevant son vêtement pour toucher sa peau tiède et douce comme la chair d'un fruit ensoleillé.
C'était si fort, si fort et si brûlant, presque insupportable, une faim dévorante qui le rongeait depuis si longtemps, depuis le premier sourire, depuis cette nuit où tout avait commencé, où tout s'était fini. Il avait besoin d'elle, c'était ainsi, même si c'était une presque inconnue, au fond de lui c'était comme s'il l'avait toujours connue, qu'elle ne faisait que remplir un vide qui avait été préparé pour elle depuis le début.
Et sans qu'il s'en rende compte, ses mains caressaient encore, s'attardant toujours sur ses hanches rondes, au creux des reins, sur la taille sur fine qui se creusait, parce que de tout le corps d'une femme c'était ce qu'il préférait. Il y a des choses, comme ça. C'était toujours là que son regard s'arrêtait, toujours, et à la toute fin c'était le désir qui prenait le dessus et comme une vague s'acharnait sur les digues de sa raison.

En fait, il ne pouvait même pas s'en empêcher. Il ne sut pas vraiment de qui des deux cela vint, qui entraîna l'autre, mais qu'importe! Cela semblait si naturel, si normal, la récompense de tant années d'absence, tant années à se crever le coeur d'attendre tant et plus, de soupirer auprès d'un souvenir... Il avait tant souffert, déjà, tant souffert d'aimer et de perdre, que cela ne rendait que plus merveilleux encore l'instant où tout céda, où ils se laissèrent tous deux entraîner jusque dans les flammes, où il put enfin assouvir ce qui le rongeait. Apaiser la douleur, la savoir là, près de lui, juste elle, il n'avait besoin de rien d'autre.

Et puis, la noyade. Plonger, toujours plus loin, se laisser tomber dans un fleuve de flammes et de remous ardents, plonger, plonger jusqu'à en perdre le souffle, l'apnée sans fin, aller toujours plus loin... Fermer les yeux, oublier, oublier tout, ressentir. Comme un rêve, comme un plongeon au cœur d'une étoile.
Oublier. Juste là, le goût de ses lèvres, un baiser. Dieux, c'était si bon... Son corps contre le sien, ses jambes autour de lui, pris au piège, depuis longtemps déjà, il la serrait contre lui, fort, si fort, pour la sentir là, pour ne plus jamais être séparé d'elle, parce qu'il voulait à tout prix tout ressentir d'elle et de la chaleur de sa chair.

Dans la tête, plus rien.

Plus aucune pensée raisonnable, plus aucune pensée tout court. Rien que la chaleur et la douceur, le feu, la chair. Son corps, sa voix, son souffle précipité, et leurs cœurs qui battaient si fort, si fort... Elle, sous ses mains qui était comme le frisson d'une fleur et qui se dévoilait, pétale par pétale. Et soudain, l'éclosion, sans trop savoir comment, toutes les barrières qui pouvaient les séparer n'existaient plus. Elle, comme un papillon sortant de la chrysalide, elle, plus belle que jamais, belle à en mourir, belle à s'en crever les yeux.

Ses mains glissaient sur elle, sur sa peau laiteuse, puissantes et tout à la fois douces et caressantes, si douces, comme s'il avait peur de la briser, peur de cette fragilité qu'il y avait en elle, peur de ce qu'il pouvait lui faire. Il enfouit son visage dans ses cheveux, il ferma les yeux, pour se laisser emporter, chavirer par l'ivresse de ce qu'il n'avait jamais cru pouvoir ressentir un jour à nouveau. Le bonheur n'est jamais aussi intense que lorsqu'il vient après une éternité de souffrance et de refus. S'il avait pu imaginer un jour aimer une femme à nouveau, s'il avait pu imaginer que ce serait elle... Et qu'un jour il se retrouverait là, sa bouche brûlante semant des baisers sur son cou, son ventre, ses seins, qu'il pourrait goûter au fruit défendu, une fois de plus, et franchir les frontières de son être, avec elle, entraîné par elle...

La noyade, plus de souffle. La petite mort méritait bien son nom. Un peu d'alcool, trop d'émotions, tout ça fait faisait un drôle de ménage, tout ça se mélangeait en remous furieux dans ses veines, là-dessus le poids de la mémoire, le poids du vide et le gouffre qui criait, suppliait qu'on l'apaise, cette douleur qui ne cessait pas, et qui, ce soir-là, avait trouvé un remède. Enfin. Enfin la paix, cesser de souffrir, cesser d'entendre ces voix qui lui hurlaient jour et nuit qu'il aurait mieux fait de se laisser crever depuis longtemps. Oublier, oublier le passé, oublier la mort et la ruine, et le regard accusateur d'Isabelle qui pour toujours fixait les ténèbres, des larmes aux yeux...

Elle.

Oh, peut-être qu'il parla, laissa échapper quelques mots dans un soupir, peut être qu'elle entendit un je t'aime ou deux, peut être. Peut être aussi qu'il rêva, que ces foutues paroles restèrent comme toujours coincées quelques part dans sa gorge et qu'il ne put, ne sut pas dire ce qu'il avait réellement sur le cœur.
Peut être qu'elle comprit, dans ses caresses si douces, dans ces baisers répandus à flots, dans la brûlure de ses lèvres qui couraient sur sa chair comme pour en saisir la moindre parcelle, la moindre fragrance, la moindre sensation. Peut être qu'elle comprit, dans le regard qui se plongeait dans le sien, chavirait dans l'extase et puis revenait sur elle, quand il la dévorait des yeux et qu'il souriait. Peut être que sans parole, il réussit à lui faire comprendre à quel point il l'aimait.

Il écoutait, se laissait guider par sa voix, ses soupirs, la musique des murmures, les soubresauts de son corps qui se cambrait parfois, retombait après, comme une vague. Il y a des hommes qui prennent, qui volent leur plaisir au creux des reins des filles, et qui s'en vont après comme des voleurs. Et puis il y en a qui offrent, qui emportent, qui emmènent, qui passent leur tour jusqu'au moment qu'ils jugent opportun. Après avoir trop souvent été le premier, Ivor s'efforçait d'être le second, et il attendit, longtemps, caresse après caresse, attentif malgré l'ivresse, avant de la couvrir de son corps meurtri, comme une ombre engloutissant un blanc pétale de rose.

Lentement, d'abord. Les yeux clos, ses cheveux tombaient sur son visage, frôlaient celui de sa partenaire. Doucement, comme on entre dans un sanctuaire. Elle. Oh dieux, jamais chose ne sera plus belle que le corps d'une femme, que ces océans et ces courbes, cette peau lisse et claire comme le pétale d'une rose, infusée de rouge, infusée de sang, et les rondeurs délicieuse des seins, le ventre qui se creuse dans le plaisir, la taille et les hanches des courbes, des lignes incurvées, les vagues d'un océan où il aimait tant se noyer. Et leurs yeux, leurs regards, la bouche comme un fruit mûr dans lequel il était si doux de croquer, l'étincelle au fond de leurs prunelles dans le frisson de l'extase, ce chavirement, cette plongée dans le abysses enflammés...

Noyade. Le souffle lui manquait, comme s'il avait couru des kilomètres, et il sentait son pouls s'affoler encore plus, dans une explosion, dans un sursaut, et il y eut quelques instants d'apesanteur.
Le sommet. Flottement. Son corps, si léger, plus aucune sensation, simplement le plaisir, pur et simple, dans chaque cellule de son être, chaque parcelle, comme un envol.

Lentement, reprendre conscience de soi. Se souvenir de qui on est, de ce que l'on est. Oublier que, durant un instant, on a été Dieu, on a été les anges et le ciel, un nuage, on a été si loin, si loin que la mémoire ne peut s'en rappeler, si loin que l'on ne peut vraiment en avoir conscience, alors on ne se souvient que de l'apaisement, enfin, de ce bonheur débordant qui explose au fond du ventre et répand un feu blanc dans chaque parcelle de son être.
Lentement, retourner sur terre. Poser un pied par terre, là, c'est bien. Se sentir fragile, se sentir vidé, comme une fumerolle dans un rai de soleil. Léger. Si léger, si heureux, si vide, satisfait et vacant comme une outre pleine de rien.

Retomber, à tous les sens du terme. Se rappeler d'où on est.
Ivor se laissa retomber lourdement près d'elle, déposa un baiser dans son cou. Les yeux à demi clos, il avait posé doucement sa tête au creux de l'épaule d'Alyna. Il écoutait son cœur battre encore si fort, et puis s'apaiser, très lentement, il écoutait la vie courir en elle, et le feu, le même qui avait saisi ses veines et son être.

Et puis il y eut ces mots, enfin, qui s'envolèrent de sa bouche sans qu'il s'en rende compte, dans un murmure, au creux de son oreille, dans un sourire, un sourire heureux.

-Je t'aime.

Ivor le Silencieux

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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Mer 1 Mai - 23:37
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Elle sursauta légèrement lorsqu’il la prit dans ses bras pour la soulever en douceur. Jamais personne n’avait fait cela, pas alors qu’elle était en pleine forme, pas alors qu’elle pouvait se déplacer seule et elle s’apprêta à protester, mais ses lèvres ne s’ouvrirent pas, elle ne voulait pas, elle n’en avait, étrangement pas envie. Il savait ce qu’il faisait, elle se doutait fortement de ce qui allait lui arriver, mais elle ne fuirait pas, elle avait une totale confiance en lui. La jeune femme le laissa faire lorsqu’il l’étendit, ses joues prirent une couleur écarlate, invisible dans la nuit, heureusement. Elle avait... peur. Il est bien connu que les animaux craignaient ce qu’ils ignoraient. Pourtant elle ne recula pas, se sentant soudain rassurée par quelque chose, mais quoi ? Ce calme dans son esprit sûrement, bien d’autres choses aussi. La tendresse de ses baisés et ses caresses, le fait qu’elle avait en lui une confiance aveugle, certes dangereuse, mais justifié. Ou bien encore l’absence de peur venant de Lyän, c’est surtout cette donnée-là qui changeait absolument tout, car si elles étaient souvent en conflits, Alyna se fiait aux impressions de son instinct. Présentement chaque frôlement de la part du chasseur lui faisait lâcher prise à sa méfiance et son habituelle attention aux alentours. Qu’importe ce qui arriverait, il n’y avait plus rien à part sa présence contre elle, sa chaleur.

Le rythme dans ses veines contrastait avec le calme de son esprit, cependant elle ne craignait plus les frôlements d’Ivor et son souffle s’accordait aux battements de son cœur, lui-même suivant celui de l’humain. Chaque fibre de son être, sentait qu’elle ne vivrait que pour lui et par lui, que s’il disparaissait un jour elle ne le supporterait pas et le suivrait jusque dans les limbes. Elle sacrifiait tout pour lui, même ce qu’elle n’avait jamais offert à personne elle était en train de le lui donner. Elle se sentait soudain entière, comme si elle n’avait jamais vraiment été elle-même et c’est au moment où il se saisit totalement de tout son être qu’elle en prit pleinement conscience. En dehors de ces douces sensations son esprit était vide, huit millénaires d’instinct et d’impulsions naturelles avaient pris le dessus sur sa raison, sur son corps aussi qui ne lui appartenait plus et rien autre au monde n’existait. Ces sensations l’avalèrent soudain tout entière quelques instants, créant un gouffre béant de vide dans sa tête.

Elle cligna des yeux plusieurs fois quand son esprit redevint plus clair et dû attendre quelques secondes avant de parvenir à se calmer, Ivor qui ne l’aida pas vraiment en l’embrassant avec douceur dans le cou. Ce qui s’était passé, elle aurait presque posé la question, presque. Mais être dévoré ainsi par une flamme que l’on ne contrôlait pas, dont on ignorait même l’existence et qui vous consumait soudain, avait quelque chose d’assez étonnant, surtout lorsque son esprit lui-même était englouti. Elle plongea son regard dans les yeux d’Ivor et lâcha un doux grondement lorsqu’il lui murmura un « je t’aime » à l’oreille. Alyna lui caressa la joue doucement, alors même qu’elle avait parcouru le corps du chasseur quelques secondes auparavant pratiquement sans s’en rendre compte.


-Et moi donc.

Elle se figea, très surprise par l’intonation qui venait de s’échapper de ses lèvres en un doux murmure, Lyän était visiblement encore très présente, mais elle ne s’en était pas rendu compte, les deux parties étant encore totalement fusionnées, bah peu importe, c’était logique après tout puisque l’une et l’autre partageaient le même avis. Elle sourit avec douceur, se redressant pour se pencher au-dessus de lui, ses yeux prenant une lueur heureuse.

-Tu... Merci Ivor, de m’avoir offert cela.

Elle n'avait pas l'impression que ces choses devaient être dites à voix hautes, qu'elles étaient plus fortes lorsqu'elles étaient à peine susurré, c'est pourquoi elle n'élevait pas la voix, mais se contentait de les souffler assez fort pour qu'Ivor les entendes.

Alyna Minami

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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Jeu 2 Mai - 20:09
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Dans un souffle, tout était enfin retombé. Le souffle apaisé, Ivor souriait encore dans les ténèbres, les yeux à demi clos. Soudain, n'existait plus que la douceur tiédeur d'Alyna, tout près de lui, et le vent froid qui diluait à peine son odeur qui lui emplissait les narines.

Il ne répondit rien à ses paroles, car comme souvent, les mots lui manquaient. Il savait tout ce que cela pouvait signifier pour elle, mais que dire de plus? Il lui devait tant de choses, à son tour; il lui devait la vie, une fois, deux fois, combien encore? Tant de choses... Il s'appuya sur un coude pour se redresser, la tête encore lourde de trop de sensations, et déposa un baiser, très doux, juste au creux de son cou. Que dire, quand seul le silence, et le murmure semblaient appropriés? Ivor restait muet, mais son silence n'était plus cette muraille, ce gouffre qui le séparait pour toujours du reste du monde, cette frontière à son royaume où lui seul demeurait entouré des spectres de son passé, seul face à ses fantômes et sa culpabilité. C'était à présent comme un manteau qui les recouvrait tous les deux, quand il lui souriait d'un air tranquille, comme s'il y avait enfin une place pour elle, là. Et comme souvent chez lui, son regard s'exprimait sans besoin de paroles.

Ses yeux s'arrêtèrent sur la cicatrice qu'elle avait à l'épaule. Une vilaine blessure, une balafre évidente alors qu'elle ne portait rien d'autre, pas le moindre stigmate, alors que, si on en croyait les rumeurs, elle était la plus habile assassine de la région. Son pouvoir de régénération qui avait fait disparaitre la déchirure sur son ventre n'avait manifestement pas été suffisant.

-Tu n'avais pas ça, la dernière fois, dit-il à voix basse en y déposant un baiser.

Non pas qu'il eut voulu savoir ce qu'il s'était passé, mais on sentait simplement à sa voix que cela l'inquiétait, sans toutefois qu'il s'en mêle. S'il y avait bien quelque chose qu'il savait respecter chez les autres, c'étaient bien les secrets. Si elle ne disait rien, il n'avait rien à savoir.

Un petit rire moqueur lui échappa.

-De quoi j'ai l'air, à côté de toi, avec toutes mes balafres?

Il y en avait pour dire que cela donnait du charme; il avait du mal à voir en quoi. Tout cela servait seulement à le faire se sentir juste très usé, las de tout, et presque au bout du rouleau. ça se lisait presque dans chaque geste et l'épuisement le faisait vaciller. Ah, la vie humaine ne semble que peu de choses, quand on fréquente un lycan qui encaisserait tout cela sans broncher. Ivor n'avait aucunement l'intention de vivre vieux, mais parfois il l'enviait un peu, tout semblait si facile, pour elle.

Finalement, alors que le froid nocturne reprenait ses droits, il regarda autour de lui, ses vêtements encore trempés abandonnés sur le sable. Peu de choses avaient échappé au plongeon, mais il retrouva tout de même, accrochée à un rocher, la grande étoffe dont il s'était servi pour se protéger le visage. Il s'en servit comme d'un pagne sommaire et s'en fut chercher de quoi allumer un feu et leur empêcher de mourir de froid après leur baignade imprvisée. Très vite, une joyeuse flambée illumina l'oasis, jetant des reflets dorés sur l'eau murmurante, dans un vaste et clair halo sous la lune. Tout était très calme, et une bise froide chuchotait à la surface du sable qui glissait comme le cours d'une vaste et lente rivière. Skallag était revenu se coucher près d'eux, profitant de la chaleur du feu.

Là, dans la nuit murmurante du désert endormi, Ivor pouvait tenir au creux de la main tout ce à quoi il tenait encore: Alyna, Skallag, et ces longues nuits de veille où il pouvait presque sentir tourner le ciel au-dessus de lui, la lente course du monde qui allait comme un grand flot qui, à la toute fin, les emporterait tous. Ils n'étaient, à la touti fin, que quelques grains de sable de plus, dans l'immensité, à regarder les étoiles et les remous de la lune. Si peu de choses, et pourtant. Ivor se sentait enfin entier, et le gouffre au fond de lui avait pu enfin être comblé. Tout pouvait arrvier, maintenant qu'il était enfin en paix.

Au-dessus d'eux, les étoiles tournoyèrent et vacillèrent dans l'aube nouvelle. Le feu à leurs côtés avait fini par s'éteindre, alors que la brûlure du soleil encore jeune tirait Ivor de son lourd sommeil. Le petit matin rempli d'ombre bleues flamboyait dans le ciel d'un bleu pur, jetant là de grands voiles rougeoyants, d'or et de rouille, et de longs reflets d'argent vif, d'or pâle et d'ambre profonde. Les braises craquaient sous la rosée du désert qui les avait couverts d'une fine pluie de gouttelettes, perlant leurs cheveux entremêlés et le lourd manteau qui les couvrait. Ivor s'était endormi près d'elle, cherchant sa chaleur et son contact, et Skallag s'était roulé en boule tout près d'eux. Doucement, il déposa un baiser dans le cou d'Alyna, ne pouvant s'empêcher de sourire quand il la regardait dormir.

-Nous devrions peut-être renter, il se fait tard, je crois, dit-il à voix basse, comme pour ne pas la brusquer. On doit nous attendre.

Il disait cela à contrecoeur, cela se sentait rien qu'au ton de sa voix. Il ne voulait rien d'autre que s'enfuir avec elle, loin du reste du monde, et ne jamais revenir à la réalité. Elle, et personne d'autre. C'était tout ce qu'il désirait, tout ce dont il avait besoin, et que le reste aille au diable.

Une pause, et il se permit un sourire où se lisait une légère malice qu'on ne lui voyait que bien rarement.

-Je te proposerai bien de t'enlever pour te garder rien que pour moi, et j'ai plutôt envie de m'enfuir avec toi que de rentrer au village, murmura-il sur le ton de la plaisanterie.

Ivor le Silencieux

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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Jeu 2 Mai - 23:20
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-Tu n’avais pas ça, la dernière fois.

Elle le regarda surprise, comment pouvait-il donc le savoir ? Il n’avait jamais vu son bras à découvert, la dernière fois comme il le disait. Heu… Ha moins que… Rien qu’à cette idée elle faillit rougir, fort heureusement Ivor changea, d’une certaine façon, de sujet. Elle lui sourit lorsqu’il demanda de quoi il avait l’air avec ses stigmates.

-Moi je te trouve très bien. Pour ma cicatrice je te raconterais un jour et je répondrais aux questions que tu te poses sur moi, mais pas ce soir.

Elle réprima difficilement un bâillement et le sentit à regret s’éloigner le temps qu’il fasse un feu de camp pour repousser la fraîcheur de la nuit, elle salua cependant l’initiative avec plaisir et lui sourit lorsqu’il revient contre elle. Alyna se blottit contre lui et ferma les yeux, laissant le sommeil la faucher rapidement et inhabituellement profond. Lorsqu’elle dormait dehors elle gardait toujours une oreille attentive, mais pas là, qu’est-ce qui aurait bien pu troubler son sommeil et simplement OSER toucher au chasseur. En tous les cas elle sombra dans les rêves.

Son esprit était calme, paisible, rien ne venait troubler la savane dans laquelle se trouvaient Alyna et Lyän, l’une et l’autre dos à dos, regardaient le ciel étoilé fictif à l’instar de celui à l’extérieur. La louve ne prononçait pas un mot, sachant bien qu’elle avait englouti l’identité d’Alyna pendant quelques secondes sans le vouloir, il faudrait du temps à l’humaine pour revenir les deux pieds sur terre.

« Dit moi Lyän... »

Peut-être pas en fait, partageant les pensées de la jeune femme, puisqu’elles n’étaient qu’une seule et même personne, elle voyait se dessiner une hypothèse, simple ébauche. Oh elle savait bien que l’humaine avait pu lire, pour une fois, ce qu’il c’était passé dans la partie de son esprit dédiée à son instinct. Avalée par lui, elle avait pu le voir, alors qu’habituellement c’était le côté humain qui l’emportait.

« Oui petite fille ? »
« Tu le savais, tu l’as compris... c’est pour ça que tu étais triste. »

La louve ne se retourna pas vers son « hôte », elle n’en avait pas besoin pour sentir le regard de la jeune femme fixé sur sa nuque. Devait-elle seulement répondre à la question d’Alyna ? Était-ce nécessaire puisqu’elle avait enfin fait le lien entre elle être intemporel et lui... simple mortel au temps compté. Non elle ne relèverait pas.

« Va dormir sale gosse ! » se contenta-t-elle d’ordonner.

L’humaine se contenta d’un soupire intérieur, avant de disparaître de leur lieu commun. Le silence de Lyän valait tous les aveux. À force elle savait interpréter ses réactions. La brume se propageait dans leur monde commun, signe de l’endormissement qui devenait de plus en plus profond.

Elle entendit, percer les limbes du rêve, la voix d’Ivor. Quoique l’on pouvait se demander où s’arrêtait le rêve et la réalité après une telle expérience, mais bref passons. Alyna n’avait aucune envie de rouvrir les yeux, surtout si c’était pour être éveillée ainsi. Elle s’y résigna cependant tout de même finalement et croisa son regard gris étrangement pétillant. Il avait perdu son air grincheux et elle lisait toute la tendresse dont était encore capable cet homme qui avait visiblement souffert énormément dans sa vie. Elle étira ses lèvres d’un sourire quand les informations sur la plaisanterie qu’il lâcha arrièrent à son cerveau encore embrumé.


-Je suis d’accord avec toi, mais je compte bien retourner quand même récupérer mes affaires.

Elle se hissa sur un bras pour l’embrasser furtivement, puis se figea en virant à l’écarlate et récupéra ses vêtements de la veille pour se rhabiller, ses joues à la couleur de ses cheveux. Horriblement pudique, même maintenant, la veille elle n’avait pas protesté, trop ailleurs pour se rendre vraiment compte. Elle trouvait même sa tenue trop peu habillée encore et se passa une main dans les cheveux nerveusement, en profitant pour les remettre en place.

-Heu... et puis partir comme ça dans la savane sans rien c’est un peu risqué. Quant à me garder rien que pour toi... pourquoi tu ne viendrais pas avec moi à la Meute ? Toi qui n’aimes pas les humains ça devrait te plaire il n’y en a aucun. Enfin tu as le temps d’y réfléchir, pendant tout le trajet de retour pour sortir de Feu.

Alyna se leva, secouant ses cheveux pour qu’ils se replacent correctement, puis elle sourit au chasseur avec tendresse avant de prendre la direction du village, dans le but de récupérer ses affaires. Elle se sentait légère, vraiment très étrange comme impression. Le regard d’Ivor courait sur ses épaules, elle en avait parfaitement confiance et s’en amusait un peu il faut l’avouer, elle finit par arriver au niveau de la première hutte et se dirigea vers l’entrepôt. Le village somnolait encore partiellement, les enfants n’étaient pas encore éveillés, mais quelques personnes sortaient déjà pour vaquer à leurs occupations, Tomoya regarda passer son amie en haussant les sourcils devant la bonne humeur de la lycan.

-Attends-moi là.

Elle entra dans l’entrepôt, se changea en remettant ses vêtements habituels et récupérant son carquois, son arc et le baudrier de sa dague qu’elle ne remit pas tout de suite, se contentant de les tenir en main pour ensuite récupérer sa sacoche, elle ressortit de la case pour déposer ces affaires près d’Ivor.

-Tu t’occupes de demander des vivres, sans grogner ? Moi je m’occupe de l’eau.

Comme elle s’y attendait il n’ouvrit pas la bouche, masquant un certain amusement elle s’éloigna entre les maisons pour aller au puits. À cette heure de la journée il n’y avait personne, elle aurait peut-être dû y envoyer Ivor, mais qu’importe, il pouvait bien faire un petit effort tout de même. Alyna se pencha au bord du puis pour attraper la corde qui permettait de remonter le seau d’eau, elle saisit la hanse pour poser le seau sur le rebord du petit puits et remplis avec soin deux gourdes en prenant soin de ne renverser aucune goutte de ce trésor. Elle s’accorda à prendre sa forme hybride quelques minutes et s’arrosa le visage pour se rafraîchir, en se redressant elle perçut un son. Son oreille se tourna vers ce qu’elle entendait et elle se retourna brusquement en faisant un pas de côté, une lame siffla, pas d’odeur d’argent. Elle fit face à son adversaire et en resta bouche bée, face à elle Ildor avec une expression de haine gravée sur le visage. Lui qui détestait les lycans depuis son entrée, il devait se sentir trahis que la protectrice de leur terre soit une personne de cette race qu’il détestait. Ses oreilles se couchèrent tristement.

-Ildor arrête ! Je ne veux pas t’affronter !

Le chasseur n’entendit rien, il tourna à nouveau sa lame vers la jeune femme en hurlant sa rage. D’un pas sur le côté Alyna évita, elle dû faire un bond en arrière pour ne pas recevoir la suite de son mouvement. En plus elle n’était pas armée. Avisant une branche non loin elle se détendit en bondissant, saisit son arme de fortune et dévia la lame qui lui arrivait droit sur le cœur, pivota pour frapper son adversaire à l’arrière du genou, mais il avança, la croisant, se retrouvant dans son dos. Il se retourna plus vite qu’elle, comment ? Elle n’en savait rien, mais il se retrouva face à son dos, une vaste ouverture à portée de lame et ne s’en priva pas. La louve amorça son mouvement pour se retourner, préparant son arme de fortune, quand elle sentit l’acier mordre sa chaire de la hanche gauche à l’épaule droite, profondément. Alyna tomba à genoux, puis face contre terre, sentant son dos la brûler, comme marquer au fer rouge, sentant un enchantement s’emparer de sa chair entaillée. Elle sentit qu’on la retournait et vit Ildor, levant cette arme qu’elle n’avait jamais vue entre ses mains. Lance oui, épée non jamais, pas ici dans la tribu.

-Tu aimes mon petit cadeau ? Même si tu t’en sors tu ne pourras pas te défaire de la douleur qui va se réveiller n’importe quand, si elle se referme, tant que tu auras une cicatrice, tu ne seras pas tranquille. Moi j’aime... Oh oui et même ta capacité de régénération ne refermera pas cette plaie avant des siècles.

Un grondement sourd et hostile répondit au monologue du chasseur de la tribu, il se fendit d’un sourire sardonique et leva son arme vers le ciel. La louve retint son souffle et ferma les yeux, incapable de se relever, clouée au sol par la douleur. Le sifflement de la lame dans l’air fit venir une larme aux coins des yeux de la jeune femme, elle ne voulait pas mourir, pas maintenant ! Pas partir, pas lui... pas...

« Ivor ! »

~~~~~~~~~~
Partager l’esprit d’Alyna avait bien des avantages, l’un d’eux était de pouvoir entendre les pensées de celle-ci, oh pas tout le temps, mais quand l’on était perché sur un arbre à regarder son amie puiser de l’eau et se faire agresser le : « je vais avoir besoin d’aide » à peine ébauché dans la tête de la louve pouvait être perçu facilement par la chouette. Pas besoin de plus d’information pour s’envoler. Elle savait exactement qui chercher, pas la peine de sonder le cœur d’Alyna quand on savait à qui elle pensait ces derniers temps. Fylia ralentit son vol plané pour voleter devant le nez d’Ivor, l’invitant à la suivre, elle faisait comme elle pouvait pour le lui faire comprendre.

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Entendant la réponse de la jeune femme, Ivor leva les yeux au ciel d'un air amusé.

-Je te croyais plus aventureuse que ça, lança-il avec une pointe de moquerie.

Facile à dire, venant de quelqu'un dont les possessions tenaient dans un baluchon, et qui n'avait guère plus que ce qu'il pouvait porter sans efforts. Ivor n'avait rien, nulle part, aucune attache sinon les souvenir qui l'attiraient parfois aux rivages de la mer pour tenter d'apercevoir un peu de son pays natal, et cet amour profond de la solitude et du silence qui l'enchainait pour toujours aux lointaines montagnes. Rien d'autre, et maintenant, elle. Plus libre et plus pauvre que tout, pour toujours vagabond.

Comprenant sa gêne, il prit soin de se détourner quand elle se rabilla. Tout était un peu plus étrange sous la lumière du jour, comme si un peu de la magie de la nuit s'était mêlée aux feux du matin, comme un vague souvenir à demi effacé dans le sable. Il avait lui-même retrouvé ses vêtements avant de la réveiller, et laissa encore son manteau à Alyna, au cas où elle aurait voulu se couvrir un peu plus.

-Je ne sais pas, répondit-il d'un air incertain, un peu surpris par la proposition.

Soudain, quelque chose s'était recroquevillé dans son regard, non pas une inquiétude, mais un geste de défense; aller vivre au milieu d'une foule d'inconnus? Quelque chose en lui répugnait à cela. Qu'il soient humains ou lycans, les étrangers restaient pour toujours des étrangers, peu importait leur espèce. La solitude était si profondément ancrée en lui qu'il n'aspirait déjà qu'à s'enfuir comme un loup vers ses hauteurs inaccessibles, là où personne ne pouvait jamais le trouver. Loin, loin de tout et et tous. Pour toujours, ce devait être ainsi.

Il grogna entre ses dents comme un fauve grognon.

-Je ne crois pas que ce soit une bonne idée.

Ivor savait ce que c'était que d'être un étranger partout où il allait; pas la même terre, ni la même langue. Alors, vivre avec ceux qui ne partageaient même pas le même sang que lui, c'était impensable.

C'est à regrets qu'il suivit Alyna, Skallag sur les talons qui trottait joyeusement, l'esprit léger. Il y avait dans l'air un frémissement nouveau, et le soleil encore jeune s'élevait lentement au-dessus des dunes, déjà brûlant. Le silence régnait encore, et il y avait gros à parier que beaucoup dormiraient bien tard, ce matin-là. Il attendit qu'elle revienne vers lui, mais ne put s'empêcher de lâcher un marmonnement rentré quand elle lui demanda d'aller chercher des vivres. Sans grogner? Elle en demandait beaucoup, là; mais soit, il était d'assez bonne humeur ce matin pour faire l'effort de s'exprimer correctement face à un étranger.

Il s'éloigna en grommelant pour la forme, et se hâta de rassembler ce qui leur serait nécessaire pour leur périple auprès des quelques courageux déjà debout. Plusieurs fois, il surprit le regard curieux de l'amie d'Alyna qui le fixait avec une telle intensité qu'elle avait l'air de vouloir lire directement dans ses pensées pour savoir ce qui avait bien pu se passer cette nuit dans le désert. Oh, elle devait bien s'en douter, et Ivor ne laissa rien paraitre. Tout cela ne regardait personne d'autre qu'eux, et il avait hâte de s'en aller, et de ne plus avoir à croiser le regard de tous ces gens trop curieux.
Alors qu'il s'en revenait vers l'entrepôt, les bras chargés de vivres, il vit Fylia voleter devant lui, avec des cris aigus de mauvaise augure. Sans plus réfléchir, il laissa son chargement dans un coin et se rua vers l'endroit où il l'avait laissée, son molosse sur les talons. Skallag grognait déjà comme s'il avait senti quelque chose que le chasseur ne pouvait percevoir et très vite, Ivor aperçut le chasseur qui s'apprêtait à porter le coup fatal à Alyna.

Un sifflement perçant résonna dans l'air, et Skallag bondit de toutes ses forces sur l'homme qui fut fauché par la masse formidable du molosse furieux de voir que quelqu'un osait s'attaquer à la louve. Ivor et son compagnon semblaient gagnés par la même furie soudaine, et rien ou presque ne semblait pouvoir les arrêter; le chien s'écarta un peu, laissant son maitre tordre méthodiquement le bras de l'assaillant pour le désarmer. Le visage du chasseur ne reflétait aucune émotion, rien qu'une froide, profonde et méthodique envie de lui faire mordre la poussière. Il agissait avec la même habileté dénuée de hâte et d'agitation que lorsqu'il chassait, et il y avait quelque chose dans ses yeux qui rappelait que s'il prêtait la plus grande attention aux animaux, même aux bêtes qui essayaient de l'attaquer, les humains n'avaient aucunement droit à ce traitement de faveur.

D'un geste, il releva le chasseur, gardant son bras serré dans un étau qui le tordait dans son dos selon un angle douloureux à voir. Skallag grondait et écumait près de lui, prêt à mordre s'il faisait le moindre geste.

-Tu la touches encore et je laisse tes tripes se répandre pour les vautours, murmura Ivor.

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La lycan entendit un sifflement sonore qui lui vrilla quelque peu les tympans, mais rien comparé à la douleur qui venait de son dos et irradiait dans tout son corps, remontant le long de ses nerfs, jusqu’à son cerveau et ce malgré la plaie qui se refermait déjà. Mais comme l’avait dit de guerrier, elle garderait la cicatrice de cette blessure un assez long moment encore. En tous les cas elle garda les yeux fermés, serrant les mâchoires de douleur.
Lorsque l’on « voit » par l’ouïe il est aisé de comprendre ce qui se passait malgré ses paupières closes. Ivor était arrivé avec Skallag et était en train de lui donner une petite leçon. Elle entendit clairement le chasseur lâcher un avertissement susurré au chasseur. Puis plus rien, elle se sentait happée par les ténèbres, emportée par la douleur. Puis brutalement un retour à la réalité ou plutôt sa réalité, elle se retrouva dans son monde, face à une Lyän folle de rage qui grondait férocement.

« L...Lyän ? »
« Va te reposer ! »

Le ton ne laissait pas place à discussion et elle savait pertinemment ce qui allait se passer, elle s’éloigna précautionneusement de l’instinct, la laissant prendre le contrôle. La jeune femme rouvrit les yeux, se tournant lentement sur le ventre pour se redresser à la force des bras, visiblement sans tenir compte de la plaie dans son dos. Lentement, ses mèches tombant sur son visage, le dissimulant, elle se redressait, posant un genou au sol, puis l’autre, puis elle posa un pied au sol, se relevant toujours lentement, jusqu’à être debout sur ses deux jambes, ses cheveux masquant toujours son expression. Au ralenti pratiquement elle se tourna vers Ivor et le chasseur sahawien.

« Traître ...lâche... traître... proie... proie... »

La lycan releva légèrement la tête et desserra les dents pour parler, aspirant un peu d’air lentement, sentant l’odeur de ce ... de... de fils de ... de traître ! Cela ne fit qu’attiser sa colère. Colère ? Non c’était un euphémisme, pas de la colère, de la haine oui. Oh pas au point de vouloir le tuer, mais lui faire mal. Le dévorer vivant pourquoi pas, enfin... elle verrait.


-Ivor, lâche notre cher ami s’il te plaît.

Un s’il te plaît pour la forme, une question pour la courtoisie, mais son ton n’offrait aucune réplique. Glacial, méprisant et menaçant, ce n’était pas Alyna, mais ce n’était pas vraiment Lyän non plus ou alors ses plus mauvais penchants. L’assassin était de retour, la soif de tuer. Son sang était en ébullition, brûlant chacune de ses veines, elle allait tuer et oh combien avec joie. Ivor eut l’amabilité (ou la sagesse) d’obéir et libéra le tas de viande qui attisait les pulsions meurtrières de la louve. Le guerrier jeta un regard effrayé à Lyän, figé de peur.

-Cours donc mon lapin, essaye de m’échapper avant de finir en miettes.

Ildor ne se fit pas prier, ou était-ce le ton sadique dans la voix de la jeune femme qui l’avait décidé ? En tous les cas il prit ses jambes à son cou, droit vers une lance posée contre un arbre et qui semblait trainer là depuis un moment, il s’en saisit et se remit à courir pour aller vers le village à toutes jambes. La lycan le fixa un instant fuir, aveuglée par la haine elle ne regarda pas ce que faisait Ivor. Oh qu’il fuit cela ne faisait qu’exciter ses pulsions. Son rythme cardiaque se modifia, s’accélérant, elle haleta une ou deux fois, se léchant la lèvre supérieure et les crocs, puis étira ses lèvres en un rictus sauvage. Soudain elle prit sa forme de louve et s’élança sur les traces du chasseur sahawien à toute vitesse, sa plaie en pleine cicatrisation se rouvrit, mais cela ne semblait pas la déranger, elle allongea encore ses foulées et prit son élan pour bondir sur le dos d’Ildor qui fit volte-face, pointant sa lance vers le cœur de la lycan. Lyän dévia de la patte et lorsqu’elle retoucha terre ses crocs se refermèrent sur la hampe de l’arme pour la broyer complètement, puis elle le fit tomber au sol et entreprit de le réduire en charpie.

Plongeant ses crocs dans sa chaire, le sang éclaboussant son pelage roux, colorant son poitrail sable d’une couleur rouge. La peau qui cédait sous ses mâchoires, l’hémoglobine de cet homme qui lui emplissait lentement la bouche. Depuis combien de temps n’avait-elle pas massacré ainsi allègrement quelqu’un sans aucun autre intermédiaire que les armes dont la nature l’avait doté ? Les hurlements de douleur qui perçaient ses tympans ne faisaient qu’accentuer la joie perverse qu’elle avait à réduire cet homme en lambeau. Sa propre douleur noyée par la folie qui l’avait saisis, le sang coulait de son dos, plutôt abondamment et durcissait lentement sur son pelage. Lyän cessa bientôt de mordre celui qui avait tenté de l’assassiner, il lâcha un couinement léger assez comique et elle y répondit par un grondement dédaigneux, il ne méritait même pas qu’elle abrège ses souffrances. puis s’éloigna un peu perdue, traînant les pattes, avant de s’écrouler dans l’herbe sèche.

Calmée, les élancements revenaient, plus accentués encore par le soleil qui commençait à gagner en intensité, la poussière dans la plaie et les mouvements qu’elle venait de faire. Elle lâcha cependant un grondement menaçant, retroussant ses babines, dévoilant ses crocs encore couverts de sang, couchant ses oreilles en arrière et hérissant son pelage, lorsque Ivor l’approcha.

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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Dim 5 Mai - 18:41
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Ivor fut assailli par une vague de panique quand il vit Alyna sombrer dans l'inconsience et c'eut pour effet de raviver encore plus sa colère alors qu'il maintenait la pression sur le bras de l'homme, jusqu'à entendre un craquement sourd de mauvaise augure. L'articulation ne semblait pas avoir résisté bien longtemps. Quand il vit la jeune femme se redresser, il n'en ressentit aucun soulagement car il voyait bien que ce n'était pas elle; Lyän avait prit sa place et c'est elle qui parla. D'un geste, Ivor jeta l'homme à terre car ça n'était pas à lui de laver l'injure et l'affront, mais à elle. C'était elle qui était attaqué, et si elle en était capable, c'était elle qui devait se défendre.

Le chasseur recula prudamment, Skallag près de lui, alors que les villageois alertis par le tumulte se rassemblaient autour des combattants. Ivor secoua la tête d'un air vaguement désolé quand il vit le chasseur se replier; c'était bien la dernière chose à faire quand on a énervé une bête. Il ne faut jamais montrer la peur, jamais tourner le dos, et il ne faisait qu'accumuler les erreurs stupides. Tout cela lui serait fatal, mais ne savait-il pas que l'on n'a qu'une chance, et une seule, quand on s'attaque à des fauves de ce genre? Ou bien on tue d'un coup, ou bien on en meurt d'avoir provoqué la colère de la bête. Dommage pour lui. Malgré l'atrocité du sort qui lui était réservé, Ivor ne s'émut point du triste destin du chasseur. Ainsi vont les choses, ici-bas.

Ce ne semblait pas être l'opninion de certains villageois qui déjà prenaient lances et dagues pour tenter de les séparer; Ivor les arrêta d'un geste, car ce ne servirait qu'à faire plus de morts inutiles encore et rien d'autre. Personne, pas même lui, ne pourrait l'approcher sans dommages, tant qu'elle n'en n'avait pas fini avec sa proie. Il fut obligé de parlementer un long moment, et même si tous, ou presque, savaient la nature d'Alyna, personne ne semblait vouloir la laisser faire, personne ne semblait comprendre qu'il était trop tard pour celui qui l'avait blessée.

-Il voulait la tuer, dit-il simplement au chef qui lui demandait sèchement ce qui se passait.

Finalement, on le laissa aller, seul, jusqu'à l'endroit où Alyna avait trainé le chasseur qui expirait au soleil, réduit en pièces. Ivor ne s'en émut pas plus qu'auparavant; il avait vu bien pire sur les champs de bataille, et par la faute d'hommes qui n'avaient même pas l'excuse de la colère et de l'instinct, par la faute de personnes qui avaient sciemment voulu tout cela.

Comme si de rien n'était, avec sa tranquillité coutumière, il s'approcha de la louve à terre, maculée de son propre sang et de celui de sa victime, qui montrait les crocs, qui grondait encore. Skallag restait en retrait, comme effrayé par l'instinct meurtrier qui faisait étinceler les yeux de la louve.
Ivor se contenta de s'approcher avec lenteur, les mains tendues vers elle pour lui montrer qu'il ne cachait rien de dangeureux. Comme toujours, faire preuve du plus grand calme, ne pas se laisser trahir par le moindre battement de coeur précipité. Il n'y avaient que les proies qui avaient peur, et il savait qu'il n'avait rien à craindre d'elle, il n'était pas un ennemi.
Patient et obstiné, il avançait vers elle avec une tranquillité confiante, murmurant quelque chose à voix très basse, comme un grondement léger. Oh, il savait bien y faire, à calmer les bêtes sauvages; calmer? Ne devrait-on pas dire charmer? Il y avait dans ses gestes une habileté cachée, et quelque chose, peut-être son regard, peut-être le mouvement des ses mains en l'air, inspirait la confiance. C'était là le don obscur des gens des steppes, les meneurs de chiens et de chevaux, et tout l'art d'un homme qui avait passé sa vie au milieu d'eux, qui les comprenait bien mieux qu'il ne pouvait comprendre ses semblables.

On murmurait, derrière lui; diable, n'avait-il pas se faire dévorer tout vif? On n'approche pas un fauve blessi sans risquer sa vie, et pourtant, pourtant chaque pas l'amenait plus près d'elle, et il souriait doucement, penché vers la louve, tendant ses vieilles mains usées dans sa direction. Il n'avait rien à cacher, rien à mentir, maintenant qu'elle savait tout de lui, son odeur et son toucher.

Doucement, doucement. Lent et patient, comme toujours, l'attente interminable, et toujours sans hâte il attendait que le calme vienne, murmurant quelque chose que personne ne comprenait, quelques mots dans sa propre langue, juste un son léger, comme une brise apaisante.

Un pas, puis l'autre. Il souriait avec douceur et son regard avait l'expression paisible qu'on lui voyait toujours quand il s'adressait à une bête. Finalement, très lentement, il posa sa main sur la tête de Lyän et lui caressa le museau.

-Je vais m'occuper de toi, murmura-il tout bas. C'est fini.

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Lyän continuait de gronder menaçante, contractant ses muscles, prête à mordre s’il approchait encore, amplifiant le son qui sortait de sa gorge à chaque pas de plus vers elle, mais elle se figea soudain et dressa les oreilles lorsqu’elle se rendit compte qu’il murmurait, disant quelque chose. Sans cesser de gronder elle écouta le son de sa voix. Il n’exprimait rien de particulier, pas de mots, juste un murmure étrange, une autre langue peut-être. Emportée par la colère elle avait même oublié qui il était et, toujours sous son emprise, elle avait du mal à réfléchir consciemment. Si l’on suivait cette logique elle avait du mal à le reconnaître, mais le son de sa voix lui disait quelque chose, les battements de son cœur toujours calme. Il y avait aussi son odeur qui semblait synonyme de bien-être. Donc ce n’était pas un ennemi, elle ne sentait pas de danger.

« Lyän bordel tu m’écoutes ?! »

Elle n’entendait pas la voix de l’humaine dans son esprit, comme si elle était coupée de son monde intérieur. En tous les cas il s’approchait encore et Lyän grondait beaucoup moins, plus doucement, vaguement, « pour la forme » comme on dit. Elle se tut lorsqu’il arriva presque au moment où il allait la toucher et s’aplatit un peu au sol, craintive, mais se laissa caresser le museau, écoutant les paroles de l’humain, tient elle les comprenait maintenant. Oh et...

« LYÄN ESPECE D’ABRUTIS ! »
« Ouille... »
« Je t’ai déjà dit de ne PAS sombrer ainsi dans l’animalité ! Bordel d’instinct stupide ! »
« Rhô ça va c’est bon ! »

La louve ne laissa rien paraître extérieurement de cette remontrance mentale, ni le fait qu’elle venait de retrouver un peu son humanité, assez du moins pour reconnaitre en face d’elle Ivor. Elle masqua sa lueur joueuse et lâcha soudain un grondement pour bouger à la vitesse de l’éclaire et refermer ses mâchoires sur la main du chasseur et le mordiller doucement. Elle grognait toujours, mais d’une toute autre façon, bien plus tranquille, presque un ronronnement. Ensuite la lycan posa sa truffe au creux de la paume de l’humain en soufflant, fatiguée, avant de se laisser aller sur le flanc en regardant Ivor. Quoi qu’il lui fasse elle avait confiance en lui et elle pouvait bien relâcher son attention de temps en temps, ça faisait du bien. La plaie la lançait toujours atrocement, mais elle n’émettait aucune plainte de douleur, après tout il y avait une limite à montrer sa faiblesse. Elle se remit sur ses pattes pour se blottir contre lui, lui faisant comprendre qu’elle était d’accord pour qu’il s’occupe d’elle. Fatiguée et terrassée par la douleur elle replia ses pattes pour fermer à moitié les yeux.
Elle avait besoin de repos, de fraîcheur et de calme, d'immobilité aussi, pendant quelques heures seulement, le temps que la plaie se referme. Juste un peu de paix dans ce monde où elle n'en trouvait que très peu. Ivor la lui apportait, mentalement du moins. Elle était détendue, cessait d'être constamment aux aguets, lui faisant confiance. Il disait que c'était fini, alors elle le croyait, qu'il s'occuperait d'elle, elle en était certaine.

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Ivor ne put s'empêcher de rire, doucement, lorsque la louve referma ses mâchoires souillées de sang frais sur sa main. Peu à peu, il la voyait revenir à elle, et le reflet sauvage de ses yeux s'atténuait, se diluait dans l'ambre brune devenue familière. C'était comme si l'on pouvait, peu à peu, déchiffrer les pensées d'Alyna et de Lyän au travers de leurs yeux, ces miroirs de l'âme.

Il s'assit près d'elle dans la poussière, pendant que les villageois osaient enfin s'approcher pour emporter ce qui restait du chasseur. Pour l'heure, Ivor ne se souciait pas encore de cela: Alyna était blessée et la plaie ne semblait pas ordinaire, trop profonde, vilaine d'aspect, comme si elle n'en guérissait pas encore. Très doucement, il la laissa se blottir contre lui, glissant ses doigts rêches dans la profonde fourrure encore souillée de sang et de poussière, souriant paisiblement.

-Je vais devoir encore m'occuper de toi, murmura-il.

Avec précautions, il la souleva dans ses bras pour la ramener au village. Les gens le dévisageaient en silence, le regardant passer, et l'on entendait ça et là quelques sanglots épars, alors que les enfants le fixaient d'un regard hostile, comme s'il portait un monstre. D'une certaine manière, c'était la vérité, et c'était aussi pour cela qu'Ivor fuyait le monde depuis si longtemps: il y a toujours un fou pour tout gâcher. Sans bruit, il déposa Alyna sur sa couchette dans l'entrepôt, et prit soin de nettoyer la plaie avec attention, avant d'y placer un bandage solide, espérant que la blessure guérirait vite et proprement. Tout en s'activant pour la soigner, il ne cessait de murmurer, encore et encore, ces étranges psalmodies à voix basse qui savaient tant apaiser les bêtes agitées; l'art ancien des maitres chien des Glaces, ces chansons vieilles comme le monde qui disaient des paroles que nul ne pouvait plus comprendre, mais dont le pouvoir restait intact. Un son de gorge, grave, aux variations infimes, comme le souffle du vent dans les arbres, comme la lente chanson de la mer sur les rochers.

Il fallut du temps pour soigner la blessure, et lorsque Ivor sortit enfin de l'entrepôt pour prendre l'air, l'après midi était bien entamée. Le soleil restait brûlant, et la chaleur à peine supportable après l'ombre fraiche du bâtiment. Il l'avait laissée se reposer, mais espérait pouvoir reprendre la route rapidement.

Ivor s'assit à même le sol, près de la porte, bourrant distraitement sa pipe du bout des doigts avant de l'allumer. Alors qu'il crachait ses premiers ronds de fumée, il vit la silhouette du vieux chef se dessiner dans la ruelle, et venir près de lui.

-Que va-t-il lui arriver? Demanda Ivor d'une voix sourde, sans même le regarder.

Une pause, puis.

-Il essayait vraiment de la tuer. Il allait le faire si je ne l'avais pas arrêté à temps. Il est le seul responsable de ce qui lui est arrivé.

Et pourtant, pourtant il laisserait peut-être derrière lui une veuve, des orphelins, et le deuil injuste imposé à une famille condamnée au chagrin. Chaque fois qu'il avait tué un homme, il avait eu ces pensées assassines, cette culpabilité dévorante: qu'avait-il de différend à présent? Qu'est-ce qui le séparait encore de ceux qui avaient ruiné son existence? Pourtant, il s'en était pris à elle sans raison, il ne voulait rien d'autre que la voir morte et avait tout fait pour cela, et que méritait-il, alors? Il avait blessé un fauve, et un fauve blessé ne songe qu'à tuer, c'est ainsi. Etrangement, il ne se sentait aucunement choqué de ce qu'elle avait fait; un loup est un loup, et les humains sont des idiots, il l'avait depuis longtemps compris et accepté. Personne ne pourrait la changer, personne ne changerait son instinct, et c'était celui d'une bête, il ne pouvait que s'incliner devant cet état de fait.

En silence, il entendit l'homme s'asseoir près de lui. Il avait de longs yeux noirs comme ceux de son peuple, et un visage long et sec, comme une vieille racine assoifée. Il y avait quelque chose de très doux dans son regard qui atténuait la sévérité de son attitude, et toujours comme un sourire embusqui dans ses traits secs. Pour l'heure cependant, il semblait triste, peiné par ce qu'il allait avoir à dire ou à faire. Ivor se doutait bien que tout cela ne serait pas sans conséquences.

Ivor le Silencieux

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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Lun 6 Mai - 21:17
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Lyän laissa faire Ivor sagement, elle se laissa aller lorsqu’il la souleva dans ses bras et regarda autour d’elle d’un air tranquille. Ignorant royalement les regards hostiles, elle avait déjà tué, devant leurs yeux même, pour les protéger, tous savaient de quoi elle était capable et ils la regardaient à chaque fois ainsi. Au lieu de se morfondre dans cette ambiance agressive, elle écoutait les chants étranges que le chasseur fredonnait. La louve se laissa déposer au sol et ramena ses pattes sous son ventre pendant que le chasseur lui nettoyait sa blessure, toujours en murmurant. Elle gardait les oreilles dressées, fermant à demi les yeux, fatiguée elle finit par somnoler doucement.

Elle s’éveilla à demi lorsque l’humain sortit, mais finit par retomber dans la somnolence. Elle pouvait cependant entendre la voix d’Ivor qui parlait à quelqu’un, expliquant ce qu’il c’était passé, du moins succinctement. Tient il parlait quand même de temps en temps ? La lycan rouvrit à demi les yeux, regardant autour d’elle, les oreilles dressées lorsqu’elle reconnut aussi la voix du chef.


Le chef du village s’assit à côté d’Ivor, il l’écouta exposer la situation. Ainsi donc elle s’était défendue, comme il s’y attendait, Alyna n’avait jamais tué pour le plaisir, en tout cas pas au village. Il comprenait mieux et était d’accord avec l’homme à la peau blanche cependant toute cette histoire l’embêtait assez. En tant que chef du village il devait prendre une décision qui soit juste pour la louve. Elle n’avait pas tué son agresseur, juste réduit en bouillie, il avait une petite chance de s’en sortir, bien que, il dût l’avouer, il espérait que Nayris l’emporte.


-Vous devez comprendre que je dois prendre une décision assez difficile. Je ne peux décemment pas la bannir à vie pour plusieurs raisons. Elle n’a pas tué son adversaire et puis elle m’a sauvé la vie lorsque j’étais enfant.

Il s’en souvenait parfaitement de ce jour. Après tout il n’avait que vingt-deux ans. Il y avait maintenant douze ans, voir un peu plus, il était parti un jour sur un coup de tête, voulant prouver qu’il était en âge d’être un guerrier. À dix kilomètres de la tribu il avait soudain entendu un son suspect et s’était retourné pour voir bondir un Shakcha. Sa dernière heure aurait pu arriver si la lycan n’avait pas surgi, une flèche avait suffi à faire tomber le monstre et il lui avait proposé de venir avec lui. Rentré au village il avait raconté partout son aventure et tous avaient bien reçu Alyna et depuis cet endroit était comme sa seconde maison. De plus elle avait vraiment aidé de nombreuses fois, c’est pourquoi il ne pouvait vraiment pas la bannir. Le chef porta son regard sur Ivor, lâchant un sourire aimable.

-Elle sera bannie pour deux mois à partir du moment où elle pourra partir.

De toute façon ce n’est pas comme si la louve revenait très fréquemment au village. Il la bannissait donc pour la forme, le temps que les rumeurs s’estompent et que les gens oublient et bien entendu ils oublieraient assez rapidement, Ildor avait été un homme à problème dès lors qu’ils l’avaient accueilli dans la tribu. Vantard, égoïste et prétentieux, Alyna l’avait remis en place bon nombre de fois, ce n’était pas une très grosse perte. Il demanda avec une grande courtoisie :

-Cette sanction vous convient ?


Lyän déposa son museau sur ses pattes avant en poussant un soupire à la fois de soulagement et de fatigue. Elle ne s’endormit cependant pas, attendant avec impatience le retour du chasseur, n’osant pas bouger de peur de se faire gronder. Elle mourrait d’envie de sortir, malgré sa fatigue, d’autant plus que la douleur diminuait lentement, de minutes en minutes, à mesure que la plaie se refermait, blessure qui ne laisserait au final qu’une cicatrice.

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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Lun 20 Mai - 13:54
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Ivor avait ressenti une certaine inquiétude en attendant la sentance. Il ne savait que trop à quel point la perte d'un être cher peut amener à la violence, à quel point la vengeance revêt de doux attraits aux yeux de celui qui porte le deuil. Heureusement, le vieux chef ne semblait pas partager cet avis, et l'exil serait bien amplement suffisant. Ivor ne demandait à vrai dire que cela: s'en aller avec elle, parce qu'il n'avait besoin de rien d'autre que de sa présence.

Il hocha lentement la tête, l'esquisse d'un sourire amenant un éclat nouveau au fond de ses yeux gris.

-Cela me suffit. Nous partirons dès que ce sera possible.

Une pause, et il leva les yeux vers le ciel d'un bleu pur et aveuglant.

-A vrai dire, c'était de toute manière notre projet.

Et quelque chose, dans le mince sourire qui se contractait au coin de sa bouche, dans l'expression qu'il avait disant cela, trahissait que c'était son idée depuis le départ, et qu'il n'avait rien voulu d'autre que de s'en aller d'ici dès qu'il y était arrivé. Il y avait toujours en lui comme quelque chose d'une bête sauvage, cette vigilance un peu inquiète au fond du regard quand il regardait les gens, une tension perpétuelle, comme une menace silencieuse.

Finalement, il retourna auprès d'Alyna après avoir salué le vieil homme. Il était patient, et il attendrait; mais la perspective de s'en aller bientôt, reprendre la route et aller de nouveau vers la solitude et le silence lui donnait des ailes. Oh, bientôt, libéré de ce poids qu'il avait toujours en présence des autres, bientôt libre, et loin de tout. Il y aurait des jours sans nombre sans croiser âme qui vive, et des routes interminable dans le sable et les dunes, vers les sombres forêts et ses territoires familiers. Peu importait en réalité la destination, le voyage seul importait. Arriver à bon port n'était qu'une infime partie de tout cela, presque insignifiant.

Il y eut le soir, l'ombre couchante et quelques murmures près de leur refuge, avant que la nuit n'engloutisse tout. Laissant Alyna se reposer, il s'était assuré que tout soit bien prêt pour le voyage, et lorsqu'il se coucha près d'elle, il n'y avait plus qu'à s'en aller. L'aube vint en silence et Ivor s'éveilla dès que sa lumière faible chatouilla ses paupières, se faufilant sous la porte de l'entrepôt. Il se redressa, posant une main sur l'épaule de la jeune femme près de lui.

Skallag s'était éveillé avec eux, heureux lui aussi de reprendre la route, comme s'il avait pu sentir l'empressement de son maître, comme s'il partageait la même joie sauvage à l'idée de quitter le peu de civilisation, le peu de gens qu'il y avait ici.

-Tu es prête? Demanda le chasseur à voix basse.

Et très vite, il fallut partir, et tous les fardeaux à porter, le lourd paquetage d'armes et de leur subsistance semblait bien léger pour Ivor... Il avait là tout ce qu'il possédait, tout ce que en quoi il tenait, tout ce qui importait à ses yeux: les maigres effets que sa vie d'errance lui permettait de conserver, Alyna, et Skallag. Rien, et personne d'autre. Il était entré dans ce village encore à demi mort, encore à un pas de la chute, n'attendant rien d'autre de l'existence que sa propre fin. Il en sortait soudain revenu à la vie, oubliant un peu de tout ce qu'il avait eu à vivre auparavant; il avait laissé là un peu de ce qui le rongeait, trouvant remède à la blessure, à l’indicible. Oh, il restait encore tant à dire, tant à faire, mais il se souvenait aujourd'hui de ce que c'était d'avoir un espoir, un avenir, un lendemain.

Il allait le coeur léger à présent, silencieux toujours, mais plus en paix qu'il ne l'avait jamais été depuis seize ans.

Ivor le Silencieux

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[Terminé] Entre la savane et le désert  - Page 2 Sand-g10Mer 22 Mai - 22:51
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Le chef comprenait assez cet homme qui semblait en avoir vu des vertes et des pas mûrs au même titre d’Alyna avaient pu vivre des moments difficiles. Alors il ne lui en voulait pas de vouloir partir, de ne pas aimer la compagnie, après toute la louve était semblable, ne restant que peu de temps au village quand elle venait, s’ennuyant vite. Il le regarda retourner dans l’entrepôt pour retrouver la jeune femme. Le chef eut une petite pensée pour Alyna qui avait trouvé quelqu’un sur qui se reposer, ainsi elle cesserait d’être une solitaire pour, enfin parvenir à une forme de paix. D’autant plus qu’elle aurait besoin de lui à cause de ce qu’elle venait de vivre.

Elle rouvrit vaguement les yeux lorsqu’il entra, mais n’eut pas envie de redresser le museau, puis elle se laissa à nouveau emporter par le sommeil. Elle passa malheureusement une très grande partie de la nuit à alterner ainsi veille et repos, c’était la douleur qui la tirait des songes. Elle reprit sa forme humaine pour vérifier la plaie, ne sentant qu’une la peau fine et déformée, une simple cicatrice sous le bandage. De la hanche gauche à l’épaule droite. Une marque qui s’effacerait dans très longtemps. Elle se rendormit finalement, s’éveillant plusieurs fois avant de trouver la paix deux heures avant l’aube, c’est donc perturbée et un peu perdu qu’elle ouvrit les yeux lorsque Ivor la tira de son sommeil au lever du soleil. Elle se frotta les yeux en baillant et lui adressa un sourire en voyant son empressement de quitter les lieux.


-Oui je suis prête, lui répondit-elle.

C’était vite dit, certes, prête au voyage oui, elle ne sentait plus la douleur pour le moment, mais si elle en croyait Ildor elle reviendrait, ne la laissant pas en paix tant que la cicatrice était visible. Enfin qu’importe, il n’y avait qu’une chose qui l’était. Elle serait avec le chasseur pendant un long moment, elle lui avait redonné le goût à la vie, mais elle-même y avait trouvé quelque chose, la confiance en quelqu’un qu’elle avait beaucoup de mal à donner habituellement, mais là elle le faisait aveuglément. Elle mit sur son épaule son carquois et son arc, récupérant sa dague et passa sa sacoche, craignant un instant à sentir la douleur, mais voyant que rien ne se produisait elle se détendit un peu et emboita le pas d’Ivor, marchant vers les herbes sèches. À présent elle devrait déjouer les pièges de la savane, ceux du village étaient derrière elle, bel et bien fini. Fort heureusement d’ailleurs ils ne croisèrent personne et Alyna n’était du genre à se retourner et s’apitoyer sur le sort de quelques imbéciles, elle le fit cependant en adressant un sourire vers la place, sachant pertinemment que son amie Tomoya serait là, quelque part, pour la voir partir. Elle qui l’acceptait malgré ses manifestations de sauvagerie, tout comme Ivor le faisait, c’est pourquoi ils étaient si précieux.

Elle suivit ensuite Ivor, sagement, de son pas souple et entraîné au silence. Pas une fois elle ne frôla une herbe sèche, ici c’était son pays, son royaume, elle avait appris à vivre avec ses pièges et ses avantages. C’est pourquoi le guider et le conseiller n’était pas compliqué. Il émit en chemin le souhait de se rendre au plus proche de son ancienne patrie, dans les plaines, au bord de l’océan, ils prirent donc cette direction. Un périple de quelques semaines tout de même.

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