Tout au long de cette froide journée, Trataïr n'avait cessé de voyager. Il avait arpenté ça et là les différents villages qui parsemaient l'endroit. Au bord d'un immense lac il fit son campement, et pêcha pour contenter son estomac hurlant.
Selon les habitants du coin, le lac portait tout simplement le patronyme de "Grand Lac". Plutôt simple mais explicatif, l'étendue d'eau était si grande que on aurais pu la confondre avec l'océan. Armé d'une sommaire canne à pêche, notre jeune chasseur patientait, guettant une tension de la ligne pour ramener son repas du soir. Il était affamé le pauvre et voulait absolument calmer les cris de son estomac. Confortablement installé à l'ombre d'un arbre fleuri. Le paysage dégageait quelque chose de paisible. Les eaux du lac étaient calme. Seul quelques brises fraîches venaient effleurées sa surface et dessinait quelques cercles sur l'eau claire. L'horizon n'était que grande ligne bleue s'étendant jusqu'au lointain. Trataïr admirait cette vision qui réussissait à elle seule à combler l'ennui de cette partie de pêche qui s'éternisait.

Le crépuscule venu, le chasseur retourna à son humble campement. un matelas de feuilles, avec son sac comme oreiller, ainsi que son arc étaient les seuls éléments qui se trouvaient autour du foyer central. Composé lui-même de quelques pierres disposées en cercle avec du petit bois en son centre. En quelques minutes, Trataïr alluma le feu si salvateur et disposa le fruit de sa pêche autour en utilisant des petites tiges de bois servant à empailler le repas de haut en bas. Le jeune homme s'en était sorti avec une demi-douzaine de poissons encore frétillants. D'une taille modeste mais pour un homme seul, cela allait être suffisant.

Le repas fût près quand la nuit pris la place du jour dans le vaste ciel. Trataïr dévora goulûment de des petits poissons. Il fît une pause pour admirer la voûte étoilée. Quelle beauté semblable renfermait encore le monde ? Le chasseur était parti de son village natal pour le découvrir. Il voulait simplement admirer ce dont il venait tous juste d'apprendre l'existence. Dans sa jeunesse, seul les marchands ambulants l'empêchait de penser que le monde était limité à la vaste forêt où il vivait. A présent, il avait déjà vu tant de merveilles: une femme belle comme la Lune qui se transformait en animal à sa guise, une autre demoiselle aux cheveux de givre capable de le neutraliser par la glace en quelques secondes... Il avait également appris que le monde recelait d'innombrables dangers. Que si il ne voulait pas mourir, il devrait s'endurcir. Son rêve était pourtant rester inerte dans sa tête, malgré ses innombrables découvertes. Il voulait se trouver une famille.

A deux pas de sa paisible couche, un bruit se fît entendre dans les quelques buissons qui peuplaient le site. Le chasseur n'en fût nullement inquiété. Les prédateurs arrivent discrètement. Humains, animaux ou n'importes quels autres.

La chose qui faisait autant de bruit dans les buissons ne tarda pas à se manifester. Un étrange petit homme sortit en roulant des buissons avec cris et fracas. Sans aucunement prêter attention, il se dirigea sans détours vers l'objet de sa convoitise, les poissons rôtissant sur le feu. Il fixait ardemment ceux-ci sans voir le regard un peu circonspect de Trataïr devant une telle créature. Le petit homme allait saisir l'un des poissons quand il croisa enfin le regard du chasseur, toujours entrain de se demander quel était ce voleur de repas. Celui-ci se redressa immédiatement et s'assit près du feu, en face de Trataïr.

- Enchanté je me nomme Helkyn et vous ?

Le chasseur analysa, pendant encore plusieurs seconde, le petit homme du regard avant de répondre.

- Euuuh... Moi c'est Trataïr. Enchanté aussi ! Je présume que tu as faim. Prend donc un poisson !

Au-delà des questions qui étaient apparus dans la tête de Trataïr, il savait que cette créature ne repartirait pas avant d'avoir mangé.

La réaction du dénommé Helkyn après l'invitation de Trataïr amusa ce dernier. Le gnome sembla comme prit d'une euphorie de haut niveau. Les yeux qui s'illuminent, la bave aux coins des lèvres... Il voulait prendre un poisson, mais son éthique personnelle devait le travailler. amorçant son geste, puis le ravissant, un spectacle bien cocasse aux yeux du chasseur. Cependant il se retint de rire pour ne pas vexé le pauvre affamé. Il ne devait pas avoir mangé depuis des jours pour être dans un état pareil. Quelques instants plus tard, il céda à la tentation et attrapa l'un des poissons encore sur le feu. Il le dévora avec avidité sous les yeux amusés de Trataïr. A la fin du bref en-cas, il s'essuya la bouche.

- Je ... Je suis désolé mais je n'ai rien avaler depuis environ trois-quatre heure, ça devenait une véritable torture et l'odeur de vos poissons cuit à point ne me fit que perdre raison.

La tentation était trop grande et le chasseur ne pu se retenir. Il se mît à éclater de rire à la lumière du feu. Trois-quatre heures ! Il était si affamé après seulement quelques heures ! De son coté, Trataïr était un surhomme, car il fallait bien toute une journée de labeur pour qu'il arrive à ce stade d'appétit. Mais bon, il pensait que tous le monde pouvait faire pareil. Bref, il était temps pour le chasseur de se remplir l'estomac à son tour. Il prit donc l'un des poissons et se mit à le manger avec appétit.

- ... Si tu veux en reprendre un... te gène pas... Quelqu'un avec un tel appétit ... après seulement quelques heures... J'ai jamais vu ça ! Hahaha !

Il manquait un peu de savoir-vivre à parler la bouche pleine. Mais il s'en fichait, Helkyn n'allait sûrement pas le blâmer.

Le gnome ne se fît pas prier pour se resservir. Un sourire large se dessinait maintenant sur le visage du chasseur. Un peu de compagnie en ces lieux reculés n'était pas pour lui déplaire. Puis Helkyn avança une idée plutôt sympathique.

- Excuse moi mais aimes tu la bière ?

Le chasseur ayant la bouche trop pleine ne pu répondre. Pas grave pour le gnome qui, sans attendre, sortit d'un sac à ses cotés un petit baril. Il s'empressa de l'ouvrir et de boire une longue gorgée de liquide houblonné. Il posa ensuite le fus entre lui et le chasseur, l'invitant silencieusement à se servir d'un signe de la main. Trataïr n'attendit pas plus longtemps, l'eau c'est fade ! Il faut autre chose pour contenter le ventre d'un homme ! Il pris donc le petit baril et avala une longue gorgée à son tour. Que le goût de l'alcool encore un peu frais était bon. Pendant que celui-ci se délectait de son unique gorgée d'alcool, Helkyn eut le temps de finir son deuxième poisson. Mais quel appétit !

- Pourquoi es tu installé ici ? Que viens tu faire autour de cette étendue d'eau ?

Trataïr répondit sur un ton jovial qui lui était rare.

- Merci pour la bière d'abord. Quand à ce que je fais là, je voyage tout simplement. Le monde est beau, autant en profité !

Il reposa ensuite le fus à sa place première et pris un autre poisson qu'il commença à déguster. Voyant le regard de son invité, Trataïr lui intima d'un signe de tête de se resservir.

- Et toi, qu'est ce que tu fais ici ?

Le gnome sembla rêvasser quelques instants en entendant la question de Trataïr. Le chasseur quand à lui, attendit patiemment sa réponse en finissant son second poisson tout en avalant une gorgée de bière. Finalement, Helkyn se mît à rire bruyamment et tomba en arrière sur l'herbe verte. Trataïr laissa échapper un petit rire devant cet homme si candide. En se grattant la tête, Helkyn lui répondit toujours en position allongée.

- C'est assez facile, j'ai suivi les conseils d'un vieil ivrogne à propos d'un ancien temple sous les eaux de ce lac. Depuis deux jours maintenant, je contourne le lac à la recherche d'un tas de pierre qui indiquerait l'entrée de ce temple.

Restant au sol, il semblait admirer le ciel étoilé. Trataïr l'imita en levant les yeux. Il aimait lui aussi admirer les étoiles. La plupart de ces rêves était nés sous le regard des astres.

- J'aimerais savoir, qu'est-ce qui justifie une quête si ardue ?

Tout en attendant la réponse du gnome, Trataïr se leva et s'étira pour dégourdir ses muscles endoloris par la paresse. Pour s'occuper un peu, il s'approcha des eaux immaculées du lac et saisi une pierre quelconque posée sur le sol sablonneux. Il se concentra quelques secondes et lança la pierre sur la surface de l'eau. 1...2...3 ! Le galet fît trois bond sur l'eau avant de couler en un "plouf".

Trataïr se retourna vers son nouvel ami, un grand sourire sur le visage.

- Tu veux que je t'apprenne ?

Le gnome se redressa légèrement, s'appuyant sur ses avants bras pour voir à nouveau Trataïr, il pu voir que celui ci regardait également les étoiles.

- J'aimerais savoir, qu'est-ce qui justifie une quête si ardue ?

Suite à cette question, le gnome reprit le tonnelet d'alcool et en ingurgita une gorgée, il en aurait besoin pour affronter encore une fois les rires moqueur. Il s'y était habitué, pas encore assez à son goût, mais il s'énervait moins et devenait moins violent lorsque des incultes osaient blasphémer le nom de la Sainte Chaussette. S'il sortait son épée sans vergogne il y a encore quelques mois grâce à l'aide de certaine personne et de celle ci, il arrivait à se contrôler un peu plus.

Le voyageur du trouver le temps d'une réponse trop longue puisqu'il saisit un caillou et le lança sur l'eau, il rebondit à plusieurs reprises, émettant un léger et doux tintement à chaque rebond. Les yeux du gnome se mirent à briller, c'était stupéfiant, jamais il n'avait vu cela.

Il se leva pour admirer de plus près le spectacle au moment où Trataïr se retourna et d'un grand sourire demanda :

- Tu veux que je t'apprenne ?

Les yeux du paladin se mirent à étinceler de joie, il ne put retenir un grand "OUI" qui ne ressemblait pas à ce qu'une personne de son âge dirait, c'était le cri d'un enfant qui venait de découvrir ses cadeaux à déballer. Sans attendre une seconde de plus il s'empara d'un caillou assez gros et le lança à deux mètres à peine des deux comparses.

Une énorme gerbe d'eau les arrosa de la tête au pied. L'intérieur de son armure était maintenant trempée et il sentait déjà devoir la retirer pour sécher ses vêtements, encore une tâche pénible qu'il détestait, les attaches de celle ci étant relativement mal placées pour qu'une personne seul les retire, elles lui compliquaient souvent la tâche. Il en était arrivé au stade où il prenait ses "bains" en armure pour ne pas avoir à la retirer.

Il recula d'un pas en se grattant l'arrière de la tête et dit d'un ton amusé :

- Oups, je crois avoir fait une erreur, excuse moi.

Le gnome ne pu retenir un immense "OUI !" rempli de joie et d'enthousiasme. Chose qui ravi Trataïr. Ce qui le ravi moins c'est quand Helkyn s'empressa de prendre le plus gros rocher qu'il pouvait porter et le jeta avec fracas à seulement deux mètres d'eux. Une immense gerbe d'eau éclaboussa les deux amis de la tête au pied. Le gnome, maintenant trempé, repris son expression de candide innocence, sa main glissée derrière la tête.

- Oups, je crois avoir fait une erreur, excuse moi.

Tremblant, à cause de la température plutôt fraîche de l'eau qui venait de le submerger, Trataïr ne put empêcher un petit accès de colère.

- Oh mais regarde-moi ça ! Encore une chance que tu n'es pas éteint le feu sinon on serais mal barré ! Oh, je vais devoir me sécher maintenant !

Le ton que prit le chasseur ressemblait à celui que prend un père qui gronde son jeune fils. Pour l'excuser, disons qu'il ignorait l'âge avancé du gnome. A contrecœur, le chasseur dû enlever sa chemise dans le froid de la nuit maintenant bien en place. Il fallait qu'elle sèche. Trataïr était maintenant torse-nue dans le froid. Seul la maigre chaleur que lui offrait le feu l'empêchait de tomber malade. Il avait toujours une mimique de colère quand il regardait le gnome, mais c'était pour la forme, pas parce qu'il avait de la rancune.

La réaction de Trataïr était violente mais c'était voulu. Il aimait bien Helkyn mais sa candeur finissait par être exaspérante. Ses réactions proportionnelles à l'intensité de ses sentiments était certes amusante mais, comme dans le cas présent, pouvait attirer quelques ennuis. Il ne fallait pas que, face à une situation potentiellement dangereuse, ses réactions exagérées et d'une incroyable inconscience mène les deux compères à leur pertes. Il fallait donc essayer de lui faire modérer son enthousiasme et un bon sermon devrait faire l'affaire pour un temps.

En réponse au courroux du chasseur, le gnome afficha une mine désolé et se dirigea lentement vers ses affaires disposées auprès du foyer. Il attrapa, tout grelottant, son baluchon de tissu et entrepris de l'ouvrir. Le froid qui devait engourdir ses muscles n'aidait pas au vu du temps qu'il mit à le déballer. Du chiffon, désormais déplié, il sortit un petit nombre de chaussettes. Il ne pouvait pas sortir grand chose d'autre vu que son bagage n'était composé que de ce genre de vêtements. Enfin, il jeta ensuite les quelques chaussettes dans le feu ce qui entrepris de l'entretenir et le raviver. Son invité voulait sûrement se faire pardonner en augmentant la chaleur ambiante. Il est vrai que la température sembla monter légèrement mais cela ne dérangeait pas le faite que, être torse nue, et mouillé de surcroît, en pleine nuit n'était pas la meilleur façon de passer une nuit agréable. Même avec un feu à proximité.

Après sa tentative très relativement réussi de se faire pardonner, le petit homme essaya, le visage encore marqué par la honte, de retirer sa lourde armure. Les gantelets furent facilement enlevés mais ce n'était pas le cas de la cuirasse qui composait le gros de l'armure. En effet les attaches qui maintenait celle-ci sur le corps trapu du gnome étaient pratiquement inaccessible aux petits bras de Helkyn. Il essaya à plusieurs reprises de les atteindre, une grimace d'intenses efforts figée sur la figure, mais rien n'y faisait. Trataïr, de l'autre coté du feu occupé à sécher ses propres affaires, le prit en pitié et décida de l'aider. Il alla s'accroupir aux cotés du gnome et défit les attache de cuir en quelques secondes, la cuirasse tomba au sol et Helkyn afficha un sourire gêné qui voulait sûrement signifier "merci".

Le chasseur alla donc reprendre sa place en face de lui et continua d'alimenter le feu avec du bois mort. il avait toujours froid mais en faisait abstraction désormais. Il essayait de reproduire l'état dans lequel il était lors de la chasse. On ne sait jamais, si un danger approchait il pourrait le sentir. Il avait l'habitude de s'entraîner tout les soirs. Le jeune homme se mit alors à méditer, se concentrant pour optimiser ses sens, faisant complètement abstraction de son compagnon. Quelques minutes suffirent pour qu'il se retrouve dans cette transe si particulière, dans cette état si familier. Ses sens étaient désormais accrus par la concentration. L'ouïe, la vue l'odorat... Il percevait les moindres sensations de la forêt et du lac derrière lui. Il entendait les bulles que faisaient les poissons éclatés à la surface de l'eau. Il sentait une famille de lapin se terrer pour la nuit à quelques mètres d'ici. Il entendait également la respiration bruyante d'une créature non-loin du campement. Son souffle était si fort qu'il ne pouvait s'agir que d'une grosse bestiole. Dans tout les cas, elle était dangereuse. Il n'y avait aucun gros herbivore qui vivait en forêt. Ce devait forcément être un prédateur comme un ours ou autre.

Trataïr, au vu de cette découverte, sortit immédiatement de sa méditation. Bien mal lui en prit car il fût secouer par des vertiges dès son "réveil". Il croisa le regard de son invité qui semblait fasciner par le chasseur.

- Rhabilles-toi vite. Il y a une grosse bestiole qui approche et à mon avis, c'est pas pour nous border.

Trataïr reprit rapidement tout ses esprits et attrapa son arc avant de se précipiter, à demie-nue, dans les buissons proche. Attendant la bête qui venait s'approprier leur dîner.

En entendant le chasseur, Helkyn eu un étonnant effet de surprise et tomba en arrière pour s'étaler sur le sol en poussant un long soupir. En se relevant, il affichait une mine désespéré, il est vrai que la perspective de devoir remettre une armure que l'on a eu autant de peine à enlever ne devait pas l'enchanter. Mais la créature qui approchait nécessitait de la préparation avant l'affrontement. Trataïr, quand à lui, regardait le gnome s'activer d'un œil plus que distrait. Il se concentrait davantage sur les mouvements, l'odeur et le profil de la créature. Vu le bruit qu'elle faisait en se déplaçant, elle devait être massive. De plus, le bruit indiquait qu'elle était bipède. Qu'était-ce donc ?

Le chasseur fût ramener à la réalité quand il croisa le regard du gnome. Il avait son glaive figé dans le sol de terre et les deux mains posées sur les hanches.


- Très bien alors allons nous en occuper...

Puis, le petit compagnon de Trataïr ressortit son épée du sol et posa le plat sur son épaule dans une posture rappelant celle des guerriers dans les légendes. Vraisemblablement, il était prêt à partir au combat, ce qui n'était pas le cas du jeune homme. Celui-ci, malgré ses efforts pour garder son sang-froid, tremblait de tous ses membres. Il n'avait aucune idée de ce qui allait surgir des bois sombres et inquiétants et cela l'inquiétait grandement. Il avait chassé nombre d'animaux aussi diverses que dangereux durant sa vie, mais celle-ci lui était inconnu.

Notre "valeureux" chasseur eu quand même assez de courage pour exhorter son nouvel ami de se jeter tête baissé dans le danger.

- Nous allons nous en occuper il est vrai, mais je n'ai pas envie que tu y passe ! Viens donc à mes cotés ! Nous devons rester cachés jusqu'à ce que nous sachions à quoi nous avons affaire !

Désormais tétaniser par la peur, Trataïr comptait énormément sur l'aide du gnome qui, aux vus de son lourd équipement, n'en était pas à sa première bataille. Le chasseur, quand à lui, n'était qu'un piètre guerrier et il n'avait pour seul arme, digne de se nom, que son arc. Il resserra d'ailleurs sa prise sur celui-ci, une flèche dans l'autre main. Prêt à dégainer et à tirer sur tout ce qui pourrait bouger devant lui. Sauf Helkyn, bien entendu.

Le jeune homme détestait son état actuel. Jamais un chasseur ne devait avoir peur devant un gibier, n’importe lequel ! Mais à cet instant précis, la bête qui les menaçait de ses pas lourds et de son souffle chargé n’avait rien à voir avec un gibier ordinaire. La bestiole devait être immense et pourvue d’immenses griffes et crocs. Seul un prédateur ancien de quelques décennies devait être assez malin pour survivre sans se faire avoir au préalable par les humains. Il devait y avoir de nombreuses battus organisées dans la région. Pourquoi la bête était-elle encore ici alors ? La seule explication fût qu’elle est éliminée et/ou dévoré chaque humain qui la voyait. Une perspective terrifiante car, nos deux compagnons ne valaient pas les dizaines de chasseurs expérimentés qui devaient être mobilisés. Personnellement, Trataïr n’était équipé que de son pathétique arc et d’un couteau plus que rôdé après toute ces années. Le gnome était, certes, mieux pourvu, mais sa petite taille et le poids de son armure allait handicaper sa vitesse. Tant de pensées négatives assaillaient l’esprit du chasseur.

Son compagnon s’approcha alors de lui, sûrement pour le réconforter. Impassible, Trataïr laissait le gnome murmurer quelques phrases visant sûrement à bénir leur futur combat. Après sa prière, Helkyn semblait apaiser et concentré sur la bataille. Le chasseur, lui, était toujours aussi terrifié et jalousa le gnome d’avoir un dieu qui le protège et le rassure dans ce genre de moments. Lui n’avait personne, juste lui-même.

Soudain, un effroyable rugissement se fît entendre dans les profondeurs obscures du bois en face d’eux. Un cri à glacé le sang, déjà bien froid, de Trataïr. Un long frisson lui parcourut le corps suivit, fort heureusement, par une montée d’adrénaline. Ce revigorant aspect du danger approchant le rendit plus confiant en lui-même et son ami. La peur qui lui tordait les boyaux s’atténua jusqu’à ne devenir qu’un pincement à l’estomac. Un large sourire carnassier, étranger à son visage d’ordinaire, se dessina même. La pensée de chasser un tel monstre fît naître une certaine fierté dans son esprits auparavant si obscurci par la peur. Ses idées redevinrent lucides et un plan d’action s’ébaucha dans sa tête. Le jeune homme fût distrait par l’étrange lueur qui émanait de l’épée, désormais sortie, de Helkyn. Elle n’était pas naturelle, cela était certains, mais d’où venait-elle alors ? C’était peut-être le dieu du gnome qui se manifestait…
Enfin, l’imposant paladin prît la parole.

- Mon brave ami reste derrière moi et loin de cette créature, équipé comme tu es si tu t'en approches trop elle ne fera qu'une bouchée de toi.

« Sachant que tu es plus petit que moi… Il ne fera qu’une demi bouchée de toi alors… » Cette pensée amusa Trataïr, bien que le moment fût mal choisi. Le gnome se plaça alors dans une étrange position de combat, face au futur ennemi qui émergerait des arbres. Pendant ce temps, le chasseur mit son plan à exécution. Il était en accord avec les conseils du guerrier de surcroit. En quelques instant, il gravit l’arbre dans son dos et se positionna en équilibre sur une solide branche qui lui offrait suffisamment d’espace pour tirer mais assez de feuilles pour le cacher quelques instants. Il n’eut pas le sentiment qu’expliquer le plan à helkyn était utile. Il allait certainement comprendre vite l’utilité d’un archer en hauteur. Du haut de son perchoir, le chasseur put observer le grabuge que faisait le monstre en se déplaçant. Certains arbres étaient légèrement secoués et ces indices indiquaient le trajet de la bête qui, comme prévu, se dirigeait droit sur les deux amis qui partageait un repas quelques minutes auparavant. L’excitation de la chasse enfiévrait Trataïr. Il arma en quelques secondes son arc et se prépara à tirer tout en observant l’arrivée lente mais régulière de sa proie.

Les deux compagnons n'eurent pas à attendre bien longtemps. Les arbres étaient secoués de plus en plus fort et le monstre se rapprochait. Son arrivée était imminente. Le chasseur se faisait violence pour ne pas s'enfuir devant le vacarme que causait le simple déplacement de la créature. L'adrénaline continuait de l'envahir et il ne pensait plus qu'à une chose, tuer ce monstre ! Celui-ci venait d'ailleurs de surgir de derrière les buissons en rugissant. La créature se trouvait être un énorme ours au pelage noir comme la nuit, aux griffes acérés, aux crocs baveux et pointus. Bref, un gibier que n'avait encore jamais chassé Trataïr. Cette pensée le remplit d'une certaine joie. Elle restait tout de même relative à la dangerosité de la situation. La gigantesque créature se plaça chargea le gnome. Le pauvre, il était au front lui. Trataïr pria tout les dieux qu'il ne se fasse pas tuer avant de se concentrer un peu plus. Il fallait bien tirer sur ce coup. Mais où ?! Les os de la boîte crânienne empêcheraient la flèche de la pénétrer. Lui tirer dans le dos ou le torse ne ferait que l'énerver davantage. Trataïr se souvint alors de son combat contre les orcs avec les Féral. La stratégie s'était avéré payante là-bas.

Pendant ce temps, Helkyn esquiva bienheureusement la charge de l'ours mais dû lâcher sa seul arme entre les jambes de l'ours. Si Trataïr ne faisait rien, il allait y passer ! Rassemblant toute sa concentration, tellement qu'une migraine commençait à pointer le bout de son nez, Trataïr visa l'endroit exact où il fallait frapper et tira.... dans le mille ! L'ours s'était immobilisé un instant et cela à permit au chasseur de faire mouche. La flèche s'était logée directement dans la rotule de la patte arrière gauche. L'ours hurla de douleur à en faire s'envoler les chevreuils ! (Si cela est possible...) Trataïr était rempli de fierté ! Il savait que son plan marcherai. Et pour cause, l'ours n'arrivait plus à se mettre debout et il ne pourrait plus courir et difficilement marcher. Cela ne l'empêcha pas de s'approcher du perchoir de Trataïr, la bave au coin de la gueule. Le chasseur compris rapidement et s'empressa de longer la branche pour sauter sur un arbre voisin. Mais le choc provoqué par le coup que l'ours porta à l'arbre le déséquilibra et il attrapa de justesse le bout d'une branche. Désormais pendu à l'arbre, se tenant par une seule main sur une branche semblant fragile, le chasseur voyait déjà la mort arrivé en même temps que l'ours. C'est à dire lentement du fait de la blessure de la créature. Si lentement que le chasseur eu le temps de se redresser et de grimper sur une partie plus solide de la branche. Mais l'ours ne le laisserait pas en paix. Il fallait simplement s'accrocher de toute ses forces à l'arbre et tout faire pour ne pas tomber.

- Helkyyyyyn ! Viens m'aider ! Je t'en supplie !

Le chasseur était suspendu à la branche salvatrice depuis un petit moment déjà et il sentait que ses muscles ne tenaient plus. Si il lâchait, il mourrait, et puis de toute façons, l'ours était prêt à le cueillir comme une pomme et à le déchiqueter. Le seul espoir qui restait à Trataïr, c'était son compagnon toujours au sol. Si il ne s'empressa pas de saisir son épée et de frapper cette bête, s'en était fini ! Trataïr hésita à le presser de la voix mais il n’eus, heureusement, pas à le faire. Helkyn eu l'idée intelligente de prendre la broche fumante sur le feu et de l'utiliser comme arme.

<< Ingénieux... J'y aurais pas penser moi-même ! >>

Le gnome coura vers leur assaillant et porta une violente estoc à la cuisse de la bête. Celle-ci hurla de douleur et, pendant un court instant, le chasseur pendu à son arbre eu pitié de lui et grimaça en voyant le métal rouge s'enfoncer dans la chaire. L'anima, très logiquement, commença à se tourner vers son nouvel ennemi mortel. Sa gueule était recouverte de bave et ses yeux étaient remplis d'une rage indescriptible. C'était maintenant à Trataïr de jouer. Helkyn lui avait donner de précieuses secondes et il allait bien les exploités. Il se redressa sur la branche salutaire et entrepris de sortir son couteau de chasse en os et bois de cerf. Le seul moyen d'en finir avec ce monstre c'était de l'atteindre à la tête. Lancer le couteau ne garantirait pas qu'il réussisse à pénétrer la boîte crânienne. La seule solution envisageable fît frémir le chasseur. Elle était incroyablement risquée mais au moins, l'ours ne s'en sortirait pas. Peut-être que lui non plus maiiiis... il fallait tenter le coup. La bête se rapprochait dangereusement d'un Helkyn démuni et sans défenses. Il était trop tard pour réfléchir, il fallait se lancer, au sens propre. Trataïr se positionna sur la branche, prêt à sauter. Puis il s'élança de son perchoir pour atterrir directement sur les épaules de l'ours. De là, il utilisa son couteau pour percer le crâne avec toute la force qui lui restait. Au même moment, la patte griffue de l'ours avait entreprit de dégager le parasite qui gênait son propriétaire. Les lames de rasoirs qu'étaient ses griffes déchirèrent la peau du dos de Trataïr. Cinq longues entailles se dessinaient maintenant sur son dos nue -une chemise n'y aurait pas changer grand chose me direz-vous- et le jeune homme hurla de douleur. Après cette unique représailles, l'ours s'écroula sur le ventre, la cervelle dégoulinante de son crâne brisée.

Trataïr délogea son visqueux poignard et le rangea dans le fourreau de peu de bête. Il le nettoierait plus tard. Le dos suintant de sang, il se mit aux cotés du gnome pour admirer le fruit de leur rude bataille.

- Et bien ! Tout ça parce que on a voulu déjeuner au bord d'un lac ! Tu m'y reprendras pas à deux fois ! Hahaha !

Mieux vaut rire que pleurer. Ils s'en étaient sortis vivants après tout. Cependant, il était désormais temps pour le duo d'aller d'aller se reposer. Ils allèrent donc s'installer et passer la nuit dans le plus grand calme. Au matin, le chasseur se réveilla bien avant son compagnon, il aurait aimé attendre son réveil pour lui dire adieu, mais il fallait qu'il reparte rapidement si il voulait arriver au prochain village avant la nuit. Mieux vaut éviter de repasser la nuit au milieu des ours. Rangeant calmement ses affaires en laissant le gibier qui restait sur le foyer à l'attention de son ami. Il adressa un adieu silencieux à celui-ci, qui était toujours tranquillement assoupi, avant de reprendre la route dans les bois sombres.