Jorquahius, il était le dernier obstacle qui la maintenait éloigné d’Aile ténébreuse, lui et aussi ses apprentis. Ca serait du gâteau, à n’en pas douter, du moins pour les tuer, les trouver serait une autre affaire. Les Oiseaux de passage avaient toujours très bien réussi à camoufler leur présence, car comme leur nom l’indique, ils sont nomades, changeant de quartier général tous les vingt ans. Elle avait appris qu’ils laissaient tout le temps un indice derrière eux, au cas où des anciens membres de l’organisation tenteraient de les joindre. La dernière fois qu’elle avait eue à faire avec eux, c’était pour le contrat Eisrine Drossel, il y a cinquante ans environ, ils avaient donc changé d’endroit au moins deux fois depuis. Aile ténébreuse n’avait pas été en mesure de lui indiquer leur emplacement, Tira devrait se débrouiller toute seule, et la seule piste qu’elle avait, c’était le dépôt d’armes désaffecté depuis au moins une trentaine d’années, où elle avait volé son cerceau, et où elle espérait trouver l’indice toujours en place. Elle s’y rendit, et n’y trouva que poussière. Des caisses vides, des toiles d’araignées, des moutons de poussière, mais rien d’intéressant. Cela l’agaçait profondément, elle devait les tuer, elle savait qu’elle en était largement capable, sa puissance ayant toujours été bien supérieure à celle de Jorquahius. Quand elle eut quitté les Oiseaux de passage, il entamait sa dixième année de formation, et n’avait jamais montré aucune disposition pour le maniement d’armes, y préférant la magie. A cette époque, il ne maîtrisait que la détection de vie par chaleur corporelle, et tentait d’apprendre les secrets de la télékinésie. Il avait sûrement développé ses pouvoirs depuis, mais Tira ne s’en inquiétait absolument pas, les mages ne lui faisaient pas peur, elle trouvait leurs sois-disant pouvoirs bien inutile face à un cerceau bien aiguisé, et Jorquahius n’avait ni hérité de la clairvoyance ni de la ruse de son grand-père. Elle n’en ferait qu’une bouchée, quant à ses apprentis, et bien…c’était des apprentis, et cela suffisait à mettre Tira totalement en confiance. Elle l’avait revu très vite le jour où elle avait été envoyée pour tuer Eisrine Drossel, c’était son père qui l’avait mandaté, lui était toujours un adolescent petit et maigre. La seule chose qui empêcher Tira d’être aux côtés de son maître, c’était ce fichu indice. A cette pensée, la tueuse tapa du pied d’une façon très puérile, puérile certes mais ingénieuse ! Une lame de parquets se renversa sous ses pieds, dévoilant un contre-fond caché par la planche. Tira examina le trou, qui ne devait guère faire plus d’une trentaine de centimètres de profondeur, et se mit à arracher les autres planches. Elle découvrit alors un bout de papier jaunis plié en quatre, l’attrapa et l’ouvrit : « Le corbeau dans la nuit ne peut être suivi, tentez tout de même, testez s’ils vous aiment ». Une énigme qui prit tout son sens lorsque Tira remarqua qu’un corbeau était gravé au plafond, pointant le bec vers le mot Barast’hrin. La tueuse connaissait ce village, elle en avait entendu parler il y a un peu plus de vingt ans, il avait été le théâtre d’un massacre perpétué par des assassins non-identifiés. Au fond d’elle, Tira avait toujours su que c’était eux, les Oiseaux de passage, mais jusque là elle n’avait jamais eu l’envie ni le besoin de retrouver-leur traces. Apparemment, ils avaient nettoyé avant de partir cette fois, et elle ne pouvait pas leur en vouloir, c’était son credo ! Elle quitta ce vieux dépôt, et parti pour les plaines mystiques, où se trouvait le village qui constituait sa prochaine destination.
***
Elle s’arrêta en chemin à une auberge perdue en pleine campagne. Tira avait faim, et la gérante était plutôt appétissante, avec ses bourlets qui sortaient de sous son corset trop serré, et ses belles cuisses bien rondes cachées par une robe mal taillée. La tueuse n’y résista pas bien longtemps, de plus, elle n’avait pas d’autres choix, vu que l’auberge n’accueillait aucun client. La grosse gérante fut aussi délicieuse qu’elle le laissait présager, ses doigts épais furent l’un des meilleurs desserts auquel Tira n’eu jamais goûté, vraiment, elle en fut ravie !
Quand elle arriva à Barast’hrin, après une bonne nuit de sommeil et un délicieux repas, Tira était de très bonne humeur, et ça alla en s’améliorant lorsqu’elle aperçut un bâtiment, le seul qui n’était pas calciné, par déduction, l’ancien quartier général des Oiseaux de passage. Elle y entra, un sourire aux lèvres, bien déterminée à trouver le dernier indice qui la mènerait droit à Jorquahius. Elle commença par tenter de retirer le parquet, mais il parut vite évident qu’ils n’avaient pas remit l’indice au même endroit. Tira entama alors des recherches minutieuses qui ne menait encore une fois…à rien ! La tueuse s’impatientait, et, de rage, commença à défoncer les murs à coups de cerceau. Alors qu’elle espérait y trouver un autre bout de papier jaunis, elle ne réussit qu’à rendre le vieux bâtiment encore plus délabré qu’avant. Elle s’adossa à une poutre, et promena ses yeux sur tous ce qui se trouvait à portée de vue. Tira commençait à désespérer, et sa bonne humeur du matin laissa place à une haine du soir. Elle se retourna, attrapa la poutre à deux mains, et se cogna la tête violemment contre celle-ci. Cet acte qui venait au début d’un excès de folie se révéla le plus censé qu’elle eut entrepris depuis son arrivée à Barast’hrin. En effet, encore une fois, avec une chance incroyable, Tira trouvait l’indice par hasard. Une petite statue était coincée dans la poutre, qui était en fait construite comme une gouttière, vide à l’intérieur. La statue représentait la cathédrale de Sen’tsura, avec un corbeau à la base, pointant son bec à l’Est. Tira prit la statue avec elle, et parti pour Sen’tsura.
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Elle se sentait ridiculiser, d’avoir du faire le tour du pays de la Terre, alors qu’elle était déjà au bon endroit depuis le début,
une raison de plus pour leur faire goûter ma lame à cette bande de crétins, se dit Tira, bien décidé à les tuer très lentement. Elle était arrivée à la cathédrale, quand elle sortit la statuette, la mettant devant le vrai temple. L’oiseau indiquait alors le bâtiment juste à côté, les lumières éteintes, normal étant donné qu’il faisait nuit noire depuis déjà prés de cinq heures. Tira escalada la battisse, et se plaça sur le toit. Elle se concentra alors, fermant les yeux, et décuplant son ouïe. Une vingtaine de respirations différentes, mais seulement une qui ne semblait pas rythmé comme celle des autres, un veilleur probablement. La tueuse s’infiltra en silence par une fenêtre du premier étage qui était mal fermée, et alla directement voir le veilleur, lui plaçant son cerceau sous le cou :
" -Dis-moi où est Jorquahius, lui lança-t-elle en sifflant bien le « s ».
- Il… il est parti, il y a un mois, il est parti avec quelques élèves, il voulait les entraîner à part, répondit l’homme en saccadant ses mots à cause de la pression qu’exerçait Tira avec son cerceau.
- Je t’ai demandé où il était, pas s’il était parti, dis-moi où il est !!! elle commençait à perdre patience, et le cerceau s’enfonça sur un millimètre dans le cou du veilleur, un petit filé de sang s’en échappa.
- D’accord, il, il est parti… pour l’auberge de Demoas, il a racheté l’hôtel, il entraîne ses apprentis là-bas je crois.- Tu… crois ?!? un autre millimètre, et une giclée de sang.
- Non, j’en…j’en suis sûr, je peux même vous montrer où c’est.-C’est ça, je peux me débrouiller, mais puisque tu proposes, je ferais ça vite," dit la tueuse avec un sourire qui se voulait tendre, mais respirait plutôt la folie.
Elle enfonça son cerceau, le veilleur n’eut pas le temps de crier, et la tête roula au sol. Le sang jaillit avec force du cou, et retombait en petites gouttes dans les cheveux et sur le front de Tira. Elle se mit à rire, assez doucement pour ne réveiller personne, puis elle sortit, la dernière étape de sa mission l’attendait. Elle prit son temps, tua deux ou trois passants, des gens assez louches pour se promener en pleine nuit, et obligea l’un d’eux à lui indiquer l’auberge de Demoas, qui se trouvait à cent mètres de l’arène. Le jour ne tarderait plus maintenant, et après s’être bien nourris de son guide, Tira décida qu’il était temps d’en finir.
***
Pour son combat final, elle voulait quelque chose d’explosif, ça ne serait ni furtif, ni propre. Ainsi, au lieu de s’infiltrer en toute discrétion, la tueuse explosa la porte principale avec deux coups de cerceau. Elle entra, et aperçu un vieil homme sur une chaise au bout de la pièce, Jorquahius. Il portait une robe longue et noire, ses cheveux grisonnants encapuchonnés lui donnaient la soixantaine, et sa barbe blanche bouclée tombait sur sa toge en cascade plutôt mal taillée. Ses yeux jaunes scintillaient à travers l’ombre qui recouvrait entièrement son visage, et le rendait bien plus mystérieux qu’il ne l’était réellement.
" - Le Cercle, quel plaisir de te revoir ! Toujours aussi subtile à ce que je vois.- Jorquahius, tu as prit un bon coup de vieux depuis Drossel ! lança-t-elle en le pointant du nez.
- Alors que toi, tu es à peine plus vieille…- Les avantages de l’exercice physique ! dit-elle alors avec un petit rire enfantin
- C’est sûrement ça ! On m’a dit que tu voulais me tuer, vrai ? dit-il calmement.
- Rien de plus vrai, qui t’as dit ça ? dit-elle en levant un sourcil.
- Un de nos espions infiltré dans la garde personnelle de Aile ténébreuse.- Et tu me le dis alors que tu dois sûrement savoir que je travaille pour Aile ténébreuse ! dit-elle étonnée.
- Tu vas mourir de toute façon, c’est sans importance ! lui répondit-il en appuyant sur le mot « mourir ».
- Tu as l’air bien sûr de toi, tu crois que je vais me rendre seulement parce que l’effet de surprise est dissipé ? Tu sais quoi ! Si j’ai défoncé ta porte, ça n'était pas pour t’égorger dans ton sommeil !- Je me doute bien que tu vas résister, mais tu ne fais pas le poids face aux dons que j’ai développé ces dernières années, je suis le mage le plus puissant de l’organisation !- En même temps, il n’y en a pas tant que ça ! dit-elle avec un ricanement moqueur.
- J’ai juste une question pour toi avant que tu ne meures, si tu permets !- Je t’en prie, dit-elle agacer par le comportement de sa cible.
- Pourquoi travailles-tu pour Aile ténébreuse ? Toi qui es si indépendante, qui hait toutes les règles, qui n’obéit qu’à toi-même, pourquoi ? lui demanda-t-il intrigué.
- Disons que je l’aime bien, répondit la tueuse avec calme.
- Bon, maintenant tu vas mourir ! "Il leva la main, et Tira entendit plusieurs cliquetis provenant d’au-dessus d’elle, et leva la tête et découvrit quatre poutres horizontales entremêlées, avec chacune un arbalétrier visant la tueuse. Tira lança son cerceau en direction de Jorquahius, qui, d’un geste du doigt l’immobilisa, et se le passa autour du cou. Tira appelait son cerceau, mais il ne semblait plus pouvoir lui répondre.
" - Tu ne peux plus rien faire maintenant, mes apprentis vont te trouer de carreaux, dit-il en faisant tourner le cerceau autour de son cou par télékinésie
, la partie est finie ! lança-t-il alors sèchement.
- On est d’accord sur un point, la partie est finie, les prolongations commencent ! "Sur ces mots, Tira fit enflammer son cerceau, calcinant le cou de Jorquahius au passage, qui se mit alors à hurler de douleur. Les apprentis sous le choc ne réagirent pas assez vite, la tueuse s’était déjà éclipsée. Cachée derrière un mur, elle reprenait son souffle, son petit tour lui ayant puisait une énergie considérable. Elle jeta un œil vers Jorquahius, sa robe avait pris feu, et il courait sans but à travers la pièce. Les arbalétriers eux ne savaient s’ils devaient aider leur maître ou chercher à abattre Tira. L’un d’eux se décida, et sauta sur Jorquahius tentant d’éteindre le feu avec sa propre toge, et laissant tomber son arme tous prés. La tueuse se décida aussi, elle se jeta sur l’arbalète, et élimina un apprenti, encore perché, avec précision. Elle grimpa rapidement à sa poutre en esquivant deux carreaux envoyer par les deux autres, et vola l’arbalète de sa première victime. Tira éliminait un autre apprenti, alors qu’en dessous, celui qui tentait d’éteindre son maître prit feu à son tour. La tueuse redescendit d’un saut empreint d’une agilité féline. Elle récupéra son cerceau que Jorquahius avait jeté au pied de sa chaise, et l’envoya scalper le dernier tireur. Celui-ci s’effondra alors qu’il tentait de recharger son arme, et tomba de la poutre la plus élevée, de sorte que même s’il avait survécu au coup de Tira (ce qui n’était de toute façon pas le cas), il serait maintenant bel et bien mort ! La tueuse rappela son cerceau, et s’assit sur la chaise, contemplant un curieux spectacle où deux types en feu couraient, et se cognaient aux murs, aveuglait par les flammes qui les consumaient. Elle s’amusait beaucoup, surtout lorsque Jorquahius resta à terre, ne bougeant presque plus, victime de quelques soubresauts réguliers. Son élève le rejoignit bientôt à terre, et, pour être sûre qu’ils étaient morts tous les deux, Tira les coupa en deux sur l’axe vertical. Elle resta un moment, fasciné par les boyaux noircis des deux brûlés, puis se mit en route pour le château.
***
Aile ténébreuse la reçut dés qu’elle lui fut annoncée, les deux même gardes la conduisirent au seigneur noir, elle s’agenouilla et commença :
" - Jorquahius et ses apprentis ne sont plus monseigneur.- Très bien, tu es bien plus puissante que tu en as l’air ! Je l’avais déjà remarqué dans l’arène, mais là, c’est incontestable, répondit-il en esquissant un sourire satisfait
, tu peux te relever, relèves-toi.- Merci monseigneur, dit Tira en se relevant.
- Je crois que je devrais pouvoir te trouver quelque chose à faire, reste à Sen’tsura, je te ferais venir quand ça sera le cas, tu peux disposer, lui dit-il en indiquant la porte.
- En fait monseigneur, l’interrompit-elle
, j’ai autre chose à vous dire, seul à seul si c’est possible.- Quoi donc ? dit-il en congédiant de la main les deux gardes.
- C’est à propos de votre garde personnelle, il semblerait qu’un traître ait investi ses rangs, dit-elle humblement.
- Qu’es-ce qui te fait dire ça ? demanda Aile ténébreuse intrigué.
- Jorquahius a avoué disposer d’un espion infiltré dans votre garde personnelle, il savait que j’avais été envoyer pour le supprimer, il m’attendait.- Je vois, puisque c’est toi qui l’a découvert, je te suggères de tous les éliminer, comme ça au moins on est sûr que tu élimineras l’infiltré ! dit-il en riant
- Très ingénieux monseigneur, dit elle en s’inclinant
, j’y vais de ce pas."Tira quitta la pièce, et Aile ténébreuse fit appeler ses conseillers. Après qu’il leur fit approuver sa décision de renouveler sa garde personnelle, ils en arrivèrent à parler de la tueuse au cerceau. L’un des conseillers soumit l’idée de la faire intégrer la nouvelle garde du seigneur noir :
" - Je veux dire, elle est plutôt douée à ce que j’en ai vu dans l’arène, et elle fait preuve d’un dévouement surnaturel à votre cause, elle a tout de même accepter un contrat d’assassinat non rémunéré et extrêmement dangereux !- C’est vrai mais il y a quelque chose de pas très clair dans son comportement, on ne connaît pas ses motivations en plus, lança un autre conseiller rondouillard.
- Certes, mais elle me plaît, répondit Aile ténébreuse avec autorité
, ce quelque chose de pas très clair, je vois ce que vous voulez dire, mais je trouve ça plutôt intrigant, cette fille est étrange, mais je ne pense pas qu’elle puisse nous trahir. Qu’importe ses motivations, du moment qu’elle m’obéit ! Mais je ne pense pas l’intégrer à ma garde personnelle, je lui réserve un autre poste qui lui ira comme un gant, si elle réussit les prochaines missions que je lui confierais, elle deviendra chef des Assassins. - Et surtout si elle réussit à éliminer votre garde personnelle toute entière, je veux dire, ce n'est pas chose aisée !- Pour elle, ça le sera !"