- Citation :
- Pour ton examen, la guilde t'a sommé de prendre la défense d'un chef de chantier nain, qui est également un marchand important. On sait de source sûre qu'il y a au moins 2 assassins qui tentent de le tuer, sans savoir si ils coopèrent clairement. Protège le dans sa demeure montagnarde et sur le chantier de la mine, qu'il visite tous les jours."
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- On vous a déjà dit que vous aviez de beaux yeux Elly ?Brann, le nain à la voix rocailleuse et au visage buriné enfonça ses reins un peu plus profondément dans son fauteuil. Il tenait entre ses lèvres sèches une pipe de valeur familiale, taillée dans la chair même d'un tronçon de Noyer jeune. De son calumet artisanal s'élevaient quelques volutes de fumée blanchâtre, se détachant aisément sur les murs d'enduit sombre de sa petite demeure montagnarde. Elle était constituée d'une pièce à vivre contenant un foyer sous une haute cheminée, un large lit encastré à flanc de roche, une cuisine assurément bien fournie entourant le feu central, quelques tableaux ( des portraits ) et pierres rarissimes en guise de décoration. La salle d'eau quant à elle se trouvait dans la pièce mitoyenne.
- Ils ne sont pas là pour être appréciés, mais pour être efficaces et veiller sur vous, Brann.La voix, féminine mais ferme, provenait de l'alcôve assombrie susvisée. On avait mandaté quelqu'un, ou plutôt quelqu'une, pour protéger le contremaitre avisé et marchand efficient qu'était le petit homme. L'elfe, car il s'agissait d'une membre du beau peuple, se tenait assise en tailleur sur l'épaisse couverture de laine. Personne n'ignore l'ancestral antagonisme entre la race Sylvaine millénaire, et l'espèce Naine tout aussi vieille, pourtant cette curieuse scène se déroulait bel et bien. Ils conversaient le plus paisiblement du monde, lui observant obstinément ces deux prunelles grises miroitantes dans les ténèbres, elle scrutant l'unique entrée dépourvue de porte de la maisonnette, extrêmement concentrée, les sens en éveil, son aura développée dans une direction précise. Brann tira sur sa pipe en souriant imperceptiblement …
- Attendez voir, vous avez palpé toutes les parois afin de vérifier qu'elles étaient bien impossible à forer n'est-ce pas ?- C'est exact maître nain.- Et, vous ne vous éloignez pas de moi, au delà d'une distance excédant la longueur de votre lame, j'ai toujours bon ? - C'est effectivement mon procédé.- Alors que faites-vous ? Il est l'heure de dormir, la journée sera rude demain sur le chantier. Vous voyez bien que je suis en sécurité, laissez-moi mon lit !- Mais certainement, j'ai achevé mon ouvrage. Elly se redressa souplement, ne quittant pas l'entrée du regard. Elle entendit Brann rejoindre pesamment sa couche, laissant une large empreinte de postérieur dans le fauteuil, puis la questionner sur ce qu'elle venait précisément de faire, durant une longue demi heure. L'elfe reprit sagement position sur le tapis, repliant ses talons sous ses fesses, l'œil toujours fixe.
- Vous le saurez bien assez tôt … Dormez.Le début de nuit se déroula sans accroc. La jeune femme était entrée dans une transe semi-éveillée, régénérant son énergie tout en la dépensant continuellement. Il lui avait fallu deux bonnes heures tâtonnantes pour parvenir à stabiliser le flux de mana émanant d'elle, et la quantité de fatigue à combler par un repos partiel, le tout sans relâcher son attention. Fort heureusement, l'essai semblait se couronner de succès. Depuis quelques minutes déjà, la gardienne entendait de fins grattements contre les parois adjacentes, et plusieurs fois, elle put discerner le bruit d'une pointe diamantée entrain de se fissurer puis de se rompre brutalement. Elle ne savait pas pourquoi on cherchait à assassiner ce personnage, mais au fil de l'unique soirée passée à son chevet, elle avait développé pour ce nain bavard une sympathie fort touchante, finissant par donner une véritable substance au contrat qu'elle avait reçu.
Soudain, l'homme abandonna son idée de pénétrer dans la demeure de Brann par une percée traditionnelle. Agacé d'avoir échoué sur un plan si simple, l'assassin masqué par le contre-jour et ganté de cuir opta pour une entrée pure et simple par la grande porte ( bien qu'il n'y en ait pas ). Silencieux, il s'immisça mains en avant dans les ténèbres. Ses gants passèrent bien entendu, mais son corps fut instantanément expulsé sur deux mètres dans un claquement du tonnerre. L'inconnu roula sur le sol et se mit à gémir, le visage et le devant des cuisses brûlés au second degré. La faute de la barrière électrique invisible dressée à cet endroit par Elly. Cette dernière se redressa dans un bond, ainsi que son protégé. Son ouvrage électromagnétique s'effaça naturellement dès que sa concentration fut rompue, elle tira une dague de son fourreau, l'esprit encore quelque peu embrumé et plaça la pointe contre la gorge du blessé, le planquant au sol en écrasant son bas-ventre du talon gauche.
- Pitié, ça brûle ! - Moins que le bûcher que tu mérites, assassin !- J'ai échoué, mais l'autre l'aura ce foutu Nain !L'autre ?Mais l'inconnu sombra dans l'inconscience, l'odeur de la chair grillée emplissant peu à peu ses narines. Brann fit immédiatement appeler un médecin et cinq hommes de main afin de porter l'assassin jusqu'aux cachots humides aux portes grinçantes où il serait écroué pendant un certain temps, Elly eut à peine le temps de constater que l'homme avait les oreilles semi-pointues, qu'on l'emmenait déjà …Les gardes revinrent peu après, afin d'assurer la relève pour la fin de nuit. L'elfe avait somnolé près du contremaitre qui, quant à lui ronflait gaiement. Elle récupéra ainsi en une poignée d'heures, une bonne part de l'énergie savamment dispensée auparavant.
Lorsqu'ils se réveillèrent, le soleil était haut dans le ciel, et la vie sur le chantier avait repris depuis fort longtemps. Brann se laissa escorter par ses hommes armés jusqu'au chantier où il se mit au travail, répandant ses ordres à l'œil et au bras, en bon chef d'orchestre, la mission du jour étant d'extraire une énorme Azurite d'un bloc de granit déniché la veille. Les gardes retournèrent à leur poste originel, passant le relai à la Sylvaine fraichement revenue de son inspection des environs. Bien qu'elle n'ait rien senti, ni rien vu d'alarmant, son subconscient ne la laissait pas en paix. Quelque chose rôdait aux alentours et passerait à l'action un jour ou l'autre … Dans une telle situation, il était impossible pour la gardienne d'empêcher le Nain d'exercer son métier. Elle ne pouvait disposer des pièges autour de lui, tant le chantier était grand, et ne pouvait pas d'avantage le protéger d'une aura magnétique tout au long de la journée, cela requérant bien trop d'énergie lorsque la cible de la protection se faisait mouvante.
Alors que Brann inspectait selon son habitude, la tenue au plafond d'un tunnel nouvellement foré d'une profondeur de dix mètres à peine, un sifflement significatif attira l'oreille d'Elly postée à son entrée. Elle avait inspecté le fond de la galerie, mais pas la foule passant inlassablement devant cette dernière. Par pur réflexe, elle ouvrit d'un geste vif un large pan de sa cape à sa droite, couvrant ainsi l'entrée du tunnel. Presque instantanément, trois fléchettes courtes dont les têtes étaient probablement empoisonnées déchirèrent le tissus vermeil. Il s'en était fallu de peu. L'elfe écrasait les projectiles sous sa botte lorsqu'une masse informe la heurta en pleine poitrine, la propulsant au fond de la galerie. Brann qui s'était plaqué à la paroi en apercevant les pointes à travers la cape de l'elfe attrapa son bras au vol, lui évitant de s'écraser contre la rocaille. Dans la pénombre, Elly discerna un poing armé de pointes entrain de s'abattre sur le crâne nain. Se donnant une impulsion contre la paroi la plus profonde, l'elfe envoya un puissant coup de pied dans l'ennemi qui chancela. Elle profita de cette brève ouverture pour pousser son protégé vers la sortie d'un second coup de pied bien placé, et Brann bien que blessé à l'oreille par l'arme létale et titubant, parvint à s'agiter en direction de ses semblables.
D'un geste empreint de célérité, Elly dégaina ses solides dagues, alliage d'argent et de mithrill, puis trancha la base de l'unique poutre soutenant l'entrée de la galerie. Dans un roulis infernal, l'ouverture s'effondra en plongeant le souterrain dans le noir, pendant que le second assassin, rageant de ne plus pouvoir atteindre sa cible, enfonçait son poing meurtrier dans les côtes de celle qui venait de jeter l'entièreté de son plan à l'eau. L'elfe ne put que sentir sa peau d'albâtre se déchirer sur les pointes soigneusement aiguisées, mais elle expia naturellement la douleur dans un cri éraillé qui résonna entre les parois de la caverne. Il n'y avait pas assez d'espace pour qu'elle puisse user d'avantage de ses lames, et la chaleur devenait trop étouffante pour produire d'amples mouvements, aussi les planta t-elle dans le sol au moment où l'homme se jetait une fois de plus sur elle. Ses doigts fins fermement agrippés aux pommeaux de ses dagues, elle encaissa le choc en ne ployant que légèrement, sentant les pointes vicieuses fouiller plus ardemment en sa chair. Elle serra les dents. Au prix d'un effort douloureux, la gardienne se redressa brutalement en envoyant son genou gauche dans le ventre de son assaillant qui recula instinctivement. Elle s'avança, l'ouïe aux aguets puisqu'elle agissait à l'aveuglette, et put attraper dans son élan le poing armé de l'inconnu, en percevant son souffle dans l'espace. Alors elle le tordit si vivement qu'il craqua sous la torsion, obligeant son propriétaire à geindre. Elly localisant la tête de sa victime saisit violemment ses cheveux tandis qu'il s'agenouillait en se tenant encore le poignet. Elle ramassa l'une de ses dagues , suffoquant désormais d'une respiration sifflante tant l'air venait à manquer dans le tunnel, et sans plus attendre, ouvrit largement la gorge de l'assassin en murmurant à son oreille quelques mots peu amicaux, et son sang se déversa sur la pièce d'armure qui protégeait son avant bras …
Lorsque Brann eut dégagé suffisamment de pierres au marteau pour apercevoir la jeune femme à l'entrée du tunnel, cette dernière extirpa laborieusement sa tête par l'ouverture et inspira profondément, pendant que le nain, heureux d'avoir échappé à la rapidité de l'ombre, la saisissait puissamment par les épaules en la remerciant chaleureusement.
Mission accomplie …