Le comte peina à se relever, mais fini par y arriver au bout de la troisième tentative. Il scruta les alentours.

-Personne...

Du noir, du gris de l’humidité… Mais pas âmes qui vivent. Juste cet air glacial…
Rigless ne connaissait cet endroit que de récit en tout genre. Il se trouvait aux Limbes… Il jura :

-Eh merde…

Sa mémoire concernant son dernier combat était encore floue. Il ne se rappelait que de quelques détails. Notamment celui d’avoir du implorer son adversaire en fin de combat. Dieu sait à quel point il s’en voulait. En parlant de dieu, Nayris ne c’était toujours pas manifestée.

Il fit un premier pas, puis un second et fini par chuter. Il avait besoin de repos s’il voulait avancer dans cet enfer. Il s’allongea sur le sol, se couvrant de sa cape et fini par s’endormir.

-Bah dit donc le gamin. T’as vraiment peur de rien toi ! S’endormir dans un endroit pareil...

Rigless se frotta les yeux avant de les ouvrir pour voir qui lui parlait. Un vieil homme lui faisait face avec sa canne. Le pauvre devait avoir beaucoup souffert en vue de toutes les cicatrices qu’il arborait. Par la même occasion le vieux venait de l’insulter en lui parlant de cette façon. Non mais quel toupet !

-Avez-vous une idée de la personne que vous avez en face de vous ?

Le vieil homme sourit avant de lui lancer :

-Un jeune homme au regard remplie de tristesse perdu dans ces enfers que sont les Limbes.

Le comte digéra l’information du mieux qu’il le pu. D’un côté cet homme n’avait pas tort. Et puis, à quoi bon respecter le protocole et les codes de la noblesse. Ils étaient tous les deux morts de toute façon… Le demi-elfe lui répondit dans un soupire :

-Exactement…

Le vieux rabougrit posa une main amical sur l’épaule du jeune noble.

-Allons mon gamin. Faut pas se laisser aller ! Sinon t’es fichu ! Enfin… encore plus que maintenant.

Il rit de bon cœur de son humour noir avant de constater que Rigless ne le suivait pas dans son délire. En revanche ce dernier se posait des questions.

-Puis-je connaître votre nom vieil homme ?

-Ikaris pour te servir jeune comte. Et puis, tu peux me tutoyer tu sais.

Le noble était abasourdi.

-Comment connaissez-vous mon titre ?!

Ikaris n’hésitât pas une seconde avant de lui donner sa réponse.

-Ton épée. C’est le symbole de la famille Dragnor. Tout habitant de Feu qui se respecte le sait.

Cette fois ci, le pro-AT ne répliqua pas, trop abasourdi par les déductions et le tacte dont faisait preuve l’ancêtre. Les deux hommes se regardèrent un moment puis le silence s’installa entre eux. Au bout de ce qu’il parut être une bonne minute, car nous perdons facilement la notion du temps dans cet étrange univers, le silence fut rompu par Rigless :

-Tu es bien renseigné…mais maintenant cela ne sert à rien de me nommer ainsi. Ces titres sont morts en même temps que moi.

Le vieux le regarda incrédule.

-Ah…mais moi je pensais que tu savais, murmura Ikaris, les gens de ton rang sont censé être plus érudit que le reste du commun des mortels. Comme c’est étrange.

Le comte ne comprenait rien aux paroles du vieillard. Aussi il ne put garder pour lui son interrogation plus longtemps :

-Mais de quoi parlez-vous ?

-Je t’ais dit de me tutoyer gamin ! Non mais en plus d’être inculte tu n’écoutes même pas ce que te racontent tes ainés ! C’est un monde ça !

Le noble fit de gros effort pour maîtriser sa colère. Personne ne lui avait jamais parlé comme ça avant lui…

-Ok, fini-t-il par lâcher, pourrais-je savoir de quoi TU parles ?

-Ah bah tu vois quand tu veux je t…

Il ne continua pas sa phrase ayant croisé le regard du jeune homme qui lui fit comprendre d’arrêter de dire n’importe quoi et d’en venir au fait.

-Bon. Je voulais te demander si tu connaissais l’existence des PIERRES ? Mais visiblement ce n’est pas le cas.

Il croisa de nouveau le regard de Rigless et comprit qu’il avait raison.

-Tu ne sais donc pas que nous pouvons retourner dans le monde des vivants grâce à des pierres de résurrection ?

Pour la première fois depuis la mort de ses parents le comte se mit à esquisser un sourire.

-Sérieusement ?! Nous pouvons vraiment retourner dans le monde des vivants ?! Mais où se trouvent ces pierres ? Et pourquoi ne les as-tu pas utilisés pour te ramener à la vie ?

L’ancêtre leva la main pour faire taire le demi-elfe qui réprima une fois de plus son mécontentement sur les manières de faire du vieil homme.

-Je ne l’ai pas fait car il n’est pas facile d’en dénicher. Toutefois, je sais où nous pouvons tenter de nous en procurer une. Seulement…

-Seulement quoi, le pressa Rigless

-Seulement celle dont je parle actuellement est accroché au cou d’une stixrène

-Impossible ces créatures n’existent pas !

Devant l’air sévère du vieux, il comprit que ce n’était pas une blague et que c’était également le seul moyen pour lui de quitter cet horrible endroit le plus rapidement possible. En effet, notre jeune comte n’avait jamais de chance…

Après s’être mis d’accord sur leurs stratégie pour s’emparer de la pierre ainsi que les risques encourus pour s’en emparer, le duo se mit en route.

Nous ne savons pas combien de temps ils marchèrent ni quelles directions ils empruntèrent car après tout il n’y avait aucun repère dans ce monde. Cela faisait peut-être plusieurs heures qu’ils n’avaient pas parlé et le silence s’était pas conséquent installé entre les deux hommes. Le vioc décida de le rompre :

-Au faite gamin, tu m’as l’air fort jeune pour mourir. Que t’est-il arrivé ?

Rigless s’arrêta de marcher et toisa son interlocuteur d’un regard chargé de haine qui lui fit comprendre que ce sujet de conversation n’était pas abordable. Le vieillard grommela et ils continuèrent leur funeste marche.

Quelques minutes plus tard un chant se fit entendre et ils comprirent qu’ils étaient arrivés à destination. La voix cristalline parvenant à leurs oreilles était tout simplement divine. Ils avancèrent et virent alors un étrange spectacle se dérouler sous leurs yeux.

Une femme chantait au milieu de ce décor loin d’être pittoresque, un homme s’avançait vers elle d’un pas assuré. Ikaris tira la manche du comte pour attirer son attention et lui chuchota à l’oreille pour ne pas se faire remarquer :

-Il va se faire aspirer son âme nous devrions l’aider.

Un sourire mesquin apparut sur le visage de Rigless

-Non, il est perdu nous n'aurons certainement pas le temps d’agir. En revanche, nous pouvons étudier la stixrène pour voir de quelle façon elle s’y prend. Ensuite nous…

Il ne finit pas sa phrase trop choqué par ce qu’il venait de se passer. L’homme était finalement arrivé au pied de la femme, qui, disons-le, avait un physique à en faire fantasmer plus d’un. La femme stoppa son chant et se rua sur le malheureux avant de le mordre sauvagement à la gorge. De sa position, le comte put observer que la bouche de la jeune femme était ornée de longs crocs acérés qui lui serait fatal s’il n’y prenait pas garde. Enfin, il remarqua la fameuse pierre accroché autour du cou de Stixrène. De son côté le vioc tressaillit à l’idée de se confronter au monstre qui venait de ne faire qu’une boucher d’un pauvre homme n’ayant rien demandé.

-Nous devrions peut-être rebrousser chemin, murmura Ikaris de toute évidence plus très sûr de vouloir récupérer cette fichue pierre.

-Certainement pas. Je ne tiens pas à rester dans cet univers de malheur jusqu’à la fin de mes jours. Mon comté compte sur moi ainsi que tous ses habitants. Si je ne reviens pas très vite dans le monde des vivants qui sait ce qu’il pourrait bien arriver à mes terres. Je ne peux et ne dois pas abandonner aussi près du but !

Le vioc acquiesça silencieusement. Maintenant le duo devait agir. La femme était trop occupée à dévorer le malheureux pour se rendre compte qu’elle se faisait espionner. C’était donc le meilleur moment pour eux d’agir. Le plan était simple, Ikaris servirait d’appât pendant que Rigless se téléporterait derrière la jeune femme pour lui couper la tête. Oui, je vous l’accorde ce n’est pas le plan le plus brillant qu’est inventé notre jeune noble mais ça devrait suffire pour s’emparer de la pierre.
Sans plus tarder le vieux avança en direction de la jeune femme d’un pas mal assuré. Quand cette dernière compris qu’elle n’était pas seul dans cette infime partie des Lymbes, elle releva la tête pour focaliser son attention sur le nouveau venu.

-Bonjour mademoiselle. Pourriez-vous m’indiquer le plus court chemin pour sortir d’ici ?

Ikaris aperçut alors les crocs immaculés de sang que lui présentait la jeune femme.

-Euh…finalement je repasserais…

Il n’eut pas le temps d’achever sa phrase que le monstre se rua sur lui. Au moment où elle allait enfoncer ses crocs dans la chaire du vieille homme Rigless apparut derrière elle est frappa de toute ses forces dans l’espoir de décapiter l’énergumène. Mais la stixrène plus rapide plongea sur le côté se faisant trancher le bras pas la même occasion. Elle se releva furieuse et observa attentivement le demi-elfe :

-Comment as- tu osé misérable mortel…

Rigless la regarda avec mépris. Les deux adversaires se dévisagèrent longuement avant que la femme ne se rue sur le noble avec toute la rage dont elle était capable. Croyant être la cible de l’attaque le comte adopta une position défensive. Mais au dernier moment la jeune femme se rua sur le pauvre Ikaris qui avait pris ses distances afin de ne pas gêner inutilement Rigless dans ses mouvements. La jeune femme se posta derrière lui en approchant dangereusement ses crocs du pauvre vieux.

-Si tu bouges je l’égorge sur le champ.

Le demi-elfe était pris au dépourvu et ne savait que faire. Il allait abdiquer quand Ikaris le prit à son tour au dépourvu. Le vieillard saisit le pendentif autour du cou de la créature en l’arrachant d’un geste vif pour finalement le lancer à Rigless.
Le monstre plongea ses crocs dans la chaire du vieil homme qui hurla de douleur avant de prendre la fuite.

-Non ! hurla le comte qui n’avait pas eu le temps d’agir.

Il se téléporta aux côtés d’Ikaris avant de se pencher pour contempler l’ampleur de la blessure.

-Que fais-tu encore ici gamin, articula-t-il malgré la douleur que lui coûtait cet effort.

-Mais pourquoi as-tu fais ça ! ragea Rigless à ses côtés.

- Ecoute-moi gamin…j’ai eu une belle vie bien remplie mais n’inspire en aucun cas retourner dans le monde des vivants… Je t’ais accompagné seulement pour t’aider toi et non pour moi…tu as des responsabitiltés envers le peuple de feu...alors va.

Il venait de parler pour la toute dernière fois. Après avoir prononcé sa dernière phrase, il plongea dans un sommeil éternel.

-Merci…merci pour tout…Ikaris.

Le comte n’avait pas l’habitude de remercier les gens. Mais là c’était un cas de force majeur. Cet homme avait sacrifié sa vie pour lui alors qu’il le connaissait à peine.
Il déplora l’absence de tout instrument qui lui aurait permis de l’enterrer dignement puis se releva pour contempler la pierre qu’il tenait toujours dans le creux de sa main. Il prit une profonde inspiration :

- Ramène-moi dans le monde qui est le mien ! exigea-t-il à l’intention de la pierre.