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 [Terminé] Tombée du ciel...?

 
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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Mer 16 Jan - 19:52
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Bien qu'étant en compagnie d'une étrangère quelque peu envahissante -mais à la présence salutaire, il fallait bien le reconnaître- et sous la menace d'une créature qu'il ne pourrait jamais vaincre seul et qui pourrait le tuer d'un simple coup de griffe, Ivor se sentait étrangement à son aise. Dans son élément pour ainsi dire, dans la traque et la chasse, au coeur murmurant des grands bois sauvages. Il se déplaçait le dos légèrement courbé, rapide, et étonnamment silencieux pour un homme de sa stature, animé d'une tension latente, comme un arc bandé, comme la flèche qui s'apprête à jaillir, et à tuer. Près de lui allait Skallag, et l'homme et le chien allaient au même train vif et furtif, si bien que l'on pouvait sans peine imaginer quelle habitude commune il y avait là. La chasse, ensemble, oh, ils savaient faire, courir la bête noire et la bête rouge, et tous les deux semblaient presque se réjouir de cette animation imprévue. Après tout, c'était bien là le seul loisir qui restait à Ivor.

Jetant un bref regard à sa compagne, il remarqua que la couleur de ses yeux était revenue à la normale; étrangement, après la flamboyance jaune, vive et claire comme une flamme, le brun de ses yeux n'en semblait que plus terne. ça n'était plus la même personne, il le sentait.
Il l'écouta avec attention, et puis hocha brièvement la tête, intimant à son chien de rester près de lui. Pour le moment, il ne voyait pas de meilleure solution, car ils se fatigueraient bien avant leur poursuivant.

-S'il nous a prit en chasse, il ne nous lâchera pas,
répondit-il à voix basse. Il est dans les parages, j'en mettrai ma main à couper.

Quand elle s'enquit de sa blessure, il se contenta de hausser les épaules avec un signe de main, pour lui dire de ne pas s'en inquiéter. Quelques bleus de plus ou de moins ne feraient pas de différence et il risquait bien plus grave s'il se montrait imprudent.

Ivor et Skallag sursautèrent d'un même élan en percevant le mouvement brusque qui atteint Alyna à la joue et il encocha rapidement une flèche, pas assez cependant pour avoir la moindre chance de toucher la créature qu'il avait à peine entrevue, sans même savoir ce qu'il avait réellement aperçu. Trop petit pour être une bonne cible et bien trop vif pour se laisser toucher, ces créatures étaient bien les pires plaies qu'il eut jamais à affronter. Ivor se demandait bien ce qui avait pu pousser ce skoll si loin de ses terrains coutumiers, mais avec la multiplication des démons dans les basses terres de Drayame et des forêts de l'ouest, on n'était plus sûrs de rien. Baissant sa garde, il laissa Skallag renifler avec force l'endroit où la bête s'était tenue et jeta un oeil à la plaie d'Alyna qui se refermait déjà. Décidément, en voilà une qui était bien plus solide que lui... Il ne se faisait guère de soucis pour sa survie à elle, c'était plutôt pour sa peau qu'on pouvait commencer à se tracasser...

Un bref sourire lui effleura la bouche et il lui jeta un regard en coin.

-N'en faites pas une affaire personnelle, ce n'est qu'une pauvre bête perdue loin de chez elle.

Une pause, et il laissa Skallag flairer la piste du skoll.

-Ils vivent plus loin dans les forêts de l'ouest, d'ordinaire. A Flore, ils sont le plus nombreux, et je gage qu'il a été délogé de ses terrains de chasse par la peste des démons.

Ivor parlait à voix basse, ses yeux sombres balayant les alentours d'un regard attentif. Devant eux, le chien de chasse ouvrait la piste, reniflant les feuillages, flairant l'air, essayant de suivre l'odeur de leur proie. Le paysage rocheux devenait de plus en plus familier à Ivor qui reconnaissait ça et là des sentes qu'il avait lui-même ouvertes dans ces bois déserts, et il s'arrêta un instant pour examiner le tronc d'un énorme cèdre qui portait une marque faite au couteau dans l'écorce. L'empreinte était vieille déjà, et la mousse avait rongé en partie le petit signe discret qui avait servi au chasseur à marquer son chemin. Rapidement, il creusa de nouveau le bois vénérable pour raviver la marque, et reprit son chemin. A leurs pieds la pente s'incurvait en un val profond planté de cèdres immenses qui cachaient presque totalement la lumière du jour. Le vent sifflait dans les cimes et les aiguilles des conifères, répandant l'odeur de la sève, de la terre humide et de la pluie qui avait mouillé ce versant de la montagne. Au loin chuchotait un torrent qui se frayait un chemin au fond du vallon, grondant et écumant entre les rochers noirs et glissants.

-Je connais le coin, murmura Ivor en scrutant les alentours. La pente est plus raide, par là. Il peut nous coincer dans le vallon. Il a du traverser la rivière pour brouiller la piste.

Réfléchissant, Ivor regarda autour de lui, tâchant de se souvenir du terrain aux alentours; l'autre pente du val était plus praticable, et le torrent continuait sur plusieurs mètres avant de se jeter dans un lac de montagne. En amont en revanche, il y avait peut-être de quoi faire et coincer la bête car de mémoire, un éboulis avait partiellement obstrué le cours de la rivière qui s'était déviée dans un lit encaissé où il serait probablement aisé d'attirer le skoll.
D'un signe de tête, il désigna la direction, et lança à voix basse:

-Envoie ta chouette en reconnaissance là-bas, il y a un endroit qui pourrait convenir.

Ivor le Silencieux

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Jeu 17 Jan - 22:26
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Alyna écouta Ivor avec soin, restant silencieuse pendant qu’ils marchaient, attentive aux sons tout autour. Un endroit qui pourrait convenir hein ? Elle leva les yeux vers le ciel et demanda mentalement à Fylia d’aller voir ce qu’il en était, la chouette s’éloigna en planant. Elle gagne le lieu lentement avec le chasseur et observèrent les lieux en regardant toute la disposition.

Un arc de cercle d’éboulements assez large pour avoir cinq mètres de rayon d'espace dégagé, toutes les façons d’approcher apparaissaient aux yeux vifs et habitués de la louve et un plan s’échafaudait petit à petit dans son esprit, aidée par les indications de son propre esprit de chasseuse. Une fois la phase de réflexion terminée elle esquissa un fin sourire qui s’étira jusqu’à ce qu’elle retrousse les lèvres, dévoilant ses crocs en un rictus sauvage.


-Je crois que je sais comment le coincer... Il va attaquer le plus vulnérable d’entre nous, les deux précédentes attaques étaient des tests et sans vouloir vous offenser vous êtes une proie plus facile. Je pense donc... qu’il serait bon d’échanger nos manteaux, pour faire illusion sur nos odeurs.

Elle poursuivit son explication en indiquant qu’elle se placerait en vue de la créature au beau milieu de l’arc de cercle et lui indiquant où lui devrait se dissimuler pour qu’elle puisse sentir son odeur et savoir donc systématiquement si la créature s’approchait de lui. Elle lui expliqua qu’il devrait se préparer à décocher une flèche pour quand elle aurait réussi à l’immobiliser. Si la créature l’attaquait en premier elle interviendrait et si elle l’attaquait elle, elle aurait le temps de repartir à la poursuite de la bête si elle se rendait compte du stratagème.
Le chasseur accepta et ils échangèrent leur manteau, tous deux se placèrent, Ivor disparaissant derrière un amas rocheux, Alyna quant à elle se plaça sur une pierre et ferma ses yeux en dressant l’oreille pour se concentrer sur les sons. Parfois sentir les odeurs nettement avait du bon, elle était entourée par celle de l’homme et humait l’air en rosissant légèrement, il avait une odeur qui faisait songer à quelqu’un qui voyageait énormément, une légère odeur de sang séché flottait également, mais cela ne la dérangeait pas. Elle se força à se concentrer sur les sons et oublier l’odeur très agréable du manteau.

Elle n’entendait rien pour l’heure et en profita pour défaire son carquois qui l’aurait gêné si elle devait se déplacer rapidement. Un léger bruissement de gravas qui dégringolait du flanc gauche de l’éboulis, à l’opposé de la position du voyageur attira son attention. Elle resta immobile, faisant mine de ne pas bouger, emmitouflée dans l’odeur de l’humain, elle ne bougea qu’au dernier moment quand la créature allait lui entailler l’épaule, elle se déplaça sur le côté en se retournant, elle vit le Skoll remarquer que celle qui portait l’odeur de l’humain était la lycan et s’éloigna en galopant vers Ivor, on aurait dit une énorme bestiole marchant sur deux pattes ou quatre selon l’allure, mais filiforme et avec une face assez moche, à demi invisible. Elle se lança à sa poursuite en délaissant le manteau assez lourd qui l’aurait ralenti.

Ses prédictions s’avérèrent justes, la créature contourna les rochers, tandis que la jeune femme, pour aller plus vite, les escalada rapidement pour bondir de l’autre côté, atterrissant devant Ivor au moment où le monstre avançait son museau vers elle. D’un geste vif elle le saisit à l’articulation de la mâchoire pour l’empêcher de mordre, de la même façon que l’on forçait un cheval à ouvrir la bouche pour lui passer un mord. Il n’eut pas l’air d’apprécier et leva la patte pour lui griffer le ventre, mais la lycan attrapa sa dague toujours enfoncée dans l’épaule du Skoll pour la tourner et la sortir, la douleur l’arrêta et il recula en rugissant.
Alyna bondit sur la créature pour attaquer, mais il préféra battre en retraite, elle lui coupa la route, pas question qu’il s’échappe cette fois. Elle arrivait à le suivre même sous sa forme humaine, c’était déjà un bon point. La créature essaya de passer la jeune femme qui laissait monter un grondement dans sa gorge et il réussit à la prendre par surprise en repartant vers l’humain.

« Saleté ! À mon tour de jouer Alyna ! »

Les yeux noisette prirent la couleur jaune louve emplie de sauvagerie de son instinct libéré volontairement. La lycan prit sa forme hybride pour rattraper le Skoll, elle le dépassa pour se placer devant Ivor, cette fois le monstre ne recula pas et lui planta les griffes dans le ventre, sous les côtes. Alyna ouvrit la bouche, surprise et son visage se crispa de douleur en même temps qu’un rictus étirait ses lèvres. Elle lui saisit la patte à demi invisible et la retira de son estomac, puis sans lâcher la créature qui se débattait elle lui attrapa l’autre patte et entama un duel de force pour l’empêcher de s’enfuir.


-Ivor va y c’est ta chance !

Alyna Minami

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Sam 19 Jan - 0:42
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Finalement, la chasse s'annonçait sous de meilleurs auspices qu'elle n'avait débuté, surtout quand de proie, ils devenaient prédateurs. Une fois établi l'endroit où ils allaient piéger la bête, Ivor écouta attentivement l'idée d'Alyna, et hocha la tête. S'attaquer au plus faible, bien sûr! C'était ce qu'il avait fait dès le départ en prenant Ivor comme cible la première fois. Prestement, il se défit de son manteau, et s'enveloppa de celui de la jeune femme; brièvement, il put sentir l'odeur qui s'en dégageait, et qui saurait à coup sûr tromper la bête. Lui n'avait pas les sens aussi développés, et se borna à saisir au vol une brève fragrance de fourrure tiède et de sang frais, comme un parfum de femme dilué dans une chevelure. Mais son esprit n'eut guère le temps de se laisser distraire car il fallait faire vite et sans tarder, son chien sur les talons, le chasseur alla se placer à l'endroit prévu. Les pierres de l'ébouli, encore récent, étaient suffisamment aigues et les arêtes assez vives pour qu'on puisse les escalader sans peine. La bête serait un peu ralentie à terrain découvert, mais sans doute pas assez pour en faire un cible facile. Cependant, c'était mieux que rien, et ici, ils étaient moins vulnérables que sous les arbres où il avait le loisir de surgir à tout moment.

Tapi dans les rochers, Skallag à ses pieds, Ivor attendit, distinguant de l'autre côté la jeune femme revêtue de son propre manteau. Autour des pentes raides du vallon, la forêt murmurait tout doucement dans la brise, et le silence frissonnait entre les pierres. Un sursaut anima le molosse quand il sentit l'odeur de leur proie, qui, comme prévu, se dirigeait vers Alyna... Avant de découvrir le subterfuge. Ivor parvint à peine à distinguer la silhouette du prédateur qui accourait vers lui, l'arc bandé, prêt à tirer mais sans même clairement voir sa cible. Il allait lâcher la corde quand la lycan surgit juste devant lui, encaissant à sa place le coup de mâchoire que le chasseur n'avait pas vu venir. Il ne put bien voir ce qui se passa ensuite, car tout semblait aller bien trop vite pour ses yeux d'humains, dans une confusion que son esprit ne pouvait encore saisir; ses mains ne tremblaient pas cependant et il gardait la flèche encochée et la corde tendue afin de pouvoir réagir aussi vite que possible, concentré, essayant de saisir les mouvements du monstre et de la jeune femme.

Quand ils s'écartèrent de lui, il tenta de viser à plusieurs reprises, mais il ne pouvait bouger, et ne pouvait non plus risque de blesser Alyna; Skallag lui-même semblait hésiter, et il se tassa un peu sur lui-même quand il sentit l'instinct animal de la louve prendre le dessus. Ivor la vit s'affaisser un peu, et puis reprendre le dessus, et réussir à maintenir la bête immobile un instant. L'ordre qui fusa, vif et sans appel, fit réagir ses nerfs avant de se faire réellement entendre du cerveau et avant même qu'il ait comprit ce qui se passait, Ivor avait lâché la flèche qui transperça le crâne du monstre en s'enfonçant méthodiquement dans sa gueule ouverte. Un flot de sang s'échappa de la blessure, dans un bel arc de cercle alors que le skoll basculait en arrière et s'écrasait lourdement sur les rochers.

Ivor baissa lentement son arc, juste à temps pour voir la jeune femme devant lui s'affaisser soudainement; sans comprendre, il la rattrapa comme il le pouvait, trébuchant sous le poids inerte de la lycan qui basculait lentement dans le sens de la pente. Le chasseur tâcha de garder un appui stable et l'empêcha de tomber, la soutenant avec efforts, avant de voir les sinistres taches rouges qui s'élargissaient lentement sur son abdomen. Les griffures semblaient profondes et le tissu lacéré par endroits laissait voir la chair à vif qui déjà semblait cicatriser, mais bien trop lentement pour l'empêcher de perdre une grande quantité de sang. Glissant son arc dans son dos, il jura entre ses dents à voix basse, cherchant le regard de la jeune femme, saisissant son visage dans sa main calleuse pour la garder éveillée.

-Hé! Lança-il. Restez avec moi. Vous avez prit un sale coup mais vous allez guérir, d'accord?

On ne le sentait guère convaincu par ses propres paroles, mais après tout elle le savait mieux que lui, non? Un bref regard autour d'eux lui permit de retrouver son manteau qu'elle avait laissé tomber sur les rochers, non loin. Tout doucement, il la déposa là, pour aller récupérer son bien dont il l'enveloppa soigneusement, sans cesser de lui parler. Tirant un linge de son paquetage, il le lui plaça entre les mains, lui conseillant de le presser contre la blessure, et puis la souleva dans ses bras en appuyant sa tête contre son épaule, grimaçant un peu sous l'effort. De temps à autre, il la secouait doucement, lui parlait à voix basse, tâchant de la maintenir consciente. Skallag sur les talons, Ivor quitta l'endroit non sans difficultés, trouvant un chemin qui pouvait l'emmener hors de ce ravin trop escarpé. Ce ne fut pas sans soulagement qu'il retrouva un terrain plus stable, où il put progresser plus rapidement.

Alyna était en droit de se demander pourquoi Ivor faisait soudain preuve d'un tel empressement à lui venir en aide. Le fait qu'elle lui eut sauvé la vie plusieurs fois déjà y jouait peut-être, mais on croyait pouvoir déceler une inquiétude certaine, une hâte qui ne devaient rien à la dette qu'il avait envers lui. Difficile de prévoir et de savoir quelles pensées pouvaient évoluer derrière ces yeux sombres; Ivor lui-même n'en savait rien, à vrai dire. Peut-être de savoir que cette femme, aux abords si envahissants, était à demi louve aidait à la considérer non plus comme une inconnue dont il fallait se débarrasser au plus vite, mais comme un être possiblement fréquentable. La vérité était qu'il savait qu'il y avait un aspect de sa personnalité au moins qu'il pouvait apprivoiser, et qu'il comprendrait. La louve en elle était la principale raison de sa hâte et de sa sympathie. Parce qu'elle n'était point humaine, elle méritait pour lui d'être sauvée, parce que pas totalement femme, et donc pas totalement à fuir...

Et puis n'avait-il pas une dette envers elle? Oh, déjà si souvent elle avait évité à Ivor un séjour dans les Limbes... Il pouvait bien faire cela.

Alors Ivor l'emporta-il dans les bois, tout près de l'endroit où ils avaient tué la bête. Là, le torrent qu'il avait suivi aboutissait à un lac de montagne niché au milieu des arbres, à flanc du versant. L'endroit était abrité du vent par des arêtes rocheuses qui se dressaient sur la rive comme des vagues figées et les sous-bois alentours regorgeaient de fruitiers et d'abris. Ivor y séjournait régulièrement, avec d'autant plus de fréquence que ces lieux étaient perpétuellement déserts.
A l'abri des rochers, il retrouva un ancien cercle de galets calcinés, vestige de son précédent passage. Il y déposa Alyna avec précautions, avant de s'enquérir de son état. Il s'était tu depuis un moment, et resta silencieux quand il se pencha sur elle, examinant son visage, avant d'écarter les pans de son manteau pour voir la plaie. Doucement, il en écarta les mains de la jeune femme, et en épongea le sang qui avait ruisselé, imprégnant le tissu, coulant entre ses doigts pour maculer ses vêtements déchirés. Avec une dextérité qui trahissait comme une habitude, Ivor ôta des lacérations les lambeaux de toile qui s'y trouvaient, et releva, non sans un luxe de précautions dictées également par une certaine pudeur, la tunique sur le ventre de la blessée. La profondeur des griffures et la chair presque à vif l'aida grandement à garder la tête froide et on l'aurait gardée à moins, car c'était à se demander comment même elle avait survécu. La pensée glaçante que cela aurait pu lui arriver à lui, quelques heures plus tôt, se faufila dans son esprit et disparut bien vite. Il se concentra sur son ouvrage, et finit par panser proprement les plaies, l'aidant à se redresser un instant pour lui ceinturer l'abdomen de bandages sommaires. Ivor, tout en s'activant, semblait vaguement soucieux, absorbé par sa tache, et ne dit mot; silencieux toujours, il l'abandonna un moment pour aller chercher du bois alors que le jour déclinait doucement, la laissant en compagnie de Skallag qui s'était couché à côté d'elle.

Lorsque la nuit vint, le campement était prêt pour la nuit et le feu crépitait doucement entre les rochers, éclairant l'élévation de pierre brute qui les surmontait et abritait ce recoin du vent et des intempéries. Comme une étoile dans l'immensité obscure, le foyer éclairait un halo autour d'eux, et puis au-delà, se tapissaient les ténèbres translucides d'une nuit claire comme un verre bleuté. Le clair de lune, vif et limpide, soulignait la cime des arbres et des montagnes, et transformait les eaux immobiles du lac en un miroir sombre où son reflet étincelait de feux animés d'un lent remous. La brise s'enroulait autour d'eux dans un silence paisible, et le bruissement des sapins, un lent murmure frissonnant, faisait une musique douce dans le noir. Tout était paisible, tout s'endormait. Et le feu dansait près d'eux, ondoyait de lumière et de chaleur, un recoin dans l'immensité, presque rien, perdu dans l'infini. Ivor s'était assis près de la jeune femme, le dos appuyé contre les rochers, et veillait en silence dans la pénombre murmurante. La lumière dansante du foyer découpait des ombres profondes sur son visage, révélait dans un éclat les reflets gris, bleutés, noirs, de son regard perdu dans le lointain. Absorbées par quelques vagues pensées, on distinguait sur ses traits rudes comme une tristesse incertaine, cette mélancolie passée, vieille et usée qu'ont les souvenirs anciens et les objets du passés. Oh, presque rien, une impression à peine. Ses songes lointains jetaient un voile sur ses yeux changeants, à demi clos, comme un chat au repos.

Parfois, on pouvait saisir un mouvement, rapide, quand il regardait la lycan allongée près de lui. ça ne durait jamais très longtemps à vrai dire, juste un instant, comme si cette vision eut pu lui brûler la rétine, comme s'il craignait de la regarde trop longtemps. Pourtant, certains auraient susurré qu'il eut été dommage de ne pas se priver de cette vision qui s'offrait dans les lueurs mêlées de la lune et des flammes. La longue silhouette déliée de la jeune femme se devinait sous les épais replis du manteau, et l'on pouvait apercevoir ça et là les contours de son corps, livré à l'abandon du repos. Ici, l'épaule qui se dévoilait, la peau blanche qui reflétait la lueur du feu, et la gorge d'ivoire qui se dessinait dans une courbe gracieuse; là, le dos, sinueux comme l'échine d'une louve, avec la même puissance paisible et indolente que celle d'un grand fauve. Et l'éclat de la chevelure, répandue sur le sol, sur son visage et ses épaules comme une auréole de soie brune, rousse, noire ici et flamboyante là-bas, que le feu tissait de reflets d'or aveuglant. Les mèches lisses, longues, défaites et à peine effleurée par la brise s'enroulaient et se déployaient en arabesques fabuleuses, ruisselaient et ondoyaient comme des ruisseaux de sang. Blanc, noir, rouge. Une vision de poète. Ivor s'en détournait cependant sans savoir quelle était la raison de l'humeur orageuse qui grondait dans son esprit; peut être parce que ce poison de femme louve était bien trop belle pour son bien et qu'il ne voulait même pas le reconnaître, peut-être, peut-être, qui sait?

Ivor le Silencieux

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Sam 19 Jan - 11:13
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Elle entendit un sifflement près de son oreille et sentit la créature perdre sa combativité en même temps que la vie. La louve sentit soudain un immense vertige, signe que son corps protestait contre le traitement et lui intimait le repos, elle bascula et n’eut même pas la force de tendre les mains devant elle pour se réceptionner. Elle sentit qu’on la retenait et ferma à demi les yeux, voulant se laisser glisser vers cette douce inconscience salvatrice, qu’importait la blessure et le sang qu’elle perdait, elle voulait juste ne plus sentir la douleur. Cependant une voix où perçait l’inquiétude l’empêcha de sombrer, on lui demandait de rester éveiller. L’homme lui posa une question et elle hocha très faiblement la tête, oui elle guérirait de cela, tant qu’il n’y avait pas d’argent.

Elle se força à garder les yeux ouverts au moins assez pour montrer qu’elle ne sombrerait pas, pendant que le chasseur s’affairait, il lui mit entre les mains un morceau de tissu et elle fronça les sourcils légèrement, épuisée par la régénération qui était déjà lancée. Elle obéit à Ivor sans se poser de questions et pressa comme elle pouvait le linge contre sa blessure, sentant qu’il la soulevait, elle se laissa faire, n’ayant pas la force de protester et puis… il sentait bon, maintenant qu’elle était très proche de lui elle pouvait humer son parfum et elle entendant ses cordes vocales vibrer quand il lui parlait pour la maintenir éveillée. Elle se demanda vaguement pourquoi il était soudain aussi attentionné, mais ne parvint pas à réfléchir plus loin, sentant le gouffre obscur de l’inconscience l’appeler. Il ne parlait plus et elle se concentra sur les battements du cœur d’Ivor pour se maintenir éveillé, mais cela ne fonctionna pas plus de deux minutes et elle sombra dans une semi-inconscience.
À travers son inconscience elle sentit vaguement qu’on la déposait sur des pierres fraiches et qu’on lui repoussait sa main posée sur sa blessure, la louve sentit aussi quand il retira de sa blessure les morceaux de tissu qui s’y étaient insérés, l’action lui arrachant une légère grimace, elle ne s’éveilla cependant pas. Elle se rendit également compte qu’on lui pensait sa blessure, mais ne pouvait pas bouger, paralysée par la demi-conscience dans laquelle elle s’enfonçait. Elle sombra vraiment à partir du moment où il partit, s’enfonçant dans l’obscurité.

Elle trouva refuge dans son esprit et regarda autour d’elle la savane et les bois, toujours aussi étonnée que les dégâts quels qu’ils soient au-dehors, ne se répercutaient pas dans son monde intérieur. Elle s’avança à travers les hautes herbes vers la « tanière » de son instinct. Elle y était, assise sur un rocher au bord d’une falaise à la regarder, cheveux au vent, mais ne dit rien. Alyna fronça les sourcils, il était rare que Lyän soit silencieuse, elle se tourna vers une légère brume et s’y avança intriguée, en y pénétrant elle se retrouva au sommet d’un canyon. Un rêve, le genre de rêve que l’on peut faire lorsque l’on est inconscient, différents de quand elle dormait. Elle avait réussi à entrer dans un rêve depuis son propre monde intérieur et c’était plutôt étrange, à moins que son monde intérieur même ne fasse partie du rêve. Quoi qu’il en soit elle regarda autour d’elle et se retourna en sentant quelque chose dans son dos et vit un jeune homme aux traits assez flous, mais elle le connaissait puisque c’était elle qui se l’était imaginée inconsciemment. Son frère tel qu’il aurait pu être s’il avait été en vie. Il lui tendit la main et elle s’approcha lentement pour la lui saisir et se réveilla à ce moment, se retrouvant face au ciel étoilé, il faisait déjà nuit ?

Elle tourna son regard tout autour d’elle sans oser trop bouger, mais elle ne voyait pas grand-chose et du coup elle tourna la tête sur le côté, se retrouvant en face du pelage de Skallag, elle tendit la main pour lui caresser le dos doucement avant de laisser retomber sa main, encore fatiguée. Elle tourna sa tête de l’autre côté et croisa le regard du chasseur. Ses lèvres s’étirèrent légèrement et leva la main en ouvrant sa paume et dit de façon faussement décontractée :


-Salut.

Elle se remit à regarder devant elle, c’est-à-dire le ciel et glissa sa main vers sa blessure pour sentir l’envergure des dégâts. La lycan sentit le creux de la blessure à travers les bandages, le tissu était légèrement humide, signe qu’ils s’étaient encore un peu imprégné de sang. Bientôt elle n’aurait plus une trace de blessure, mais elle avait très mal encore et la régénération l’épuisait. Quand tout cela serait fini elle n’aurait plus de raison d’accompagner le chasseur, elle trouvait cela triste, bien sûr elle devait elle-même retourner au Drayame pour s’entraîner encore, mais elle ne le voulait soudain pas, pas encore. Un vertige la saisit à nouveau, mais elle lutta contre en secouant un peu la tête.

-Je crois que... je vais retourner dormir...

Alyna regarda vers le chasseur et croisa son regard avant de s’endormir. Ses yeux sombres semblaient ouverts sur un monde de secret et de mystère, accentué par le gris et le bleu de son iris. Le contact visuel avait été très vif, mais pour elle, habituée à la vitesse, il avait été assez long pour lui faire esquisser un faible sourire avant de sombrer à nouveau, mais cette fois au pays des rêves et non plus dans la sinistre obscurité de l’inconscience.

Alyna Minami

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Lycan

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Sam 19 Jan - 12:34
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Ivor sommeillait paisiblement quand il vit Alyna bouger du coin de l'oeil. Skallag remua également dans son sommeil, lâchant un léger grondement quand il sentit la main de la jeune femme se promener dans son pelage et se rendormit aussitôt. Le chasseur lui fit grâce d'un de ses rares sourires, bref mais sincère, et se tourna vers elle un moment avant qu'elle ne sombre de nouveau dans le sommeil. Sans un mot, il hocha simplement la tête; oui, il valait mieux, c'était certain.

Il la laissa s'assoupir, et d'un geste empreint d'une certaine maladresse, effleura son front du bout des doigts pour s'assurer que la fièvre ne montait pas. Avec de telles blessures, il ignorait combien de temps elle mettrait à guérir, tout comme il ignorait si les gens de cette espèce pouvaient souffrir des mêmes maux que les simples humains. Mieux valait pour elle ne pas être exposée à cela, et être sur pied bien vite. Tard dans la nuit, il alla s'allonger près du feu, face à elle, et la dernière vision qu'il eut avant de sombrer fut celle du joli profil de la jeune femme qui se découpait comme une sculpture d'ivoire au travers des flammes dansantes.

Au matin, dès que l'aube commença à chasser les brumes glacées de la nuit, Ivor se leva, laissant la lycan à la garde de Skallag. Longuement il s'en fut dans les bois, devinant qu'il faudrait à la semi louve de quoi retrouver des forces. Le jour se levait à peine sur la montagne, et la forêt ruisselait encore de rosée, toute encore hantée de rubans de brumes, et les vallons remplis de brouillards vaporeux. Les chants d'oiseaux résonnaient dans la lumière grise, bleutée ça et là, et de temps à autre on percevait dans les branchages les mouvements de leur joyeux remue-ménage. Pistant une harde de daims, le chasseur repéra une proie idéale; un jeune blessé, qui allait à la traîne du groupe. Tôt ou tard, il serait dévoré par les loups aussi, tant qu'à faire, il préférait qu'il soit pour lui. Il ne lui fallut guère de temps pour rattraper les bêtes, qui paissaient dans un sous-bois, et guère de temps pour atteindre sa proie d'une flèche bien placée qui lui transperça la gorge. Ivor attendit que le groupe se soit éloigné pour recueillir son bien, et revint au campement, le gibier sur l'épaule.
Alyna dormait toujours, apparemment et son chien veillait sur elle avec attention, couché sur son côté pour garder un peu de tiédeur dans la froidure de l'aube.

Profitant de cela, Ivor s'activa à ses besognes du jour; débiter la bête en quartier, garder la peau, os et sabots qu'il pourrait revendre, et mettre quelques abats de côté afin que Skallag ait sa part de viandre fraîche. Le reste fut amené au loin et laissé aux charognards qui feraient un festin des restes du daim.

Les bras rougis de sang frais, Ivor s'assura que la jeune femme dormait toujours, et s'éloigna sur la rive du lac, assez loin pour être tranquille si jamais elle s'éveillait entre-temps. Estimant être assez loin pour être hors de vue, il ôta sa tunique et sa chemise tachées pour procéder à quelques ablutions bienvenues. L'eau claire se teinta de rouge, et attira quelques poissons curieux qui s'en repartirent bien vite quand ils virent qu'il n'y avait aucune carcasse à dévorer. Ivor les chassa d'une éclaboussure quand il s'approchèrent trop de lui, et ils se le tinrent pour dit. L'eau était glacée, car le lac et le torrent n'avaient probablement jamais été alimentés que par les neiges éternelles, là haut sur les sommets. Cela ne semblait pas déranger Ivor outre mesure; né dans les Glaces, il était bien plus accoutumé au froid qu'aux ardeurs des étés montagnards, et ce rafraîchissement soudain après la chasse lui fit du bien. De temps à autre, il guettait sur l'autre rive le campement improvisé mais ne croyait pas distinguer le moindre mouvement. Il s'estimait de toute manière trop loin pour être vu. Même lointaine, la présence de cette femme dérangeait sa conscience, comme un point noir dans le paysage, comme la petite chose qui n'était pas à sa place. Déjà cependant, sa proximité ne le gênait plus; il ne lui faudrait sans doute guère de temps pour s'habituer à elle, encore qu'il préférât ne pas la voir sous cette forme humaine qui dérangeait trop sa solitude.

Tout à ses pensées, il baigna son visage et ses bras, laissant de longs remous dans le miroir à demi immobile de l'étang silencieux. Peu à peu, il oubliait la présence de la jeune femme, et le silence se refermait sur lui comme un cocon. Le jour allait croissant et le soleil jetait déjà des feux aveuglants dans un ciel limpide , derrière les monts. Les vallées restaient dans l'ombre, mais sous peu la lumière allait se déverser de toutes parts. Le vent se levait avec le soleil, tourbillonnait dans les arbres, soulevait doucement les cheveux noirs qui retombaient dans son dos et ravivait la morsure glacée de l'eau sur lui. Ivor finit par remettre sa chemise, frissonnant dans la bise, et revint au campement. Il s'accroupit près d'Alyna, posant une main sur son épaule pour la réveiller et s'enquérir de son état.

-Est-ce que ça va?

Il fit cette fois au moins l'effort de parler mais comme toujours, le son de sa voix lui paraissait déplacé dans ces lieux de silence où nulle part on ne voyait s'être posée la main de l'homme, où il ne semblait même pas avoir sa place.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Sam 19 Jan - 17:15
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Une douce lumière lui réchauffa la peau, la faisant sortir de ses songes paisibles, la douce chaleur lui faisait du bien après l’air froid de la nuit qui semblait l’avoir engourdi. Cependant elle se refusa à rouvrir les yeux, sentant ses paupières encore trop lourdes de sommeil. Elle se fia donc uniquement à son ouïe et son odorat, apparemment Ivor était parti quelque part, car elle ne sentait plus sa présence, mais son compagnon de route étant contre elle, elle esquissa un fin sourire avant de retendre l’oreille, des pas se rapprochaient et elle écouta, en sentant l’odeur du chasseur et celle d’un daim mêlé de sang. Toujours sans le moindre mouvement trahissant le fait qu’elle soit éveillée, elle mémorisa le rythme, le son et la démarche du chasseur.
Elle ne tarda pas à sentir l’odeur du sang et se douta que son compagnon devait sûrement préparer quelque chose, un gibier. Elle l’entendit ensuite s’éloigner et fronça les sourcils, ne voulant pas encore rouvrir les yeux. Elle finit cependant par desceller ses paupières et les ouvrit à demi en tournant la tête vers la direction où l’odeur d’Ivor s’était éloignée, elle l’aperçut et l’observa sans bouger, pour l’instant l’image était floue et elle devait s’habituer à la luminosité, mais quelques minutes après elle pouvait voir clairement et ne se priva pas d’observer ce qu’il faisait. Elle savait que s’était très impoli, mais ne pouvait détacher son regard de l’humain.

« Belles fesses ! »
« Toi la ferme... »

Il était musclé, son corps portait quelques cicatrices et encore quelques bleus de l’avant-veille, elle vit aussi une nouvelle marque dans le dos de l’humain, sûrement à cause du coup de patte de la créature, mais cela ne semblait pas grave, à peine un bleu et il ne semblait pas blessé outre mesure. La lycan admira encore un moment l’homme, voyant ses muscles se contracter et rouler sous sa peau au moindre mouvement qu’il faisait, faisant bouger certaines de ces cicatrices en même temps. Il avait quelque chose de beau malgré l’air fatigué de ses traits, pourquoi diable ce pauvre bougre refusait les contacts humains ? Elle voulait en savoir plus sur lui, mais n’oserait probablement jamais demander. Quoi qu’il en soit il avait dû en baver pour, à trente ans, avoir l’air déjà aussi épuisé, même pour un humain.

Elle mobilisa ses muscles pour essayer de se redresser, mais sentit une douleur similaire à un coup de poignard à l’endroit de la blessure et serra les dents, lâchant un léger gémissement de douleur, puis se résigna à ne pas bouger pour l’instant et referma les yeux quelques instants.

C’est sur ses entrefaites qu’Ivor revint et posa une main sur l’épaule de la louve, comme pour la réveiller, lui demandant si elle allait bien. Le contact était assez doux, pas rude comme celui qui le caractérisait et sans sa voix elle y perçut une certaine chaleur, du moins par rapport à la veille quand il s’adressait à elle. Elle rouvrit les yeux calmement et les tourna vers ceux du chasseur. Alyna croisa une nouvelle fois les yeux gris sombres de l’homme et eut à nouveau cette impression de mystère et de secret qui se dissimulait derrière ses iris, de plus elle y décela une certaine douceur ou en tout cas moins de sévérité ou d’antipathie, elle ne savait comment dire, à son égaré. Les siennes avaient retrouvé une bonne partie de leur vivacité puisqu’elle se sentait bien mieux. Elle avait juste encore une pointe de fatigue qui trahissait qu’elle n’était pas tout à fait en grande forme.


-Oui ça va mieux, même si je risque d’avoir du mal à bouger. Hum... merci pour l’aide.

Elle se déplaça avec précaution et se plaça de profil pour être plus à l’aise, ses muscles étant engourdis par l’immobilité elle eut un peu de mal à se tourner, mais y parvint, en profitant pour chasser sa raideur musculaire et posa un coude au sol pour ensuite poser sa joue dessus, une légère douleur l’élança au ventre et elle se résigna à poser sa joue contre son bras pour être le plus allongée et droit possible.

Elle lâcha une moue désolée à l’adresse de l’humain avec un petit air contrit, se sentait très vulnérable et être vulnérable était signe de mort à ses yeux, de plus elle n’aimait pas montrer ses faiblesses, craignant que l’on en tire parti. Ho bien sûr elle aurait pu bouger, même avec une telle blessure puisque la plaie était pratiquement refermée, mais elle risquait de la rouvrir dans le pire des cas et bien entendu souffrir de la douleur ce qui était le plus probable et comme elle ne voulait pas montrer sa faiblesse elle préférait ne pas se lever. Seule elle n’aurait pas fait tant d’histoires et se serait relevé sans se ménager.
La louve secoua la tête pour que ses mèches de cheveux lui cachent les yeux et qu’ainsi Ivor ne voit pas ses yeux. Après tout le regard était probablement une des choses la plus expressive chez elle et elle ne voulait pas qu’il puisse lire dans ses yeux. Pas pour ce qui allait suivre puisqu’elle allait avouer qu’elle était provisoirement dépendante du chasseur.


-J...je m’excuse d’être un poids... j’aurai dû faire plus attention, je n’aurais pas été dans cet état...

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Lun 21 Jan - 19:44
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Observé sans le savoir, Ivor était cependant parvenu à éclipser pour un temps la présence d'Alyna, ce qui avait considérablement amélioré son humeur. Revenu au campement, il semblait bien moins tendu, moins sur la défensive que jusque là. La raison en était simple, d'une part il était à présent pleinement dans son élément, dans ses montagnes familières et ses domaines solitaires et il s'y sentait plus plus à son aise et en sécurité que partout ailleurs. Quelle que soit la finesse de son odorat, ses talents de pisteuse, la louve ne pourrait pas le retrouer s'il décidait de s'enfuir et de disparaître, car nul sans doute mieux que lui ne connaissait les environs. Il savait chaque cachette, chaque sente dérobée, chaque endroit où échapper s'évanouir dans la nature, très exactement comme s'il était mort, ce qu'il était sans doute pour beaucoup.

Aussi, il ne se sentait plus aussi dérangé qu'avant, et il avait une dette à payer et s'en acquitterait du mieux qu'il le pouvait. Rester ici quelque temps, fut-ce avec elle, ne perturbait en rien ses plans, et l'endroit était tout à fait favorable à un séjour plus ou moins prolongé. Il avait parfois passé des mois d'hiver ici même, ou dans les environs, sans parvenir à se lasser de cet endroit si approprié.

Ivor s'assit un moment près d'elle, lui faisant grâce d'un de ses rares sourires qui animaient ses yeux gris d'une lueur inhabituelle. Il répondit par un geste apaisant de la main, et un signe de tête, pour lui signifier que cela n'était rien. Sa figure désolée, si juvénile tout à coup, l'amusa un peu; elle était étrangement changeante, parfois sauvage et parfois plus sage, si jeune d'apparence mais l'âme bien plus vieille, une mine d'enfant à peine grandie et un esprit de femme et de louve, tout en même temps. Drôle de mélange, et il n'y avait guère qu'une petite partie de cet esprit complexe qu'il se sentait à même d'appréhender.

-J'ai une dette envers vous, répondit-il très sérieusement, assis près d'elle, soudain droit comme un soldat.

C'était tout ce qu'elle pourrait tirer de lui à ce sujet. Elle lui avait sauvé la vie deux fois, il lui devait bien ça... Et avec cette patiente et douce obstination qui le caractérisait dans ses oeuvres, Ivor s'en fut à ses occupations quotidienne, sur un dernier hochement de tête assorti d'un demi sourire rassurant. Il lui faudrait apprendre à déchiffrer ses silences, si elle voulait essayer de comprendre. Qu'elle n'y parvienne pas ne l'étonnerait pas outre mesure, bien qu'il doutât qu'elle eût une quelconqhe intuition, comme un flair bien supérieur qui pourrait sans peine réussir à percer à jour le secret langage de son regard. Comme tous les gens d'un naturel silencieux, Ivor se révélait étonamment expressif dans ses gestes, dans l'expression de ses yeux et de son visage. Sans paroles, avec un peu d'habitude, on pouvait tout à fait le comprendre.

Il se leva prestement, et raviva le feu moribond pour en faire une belle flambée qui s'éleva, haute et claire, dans le matin frissonnant. D'un geste, il tira à lui les quartiers de viande qu'il avait enveloppés dans la peau du jeun daim, et les leva à hauteur d'yeux pour les faire voir à Alyna, l'informant sans plus de manières qu'il était peut-être temps de reprendre des forces, et qu'il avait tout prévu. Il en laissa de côté, alors que Skallag se jetait goûlument sur ce qu'on lui avait réservé. Sous le regard étonné et amusé de son maître, il prit cependant un morceau de sa part, et vint le déposer près d'Alyna, la poussant du museau pour l'inciter à se nourrir. Ce geste réveilla chez Ivor un éclat de rire surprenant, et il saisit le museau du molosse dans sa main quand il repassa près de lui, le regardant dans les yeux. Il murmura quelque chose dans sa langue, alors que la bête se dégageait d'un mouvement de tête, lui pinçant les doigts entre ses crocs par jeu. Si Skallag avait déjà adopté la jeune femme, il ne pouvait plus rien dire, alors... L'attachement soudain du chien pour la semi-louve n'étonnait guère Ivor qui était accoutumé à une certaine sociabilité de l'animal envers les espèces de la même sorte que les lycans. Sans doute une histoire d'affinité entre chien et loup, de lointaines parentés perdues, qui sait? En tous les cas, il était aussi peu farouche que son maître se montrait renfermé, drôle d'alliance, il fallait bien l'avouer.

Et puis, alors que les braises rougeoyaient entre les pierres, Ivor mit à griller quelques morceaux qui répandirent très vite une odeur à laquelle aucun estomac digne de ce nom ne saurait résister. Ce faisant, il jetait parfois des regards à la jeune femme, comme s'il cherchait à dire quelque chose, sans parvenir à s'exprimer d'une manière qui lui semblait correcte.

Finalement, il eut un haussement d'épaules et son visage se tordit dans une moue maussade. Il releva les yeux sur elle, la fixa un moment, et puis:

-Vous m'avez sauvé deux fois déjà. Ma dette est immense, je ne saurais assez vous remercier.


Oh, c'était bien à contrecoeur qu'il parlait soudain et comme toujours, rien de ce qu'il disait ne lui semblait juste, et il détestait même le son de sa propre voix. C'était tellement plus simple avec les animaux, tellement plus instinctif, plus aisé de se faire comprendre... Il se détourna brièvement. Il n'avait rien à offrir de mieux que ce qu'il pouvait faire pour elle en cet instant précis; il n'avait rien de plus, et pourtant, il lui était cent fois, mille fois redevable. Evidemment, sa vie n'était pas une chose à laquelle il tenait particulièrement, mais son honneur exigeait parfois des choses, sans qu'il ne sache trop pourquoi.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Lun 21 Jan - 23:10
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Elle croisa le regard doux du chasseur, du moins c’est ainsi qu’elle le ressentit, ce qui fut renforcé par le geste de sa main. La louve garda son visage dissimulé par ses mèches de cheveux, mais observait le chasseur derrière le rideau rouge et brun. Soudain il lâcha une phrase qui surprit Alyna, il avait une dette envers elle ? C’est vrai qu’elle lui avait sauvé la vie, elle attendit la suite, qui ne vint pas, par contre il s’éloigna pour s’affairer avec un demi-sourire et elle repoussa ses mèches de cheveux pour l’observer. Il semblait gêné de parler, mais elle ne savait pas encore déchiffrer les gestes de cet homme, pas assez du moins pour qu’il n’ait pas du tout besoin de parler, mais ses yeux étaient un miroir sur son monde secret, un miroir pour le moment encore trop opaque pour elle, même si elle croyait souvent y déceler certaines émotions.

Elle étira ses lèvres en un sourire quand il lui présenta les morceaux de viande, ça au moins c’était un geste facile à comprendre, il disait par là qu’il était temps de manger et elle était tout à fait d’accord, le combat et la régénération avaient déjà utilisé toutes ses réserves du lapin de l’avant-veille. Toujours allongée au sol elle vit Skallag approcher avec un morceau d’intestin, un met de choix pour tout prédateur qui se respectait et elle sourit en le gratifiant d’une caresse. Elle pivota pour poser ses mains au sol et se hisser en position assise, serrant les dents pour essayer de supporter la douleur. Elle lâcha un soupire une fois installée et prit entre ses doigts le cadeau de son « cousin ».

Elle fixa Ivor un petit moment, il venait de relancer le sujet du sauvetage et de la dette, elle sourit sans rien dire, pendant que la viande grillait, faisant saliver la jeune femme. Pourquoi donc la voix de l’homme semblait à nouveau grincheuse, il n’aimait pas parler, c’était flagrant. Sans le quitter des yeux elle lui répondit avec beaucoup de calme :


-Ne me remerciez pas moi... je n’ai rien fait de plus que laisser mon instinct se saisir de mon corps. Vous ne me devez rien et puis sans vous j’aurais bien eu du mal à cicatriser à cause des lambeaux dans la blessure. Et vous n’êtes pas obligé de parler si cela vous déplaît.

« Tu parles déjà pour deux de toute façon. »

Alyna ne releva pas le sarcasme amical de sa chouette et sourit au chasseur. Puis elle ouvrit la bouche, retroussant ses lèvres sur ses dents, dévoilant des canines plus développées que la normal. Elle engloutit le présent tranquillement, ne semblant pas dérangée par l’aspect peu ragoûtant de l’acte en lui-même, mais après tout c’était une louve. Une fois le morceau disparu, elle se passa la langue sur la lèvre supérieure avant de s’en rendre compte.


-Heu... désolée.

Elle se sentait assez étrange, elle n’avait pas mal à proprement parler, mais sentait une nausée monter lentement, tout en restant supportable pour le moment. Sensation pour le moins spéciale, elle ne laissa cependant rien paraître de son trouble et sourit à nouveau à Ivor.

-Vous devez vous étonner que je sois encore vivante, seule les blessures à l’argent sont mortelles et mettent un temps normal à cicatriser, sinon on s’en remet assez vite et l’on n’en meurt jamais, du moins il me semble.

Elle se sentait de moins en moins bien, la sensation de malaise s’amplifiant de plus en plus rapidement, un soudain vertige la saisit, la faisant basculer sur le côté, elle vit la terre s’incliner, avant qu’elle ne s’effondre sur le côté, évitant de se cogner la tête en posant son bras au sol. Alyna, qui n’avait jusqu’à maintenant pas laissé échapper le moindre son témoignant de sa souffrance, laissa échapper un gémissement de douleur et posa sa main sur son estomac, juste sous sa blessure, sentant la nausée persister, elle préféra même fermer les yeux quelques secondes, le temps que cette impression et la douleur qui s'était à nouveau éveillée, disparaisse. Elle rouvrit les yeux un regard brouillé encore par la sensation et sourit faiblement avant d'ajouter :

-Ce qui n'empêche pas de ressentir la douleur...

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Mer 23 Jan - 9:55
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Ivor soutint le regard de la jeune femme sans ciller. Comme chaque fois où il se retrouvait dans une situation où il n'était pas à son aise, il redevenait aussi sombre et désagréable qu'il l'avait été au début avec elle. C'était bien plus qu'un simple réflexe, et à le voir réagir ainsi, on avait l'impression de voir quelque animal sauvage qui rentre dans sa carapace, un mécanisme de défense bien rodé, tellement bien rodé qu'il était incapable de ne pas réagir ainsi. Oh, il faudrait bien de la patience à Alyna, si elle se prenait d'envie d'apprivoiser ce vieil ours.

Quoi qu'il en fut, le chasseur sembla quelque peu soulagé quand elle changea de sujet et tout au long où elle parla, lui ne dit pas un mot. Fylia avait raison sans qu'il le sache, elle parlait bien pour deux. C'était très bien comme ça. Un sourire lui échappa en la voyant engloutir le morceau que Skallag lui avait apporté; il n'était pas spécialement porté sur les bonnes manières, et à vrai dire, rien ne le choquait vraiment en la matière. Un soupçon d'étonnement rieur glissa dans son regard, et il haussa un sourcil, lâchant un petit ricanement très bref, à peine perceptible, avant de se détourner. Après tout, elle était aussi louve que femme, quoi d'étonnant? Ce genre de petits détails, comme la façon qu'elle avait parfois de prêter attention au moindre bruit, très exactement comme le ferait une bête, lui rappelait sans cesse qu'elle n'était probablement pas assez humaine pour lui porter préjudice. Chaque petite chose de ce genre attirait la sympathie, à son égard.

Son regard vigilant revint aussitôt se poser sur elle quand il la distingua, du coin de l'oeil, en train de vaciller; il s'était déjà levé à demi quand elle se rallongea, ou plutôt se laissa tomber à même le sol. Il eut comme un regard de reproche, comme pour lui signifier de faire quand même plus attention à elle et de ne pas trop forcer sur son organisme malmené.

-Je vois ça, lâcha-il d'une voix soucieuse.

Afin qu'elle n'ait pas de nouveau à faire subir d'autres tourments à sa blessure, il déposa près d'elle de quoi reprendre quelques forces. Lui-même avala son repas sans un mot, alors que Skallag dévorait sa part, le museau maculé de sang frais. Alyna ne pourrait jamais avoir d'aussi mauvaises manières que le molosse, et il y aurait toujours quelqu'un de pire qu'elle.

Finalement, Skallag s'étira, les abandonnant un moment pour aller s'abreuver dans les eaux claires du lac. Ivor s'était assis près du feu, tirant de là un branche enflammée sur laquelle il souffla pour obtenir une braise dont il se servit pour allumer le contenu de sa pipe en terre. Il souffla un long nuage de fumée grise, diluée bien vite par la brise douce qui soufflait et faisait tourbillonner les vapeurs du feu et du tabac. Le molosse revint près d'eux, tourna un moment pour trouver un endroit approprié à sa sieste, et puis s'allongea de tout son long près d'Alyna avec un soupir de contentement, laissant tomber sa masse épaisse sur le sol. Comme à son habitude, Ivor ne disait rien, les yeux à demi clos, veillant comme un chat au repos. De sa bouche filaient de temps à autre de longues bouffées de fumée grise, et on croyait parfois saisir comme un murmure très bas, un fredonnement, une chanson, peut-être? Difficile de savoir. Et le silence les enveloppait du même manteau, dans la douceur pâle d'un jour passant, la lumière du soleil jouant au travers de légers nuages qui s'en allaient comme un troupeau serré, un voile long, jeté en travers du ciel bleuté. Autour d'eux la forêt murmurait, chantonnait elle aussi dans son propre langage, et les oiseaux de temps à autre lâchaient des trilles joyeuses, des pépiements aigus qui se répercutaient en échos nombreux dans les rochers.

Le temps calme, la douce atmosphère de la forêt et de la montagne, et les remous lents du lac qui scintillait dans la lumière, tout appelait au repos, à l'abandon de la veille et du sommeil. Et Ivor, immobile et muet, semblait façonné de la même substance que les pierres, et que l'eau sauvage et que les arbres vénérables, on le sentait appartenir corps et âme à ces terres sauvages et désolées, à cette vie qui était et serait sans cesse, bien à l'abris des trop humaines turpitudes, des rois, royaumes, empires, empereurs, bien loin des soubresauts du monde, dans cet écrin de roche et d'éternité où le temps ne s'écoulait plus de la même manière. Là, ralenties, les heures allaient à un train étrange, au rythme du soleil, des ombres allongées dans les vallées. Pas la moindre trace de la présence d'une vie autre que celle qui grouillait, sauvage et indomptée, dans les feuillages, les buissons et les pentes. Alors que l'après midi s'écoulait dans l'indolence, l'on vit de l'autre côté du lac sortir des bois un beau cerf blanc. Ses bois sombres s'élevaient vers le ciel comme la couronne de quelque souverain puissant, et il se dressait fièrement au bord de l'eau, le col levé haut, fixant quelque chose face à lui. Ivor ne bougea même pas. Il se contenta d'ouvrir un peu plus les paupières quand se dessina de l'autre côté la silhouette spectrale de la bête fabuleuse, et resta silencieux. Pas un bruit, toute la forêt s'était tue soudain et le vent même faisait taire sa complainte. Le Grand Cerf Blanc. Il y avait de nombreuses légendes à ce sujet-là; les peuples des montagnes en parlaient avec crainte et respect et bien des veuves et orphelins pleuraient les téméraires qui avaient osé le prendre en chasse. Ivor n'avait jamais su vraiment pourquoi il lui apparaissait parfois, ni même ce qu'il était en vérité.

Ôtant un instant la pipe qu'il avait à la bouche, il inclina simplement la tête dans la direction du cerf. Toujours la même chose. Il glissa un regard vers Alyna, se demandant si elle le voyait aussi; peut-être après tout n'était ce qu'une illusion, peut-être qu'Ivor était le seul à le voir...

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Mer 23 Jan - 13:28
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Elle le remercia d’un signe de tête quand il lui servit à manger et se résigna à rester allongée pour se sustenter, même si cela la faisait grogner intérieurement de ne pas avoir sa liberté de mouvement habituelle. Elle termina cependant tranquillement ce que lui avait servi le chasseur, puis regarda Skallag s’allonger près d’elle avec un sourire amusé, on dirait que contrairement à son maître l’animal l’aimait bien et la réaction d’Ivor précédemment lorsqu’il avait ri à l’action de son compagnon confortait Alyna dans son hypothèse que l’homme n’aimait pas les êtres humains pour certaines raisons. En tous les cas ses sourires et ses rires rares et précieux faisaient plaisir à la jeune femme, au moins il n’était pas totalement fermé dans sa coquille et subsistait une tendresse quelque part en cet homme et il était bien dommage qu’elle ne soit pas apparente plus souvent.

Elle ferma à demi les yeux une fois son repas terminé et écouta le silence, le silence ? Non, une mélodie perçait l’air, une chanson à peine fredonnée d’une voix un peu grave et rude, mais douce et il n’y avait pas trente-six personnes qui pouvaient chanter avec cette voix-là. Elle ne dit cependant rien et se contenta de tendre l’oreille pour entendre le doux murmure de la voix du chasseur. Au moins quand il ne ronchonnait pas il avait une belle voix pour ce qu’elle entendait.

L’après-midi défila ainsi, Alyna se mit à somnoler par intermittence, comme chaque fois qu’elle dormait à demi ses muscles se contractaient au moindre son, comme si elle allait se réveiller, Skallag à côté devait sûrement avoir le même genre de réaction. Elle rouvrit soudain les yeux quand le vent cessa de souffler et regarda vers le lac en sentant une odeur inconnue, inconnue… ou peut-être pas tant que ça. Elle se redressa à demi, voyant sur l’autre rive un grand cerf blanc, elle ouvrit la bouche surprise, pourtant ce qu’elle sentait revenir vers elle n’était pas l’odeur du cervidé. Peut-être rêvait elle encore ou que les dieux lui faisaient signe de quelque chose, quoi qu’il en soit ce qu’elle percevait imposa un visage dans son esprit, flou, venant de ses plus anciens souvenirs, un visage enfantin, similaire au sien, aux yeux noisette comme elle et des cheveux rougeoyants.

Elle pinça les lèvres et chassa l’image de son esprit avant de se rallonger, résignée, sans dire un mot. La louve venait de se refermer, elle posa son visage contre son bras pour dissimuler sa tristesse passagère, même si le reste de son attitude en témoignait, comme ses épaules légèrement baissées et ses lèvres pincées. Elle mit un long moment avant de se reprendre et retrouver une attitude neutre, tournant à nouveau ses yeux vers le cerf blanc qui finit par s’éloigner en retournant entre les arbres.

Elle finit par lâcher un sourire discret et se passer la langue sur ses lèvres sèches, se rendant compte qu’elle n’avait pas but depuis l’avant-veille, bien que peu dérangée par le manque d’eau, du fait de son lieu de naissance, elle commençait quand même par avoir très soif, elle n’osait cependant pas déranger « l’ours grincheux », elle ne voulait attirer son air grognon alors qu’il avait eu l’air inquiet tout à l’heure. La jeune femme finit tout de même par appeler timidement le grand homme, d’une voix légèrement rauque, à cause de sa gorge sèche.


-Ivor... excusez-moi de vous déranger, mais... j’ai soif.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Mer 23 Jan - 21:40
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Le vent était tombé dans le val, plongeant les environs dans un silence irréel. Plus rien ne bougea, soudain; un instant suspendu, comme dans le vide, comme si le temps soudain avait cessé de s'écouler. Loin au-delà des eaux calmes du lac, au-dessus du miroir des eaux dormantes, le cerf blancs se tenait, royal et noble, et fixait le chasseur de ses yeux sombres. Ivor savait que c'était lui qu'il regardait; il savait quels étaient ces yeux d'ombre plantés sur lui, le regardant jusqu'aux tréfond de son âme, pour y réveiller le fantôme qui y dormait, ensevelie sous la mémoire et les années. Et soudain dans l'air résonna comme un rire, un sourire qui se dessinait devant les yeux d'Ivor, hantait son esprit. Le fantôme de son parfum embauma brièvement l'air, comme le passage d'un vent d'été, laissant derrière lui sa moisson de regrets amer. Les yeux de l'homme se fermèrent un instant, douloureusement. Le silence emporta un murmure sur ses lèvres, celui d'un nom oublié.

Ivor n'avait pas bougé. Skallag dormait toujours, et il vit soudain Alyna se redresser un peu, animée d'une crispation soudaine. L'étonnement lui fit oublier un instant les visions fugaces réveillées par le cerf; le voyait-elle également?

Quand le chasseur regarda de nouveau dans la direction de l'animal, il le vit s'éloigner, en silence, et disparaître dans les bois comme s'il n'avait jamais existé. Le monde reprit son souffle, et le vent se leva de nouveau, alors que des chants d'oiseaux se faisaient entendre dans les abres alentours. La vie reprit son cours sans un remou, et ce fut soudain comme si rien n'était arrivé.
Accablé par la lassitude d'un chagrin trop vieux, Ivor resta longtemps la tête légèrement courbée, comme ployant sous un fardeau invisible, les traits tirés. Il resta silencieux encore un long moment, n'entendant que d'une oreille la voix d'Alyna. Sa phrase resta sans réponse un moment, jusqu'à ce qu'il se souvienne qu'elle avait parlé et qu'il décide de remettre les pieds sur terre. Il cligna des yeux d'un air légèrement hagard, et puis hocha la tête, saisissant une outre près de lui pour la lui tendre d'un geste vague.

Ce faisant, il guetta sur le visage de la jeune femme la réponse à la question qui lui venait soudain: l'avait-elle vu? Il n'en était toujours pas certain. Une autre question plus indidieuse se posait également: qu'avait-elle vu?

Finalement, n'y tenant plus, Ivor lâcha quelques mots comme un se défait d'un fardeau.

-L'avez-vous vu?

Il parlait à voix basse, la fixant dans les yeux. Et puis, comme la réponse devenait évidente rien qu'à l'expression du visage de la lycan, il se détourna, portant de nouveau sa pipe à ses lèvres, la gardant au coin de la bouche.

-Il m'apparaît parfois.

Et ce fut tout. Oh, il avait bien des choses à dire, mais pas le coeur à parler, et surtout pas des choses qui murmuraient dans le silence quand le cerf s'en venait. On disait dans les contes qu'il était messager des morts, et qu'il allait et venait aux frontières des mondes. Ceux qui le chassaient se risquaient à passer de l'autre côté, dans ces terres lointaines où le temps ne s'écoulait plus comme ici bas. Blanc fantôme porteur de mort, porteur de la voix des perdus, des souvenirs passés, qui s'attachait étrangement aux pas de celui qui avait un jour tout perdu... Ivor ignorait pourquoi il l'avait vu si souvent dans sa vie alors que certain passaient une existence entière à ne jamais croiser sa route. Peut-être était-ce que parce que sans le savoir, par instinct peut-être, le chasseur affectionnait les lieux où le cerf aimait à se montrer, peut-être avait-il, déjà, un pied dans ce monde éthéré d'où la bête fabuleuse était issue?

Un soupir profond comme une vague lui échappa. Triste et lourd, le visage du chasseur s'était refermé, mais il laissait transparaître dans ses yeux les remous lancinant de ce qui dormait au fond de lui. Ah, dieux, pourquoi fallait-il que cela réapparaisse alors qu'elle était encore là? C'était à se demander quels obscurs esprits s'amusaient avec le hasard et la fatalité et précipitaient leurs existences les unes contre les autres, comme par jeu, comme pour se repaître de leurs infortunes.
Quelque chose lui échappa, alors que le souvenir d'Isabelle revenait hanter ses pensées.

-On dit qu'il ne se montre qu'à ceux qui ont eu à souffrir d'un deuil.

Il prononça ces quelques mots à mi-voix, sans la regarder, toujours absorbé dans la contemplation de l'endroit d'où le cerf avait disparu. En quelques phrases, il venait d'en dire bien plus sur lui qu'il ne l'avait fait à certain en plusieurs années. Les choses sont ainsi faites que, par hasard ou parce que c'était écrit, quelque chose l'avait poussé à soulever un coin du voile.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Mer 23 Jan - 23:41
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Alyna hocha en silence, répondant muettement à la question de l’homme, puis prit l’outre pour boire, sentant l’eau lui humecter la gorge sèche, elle but un long moment, le visage fermé. Elle ne voulait pas parler de ça, la douleur était encore trop vive, même après vingt-quatre ans, elle ne pouvait le supporter, c’est pourquoi elle l’avait chassé de sa mémoire, même si de plus en plus elle le voyait en rêve ou se surprenait à imaginer comment il pourrait être s’il avait été en vie.

Elle regarda le visage d’Ivor lorsqu’il soupira de tristesse, elle se douta qu’il y avait un rapport entre le cerf et sa vision. Une déduction bien vite confirmée par la phrase du chasseur. On dit qu’il ne se montre qu’à ceux qui ont eu à souffrir d’un deuil... bien plus qu’une phrase lâchée ainsi dans les airs elle sonnait comme une question muette aux oreilles de la jeune femme, ho bien sûr cela voulait dire que le chasseur avait aussi connu un deuil, mais elle entendait tout de même dans cette phrase l’interrogation sous-jacente et la douleur similaire à celle d’un poignard qui venait de se saisir de son cœur.

Elle se sentit glisser et disparaître de la réalité, se retrouvant dans son havre au milieu des bois, en face elle voyait Lyän s’éloigner en grondant, furieuse. Oups voilà qu’elle avait perdu momentanément le contrôle et complet en plus. Elle se tourna sur le dos et posa une main sur son visage, cachant ses yeux et serrant les dents en se mordant la lèvre, jusqu'à faire couler un très fin filet de sang. Ses yeux prirent une couleur jaune lupine et elle rassembla ses muscles, posa ses mains derrière sa tête, leva ses jambes, puis les bascula vers le sol pour se lever d’un bond en se propulsant avec ses mains. En quelques secondes elle était accroupie sur le sol et s’éloignait, semblant complètement ignorer la douleur et elle disparut entre les arbres, furieuse. Elle marcha à pas rageurs et, ne voulant pas que l’homme la suive, brouilla un peu sa piste en avançant dans l’eau pour ressortir un peu plus loin et s’éloigner rapidement en grognant.

« Lyän ça suffit les conneries ! »
« Pas question ! »

Elle fit encore un pas avant de se figer et grimaçant de douleur, elle s’effondra soudain en tremblant et gémissant de douleur, bloquée par Alyna qui la repoussait sans ménagement aux confins de son esprit. Elle finit par repousser la louve, mais resta allongée dans les feuilles et l’herbe sur le sol, même en entendant approcher le chasseur, elle ne pouvait pas se lever, pliée en deux par la douleur de son ventre et qui plus est sentait une migraine assez puissante dû à son combat mental. La lycan se ramassa sur elle-même, signe qu’elle ne voulait pas parler, pas encore, pas tout de suite, elle craignait aussi qu’il ne l’abandonne alors qu’elle était mal en point. Cela l’étonna même qu’elle ait tellement confiance en lui qu’elle était prête à lui confier sa vie et sa sécurité, elle ne l'aurait confié qu'à peu de monde en réalité, même à la réflexion probablement personne.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Sam 26 Jan - 15:25
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Tout à ses sombres pensées, Ivor sursauta quand la jeune femme se leva d'un bond; voilà qui était d'autant plus inattendu que quelques instants plus tôt, elle ne semblait pas avoir la force de seulement rester assise... Brièvement, levant les yeux vers elle, il croisa ce regard d'or mouvant qu'il commençait à reconnaître. Il ignorait ce que cela signifiait mais il y a avait là quelque chose d'étrange, quelque chose qu'il croyait pouvoir saisir, mais que son esprit ne pouvait pas encore assimiler. C'était peut-être une question d'instinct, car la fugace vision de ces yeux lui inspirait un étrange sentiment de défiance, et d'inquiétude. Comme ceux d'un fauve, ils luisaient de leur propre lumière, et reflétaient une sauvagerie sans entraves, non point de méchanceté, simplement la nature libre et indomptée. Skallag s'éveilla en sursaut quand elle s'en fut, l'air agité, encore ensommeillé, et s'assit sans un bruit en la regardant s'éloigner, les oreilles levés, humant l'endroit où elle s'était couchée.
Ivor ne savait à vrai dire que penser de cette réaction; mais au fond, il pouvait comprendre. Il avait peut-être sans le vouloir éveillé des choses qui auraient mieux fait de rester endormies, et lui plus que tout autre savait ô combien les apparitions du cerf blanc pouvaient provoquer le trouble et déranger des souvenirs bien douloureux.

Skallag le fixait, comme s'il attendait de sa part une réaction, toujours assis, guettant parfois la direction où elle était partie. Il y avait eu tant de colère, soudain, dans ce regard; la colère douloureuse d'une bête blessée qui mord celui qui l'approche, qui gronde et s'enfuit par peur d'être de nouveau attaquée. Le chasseur ne pouvait que comprendre, lui qui réagissait si souvent de la sorte, lui qui se montrait si distant avec tous, pour exactement les mêmes raisons. Mais elle était blessée et quelles que fussent les forces qui lui venaient dans cet état, ça ne durerait sans doute pas.

Sans tarder, Ivor laissa là le campement, et, sifflant son chien qui accourut à ses côtés, s'en fut à la recherche d'Alyna. Fort heureusement, Skallag reconnaissait sans peine l'odeur de la lycan au travers de la forêt, cherchant sa piste dans les feuillages. Comme il s'en doutait, elle ne voulait pas être retrouvée, et faisait tout pour ne pas l'être mais il était bon chasseur et surtout assez acharné pour ne point se décourager quand son compagnon perdit la piste au détour d'un ruisseau. Patiemment, il laissa Skallag fouiller les alentours, chercher à retrouver cette odeur devenue familière, mais que le passage dans les remous du ruisseau avait sans doute altérée. On ne voyait guère de traces de la jeune femme qui savait fort bien aller en toute discrétion dans les bois, et les empreintes qu'elle aurait pu laisser n'étaient pas assez visibles pour livrer le moindre renseignement. Ivor persista dans sa recherche, jusqu'à ce qu'il entende les aboiements de son chien, qui s'était éloigné et avait pu retrouver, dans la pente près de l'eau, la piste de la lycan.
Courant à demi sous les feuillages, Ivor suivit la course du molosse qui semblait se hâter, pressé par l'urgence, pressentant quelque chose.

Comme souvent, Ivor put se féliciter de pouvoir compter sur le flair de son compagnon, découvrant Alyna prostrée, couchée sur le flanc entre les ombrelles blanches d'une clairière semée de cigües. Skallag accourut vers elle, reniflant son visage et donnant des petits coups de museau dans son épaule pour la réveiller, comprenant sans doute que le trouble était passé et qu'il n'avait rien à craindre d'elle pour le moment. Son maître s'approcha avec précautions, et s'accroupit près d'elle, posant une main sur son épaule. Il ne savait quoi dire; il était évident qu'elle était au plus mal, et plus évident encore qu'elle n'était pas disposée à parler. Aussi, avec cette obstination muette et patiente qui était la sienne, il la souleve dans ses bras pour la ramener au campement. Il y avait dans ces gestes la même confiance paisible que celle qu'il avait avec les bêtes. Son attitude, l'expression tranquille de ses yeux gris rappelait le soir précédent, lorsqu'il avait calmé d'un geste le loup blessé et mit fin à ses souffrances. Quelque chose lui disait que c'était la meilleure chose à faire avec elle; même s'il ignorait ce que signifiait le changement de la couleur de ses yeux, cette autre personnalité qui prenait possession d'elle, il y sentait quelque chose de sauvage et de familier, comme l'instinct des bêtes sauvages. Cela, il savait l'apprivoiser, il savait comment se comporter quand il y était confronté. Etrangement, cet aspect là le mettait bien plus en confiance que le reste.

Sans se presser, ne voulant pas lui faire de mal, Ivor revint aux rives du lac, Skallag sur les talons. Sans bruit, il la déposa près du feu moribond, toujours sans un mot. C'était bien la première fois dans sa vie qu'il parlait trop, et qu'il osait lâcher le mot de trop. On ne l'y prendrait plus, ça c'était certain et si elle ne voulait rien dire, il comprenait. Il ne poserait pas de questions, ça n'était pas son genre, de toute manière. Cependant, alors qu'il s'asseyait à sa place, il la fixa un instant d'un regard pénétrant; comme s'il essayait de comprendre, de déchiffrer l'expression de son visage et la teinte mouvante de ses yeux.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Sam 26 Jan - 18:58
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La jeune femme ne bougea pas, laissant le chien lui donner de petits coups de museaux amicaux, puis elle sentit une main sur son épaule, elle ne fit pas le moindre geste, s’attendant à ce qu’il lui dise quelque chose, mais il ne dit rien et se contenta de la soulever dans ses bras comme si elle ne pesait rien, un contact assez agréable tout de même de se sentir ainsi protégée, il fallait l’avouer. Alyna garda cependant son attitude fermée, mais se détendit légèrement en posant la tête contre l’épaule du chasseur, elle-même ignorait la raison de ce mouvement à moitié guidé par son instinct. Il bougeait lentement et avec un grand calme, c’est peut-être ce qui permit à la lycan de se calmer réellement, elle ne regardait pas ses yeux gris et gardait la tête obstinément dissimulée derrière ses mèches de cheveux, mais elle sentait sens mal son regard sur elle.
Elle se laissa déposer près du foyer du feu de camp, mais ne disait toujours rien, cependant ses mèches de cheveux avaient bougé et ses yeux noisette étaient à nouveau visibles, mais elle ne regardait pas Ivor, semblant « ailleurs » ce qui était parfaitement vrai, elle était présentement face à Lyän qui maugréait.

« Tu te débrouilles Lyän pour rattraper tes idioties ! »
« Rhô pff ça va, c’est bon je vais lui parler... Mais ce n'est pas dit que je dise ce que tu veux que j’explique. »

Alyna lâcha un léger soupire de dépit intérieurement, avant de remuer légèrement et sortir de son attitude fermée, remarquant que le chasseur la fixait droit dans les yeux, cherchant probablement les traces de son loup dans son regard, mais le contact visuel ainsi, directe et mutuel fit virer la jeune femme à l’écarlate et elle entreprit de se détourner pour ne plus voir les yeux gris pénétrant du chasseur. Elle se reprit comme elle put et finit par parler, mais sans lever les yeux vers lui.


-Je n’ai pas été honnête avec vous... enfin vous avez dû deviner qu’il y a quelque chose en moi de pas très humain... enfin...

Elle lâcha un soupire et ferma les yeux, laissant la louve prendre totalement le contrôle et rouvrit les yeux lentement, le regard vif doré, similaire à celui qu’Alyna possédait sous sa forme de louve, la sauvagerie sous-jacente, dormant au fond de ses yeux, au contraire des yeux de l'humaine qui étaient calme, rieurs et doux. Une lueur qui n’avait pour le moment rien d’agressif, mais fierté et ironie étaient présent dans les miroirs d’or, fenêtre sur un monde sauvage, libre et inexploré.

-Il paraît que je dois t’expliquer quelque chose, mais moi je ne suis pas au courant.

Changement de regard, de ton et de langage, une chose assez perturbante par certains aspects. Elle fendit son visage en un sourire ironique et se tourna sur le côté en se hissant lestement sur un bras, posant son menton sur la paume de sa main avec son air amusé. Elle ferma un œil et observa l’homme de la tête aux pieds, s’arrêtant sur ses yeux gris quelques secondes et esquisse un sourire de quelqu’un qui prépare un plan foireux.

-Ha si, je crois que je devais dire qu’Alyna trouve que tu as des jolies fesses...

« Qu... QUOI ?! LYÄN TU SORS ÇA D’OU ?! Ne prend pas TES désire pour les miens ! »
« Oublierais-tu que je suis toi et tu es moi ? »

Alors qu’Alyna ne manquait pas de se donner un coup de la paume de la main sur son front dans son esprit, Lyän lâcha un léger ricanement et s’empressa d’ajouter, la phrase semblant suivre immédiatement la première, comme s’il n’y avait pas eu d’échange mental entre les deux.


-... non je plaisante. Nous n’avons pas été présenté, enfin moi je sais qui tu es, mais toi pas... Lyän, instinct d’Alyna... Elle est la partie humaine et moi la louve.

Elle lançait des regards bien plus directs qu’Alyna, mais la sauvagerie constamment présente dans ses yeux de la jeune femme pouvait peut-être déranger, surtout qu’elle regardait droit dans les yeux, sans se soucier de savoir si son regard fixe et scrutateur de chasseuse née mettait mal à l’aise ou non.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Dim 27 Jan - 15:41
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Ivor se détourna rapidement quand il la vit tourner à l'écarlate, gênée par son regard peut-être un peu trop curieux. Il ne dit rien, et l'écouta parler. Son silence à lui n'était pas un mur, pas un obstacle, il lui laissait simplement l'espace et le temps pour s'exprimer si elle le voulait, quand elle le voulait. Ses yeux gris l'observèrent à la dérobée alors qu'elle parlait; confuse, soudain, comme si elle éprouvait quelque culpabilité à ne pas lui avoir tout dit. Il allait lui rétorquer qu'elle ne lui devait rien, pas même la vérité si elle ne voulait rien dévoiler, mais à cet instant il vit de nouveau son visage changer et ses yeux bruns prendre une belle nuance dorée. Tout se muait imperceptiblement dans son attitude, l'expression de ses traits, la position même qu'elle adoptait, jusqu'au ton de sa voix qui faisait étrangement penser au feulement d'un fauve, et son attitude de puissance et de sauvagerie rentrée. Ivor eut un sourire imperceptible devant elle; elle dégageait très exactement la même aura de menace diffuse qu'une louve au repos, prête à bondir d'une seconde à l'autre. Le pressentiment qu'il avait eu un moment plus tot se précisait encore: là, il savait quoi faire, comment agir, et rien ne semblait pouvoir le surprendre. Il était en terrain familier et bien que ce fut la première fois qu'il eut affaire à une bête sauvage dotée de parole, il savait bien que pour elle, celle-là, c'était l'instinct qui primait et cela, il connaissait.
Même les mots qui vinrent ensuite, avec la brusquerie d'une gifle, ne l'étonnèrent vraiment. Bien sûr, il y avait de quoi être quelque peu destabilisé et le faible sourire qui planait sur son visage se mua aussitôt en rictus fermé, comme si elle avait, rien que par ces paroles, enfreint une limite invisible et s'en était prit à son territoire personnel.

Il la fixa longuement de ses yeux gris, la laissant poursuivre. Ses doutes se confirmaient, à présent.

-Je vois.

Le chasseur eut un hochement de tête en guise de salut, mais persista à l'observer, alors que Skallag restait prudemment à l'écart. L'instinct d'Alyna semblait l'inquiéter, ou du moins le maintenir à distance comme s'il avait peur d'elle, ou bien qu'il la sentait nettement supérieure à lui. Dans un esprit de meute c'était bien évidemment elle qui était la plus forte, plus forte également que Ivor qui savait très bien qu'il n'aurait aucune chance à face à elle si elle décidait de s'en prendre à lui.

Cependant, il était manifeste que Lyän ne se préoccupait guère des blessures de son double, et que sa façon de se tenir alors qu'elle lui parlait n'allait pas aider la jeune femme à recouvrer ses forces. Une fois n'était pas coutume, parce qu'il voyait bien que la lycan n'était guère en grande forme et qu'il n'avait pas envie de s'en occuper ad vitam eternam, il se permit de lui faire remarquer aussi courtoisement que possible, ce qui n'était guère concluant.

-Vous n'auriez pas dû vous lever. Alyna est encore très faible, et je n'ai pas l'impression que votre présence l'aide à retrouver ses forces.

Il savait que ses paroles risquaient d'être mal interprétées, mais d'une part il s'en fichait un peu étant donné qu'il ne la reverrait sans doute jamais, et d'autre part c'était la pure vérité.

-Je n'ai pas l'intention de rester ici plus de quelques jours, aussi j'aimerais qu'elle guérisse au plus vite, si ce n'est pas trop demander.

Ivor avait parlé d'un ton un peu sec, la fixant d'un regard sévère; pour l'heure, cela ne changeait pas grand chose à ses plans de demeurer ici pour veiller à ce que celle qui l'avait sauvé guérisse totalement. Mais que l'on n'abuse pas de sa patience, il voulait bien être tout aussi serviable que son honneur le lui dictait et venir en aide à la jeune femme autant de temps qu'elle en aurait besoin, sans toutefois tolérer sans rien dire que quelque chose vinsse retarder cette guérison, fut-ce un instinct colérique. Les visions du cerf savaient bien semer le trouble dans les esprits, mais cet interlude en forêt l'avait distrait de ses souvenirs. Maintenant qu'ils étaient revenus au bord du lac, cependant, il ne pouvait s'empêcher de songer de nouveau à Isabelle, et son esprit semblait irrésistiblement attiré par l'endroit où la bête fabuleuse avait disparue, comme un tiraillement à l'extrémité de sa conscience, quelque chose qui essayait à tout prix de se manifester pour le troubler. Il ressentait parfois même l'envie fugace de guetter l'endroit où il était apparu, et le suivre, peut-être, comme si cela aurait pu lui ramener les siens. Un instant, son regard se porta sur l'autre rive, sur le petit promontoire où la bête s'était tenue; ses yeux gris trahirent quelque chose, le passage d'une ombre, une crispation très brève qui disparut quand il se détourna avec effort, pour la fixer de nouveau.

Il cherchait ses mots, et puis finit par lâcher quelque chose.

-Je sais que vous êtes partie à cause de ce que le cerf vous a fait voir, dit-il à voix très basse. Je ne vous demanderai rien.

Une pause, sa mâchoire se contracta brièvement. Il savait combien cela pouvait être dérangeant.

-Sachez seulement qu'il ne se montre jamais qu'une seule fois. Soyez prête à le voir réapparaître un jour ou l'autre.

Ivor le Silencieux

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Dim 27 Jan - 23:04
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Un grognement s’échappa de la gorge de la louve qui se retourna, tournant le dos à Ivor, non mais pour qui il se prenait à lui donner des ordres et la gronder ainsi ? Elle en a tué pour moins que ça tout de même ! Elle maugréa dans sa barbe, le laissant parler et lui faire la leçon, lui tournant toujours le dos, mais elle décela soudain un changement de ton, comme une peine lorsqu’il parla du cerf, il disait cela à voix basse qui plus est. Mais il avait tort, elle n’était pas... enfin pas directement partie à cause du cerf, enfin qu’importe cela n’avait plus d’importance. Une fois qu’il eut fini de parler et sans se retourner elle lâcha un soupire.

-Et gnagnagna... t’en fais pas qu’elle cicatrise très bien et à besoin d’un peu remuer de temps en temps pour garder sa souplesse, mais si ça t’amuse je peux aussi rester immobile, même si je t’avoue que ça m’énerve royalement.

Elle fit un geste comme si elle chassait une mouche, puis se décida à se tourner vers Ivor, s’allongeant sur le ventre et posant ses coudes au sol, le menton sur ses paumes. Elle plongea son regard d’or de loup dans ses yeux gris du chasseur pour qu’il y lise si elle mentait, ses yeux étaient plutôt paisibles, mais elle semblait à l’affut du moindre geste suspect et de la moindre chose qui pourrait faire du mal à Alyna. Tel un chien de garde sauvage protégeant son territoire. Elle esquissa un sourire paisible, relevant légèrement les lèvres sur ses crocs sans le vouloir vraiment.

-Le cerf est un signe de deuil... Toi, comme moi, avons donc tous deux soufferts d’un deuil... je m’excuse pour ma réaction de tout à l’heure, c’était une façon de protéger Alyna contre la douleur de son passé. Étonnant de t’entendre parler, tu as une belle voix il faut l’avouer, tu devrais la faire entendre plus souvent.

« Lyän tais-toi. »
« Fylia ? Ferme ton bec ! »


-Quoi qu’il en soit... celui qu’a perdu Alyna c’est son frère jumeau.

Un lourd silence tomba dans le monde intérieur de la jeune femme, le vent, les craquements des arbres, tout s’était tût. Lyän se dit qu’elle avait peut-être fait une bêtise, ce qui se confirma par un piège à loup qui apparut soudain sous son pied pour lui mordre la cheville, elle protesta contre la partie humaine alors qu’elle sentait frémir la colère mêlée de tristesse dans les bois. Elle parvint à calmer la partie humaine, lui ôtant l’envie de la réduire à nouveau à l’état de fumée informe pour une dizaine d’années et pût se reconcentrer sur ce qui se passait à l’extérieur. Elle lâcha un lourd soupire et regarde à nouveau Ivor avec un léger sourire.

-Enfin elle n’a jamais vérifié qu’il était mort et pour ma part je ne veux pas y croire... pas vraiment.

N’étant pas présente sous le coup d’une émotion donnant lieu à une production d’adrénaline, elle finit par sentir la douleur et roula sur le dos, levant le menton pour regarder le chasseur, la tête à l’envers, puis elle regarda le ciel et tourna enfin la tête vers Skallag qui restait à distance craintivement. Elle posa ses yeux sur le chien et lui sourit, puis tendit la main vers lui en laissant échapper un doux grondement de sa gorge pour rassurer son « cousin », ainsi il pouvait comprendre qu’il avait le droit d’approcher, qu’elle ne lui ferait pas de mal. De plus elle pencha la tête en arrière pour dévoiler sa gorge et s’exposer et ainsi donner une seconde raison au chien de ne pas la craindre.
Lyän semblait beaucoup plus remuante qu’Alyna et beaucoup, beaucoup plus impatiente et de par son attitude à changer de position souvent, elle n’aimait pas être clouée sur place, tel un loup détestant être enfermée. La liberté lui tenait à cœur et c’était également valable quand elle était en convalescence, de plus elle s’ennuyait rapidement et ne manquait pas de le montrer dans son attitude.

Alyna Minami

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Lun 28 Jan - 9:15
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Même s'il était pour le moment encore agacé par la perspective de retarder encore ses plans à cause des états d'âme de cette étranger personnalité aux yeux d'or, Ivor ne put s'empêcher de ressentir un amusement soudain en entendant sa réaction. Elle agissait comme une enfant, ou plutôt, comme une bête sauvage. Il ne s'étonnait en rien de ce caractère maussade, se contentait de faire preuve de patience parce qu'il savait fort bien que c'était là la meilleure chose à faire. Elle était remuante, pleine d'une énergie folle qui brûlait comme un feu au fond de son regard jaune, et il semblait presque qu'il émettait sa propre lumière au point qu'il se sentait absorbé dans l'abîme, happé au plus profonds de ces gouffres d'ambre fauve. Il n'y avait pas de mensonge, là; nulle duperie, rien des aléas tortueux des esprits d'Hommes, non, rien que la nature de la louve telle qu'elle était faite, sans faux semblants, sans apparences. Les âmes des humains étaient des champs de ruines semés de ronces qui essayaient de se faire passer pour des jardins d'Eden purs de toute souillure, mais rien de cela ici et elle ne tentait pas de cacher quoi que ce fut, dévoilant la sauvagerie, la cruauté peut-être, sans fard et sans illusions. Elle se montrait telle qu'elle était. Ivor étrangement était bien plus capable de faire confiance à cette sauvageresse au caractère changeant qu'à n'importe lequel de ses frères humains. Une âme de clair de lune, claire comme un matin d'hiver, aux nuances de sang, de brume et de feuillages trempés.

Un sourire fugace lui échappa de nouveau et son regard gris s'était animé d'une lueur nouvelle, comme s'il faisait enfin une place à la jeune femme dans la même réalité que lui, soudain bien plus présent et attentif qu'auparavant. Cela passa bien vite, quand elle lui répondit à propos du cerf. Il ne releva pas le compliment, car là n'était pas l'important, et la laissa parler, silencieux, avant de hocher légèrement la tête d'un air grave. Il comprenait. Bien sûr, qu'il comprenait; il ne savait lui-même rien de ce qui était arrivé à Ysanne, vivante ou morte? Oh, oui, il comprenait... Il y avait le même sentiment, là, celui de porter pour toujours le deuil de l'invisible, sans jamais savoir réellement, s'enfermer dans le mensonge d'une certitude, ne pas espérer en vain. Elle était morte pour lui, morte depuis le jour de neige et de chagrin. Il savait aussi combien pouvait coûter ce genre de confidences, et que ça n'était que par l'intervention de Lyän que ces paroles avaient été prononcées. Comme preuve de sa bonne foi, Ivor accepta enfin de déserrer les mâchoires sur ce qui lui rongeait le coeur et l'être depuis fort longtemps.

Alors que la jeune femme rassurait Skallag et le laissait venir près d'elle, le regard résolument tourné vers le lointain, il cherchait ses mots. Comment dire? C'était si simple, une fois que les paroles étaient dites mais quels mots? Il y avait tant à dire, tant de rages, de douleurs, de souvenirs accumulés comme les eaux d'un barrage qui ne céderait pas, pas encore. Juste quelques fragments de passé, se livrer un peu comme elle l'avait fait, alors même qu'il ne lui devait rien. Rien d'autre que la vie.

-Ma fille, dit-il soudain.

Il n'osait même plus la regarder, soudain et à chaque syllabe c'était comme cracher des charbons ardents, chaque mot prononcé était aussitôt regretté. Pourquoi faire cela? Pourquoi ne pas fuir et garder ces nom sous silence?

-Elle est peut-être vivante. Ou morte. Je n'ai jamais su non plus.

Et il y avait tant à dire, encore! L'attente, la quête. Chercher, chercher encore. Des heures, des jours, des mois, des années, jusqu'à perdre espoir et se dire qu'elle avait sans doute trouvé une vie bien meilleure qu'auprès du pauvre vagabond qu'il était devenu, jusqu'à se dire qu'à la toute fin, tout cela avait été sans doute vain. Morte pour lui, depuis si longtemps qu'il ne se souvenait même plus de ce que c'était que d'espérer. Ivor avait passé sa vie à fuir son passé, fuir le monde des hommes qui lui rappelait à chaque instant qu'il avait tout perdu, fuir pour ne plus souffrir sans cesse, et ne jamais se retourner, et même encore alors qu'il pouvait tout affronter, tout défier, tout supporter, il avait peine à la regarder en face. Ses yeux gris s'étaient échappés, loin, loin dans les remous des bois, là où le cerf était apparu et il fixait résolument cet endroit. Il n'y avait qu'à se plonger là, dans le miroir de son regard, pour l'apercevoir, la dévastation. La raison du silence, de tout. La clef était là.

Et puis dans un silence obstiné tout passa. Ivor n'en dirait pas plus ce jour, peut-être un autre, plus tard. Mais pour l'heure il réclamait simplement le repos, laisser retomber au-dedans toutes les sensations fugaces et le chagrin vieilli que cela avait remué, comme les débris au fond d'une eau dormante.
Le jour tirait lentement à sa fin, et le soleil déclinant noyait le ciel de lumières dorées, ambrées, ourlant les feuillages d'un liseré de clarté jaune. Le ciel bleu, pur, infusé de nuages diffus, était sillonné du vol des aigles et des faucons, dont les cris aigus résonnaient dans les cimes. La nuit ne tarderait pas et l'on voyait dans les vallées alentours, haut dans les alpages, courir les chiens des bergers, comme des comètes noires et blanches dans la verdure, qui rassemblaient les troupeaux de moutons. L'air était paisible, et le vent s'était tu. Seuls quelques remous tranquilles troublaient la surface du lac, et l'eau du torrent ruisselait en chantant sur les pierres, plus haut dans la pente. Un instant paisible, suspendu entre nuit et jour, à l'orée du crépuscule.

Sortant enfin de son mutisme, comme si rien ne s'était passé, Ivor insista pour vérifier l'état de la plaie, qui devait avoir terminé de cicatriser. Cependant le bandage était trempé de sang, et s'il était devenu inutile, mieux valait l'ôter avant de risquer quelque chose. Les récriminations éventuelles de Lyän -ou d'Alyna- n'y feraient rien et avec cette obstination patiente et paisible qu'il avait toujours dans ces moments là, Ivor souleva ce qui restait de sa tunique. Ses gestes étaient lents, mais assurés, et même si la blessure était déjà refermée, il essayait avant tout de ne pas lui faire de mal. Doucement, il défit le bandage raidi de sang séché, qui laissa voir le ventre nu de la jeune femme. Une cicatrice nouvelle, qui s'estompait déjà, zébrait en tous sens la peau laiteuse, vestiges des griffes acérées du skoll, et tout semblait avoir guéri de manière assez efficace. Ivor cependant prit bien garde à ne pas la toucher, parce qu'il y voyait là comme quelque chose de presque déplacé, et se forçait à garder la tête froide mais on put déceler comme un tremblement dans ses mains chaque fois qu'elles effleuraient la chair soyeuse, comme un frisson soudain. Rien sur son visage ne le laissait entrevoir, mais, sans doute parce qu'elle lui était apparue le matin même, c'était à Isabelle qu'il pensait soudain, avant que le souvenir ne s'efface et qu'il se rende compte que cette réminiscence n'y était pour rien dans ce frémissement trouble qui lui tordait soudain les entrailles en la regardant.

Il ne trouva pas de meilleure solution que de fuir à nouveau, la laissant de son coté du feu, battant en retraite emmuré dans son silence, assis de l'autre côté, sans la regarder. Trop de choses avaient dérangé l'ordre immuable de son esprit, trop de remue-ménage, et il n'aspirait maintenant plus qu'à la paix, et au départ de cette femme qui dérangeait bien trop de choses.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Lun 28 Jan - 14:56
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Elle avait réussi à faire venir le molosse près d’elle et lui grattait doucement sous la mâchoire, il avait l’air d’apprécier énormément, quand soudain le chasseur lâcha quelques mots qui percèrent le silence de l’air ambiant et surpris Lyän qui ne s’attendait vraiment pas à ce qu’il parle. Elle eut d’ailleurs un léger sursaut, signe qu’elle était bien plus nerveuse qu’Alyna et à l’affut des gestes suspect, mais elle se détendit tout de même, Ivor ne constituait pas dans son esprit un danger. Ho pas parce qu’il était humain et donc moins fort qu’elle ou moins rapide, ce qui ne voulait d’ailleurs rien dire, mais parce qu’elle avait confiance en lui, elle sentait une douceur en lui qui lui indiquait qu’il ne la blesserait jamais.

Elle ne répliqua rien, comprenant sa douleur et pour une fois il n’y avait rien à dire à ce sujet, juste à laisser le temps passer ou aller le réconforter, mais elle se doutait qu’il reculerait, alors elle ne bougea pas et ne dit rien, se contentant de couvrir Skallag de caresses et de gratouilles amicales, tandis que la nuit tombait petit à petit. Elle reporta son attention sur le chasseur quand il s’approcha et déclara qu’il allait vérifier la blessure. Lyän grogna en pestant un bon moment, grincheuse, mais se résigna à le laisser faire. Il souleva les lambeaux de sa tunique et elle dut faire un effort considérable pour ne pas lâcher un grondement menaçant, se sentant vulnérable. Elle le laissa retirer le bandage, sentant par moments la peau légèrement fraiche, plus que la sienne, car étant louve sa température corporelle s’avère plus élevée que les humains. Elle rentra légèrement son ventre, mais garda sa respiration calme. Il était très doux dans ses gestes, comme s’il manipulait quelque chose de fragile, ayant peur de lui faire du mal.

Elle décela une odeur particulière provenant d’Ivor et lié à ses émotions, mais ne comprit pas ce que cela signifiait, elle savait juste qu’il tremblait légèrement dès qu’il lui effleurait la peau et Lyän en tira un étrange amusement. Elle ne laissa cependant rien paraître et attendit calmement qu’il ait terminé et faillit lâcher un ricanement quand il alla se réfugier de l’autre côté du feu. Patiente elle l’était et il était l’heure de « chasser » et dire ce à quoi elle avait songé en entendant le chasseur parler brièvement.

La louve continuait de caresser le pelage du compagnon à quatre pattes du chasseur, l’air totalement calme, comme un loup somnolant sans rien craindre de personne. Étrange qu’elle soit si paisible, c’était rare, en fait elle n’était comme ça qu’avec ses chasseurs. Ou quand elle chassait l’être humain, tapis dans les bois, les doigts sur la corde fine de l’arc qui, une fois tendue, annoncerait la mort de sa cible. Le bruissement du bois qui se courbe lui procurait le même genre d’apaisement, avec une pointe de quelque chose de malsain en plus, la caresse de l’empennage sur sa joue jusqu’à l’arrière de sa mâchoire et le souffle d’air quand la corde revenait à sa position initiale. Oui une façon de s’apaiser étrange, mais qu’importe. Elle avait été entraîné à tuer, traquer, chasser, pas à conter fleurette ou discourir avec les gens, mais on pouvait parfois allier les deux non.


-Je voyage beaucoup et plus vite que toi, si un jour je la croise je te le ferais savoir. Il me sera facile de la reconnaître, car ayant ton sang elle a également ton odeur délicieuse.

Elle s’allongea sur le côté à nouveau pour esquisser un fin sourire amusé, le regardant droit dans les yeux de ses prunelles d’or, attendant de voir sa réaction, et prouvant aussi par ce contact visuel qu’elle était totalement sérieuse dans chacun de ses mots, dans ses yeux d’or fin était présent une lueur rappelant la présence de l’humaine, ce qui était un signe qu’elle confirmait d’une certaine façon les mots de la louve.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Lun 28 Jan - 22:08
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Tapi de son côté du feu, Ivor remâchait en silence de sombres pensées. Il avait senti la tension inquiète de la louve quand il s'était approché d'elle, comme si ce contact fugace avait été aussi pénible pour l'un que pour l'autre, mais sans doute pas pour les mêmes raisons. Le bout de ses doigts brûlait encore de la sensation si douce ressentie quand il l'avait effleurée par mégarde, comme une persistance insistante.

Il semblait éviter son regard, mais du coin de l'oeil, alors qu'il ranimait le foyer moribond, il entrevoyait au travers du rideau de flammes dansantes l'éclat chatoyant de ses yeux d'ambre jaune qui le fixaient. Cette personnalité, cet instinct si séparé du reste de son être avait un comportement et des expressions étrangement familières qui apaisaient peu à peu ce trouble diffus qui l'avait gagné, comme si malgré tout elle parvenait à le mettre un peu plus en confiance que n'importe quel autre humain. Son visage fut gagné par une lassitude passagère quand elle parla d'Ysanne, et un faible sourire sans joie étira brièvement la ligne dure de sa bouche. Oh bien sûr, croisant un instant le faisceau lumineux de ses yeux d'or, il ne put qu'être certain de la bonne foi de Lyän, mais la vérité était qu'il était las d'espérer, de chercher, las d'attendre en vain et de s'arracher le coeur dans l'expectative de ce qui ne venait jamais. Seize ans, seize longues années à ne pas trouver la moindre trace, le moindre signe. Il était las. Il ne voulait plus de cela et n'aspirait plus qu'au repos, quitte à oublier ce visage, oublier la chair de sa chair et celle de qui elle était née.

Pour seule réponse, il secoua négativement la tête, lentement. ça n'était pas un refus, il avait tout simplement déposé les armes. Lâche, peut-être, mais c'était l'épuisement d'avoir trop souffert, trop attendu qui ternissait le regard de cet homme que l'âge avait déjà tant usé. La lumière du feu faisait jouer les ombres sur son visage grave, révélant par en-dessous l'éclat vert-de-gris de ses yeux, creusant ça et là des gouffres le long des rides précoces qui sillonnaient sa mine tannée par le soleil et le vent. Il y avait une calme et triste noblesse dans ses traits rudes, celle d'un vieil arbre, la même patine, la même usure que celle que les années déposeraient sur le visage d'un vieux roi de pierre. Et au fond du miroir orageux de son regard, c'était la grisaille d'un cimetière, où l'oubli avait tout effacé. Triste, et las. Ivor n'était plus que l'ombre de lui-même, muré dans son silence qui avait tout figé en lui jusqu'à l'heure de son repos.

Il ne dit pas un mot de plus durant le reste de la soirée. La nuit ne tarda pas à tomber, et le ciel se piqueta d'une myriade d'étoiles frissonnante dans une brise douce qui s'était levée. L'obscurité paisible respirait dans le noir, dans l'ombre bleutée des cimes et du ciel pur comme du cristal où tout le paysage se dessinait en nuances de gris, de noir, d'outremer dans un vertige de remous sans lumière, avant d'exploser en scintillations lunaires dans les lents replis des eaux paisibles. Le feu de camp faisait un arc de cercle d'or tremblant dans la nuit, une étoile solitaire, un fragment dérisoire dans l'immensité. Ivor s'était allongé sur le dos, observant les étoiles d'un air absent, à l'écart. Il s'était éloigné autant que possible d'Alyna, voulant avant tout se reposer l'esprit, et retrouver cette sérénité mortuaire, vide et neutre qu'il trouvait dans la solitude de ces étendues désolées. Comme souvent lorsqu'il se laissait aller dans les remous obscurs de son esprit, il fredonnait quelque chose, un air vague comme un grondement lointain. Loin d'ici, loin de cette terre et de corps meurtri, Ivor s'en allait, laissant derrière lui la lumière, la chaleur de la vie et le feu, et l'infime fragment passager de son existence pour se perdre dans une rêverie lointaine qui le fit glisser dans un sommeil profond.

Là, il neigait, si fort et si dru que l'on ne voyait rien aux alentours. Rien que les flocons qui tombaient, en averse violente, et le paysage grinçant de givre. Une silhouette, là, juste là, à portée de main, qui se dessinait dans la blancheur. Blanc cerf blanc dans la neige immaculée, et ces andouillers grands comme des arbres qui se dressaient, couronnés, festonnés de glace, s'envolaient vers un ciel incolore, dans un monde sans substance. Les yeux de la bête étaient d'eau douce et de clair de lune, de ce gris bleuté que reflètent les remous d'un lac après l'orage, et il y avait dans ce regard une tristesse insondable, si profonde, si grande qu'Ivor en venait à se demander pourquoi il lui fallait chasser cet animal. Un instant d'hésitation, et son geste se figea. Le cerf, d'une enjambée gracile, bondit hors de vue, avalé par les rideaux de neige. C'était toujours la même chose. La glace craquait sous les pas d'Ivor. Lourd, lourd le pas du chasseur, lourd le coeur assombri. Oh, il savait bien. Le cerf ne se montrait jamais qu'une seule fois, fut-ce en rêve ou en réalité, et son apparition dans les bois semait ses rêves de fantômes, comme des échos passés et futurs. La glace grinçait, émettait des bruits sourds et cassant comme un bois prêt à rompre. Il avançait encore, toujours, mû par une volonté d'acier dirigée vers un but encore inconnu à ses yeux. La rive était noyée de brume mais le cerf était là, l'ombre aux cornes immenses, veillant en silence sur un cairn de pierres neuves. La glace craquait sous ses pas. Il entendait pleurer l'arbre, mais il ne pouvait bouger, paralysé par le froid qui le saisissait, par cette voix qu'il connaissait, et il sentait l'eau ramper à ses pieds et le sol se rompre, et les flots noirs l'engloutir...
Noire, noire l'ombre et noire la terre, noire la lumière et noire la mer, noire la sève et noire la chair, un flot d'encre, au travers du miroir. Il neigeait dans les ténèbres et ainsi, et pour toujours, elle avait pour Ivor un goût de deuil et de profond chagrin. Et puis soudain dans l'ombre impénétrable, flottait Isabelle, son corps blanc environné de lumières, comme si sa chair s'était muée en ivoire précieux et en brume d'ambre claire. Elle flottait dans les ténèbres, souriante et légère, et tendait les bras à Ivor qui se noyait. Lorsqu'il voulut la saisir, elle lui sourit, et ses jolis yeux verts se changèrent soudain en or brillant alors que ses lèvres dévoilaient des crocs un peu plus développés que ceux d'un humain. Ses cheveux dénoués ruisselaient sur elle, et avaient la couleur rougeoyante des érables à l'automne, infusé de noir, semés de reflets chatoyants comme un écheveau de soie.

Ivor s'éveilla en sursaut alors que l'appararition le soulevait vers elle et déposait sur sa bouche un lumineux et doux baiser. Il s'était redressé sur son séant, et la brise nocturne soulevait sur son front quelques mèches humectées d'une fièvre soudaine. Son regard fut soudain attiré par quelque chose, et, dans une vision fugace, il aperçut la silhouette blanche, lumineuse, du cerf blanc qui s'effaçait au travers des arbres dans le clair de lune. La vision d'Isabelle, qui s'était peu à peu muée en Lyän, ou Alyna, il ne savait plus très bien, persistait devant ses yeux, comme la sensation douce et pénétrante de la lumière qui l'effleurait, et le goût de ce baiser d'ambre et de sel, de larmes et de brumes. Sans un bruit, sous le regard attentif de Skallag qui s'était levé en même temps que son maître, il s'éloigna dans le noir, cherchant ailleurs le repos qui le fuyait.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Mar 29 Jan - 0:21
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Il ne répondit rien à la proposition de Lyän, du moins pas verbalement, il fit signe de la tête, signe qu’elle interpréta comme pour dire que non ce n’était pas la peine il n’en avait plus le courage. Leurs histoires semblaient plus ou moins similaires et lui au moins il avait cherché sa fille, tandis qu’elle n’avait absolument rien fait. On aurait dit qu’il abandonnait tout, sauf sa vie, comme s’il n’avait pas le courage de mettre fin à ses jours et qu’il attendait que la mort le fauche ou alors comme si quelque chose l’empêchait de se laisser mourir parce qu’il était voué à d’autres projets. Quoiqu'il en soit observer cet homme blessé rendit mal à l’aise la louve qui se détourna et ferma les yeux sans un mot, ne voulant pas imposer sa présence à celui-ci, elle avait peut-être été trop loin.

Elle ne tarda pas à entendre sa respiration se calmer et se faire plus régulière et lente, son cœur adoptant un rythme plus lent également. Il dormait vraisemblablement. La lycan rouvrit les yeux et jeta un coup d’œil dans sa direction, la chaleur des flammes faisait onduler l’air, brouillant sa vision, mais elle savait faire abstraction de ce genre d’effet. Elle lâcha un lourd soupire et s’allongea pour regarder le ciel étoilé, la lune ne s’était pas levé encore, en attendant qu’elle monte dans le ciel elle finit par s’endormir sens s’en apercevoir, les bras sous la tête.

Elle rouvrit les yeux au milieu de la nuit et tourna la tête sur le côté, le chasseur n’était plus là, encore sous la légère influence de Lyän elle sentit une plainte monter dans sa gorge, mais elle parvint à la retenir, il n’était pas parti puisque ses affaires étaient encore là. La lune était haute dans le ciel éclairant comme en plein jour la vallée, quand bien même elle aurait été moins pleine la louve y aurait vu clairement. Elle prit appui avec précaution sur ses mains et se redressa difficilement, ayant encore mal, cependant elle allait beaucoup mieux. Elle se mit debout, un peu chancelante, la faim et la soif la tenaillait, après tout d’habitude elle mangeait quelques kilos de viande et jeunait pendant une semaine et là elle n’avait quasiment rien mangé. Elle regarda l’outre et vida le peu qui restait.

Elle descendit ensuite vers le lac avec précaution pour éviter de s’étaler lamentablement et s’assit au bord de l’eau et fit un bol avec ses mains pour boire un peu. La lycan n’eut cependant pas le courage de retourner vers le campement, rien que faire le trajet avait été fatiguant, ho bien sûr le plus dur était passé, dès demain midi elle aurait sa vitalité habituelle, mais elle sentait un pincement au cœur en songeant qu’elle n’aurait plus de prétexte pour rester avec le chasseur et puis elle avait à faire elle aussi au Drayame. Elle lâcha un soupire et finit par faire un effort et se relever, mais au lieu de remonter vers le campement elle retira ses vêtements et entra dans l’eau rapidement, une légère rougeur aux joues, mais il n’y avait personne dans les environs a priori.

L’eau glaciale pénétra sa peau et son sang, lui refroidissant tout l’organisme et lui donnant la chair de poule, elle fut tentée de prendre sa forme hybride pour avoir moins froid, mais n’en fit rien, sentant la douleur légèrement persistante s’estomper enfin sous le miroir sombre du de la surface du lac. Sa peau blanche prenait des reflets bleutés de soie fine sous les rayons de lunes, le moindre mouvement dévoilait des muscles fins, mais puissants, sous sa peau. Une impression de puissance se dégageait de ce corps, de puissance, mais aussi de fragilité. Autant une machine à tuer qu'une jeune femme sentimentale. Etant seule elle se montrait tel qu'elle était réellement et dans ses gestes il y avait beaucoup de douceur, d'où cette fragilité apparente. Ses prunelles noisette prenaient la couleur grise du platine sous les rayons lunaires et son regard vif ne surveillait pas tout autour d'elle comme habituellement, elle ne semblait craindre personne dans les environs immédiats.
Ses cheveux se teintaient de reflets cuivrés pour les mèches brunes et argentés pour celles écarlates, ils cascadaient librement dans son dos, emmêlés, mais gardant leur apparence soyeuse. Elle entreprit de les démêler, avec ses doigts, usant de beaucoup de douceur et s’aidant de l’eau pour se faciliter le travail et en les frottant doucement pour les débarrasser de la poussière. Ils étaient longs, lui arrivant jusqu'aux reins en un dégradé. Sa chevelure prenait des reflets brillants une fois humidifiés et semblaient être des fils de métaux précieux.

Elle secoua la tête et repoussa ce voile aux couleurs changeantes en arrière, en passant une main dedans, puis elle les serra entre ses doigts pour les débarrasser d'une partie de l'humidité et ressortit du lac, elle s’empressa de remettre ses vêtements et le baudrier de sa dague, inconsciente qu’elle dissimulait ainsi une grâce qu’elle-même ignorait. Elle repartit vers le campement le pas un peu plus assuré, l’eau lui avait fait du bien, elle se rallongea cependant une fois sur place pour soulager la blessure qui la relançait de nouveau légèrement. Elle repoussa ses cheveux pour qu’ils sèchent tranquillement, répandent au sol une cascade soyeuse. Elle regarda le feu mourant, les yeux dans le vide se préparant à se rendormir, ignorant quand Ivor reviendrais ou si même il l'avait vu.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Mer 6 Fév - 16:25
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Ivor s'en fut en silence, loin, loin dans les remous de la forêt murmurante qui se balançait dans la brise douce. Dans l'ombre morcelée par les rayons de lune, il s'en fut en silence comme un fantôme, l'esprit en déroute. Il y avait eu le cerf, les souvenirs trop lourds, les vagues réminiscence d'une femme à demi oubliée. Il y avait eu le rêve et la sensation fugace, si réelle un instant, si vive d'un baiser sur sa bouche. Un feu obscur se consumait au fond de lui, embrouillait ses pensées, déposait une fine rosée de sueur fiévreuse sur son front mais quelque chose était certain: s'il voulait rester en paix, s'il voulait continuer à vivre comme il le faisait, à l'écart des troubles du monde, il devait s'en aller au plus vite, fuir et ne pas se retourner. Qu'il lui doive la vie était une chose, que sa simple présence le dérange à ce point en était une autre. Au plus tôt il s'en irait, espérant ne jamais plus croiser sa route.

Il s'en fut dans le versant boisé qui dévalait jusqu'à la rive opposée du lac, mû par quelque chose qui le poussait dans la direction où le cerf s'était montré. Ivor savait que c'était une erreur, mais il voulait s'assurer de quelque chose, il voulait savoir. Il se sentait suivi, et à l'arrière de son crâne c'était comme si une lueur dorée, réminiscence d'un rêve, murmurait derrière lui, se glissait entre les arbres, comme une sensation mouvante, qu'il percevait du coin de l'oeil mais qui s'effaçait chaque fois qu'il essayait de l'apercevoir. Quelque chose chuchotait à son oreille d'une voix familière et se mêlait au bruit du vent. Un souvenir, vague. La silhouette imprécise, quelques détails esquissés. Un fantôme de paroles, un fantome de mémoire qui avait prit corps sous les frondaisons noires. Au détour d'une sente vagabonde, Ivor arriva à un sous-bois où ruisselait le cours d'un torrent maigrelet. L'eau courait entre les pierres, et de hauts rochers noirs affleuraient du sol, vaguement façonnés en figures humaines. Un ancien sanctuaire, d'anciens dieux oubliés. Un rayon de lune faisait scintiller les offrantes tordues dans les hautes herbes, et les pièces qui garnissaient le lit du ruisseau, reliefs de la dévotion dont l'endroit faisait l'objet, depuis fort longtemps à voir l'ancienneté des gravures qui ornaient quelques roches dans le cours d'eau. L'endroit était tranquille, baigné par la lumière nocturne qui se glissait au travers des feuillages agités, et laissait tomber sur le sous-bois une clarté vagabonde, mouvante et fluide comme les remous d'une rivière. L'eau claire chantait doucement entre les galets, et un souffle léger agitait les feuillages; le calme, soudain, après la tempête. Lentement, Ivor s'assit près des géants de pierre qui veillaient en silence sur le lieu sacré de leurs yeux creux, observant les alentours. Tout était plus clair, alors. Les souvenirs s'en allaient, un à un, refluaient comme la marée, et la présence qu'il avait sentie derrière lui s'estompait lentement. Plus de lueur, plus de cerf, rien que l'apaisement de la solitude, du vide dans la nuit. Là, dans le néant de son propre coeur, dans le silence de son esprit, il trouvait la paix comme un avant-goût du repos mortuaire. Sceller les passions et les élans au fond d'un caveau, tout mettre sous clef et tout garder au-dedans, attendre que vienne l'ombre et le repos pour toujours. Ne plus ressentir, surtout; Ivor était mort en-dedans, mort depuis de longues années où l'isolement et la peine lui avaient rongé l'esprit. C'était ainsi qu'il voulait vivre: Silence on l'appelait, le silence il observait.

Lentement, soudain vidé, apaisé et surtout libéré des rêts de son rêve, Ivor revint vers le campement, suivant sa propre piste erratique. Il se tint un moment en haut de la pente qui dévalait en direction du lac dans le vallon qu'ils occupaient, baigné par la lumière de la lune, si claire que l'on pouvait distinguer clairement le feu mourant dans son cercle de pierre, la silhouette sage de Skallag qui veillait, assis non loin, leurs effets éparpillés... Mais pas Alyna. Surpris, il la chercha des yeux, et la trouva, et le regretta aussitôt. De l'endroit où il était, il la voyait distinctement et ne put se détourner du spectacle qu'elle offrait dans le sombre miroir de l'eau profonde. Chevelure de sang, remuée, frémissante, qui ruisselait sur la peau neigeuse que rendait presque transparente la lueur sélène. Une silhouette fine comme la courbure d'un arc, la même grâce meurtrière et fascinante que la lame d'une épée, belle, et terrible soudain comme un fauve, avec la mort, et le poison en-dedans. C'était comme épier une déesse au bain, comme ces légendes sur la chasseresse qui allait à la lune montante se dévoiler et qui punissait sans pitié ceux qui osaient poser les yeux sur elle. Belle à s'en crever les yeux. Ivor se détourna, lentement, s'arrachant à contrecoeur à la contemplation de la belle et s'enfonça de nouveau dans le dédale des bois sombres, pour s'y tapir qu'au matin.

L'aube le trouva la mine sombre et le visage fermé, alors qu'il avait trouvé refuge dans un creux abrité du vent, tout près du versant de la montagne. Que cette femme aille au diable, il avait assez enduré sa présence pour le moment et quoi qu'il lui doive, tout cela n'irait pas jusqu'à la laisser tout mette sans dessus-dessous et bouleverser de la sorte l'ordre tranquille de son monde clos. Dans le silence il allait, dans l'isolement et la solitude, et cela ne changerait pas. La meilleure solution était de s'en séparer au plus vite, et d'oublier tout cela. Encore embrouillé de sommeil, Ivor avait marché encore dans l'aube claire qui se déployait en rubans de brume dans les bois. Le matin était doux et la brise apportait la tiédeur des sommets déjà ensoleillés depuis longtemps alors que des vapeurs douces s'élevaient du tapis d'humus et des feuillages immobiles. Le vent était tombé, et rien ne bougeait dans les bois silencieux.
Il marcha un moment, jusqu'à arriver au cours d'eau qu'il avait croisé dans la nuit et qui dévalait de la pente pour se déverser au bord d'un escarpement rocheux. La cascade jaillissait en remous d'écume et son bruissement continu peuplait la forêt de longs échos mélodieux, alors que le petit lac ainsi formé alimentait le reste du cours d'eau qui s'en allait en serpentant au travers des arbres. Trouvant là un endroit propre à se rafraîchir les idées, Ivor se dévêtit et entassa ses vêtements sur la rive, avant de plonger dans l'eau froide. Il se laissa résolument sombrer jusqu'au fond, emporté par les remous violent de la cascade, et s'y laissa flotter entre deux eaux jusqu'à ce que son souffle se toit tari. Là, il resta suspendu dans l'ombre bleue, là où il n'y avait plus rien que l'eau claire et le silence, là où il lui semblait si facile, si aisé de s'en aller, se laisser porter dans les vagues et se diluer dans l'onde glacée.

A bout de souffle, il prit appui sur le fond rocheux pour atteindre la surface, et resta là le visage et les épaules hors de l'eau, les yeux perdus dans le bleu du ciel. Ses pensées filaient sur les ailes des nuages, le vent là-haut qui soufflait, se délitait dans le silence du petit matin. Là, un instant de calme, la paix sans doute, dans un avant-goût de néant. C'était à cela qu'il aspirait sans doute à la toute fin, se diluer dans l'air, dans l'eau, être dévoré par la terre et les arbres, et revenir au monde d'où il était issu, sans penser, sans ressentir, vivant comme la pierre.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Mer 6 Fév - 21:43
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Elle finit par s’endormir tranquillement au coin du feu mourant, elle se recroquevilla sur elle-même pour garder de sa chaleur et sombra dans le sommeil sans rêve, paisible et calme. Au lever du soleil elle ne bougea pas, toujours endormit, mais quelque chose lui fit froncer les sourcils ses sens s’éveillèrent bien avant son esprit, comme chaque fois que quelque chose d’étrange attirait son attention pendant qu’elle dormait. Elle s’éveilla brusquement en ouvrant les yeux, analysant immédiatement ce qui lui paraissait bizarre. Pas un son, pas un murmure, enfin dans le sens qu’il n’y avait aucune présence humaine.

Elle se releva à demi et aperçut Skallag qui reniflait, l’air inquiet, mais ne semblait pas vouloir partir sans la louve, la jeune femme se mit debout avec précaution et posa une main sur le sommet de la tête du molosse pour lui gratter la tête d’un air rassurant. Il était inquiet pour son ami et c’était tout à fait compréhensible. La lycan lui murmura à l’oreille avec douceur qu’il pouvait y aller, elle le suivrait si cela l’ennuyait de la laisser. Le chien sombre lui lança un regard de remerciement et commença à suivre la piste de son maître, suivi immédiatement par la jeune femme.

Elle suivit comme elle pouvait son cousin à quatre pattes, ignorant les quelques élancements qui subsistaient de sa blessure, elle dû ralentir lorsque la piste que suivait Skallag s’inclina, elle descendit la pente en se mettant de profil, ho habituellement elle l’aurait dévalé en bondissant comme un cabri, mais pour l’heure elle n’était pas encore tout à fait au sommet de sa forme et préférait ne pas prendre de risques. Le chien marqua des signes d’agitation et de joie, du coup la jeune femme lui attrapa le museau entre ses mains en entendant un bruissement d’eau et quelques signes de présence dans ladite eau. Elle murmura doucement au molosse de ne pas faire de bruits et ne pas bouger, elle ne voulait pas se faire attaquer par Ivor par simple méprise. Elle intima à son camarade de ne pas bouger d’ici pour le moment et s’approcha lentement du cours d’eau, son pas léger, habitué à la discrétion restait inaudible.

Elle s’approcha, dissimulée, voulant d’abord vérifier que c’était bien Ivor qui était là. Elle l’aperçut alors qu’il se baignait, elle eut à peine le temps d’apercevoir ses muscles saillants et harmonieux de son torse qui roulaient sous la peau, certes couverts de cicatrices, mais ça lui donnait un air tellement... viril, à peine le temps de les voir que son esprit se vida et elle écarquilla un peu les yeux avant de virer à l’écarlate lentement et se cacha derrière un tronc, tournant le dos à l’endroit où le chasseur se baignait. Elle enfouit sa tête dans ses mains, toujours écarlate et entendit l’éclat de rire de Lyän dans sa tête qui raisonna un bon moment dans son esprit et n’arrangeant en rien sa gêne.
Elle regarda vers l’eau furtivement, voyant qu’il était sous la surface et en profita pour s’éloigner rapidement et rejoignit Skallag qui tournait en rond nerveusement, elle lui caressa doucement le museau et sourit en lui murmurant qu’il pouvait rester là s’il voulait, attendre son maître qui allait très bien –ça oui il allait très bien– pendant qu’elle retournait au campement. Elle remonta ensuite la pente sans trop forcer et retourna près de ses affaires, restant debout, le fou rire mental de Lyän persistait encore et elle rougit aux pensées qui lui traversaient l’esprit, relançant l’hilarité de la louve. Elle finit par ne plus y tenir, descendant au bord du lac pour se passer de l’eau sur le visage et s’immobilisa pour entrer dans son esprit.

Lyän voyant approcher Alyna s’éloigna en courant, toujours hilare, l’humaine la poursuivit à toutes jambes et lui mit une raclée pour le simple fait de se défouler joyeusement sans qu’elle proteste puisqu’elle comprenait parfaitement qu’elle veille à penser à autre chose. Elle rouvrit les yeux et lâcha un léger soupire, assez calmée, elle revint rapidement au campement, mais ne s’assit toujours pas, elle passa sa main sur l’endroit de la blessure, ne sentant plus qu’une très fine cicatrice. Elle se pencha un peu en arrière pour voir et se redressa en sentant la douleur monter.

« Bon... il va falloir que je retrouve ma souplesse avant de partir quand même, sinon je suis mal... »

La jeune femme avait la bougeotte, ayant été immobile trop longtemps à son goût. Elle s’approcha du foyer et poussa les cendres pour trouver quelques braises chaudes, elle les raviva avec sa magie et ajouta du bois, puis amplifia les braises pour allumer des flammes et cessa son pouvoir une fois que les langues de feu léchaient le bois en craquant joyeusement. Bien maintenant elle devait tester la souplesse de ses muscles régénérés, en espérant ne pas se faire mal –quoi que cela permette de rester plus longtemps avec le chasseur. Il fallait éviter d’endommager ses nouveaux organes, mais aussi leur rendre leur souplesse, bien, pas une chose simple tout ça. Elle se pencha lentement en arrière, arquant le dos, contractant ses muscles pour éviter de tomber, posant ses mains au sol en faisant le pont, puis redressant ses jambes, passant ses jambes dans les airs avant de les reposer au sol. Elle grimaça suite à sa souplesse arrière au ralentis, ce n’était visiblement pas encore tout à fait ça, elle s’accroupit pour détendre ses muscles, la main posée sur l’endroit où était sa blessure.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Sam 9 Fév - 22:20
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Ivor profita longuement des bienfaits de l'eau glacée, jusqu'à en avoir les muscles tout engourdis et bleuis de froid. Frissonnant dans la brise, il se hâta de revêtir des vêtements secs alors que Skallag accourait joyeusement vers lui. Le chasseur ne s'étonna guère de cette désobéissance du molosse qui avait sans doute déserté le campement pour partir à sa recherche. Ivor ne lui en tiendrait certainement pas rigueur, et pas un instant ne l'effleura l'idée que Alyna avait pu suivre Skallag, ce qui était sans doute mieux pour lui. Une ignorance préférable pour l'un et pour l'autre, le sceau d'un silence bienvenu sur leurs visions respectives.
Tirant en arrière ses longs cheveux encore trempés, il laissa son compagnon lui faire la fête et manifester néanmoins comme une inquiétude, à tout le moins la contrariété de se voir ainsi délaissé à cause d'une étrangère. Skallag avait l'habitude d'être l'unique objet des soins et de l'attention de son maître, aussi ce sentiment ne pouvait être que compréhensible, et comme beaucoup de choses, tout rentrerait dans l'ordre quand elle s'en irait.
Bien plus apaisé que la veille, Ivor revint tranquillement au campement, retrouvant sa piste erratique de la veille qui lui fit bien vite reprendre son chemin, alors que Skallag trottinait gaiement près de lui.

L'aube s'élevait doucement au-dessus des monts, et l'air ensoleillé par la lumière précoce embaumait les brumes et l'humus, pétillant de la vie remuant des sous-bois, entrelacé de chants d'oiseaux. Des échos se propageaient dans les cimes alors qu'on entendait le vent siffler sur les pierres, et le grand vol des aigles silencieux qui planaient en ombres lentes dans le ciel pur. Si la nuit et l'eau froide avaient apaisé les humeurs orageuses d'Ivor, cela n'avait en revanche rien changé à son état d'esprit chagrin; lorsqu'il revint près du feu, c'était soudain comme au premier instant, comme si rien ne s'était passé. Le visage froid, les yeux durs, comme si pas un mot n'avait été échangé, il ne la regarda qu'à peine, regrettant immédiatement d'avoir de nouveau posé les yeux sur elle alors que se dessinait encore dans son esprit les vestiges de la vision de son corps nu dans la nuit. Cela ne dura qu'un bref instant, une fraction de seconde, avant qu'il ne s'asseye, déposant près de lui sa tunique de cuir et son manteau qu'il avait portés sur son bras, ne portant que sa chemise sur le dos. Il y eut à peine un salut, un signe de tête, et puis plus rien. Ivor était de nouveau retranché derrière ses murs, dans la forteresse de son mutisme, et rien ne pourrait l'en tirer d'ici un long moment. Rien sur son visage ni dans son attitude ne laissait entrevoir l'agitation de son esprit, rien que la froideur morne et l'inertie d'un regard sombre. Il n'avait que trop parlé, trop dit, trop fait. Ces excès soudains ne lui ressemblaient pas, et il n'avait certainement pas l'envie de recommencer, quoique le destin leur réservât.

Sans un mot, il s'affaira à ses obligations du jour, vérifiant l'état de son équipement, refaisant son paquetage en vue d'un départ prochain. Il savait qu'Alyna était presque guérie, sinon déjà totalement, et n'aurait très bientôt plus besoin de lui, aussi il se hâtait de faire en sorte de pouvoir s'en aller dès que possible, le plus tôt étant le mieux, évidemment. Tout en vaquant à ses occupations, il réfléchissait à l'endroit vers lequel il irait ensuite, sur l'état de ses réserves et ce qu'il lui faudrait chasser, et tout ce qui occupait son quotidien. S'occuper les mains et l'esprit, tout valait mieux que de penser à elle. Cette femme louve n'avait que trop prit de son temps, empiété sur son espace, bouleversé son univers et réveillé d'échos dans le cimetière morose de son être. Heureusement, dépendant qu'il était de tout ce qui l'entourait, Ivor ne pouvait se permettre de rester inactif très longtemps, et cela eut le mérite de le distraire de ses rancoeurs vagues. Cependant, à mesure que le temps passait, occupé qu'il était à façonner une belle branche d'if pour en faire un arc, son esprit s'égara de nouveau. Le silence planait, les enveloppait, sillonné des murmures du vent et la présence d'Alyna semblait remplir tout l'espace, et il n'avait même pas besoin de lever les yeux sur elle pour savoir qu'elle était là, quoi qu'elle fasse. C'était comme la pierre qui perturbe le lit du court d'eau, presque rien et pourtant, sa simple existence changeait tout et c'était un tiraillement à l'extrémité de sa conscience, la brûlure au coin de l'oeil, la silhouette qui se dérobe, un souvenir qui le hantait. Il avait hâte de quitter cet endroit, et ce lac miroitant qui lui rappelait sans cesse l'éclat du clair de lune.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Dim 10 Fév - 0:11
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Elle se remit debout souplement une fois le tiraillement terminé et tira une dague, entendant Ivor revenir elle tourna la tête vers lui et comprit immédiatement qu’il ne voulait pas parler, il la regarda à peine. Mais... qu’est-ce qu’elle avait donc fait encore pour mériter un tel traitement, enfin peu importe, elle-même se sentait encore gênée de ce qu’elle avait vu. Sans un mot ni un autre regard au chasseur elle fit quelques mouvements comme si elle affrontait un adversaire, ses gestes restaient fluides, mais elle tiquait par intermittences, n’étant pas tout à fait remise, elle força cependant un tout petit peu pour assouplir les muscles qui répondaient à la moindre sollicitation. Elle jeta un coup d’œil à la dérobée à Ivor qui pour le moment s’affairait, avant de reprendre. Si les mouvements étaient fluides ils semblaient tout de même encore maladroits, peu assurés et elle continua donc quelques courtes minutes avant de s’accorder une pause. S’immobilisant elle croisa ses doigts pour tirer ses mains vers le haut.

Elle tira son arc de son carquois et y plaça la corde, puis se mit en position pour tirer, tendant la corde, mais sans avoir encoché de flèche, l’effort la fit grimacer légèrement quand sa peau se tendit, elle ramena cependant sa main jusqu’à sa joue avant de revenir à la position initiale, puis elle prit entre ses doigts une flèche à l’empennage d’azur et l’encocha, elle tendit la corde avec lenteur et une étrange grâce mortelle, prenant son temps elle laissa la plume à l’arrière de la flèche lui caresser la joue, puis libéra la corde le trait fila jusqu’à un tronc pour s’y enfoncer, mais déjà elle avait reposé son arc et prit sa dague, fermant les yeux, immobile, puis elle se mit en mouvement, lentement, plus assurée.

Elle accéléra ses gestes, pirouettant en silence comme pour éviter une attaque, ses cheveux accompagnant son mouvement en un miroitement embrasé, puis elle dépliait son bras comme pour trancher une gorge avant de reculer, se baisser, se déplacer sur le côté, couler à nouveau latéralement et se redresser en faisant un pas en avant, remontant sa dague comme pour intercepter une arme, sa main libre se plaçant contre le plat de la lame pour aider à amortir le choc, elle avança, pliant son coude et donna un coup dans le vide et se déroba une fois de plus. Vive comme le vent, aussi insaisissable que l’eau, mordante comme les flammes et souple comme le roseau. Elle poursuivit sa danse belle mais mortelle, remarquant que par moments il semblait la regarder, elle surprenait certains de ces mouvements, comme s’il fuyait sa vision. Cela l’agaça et elle accéléra ses gestes, augmentant leur précision. Puis, pour finir tenta un salto arrière, se réceptionna sur ses jambes, mais grimaça légèrement et lâcha un marmonnement mécontent, en se massant l’endroit de la blessure doucement.

Elle jeta un coup d’œil à Ivor qui ne la regardait toujours pas, pourtant elle l’avait aperçu du coin de l’œil détourner le regard, ce qu’il était laçant à la fin ! Il allait bien voir et devrait lui expliquer ! Elle s’approcha de lui en quelques enjambées souples et silencieuses, puis lui attrapa le menton fermement entre son pouce et son indexe pour lui tourner le visage, le forçant à croiser ses yeux, ceux-ci emplis de colère, frustration, de questionnements et incompréhension.


-Ça suffit maintenant ! Qu’est-ce que j’ai fait au juste pour que soudainement tu m’ignores ainsi hein ?!

Elle laissa monter un grondement dans sa gorge, son visage était à quelques centimètres à peine du chasseur. Son souffle contre sa peau, les battements de son coeur qui changeaient soudain de rythme et son regard gris emplissaient tout ses sens du toucher, ses oreilles et son champ de vision, elle se laissa happer par ces yeux, la frustration et la colère moururent en même temps que le grondement pour ne laisser que l’incompréhension et la tristesse qu’il la rejette aussi injustement sans raison alors que la veille il s’était ouvert à elle. La main qui maintenait le visage d’Ivor immobile trembla très légèrement, infime tressaillement continu qui témoignait de son émotion profonde. Bien qu’elle montrât peu souvent ses sentiments dans sa gestuelle, lorsqu’elle le faisait c’est qu’elle était puissante pour passer la barrière de son contrôle mental professionnel.
Qu’avait-elle donc fait pour cette injustice, elle l’ignorait, mais elle ne voulait pas qu’il la repousse, plus encore que la blessure qu’elle avait reçu c’était savoir qu’il soit à nouveau aussi froid avec elle qui la faisait souffrir, pas question qu’elle ne le lâche ainsi dans la nature alors qu’il refusait de lui parler.

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[Terminé] Tombée du ciel...? - Page 2 Sand-g10Dim 10 Fév - 19:06
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L'esprit fiévreux, Ivor tâcha de s'occuper les mains du mieux qu'il pouvait pour se distraire de ses songes égarés. Rien à vrai dire ne l'y aidait, et surtout pas ce qu'il entrapercevait parfois, quand au coin de son oeil apparaissait l'éclat de ses cheveux rouges, et qu'il portait alors sur elle un regard bref. Sous ses yeux confondus, il voyait son joli corps se tordre et ployer, et ses gestes vifs comme ceux d'un fauve, gracieux et mortels, dans l'acuité terrible de cette volonté forgée d'acier. Elle était belle, encore; bien trop pour qu'il ait le coeur à le supporter, d'autant que sa mémoire ne cessait de faire revenir à la surface le souvenir de sa vision nocturne.
S'absorbant dans son travail, il ne cessa cependant de l'observer à la dérobée, levant parfois les yeux sur elle, se détournant chaque fois qu'il risquait de croiser son regard, jusqu'à ce qu'il devinsse manifeste qu'elle l'avait remarqué.

Ivor eut un mouvement de recul quand elle s'approcha d'elle et le contact de ses doigts sur son visage l'ébranla d'un frisson qui le secoua jusqu'à la moelle. Son regard de fer se planta dans le sien, glacial et résolu, alors que rien ne laissait transparaitre son trouble soudain, pas un mouvement du visage, pas une expression. Immobile et sans coeur, comme une statue, bien qu'elle pouvait sans doute sentir son pouls sous ses doigts, le sentir s'accélérer soudain, alors que son visage était à présent si proche du sien... Ivor ne dit rien, d'abord; les paroles de la jeune femme avaient fusé comme une gifle, mais c'était l'effet escompté: que tu me haïsse, pourvu que tu me laisses en paix. Il fuyait, comme toujours, la repoussait parce qu'il avait peur, tout simplement; peur de ce qu'elle amenait avec elle, et le trouble, le désir et la flamme. Un soupçon de vie, le mouvement et l'animation là où tout n'était que mort et désolation, et cela il n'en voulait point. S'enfuir et ne plus souffrir, non, plus jamais.
La main posée sur son visage fut animée d'un léger, très léger tressaillement, mais Ivor mit cela sur le compte de la déception et de la colère qui animaient les yeux de la louve. C'était soudain si semblable à son rêve, et ses yeux bruns conservaient cette nuance d'or léger qui infusait leur couleur comme une réminiscence de leur flamboyance d'ambre jaune. Le souvenir de la sensation du baiser qu'elle avait donné en songe lui revenait, et avec lui le saisissement et l'horreur que lui inspiraient l'élan soudain qui l'attirait vers elle, irrésistiblement. Ses yeux vacillèrent soudain, juste un instant, pour se poser sur la bouche qui venait de prononcer ces paroles assassines. Si proche, si proche soudain, et l'envie n'en était que plus forte alors que tout s'emmêlait, la nuit, le jour, les paroles, les vestiges d'un rêve et le souvenir de son corps, la chaleur et le feu, et le poison, là, au fond de son regard...

Ivor s'arracha avec effort à cette insupportable proximité, se détourna d'un geste vif et reprit son ouvrage sans plus la regarder. Ses mains tremblaient, un peu, seul signe qui trahissait encore son trouble, ça, et les battements frénétiques de son coeur qui suffoquait de n'avoir plus ressenti pareil trouble depuis des années.

-Je n'ai pas de comptes à vous rendre à ce sujet, lâcha-il de sa voix grave.

Il lui devait encore la vie, cependant, et c'était bien la seule chose qui le retenait encore ici: une histoire de fierté et d'honneur, et rien de plus. Ivor était un homme de parole, et le regrettait parfois, il fallait bien l'avouer.
Son poing noueux se serra brièvement sur la branche qu'il façonnait, et il reprit son travail sans un mot de plus, le regard résolument fixé sur ce qu'il faisait, les dents serrées.
Il se rendait bien compte de son comportement, rustre et sans manières, mais c'était la seule façon qu'il avait de la faire fuir avant qu'il soit trop tard pour elle et pour lui. Il ne voulait pas de cet attachement, il ne voulait pas de son amitié, pas de ce qu'elle pourrait un jour ressentir pour lui, si tant était qu'un être de cette sorte pût un jour s'attacher à l'ermite sauvage qu'il était. Leur proximité grandissante, et les confidences échangées avaient été bien trop loin, et tout cela devenait bien trop grand, bien trop proche, bien trop important pour qu'Ivor puisse passer outre. Il fallait tout rompre, maintenant, quand il était encore temps.

Quelque chose en lui se sentait désolé par la tristesse soudaine qu'il avait lue dans son regard; il était surpris par cette peine, surpris de voir qu'elle semblait s'être un peu attachée à lui, mais cela était nécessaire. ça n'était pas la joie au coeur qui s'acharnait à rompre le lien, mais il ne savait que trop bien comment tout cela allait finir, et il ne voulait en rien prendre le risque de revivre tout cela une fois de plus.

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