Cela faisait une bonne vingtaine de jours qu'elles voyageaient. S'approchant de plus en plus de leur destination, la chaleur quasiment intenable, l'ange se remémora le début de leur périple pour penser à autre chose que la soif qui la tenaillait.

Après cette fameuse nuit, Yuki avait payé ce qu'elle devait à l'aubergiste et avait réveillé la petite aux aurores. Complètement endormie, elle avait du la porter jusqu'à la sortie de la ville. Son cœur battait la chamade et elle gardait la tête baissée, son visage caché sous sa capuche. Malgré son courage soi disant légendaire, elle était morte de trouille. C'est le ventre noué et la gorge sèche qu'elle franchit les portes de cette ville affreuse, soulagée de n'avoir eu aucun problème.
Une fois suffisamment loin de la cité, elle se retourna, nostalgique. Car oui, il ne s'était pas passé que des mauvaises choses là-bas. Elle avait fait la rencontre de gens merveilleux et s'était trouvé un nouveau but. Certes, ce dernier n'était pas des plus reluisant et ne l'aiderait peut être pas dans ses quêtes mais au moins elle avait l'impression d'avancer. Après avoir marché plus d'une heure en direction du sud, Cosmos sembla assez en forme pour marcher sur ses pieds. Elle n'était pas des plus lourdes, mais bon quand même... Voyager avec un poids sur le dos commençait à devenir pénible pour ses ailes, compressées entre le harnais et cette petite fille.
Lorsque la petite fille lui demanda de préciser leur destination, elle repoussa la requête de la main :

« Garde tes forces pour marcher, on parlera pendant la pause déjeuner. »

Le reste de la matinée fut calme, pour le plus grand plaisir de l'ange. Quand elle fut sure que personne ne les suivait et quelle avait brouillé les pistes, elle dessangla ses ailes et prit la petite dans les bras :

« Tu veux bien me tenir ma cape s'il te plaît ? Elle me gène pour voler »

Après un grand sourire, elle battit une fois des ailes, avec beaucoup de puissance et s'envola haut dans les airs. Elle savait pertinemment qu'elle ne pourrait tenir longtemps, mais c'est ce qu'elle avait trouvé de mieux pour brouiller le plus possible leurs traces. Elle contourna la ville par l'ouest et continua jusqu'à ce que le fleuve soit visible de très loin. Contrairement à de la marche, ce moyen de transport était bien plus rapide... mais son coût énergétique était lui aussi bien plus grand. Lorsque ses bras qui portaient l'enfant, se mirent à trembler, elle piqua vers le sol, repliant complètement ses ailes avant de les utiliser tel une toile de parachute, à quelques mètres du sol. Pourquoi avoir fait une telle chose ? Tout simplement pour optimiser la distance parcourue. Ainsi elle avait bien gagné quelques centaines de mètres ! Et elle avait fichu une peur bleue à sa compagne, certes. Ce qui la fit bien jubiler, il ne faut pas le nier. Mais Yuki était épuisée, et elle devait faire une pause pour regagner leurs forces.
Elles allèrent donc s'asseoir près d'un grand arbre qui les maintenait à l'ombre et Cosmos attendit patiemment (ou pas) les explications sur leur destination. Depuis que le petit oiseau les avait quitté, elle était toute triste, presque terne et la petite descente en piquée n'avait pas arrangé les choses.

« Très bien jeune fille. Donc... Nous allons... Attends. »

Elle reprit sa cape et sortit de sa poche une carte de Terra ainsi que le papier de la bibliothèque pour tout lui expliquer convenablement alors qu'elle déplia sa carte, elle farfouilla autour d'elle pour trouver de quoi écrire. Elle finit par tomber sur un bâton dont elle noircit le bout avec du maquillage. Comme on dit, à la guerre comme à la guerre! Dire qu'elle était la reine du système D serait exagéré... Mais à force de devoir se débrouiller seule, on finit par avoir quelques habitudes.
Elle traça deux grosses croix. L'une au nord de Sent'sura, l'autre un peu au sud de Dahalia.

Spoiler:

« Alors tu vois, nous sommes ici (dit elle en pointant du doigt les bonnes croix). Notre destination se trouve là. Comme tu peux le voir nous avons beaucoup de chemin à parcourir, et y aller seulement à pied prendrait des mois et des mois. Et d’après ce que j'ai compris, nous n'avons pas vraiment le temps de lambiner ainsi. Notre plus grand soucis, ce sont les changements de régions. En effet, comme tu le vois, notre chemin est barré par le fleuve, ici. Nous pourrions le contourner et passer par Drayame... Mais sans compter le temps limité dont nous disposons, c'est assez dangereux. Surtout que nous finirons par arriver en Flore... Et la, je ne peux pas garantir ta sécurité. Ni la mienne d'ailleurs... Enfin bref, comme tu peux t'en douter, il ne nous reste plu qu'une route. Qui est dix fois plus longue que de passer par le fleuve. Donc je suppose que ce n'est pas la meilleure des idée non plus. Nous devons embarquer sur un navire pour passer le fleuve... Seulement, il est très probable que je ne sois pas bienvenue dans tous... mais bon, ça j'en fais mon affaire. Sinon le second problème que l'on va rencontrer c'est de savoir si on passe par l'océan ou par le lac... Il serait plus sage de considérer la première solution. Ainsi nous serons rendu ici en moins de trois jours... »

Elle s'interrompit pour croquer dans la tranche de pain qu'elle avait prévu pour le voyage et laissa l'enfant assimiler les informations. Mais celle ci semblait perdue et au bord des larmes. En y repensant bien, l'ange avait fait un portrait assez pessimiste de leur trajet... Surtout pour ce qui est du temps perdu... Elle se maudit de sa propre bêtise et caressa la tête de la petite.

« Ne t'inquiète pas... On ferra tout pour arriver à temps »

Un sourire se dessina sur les lèvres de la fille pour la première fois depuis le début de la matinée et elles finirent leur repas en silence. Une fois prête, elles se remirent en route après avoir rangé leurs affaires. Yuki avait fini par remettre son harnais, bien que ses ailes étaient encore douloureuses. Elle ne pouvait pas se permettre de se trahir ainsi pour le bien de leur mission. C'était la première fois qu'elle prenait vraiment à cœur la cause de l'enfant... Et ça ne serait certainement pas la dernière. En marchant vers le port, elle lui montra le papier de la bibliothèque. L'illustration représentait un homme en lévitation, les jambes croisés et les yeux fermés.

« Voila la personne que nous devons trouver. Elle est censé pouvoir exaucer n'importe quel vœux... »

Elle essaya de cacher son scepticisme et rangea l'image dans une poche de sa cape... Il fallait vraiment qu'elle investisse dans un petit sac, ça ne pouvait plus continuer comme ça.

Le souvenir lui fit étirer ses lèvres sèches, arrachant son esprit à ce lieu merveilleux pour retomber durement sur la réalité. Passant son pousse sur sa bouche, elle se rendit compte que sa lèvre inférieure saignait... Si même les sourires étaient interdits par la chaleur....

Cosmos étouffait, la lourde cape la protégée certes du soleil mais elle ajoutait surtout un poids bien dur à porter pour un enfant. Yuki portait la même, sauf qu'elle n'avait pas dû en couper une partie pour l'ajuster à sa taille. Si on avait demandé, il y a moins d'une semaine, à la demi-dryade son avis sur l'enfer, elle aurait sûrement décrit ce désert. Du "vide" à perte de vue, un endroit où aucun arbre ne pouvait vivre. Le sable et le vent couvraient tout. C'est deux éléments, aussi sauvages et dangereux l'un que l'autre, dansait un pasodoble endiablé dans ce lieu qu'ils avaient fait leurs. La fillette perdait peu à peu la notion de temps, depuis combien de temps marchaient elles? Des heures, des jours... Peut-être plus?

Pourtant leur voyage avait bien commencé. Cosmos avait été émerveillé par les différents paysages qu'elles avaient dût traverser, en particulier les lacs. Pour un enfant qui n'avait jamais vu d'étendue d'eau plus grande qu'une grande flaque après l'orage, ce fut un choc. Elle se souvenait avoir appréhendé la traversée en bateau. Un bateau cela n'avait rien de rassurant. Il était de bois mais ne parlait pas, et ça grinçait de partout ces embarcations. Mais au final cela c'était plutôt bien passé.

Le plus difficile à vrai dire fut le départ de la capitale et les adieux de Piwie. Le fidèle moineau savait bien que hors des villes ou des forêts il n'était pas d'une aide précieuse loin de là. Cosmos et lui se promirent de se revoir à Drayame une fois le quête de la fillette accomplie. Durant une partie du trajet la fillette ne souriait, ni ne parlait, l'absence de son compagnon à plume se faisait douloureusement ressentir.

La chaleur atteignait maintenant son maximum. Et ils leur restaient encore beaucoup de trajet, leur objectif était encore loin. Elle devrait toutes les deux passaient une nuit dans cet enfer. Cette nuit Cosmos la craint. Dans la forêt, les arbres sont les gardiens des dryades sous les étoiles, et dans les plaines tout était calme et Blackhost était à ses côtés. Mais ici même le sol devenait une ennemie mortelle, comment dormir en ayant la peur de se réveiller ensevelie ou d'être mordu par un serpent.

Trop absorbait par ses réflexions la demi-dryade manqua un pas, glissant sur le sable brulant. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle était entourée de ce qui semblait être les restes d'une caravane. Là se déséchaient toiles, bois et ossement. Cosmos se redressa péniblement, elle n'était heureusement pas blésée, ses ailes fragiles savaient été protégées par l'épais tissu de sa cape. Le décor qui l'entourait la fit frémir, ce lieu était empreint de mort. Un éclat de lumière l'aveugla un instant, comme hypnotisé elle se dirigea vers sa source. Couvert de sable un bout de métal brillait au soleil. La fillette déterra l'objet de ses petites mains, c'était une dague, mystérieusement intacte malgré le temps et le désert. Longue et encore aiguisée, la lame brillait comme vivante. Un cristal vert surmontait le pommeau, celons l'angle où l'ont le regardait il changeait inexplicablement de nuance. L'enfant, fascinée, caressait l'arme, sur un côté un nom était gravé:
«Serket»

La marche durait, durait et durait encore. Il n'y avait rien à l'horizon mit à part du sable. Comment pouvais t on se diriger sur une telle étendue sans aucuns repères pour nous indiquer le chemin à suivre ? Heureusement qu'elle avait acheté cette boussole lorsqu'elle était arrivé au port !

Elles ne mirent pas longtemps à arriver dans le port tout au nord de Sent'sura. Cette grande ville, dernier barrage entre l'eau et la terre, se dressait tel une langue de pierre tout le long des eaux. Inutile de dire que la petite était tout excité et extasié de voir tant de nouvelles choses. Elle allait mieux depuis quelques heures deja, à croire que les nouveaux paysages lui permettaient d'oublier l'absence de son compagnon à plumes... Et dire que cela enchantait Yuki n'était pas loin de la vérité ! Cette petite boule de plumes l'avait agacé au plus haut point ! Vraiment,elle n'avait aucune patience. Retenant la gamine par le bras, elle l’entraîna près des quais et la fit s’asseoir au bord de l'eau.

- Bon alors, nous allons prendre un bateau... Je suppose que tu ne sais pas ce que c'est ? Eh bien tu vois les grosses caisses qui flottent sur l'eau ? Ce sont des bateaux ! Mais avant d'embarquer la dessus, il va falloir que l'on fasse quelques achats... Et vu que les gens du coin peuvent être particulièrement... euh... Enfin bref ! Tu ne t’éloignes pas d'une semelle de moi sauf quand je te dis de pas bouger de l'endroit ou tu te tiens, d'accord ?

Une fois assurée que la gamine avait bien tout saisi et qu'elle se tiendrait tranquille comme convenu, elle lui demanda de lui donner quelques unes de ses... billes. Ce faisant, elle la mit debout en l'attrapant par le col de sa robe et s'enfonça dans la ville en direction du marché ambulant. De nombreuses personnes se retournèrent sur la femme toujours vêtue de sa petite robe légère. Elle fit avancer l'enfant à un rythme bien trop soutenue pour ses petites jambes et ne s'en rendit compte que lorsqu'elle poussa une plainte de douleur. Ce que les enfants pouvaient être des poids !

-Excuse moi, je pense toujours que tes jambes sont aussi longues que les miennes...

Elle avait beau plaisanté, elle s'en voulait un peu d'utiliser cet enfant pour son propre compte. Mais bon ! Elle n'avait pas vraiment le choix... Après leur avoir trouvé des tenues plus adaptées à toutes les deux, elle dut convaincre l'enfant de passer un short sous sa robe et ce fut pas une mince affaire... Elle leur prit à toutes les deux deux tee-shirts blancs et un short noir ainsi qu'une cape, plus ou moins semblable a la sienne pour la petite. De même, elle s'acheta une petite besace pour ranger toutes ses possessions, aussi maigres soient elles. Avec le reste de la vente de la première pierre, elle leur prit des petites chaussures de toiles et des provisions.
Elles s'assirent quelques instants pour profiter d'un délicieux petit repas, certainement le dernier chaud avant un long moment... Yuki n'eut aucun scrupule à profiter de cet instant pour passer les petites chaussures à la demi dryade et de se dévêtir pour enfiler les vêtements qu'elle venait d'acheter, provoquant des remouds dans la foule. Un homme en particulier s'était arrêté, les observant toutes les deux, sans être dérangé par la pseudo nudité de l'ange.
Un petit sourire au coin des lèvres, Yuki demanda à l'enfant de rester bien sagement sur place alors qu'elle devait s'occuper d'une petite affaire personnelle. Son plan avait fonctionné. Grâce à son manque de discrétion, que ce soit pour la vente de la pierre, le marchandage des biens ou son changement de tenu en plein milieu de la place... Ainsi ses ennemis savaient qu'elles étaient là. Et elle pourrait s'occuper de tous ses gaillards d'un coup, évitant ainsi d'être suivi tout au long de son périple. Elle partit dans une plus petite ruelle et... s'occupa de tout ce petit monde...
Lorsqu'elle revint vers le banc,presque une heure plus tard, son sang se glaça dans ses veines. La petite n'était plus la ! Partant en courant dans l'autre direction, elle l'appela à tue tête, la maudissant intérieurement. Sans elle, elle était complètement coincé ! Non seulement, elle perdait l'argent qui lui permettait de continuer le voyage, mais aussi qui lui empêchait toute retraite vers quelque autre endroit que ce soit. Et même si elle ne voulait pas se l'avouer, elle commençait vraiment à s’inquiéter pour la petite fille.
Finalement elle la retrouva devant la devanture d'une épicerie fine, les bras pleins d'herbes... Qu'avait elle fait comme bêtise ?!

-Mais qu'est ce que je t'avais dit ?! Ça ne va pas de disparaître ainsi ?! Tu m'as fait la peur de ma vie !

Une partie des feuilles tombèrent et l'enfant la regarda les larmes aux yeux. Avec un soupir, l'ange ramassa les herbes et lui mit les mins sur les épaules :

-Écoute, ce n'est pas si grave... Mais ne me refais plus jamais ça... Et attends moi pour faire des achats ou tu vas te faire avoir ! Ah... Bon allez viens.

Elle lui prit gentiment la main une fois que les feuilles se trouvaient en sécurité dans sa besace avant de l'amener vers un grand trois mats. En chemin elle lui expliqua les quelques informations qu'elle avait obtenu lors de son... entrevue musclée et leur montra leur prochaine embarcation. Elles n'allaient pas passer par l'intérieur des terres mais par l'océan afin de gagner le maximum de temps. Mais avant cela il fallait se procurer une boussole. Expliquer l'utilité de l'instrument fut un moment plus qu'épique ! Mais au terme de plusieurs explications différentes l'enfant sembla en saisir le sens.
Elles allèrent donc auprès d'une vieille femme quérir l'objet tant convoité. Après de longues tractations, l'ange réussit à arracher l'objet si fragile et important à deux billes ! L'enfant insista pour prendre l'objet en cuivre dans ses mains :

-Tu y fais très attention...C'est extrêmement précieux... Et sans cela on ne pourra jamais retrouver la personne capable de soigner ta mère...

L'expression que fit à ce moment Cosmos resta graver dans la mémoire de Yuki...

Un grand bruit la tira de son songe provoqué par la chute de Cosmos... Et sa disparition ! Combien de temps elle perdit à la chercher ? Retrouvant une force qu'elle ne savait plus posséder, elle tournait en rond en criant son nom. Finalement à bout de forces, elle tomba et brisa la boussole serrée dans sa main. Les larmes qu'elles retenaient ne vinrent pas, tarit par la chaleur ambiante. Tout était perdu... a cause d'un moment d’inattention. Elle ferma les yeux, acceptant la mort qu'elle avait si souvent repoussé...

[FIN]