- Macabre a écrit:
- Fendägorn veut faire sa vie en dehors de sa communauté mais il ne peut échapper aux nouvelles du monde qui entoure la forêt. AT a déjà menacé leur forêt par les flammes, et les elfes en sont réduits à le servir. Un jour, un elfe a la curiosité de demander au satyre ce qu'il en pense, raconte sa réflexion et sa réponse.
La nuit tombait, et Fendägorn était
heureux de s'être trouvé un endroit pour dormir à moindre frais dans la cité des arbres, avec l'argent qu'il avait récolté en dansant dans la rue. L'auberge était propre. Petite mais propre. Et même s'il n'avait pas été accueilli à bras ouverts, Fendägorn trouvait l'endroit
tout à fait charmant pour un début.
Il essaya de songer à ce qu'il avait vu dans la journée. Des elfes, bien entendu, des marchands, des maisons, des lumières. Il lui semblait que des images flottaient autour de lui et l'éblouissaient à chaque fois qu'il posait les yeux dessus.
Et par-dessus ces images flottantes auxquelles se mêlaient des odeurs de ville fleurie, d'elfe, de parfum et d'air frais, il voyait les images de Faillargent. Sa mère, ses frères, puis les anciens. Toujours assis en tailleur, souriants, bienveillants. Ils connaissaient son opinion du monde, et la respectait. Comme il respectait sa mère, ses frères et les anciens.
Fendägorn loucha sur le bol de liquide vaporeux qu'il serrait entre ses mains fébriles. Il y avait une grosse quantité de choses inconnues là-dedans, Mais le satyre distinguait très bien les saveurs d'une puissante fermentation d'arômes et de fruits. L'alcool lui montait doucement à la tête, et il se sentait merveilleusement bien.
L'image de son père s'imposa à son esprit. Il venait toujours à lui quand il était pris par l'alcool, les drogues satyres ou quand Fendägorn se sentait bien et tendait à oublier son oeuvre de vie. Son père était là pour lui
rappeler.
Cette fois, ce furent les paroles prononcées pendant leur dernier rêve commun qui résonnèrent dans sa tête.
"Fendägorn de Faillargent. Mon fils. Je connais ton choix et ton désir de bien faire pour Drayame. Je suis de tout coeur avec toi. J'aurai fait le même choix.
_ Père, je lutterai pour la Nature. Je vous le promets"Fendägorn savait pertinemment ce dont parlait son père. Son choix pour Aile Ténébreuse.
A mots couverts, bien entendu, les satyres espéraient plus que tout une victoire rapide. Peu leur importait le camp des vainqueurs. Longtemps coupés du monde, ils ne savaient pas grand chose des forces qui s'affrontaient. Pour eux, la victoire signifiait la paix, et donc la
fin de la destruction. Et la possibilité d'honorer la Nature.
Fendägorn, comme la plupart des autres satyres, vénérait la vie sous toutes ses formes. Il ne lui serait jamais venu à l'idée de se rapprocher de Nayris.
Le satyre frissonna à cette idée, et but une autre gorgée de liquide vaporeux. Très sucré.
Il songea ensuite à Glace. Loin, de l'autre côté de la grande eau. Impensable. Il se demanda si un seul satyre y avait jamais mis les sabots. Peu probable, il fallait d'abord survivre à la vision cauchemardesque d'une
immense étendue d'eau agitée et remplie de créatures avec des dents.
La plupart des cauchemars des satyres (quand ils ne rêvaient pas en commun) se centraient sur la peur de l'eau profonde. Fendägorn s'était déjà retrouvé immergé dans une mare jusqu'à la taille. Il avait paniqué comme un satyre pas encore corné. Impossible de voir ses sabots. Il avait senti des
choses tourner autour de ses jambes, la vase l'aspirer vers le fond, l'eau froide le pétrifier et le tétaniser.
Plus jamais il ne s'approcherait des mares.
Fendägorn finit son bol de liquide sucré vaporeux. Et il leva la main pour en commander un autre. De l'autre, il fit glisser quelques piécettes sur la table. Dans les vapeurs de l'alcool, toutes les pièces se ressemblaient. Une main fine aux doigts étonnamment longs passa sur les piécettes, et amena un nouveau bol plein. Fendägorn eut la vague impression qu'il était un peu plus gros que l'autre.
Peu importait, le liquide était bon et doux. Il s'en empara avec avidité.
"Bonsoir, petit bouc"Fendägorn leva la tête lentement. La terre tourna, les murs valsèrent légèrement. Le satyre balbutia quelques choses d'une voix un peu égarée. Excellent ce nouveau bol. Il se contenta de désigner le banc pour inviter son interlocuteur à s'asseoir. Par Ingwë, pas moyen de fixer le visage de celui qui lui parlait. Un elfe? Surement.
L'autre s'assit avec grâce.
"'puis-je faire pour vus, s'gneur 'lfe?
_ Eh bien, vous pouvez satisfaire un elfe très curieux. Voyez vous, il est rare de croiser des gens de votre espèce par ici, et je n'ai jamais eu l'occasion d'avoir une aimable conversation avec l'un des vôtres. Si vous acceptez ma présence.
_ 'Vec plaisir."Fendägorn, en bon satyre civilisé, leva une main mal assurée pour commander un de ces breuvages excellents, pour l'elfe. Et il distribua sans compter quelques autres pièces.
Ils attendirent que la commande arrive pour commencer à parler. Fendägorn se sentait vraiment bien ce soir, et il avait vraiment envie d'un peu de
compagnie.
"vous buvez pas?
_ non, rarement."Fendägorn eut une moue déçue. Puis il haussa les épaules. L'autre ne semblait pas pressé de parler. Il observa le satyre finir son bol et entamer sans broncher le troisième. Ils restèrent silencieux quelques instants encore.
"Bon. Qu'est-ce que vous v'lez savoir? demanda finalement Fendägorn d'une voix pâteuse
_ Nous avons toute la nuit pour parler, petit bouc. Reprenez donc un peu de ce délicieux vaporeux"Fendägorn hocha la tête. Il avait tout son temps. Il était corné. Enfin. Bon, il était très loin de Faillargent, mais il avait du temps. Beaucoup de temps. Il saisit d'une main ferme le bol et but de grandes gorgées. Puis il soupira d'aise. La rumeur de l'auberge s'éloignait doucement... Il commençait à entendre les fleurs chuchoter à son oreille...
"Hey! Ho! Ne vous endormez pas, petit bouc!
_ Oh, pardon. C'le voyage, c'était loooong...
_ La nuit avance petit bouc. Il est temps de parler maintenant. Vous croyez en dieu? Je veux dire... En quel dieu?
_ La Nature. J'crois en la... Natuuuure. Et Ingwë aussi. L'est bien lui. Bon dieu. Cool. C'le Dieu de la forêêêêt, et ouêêê mon gars!
_ C'est bon, ça va, ça va. Et les satyres savent ce qu'il se passe... Hors de Drayame?
_ Hein?!"L'elfe s'approcha un peu plus du jeune satyre qui dressa l'oreille.
"Aile Ténébreuse. Nayris. Tout ça, petit bouc. Qu'en pensent les satyres?
_ Pas grand chose, mon gars! Pas grand chose! On veut juste... Réééétablir la Nature! La Nature! LA NATURE!
_ C'EST BON! Moins fort, petit bouc, faites attention.
_ Ouais. 'Pis Nayris c't'une sal...
_ Taisez-vous! C'est bon, ça va, j'ai compris."Fendägorn leva un sourcil interloqué. La tête commençait à lui tourner. Il ferma les yeux et immédiatement des
hurlements stridents retentirent dans sa tête. Les chuchotements de milliers de plantes amplifiés, déformés, éclatants. Le jeune satyre pensa que sa tête aller exploser. Et par-dessus ce vacarme, une voix grondait
"Réveillez-vous, réveillez-vous petit bouc!"Fendägorn jaillit de sa torpeur avec angoisse. Ce phénomène ne lui était jamais arrivé. Il jeta un coup d'oeil inquiet autour de lui. Les murs avaient cessé de tanguer, et sa tête ne lui faisait plus mal. Il se sentait un peu
nauséeux, mais étrangement alerte. Le jeune satyre remua lentement les doigts, mais rien ne lui obéissait. Pas très clair tout ça.
"L'alcool, jeune pousse, est un breuvage dont il faut se méfier.". Oui les anciens. Il comprenait maintenant. Il ne contrôlait plus grand chose, mais son esprit semblait répondre bien plus vite que d'habitude. Il saisit tout de suite le regard de l'elfe, sa posture. Il remarqua pour la première fois deux autres elfes beaucoup plus costaux postés derrière eux.
"Il parait enfin sous l'emprise du breuvage. On peut commencer les questions sérieuses"L'emprise du breuvage... quoi?!
"Bon. D'où viens-tu?
_ Faillargent." Fendägorn avait répondu sans réfléchir. Il se tortilla, mal-à-l'aise.
"C'est bien. Depuis combien de temps es-tu ici?
_ Deux jours. Bientôt trois.
_ Où sont tes parents?
_ A Faillargent.
_ Tu connais le chemin pour y aller?
_ Oui
_ Tu peux nous le montrer si je te le demande?
_ Oui"Fendägorn jeta un regard paniqué autour de lui. Mais l'auberge s'était peu à peu vidée, à cette heure tardive. Ils étaient seuls, et le satyre ne savait pas du tout ce qui lui arrivait. Tout semblait se précipiter.
"Que penses-tu de Nayris?
_ C'est la déesse de la Mort. Les satyres vénèrent la vie, pas la mort. Nayris n'aura jamais mon soutien.
_ Bien... Et que penses-tu de... disons... d'Aile Ténébreuse?"Au vu de la tournure que prenait la conversation, Fendägorn s'était attendu à ce que l'elfe lui pose cette question. Mais encore une fois, les mots jaillirent sans qu'il puisse les en empêcher.
"Aile Ténébreuse peut gagner la guerre. Et ramener la paix sur Terra assez longtemps pour que nous puissions réinstaurer le règne de la Nature."L'elfe accusa le coup sans rien dire, hocha la tête et inspira
très fort.
"Et si Aile Ténébreuse prenait le contrôle de Drayame. Ta chère forêt. Que ferais-tu?
_ Je rétablirais le règne de la Nature. Et je chasserais Aile Ténébreuse.
_ Tu as une foi absolue envers la Nature. Que penses-tu de Zelphos?
_ Peu importe Zelphos. Je vis sur Terra. C'est de Terra dont je me soucie"L'elfe secoua la tête en pinçant les lèvres. Il semblait totalement désappointé. Finalement il se leva, et Fendägorn se leva aussi. Trop vite. Les murs tanguèrent et il dû se rasseoir, le souffle court. Il y eut un coup sourd, et ce fut le
noir.
Il sentit tout d'abord le sol. Chaud encore de la journée. Il y avait une multitude de bruits. Il se trouvait surement dehors. Fendägorn hésita à ouvrir les yeux. Il avait mal partout, et la tête lui tournait, même allongé. Ses oreilles bourdonnaient, et il avait la nausée. Ses pensées dérivèrent, et s'immiscèrent dans les plantes alentour, dont il sentit la vive énergie. Il se trouvait dans une ruelle en bordure de la cité des arbres, peu fréquentée, cachée par d'énormes racines. A cette heure de la nuit, peu d'elfes sortaient de leurs arbres, ou de leurs maisons.
Le jeune satyre roula prudemment sur le côté, pour se mettre debout. Il y eut des chuchotements, des grondements. Fendägorn ferma les yeux et se mit lentement à genoux. Au bout d'un moment, il parvint à tenir debout, en s'appuyant sur le mur le plus proche. Non, pas un mur. Un arbre gigantesque.
Il rouvrit les yeux, promena son regard autour de lui. Il y avait cet arbre immense sur sa droite, et devant, la forêt. Et à sa gauche, une petite troupe d'elfes silencieux.
Roulé. Il s'était fait avoir comme une jeune pousse. Le jeune satyre eut soudain très envie de retourner à Faillargent et de se blottir dans les bras de sa mère. Comme il le faisait quand il était plus petit et pas encore corné.
Mais il se retint. Un satyre corné devait être fort. Sinon, ses frères penseraient que Fendägorn n'était bon à rien. Il se redressa douloureusement avec un regard plein de menaces envers les elfes. Qui réagirent aussitôt, comme s'ils n'attendaient que ça.
"Petit bouc! Destructeur de forêt! Les démons ne te ramèneront pas ta chère Nature!"Fendägorn haussa les épaules. Il voulait partir. Mais il reviendrait surement. Et ce serait peut être pire. Il voulait
vraiment pleurer. Jamais il ne serait un grand satyre.
"Les démons vont raser Drayame! Tu fais le mauvais choix!"Le
mauvais choix. Peut-être. Fendägorn eut l'impression que son monde s'écroulait. Tout à coup, son mal de crâne reprit.
"FENDÄGORN DE FAILLARGENT! TU ES MON FILS!" La voix de son père hurla dans sa tête, le jeune satyre se mit à crier. Il détestait penser à son père comme ça. Mais quand il se tourna de nouveau vers les elfes, son regard brillait d'intensité.
"Aile Ténébreuse est celui qui pourra nous sauver, nous et notre forêt! La Nature est forte mais ne peut écraser qu'un seul de ses ennemis à la fois! Laissons Aile Ténébreuse dominer les autres, la Nature aura le pouvoir de renverser le démon! Et le monde sera EN PAIX! Vous ne comprenez rien à rien!"A peine Fendägorn avait-il hurlé ces mots qu'il détala de tout son long. Il courut vite, loin, à perdre haleine. Il distinguait à peine les arbres et les ombres à travers ses larmes. Une réaction de jeune pousse, de
bébé. Il ne pouvait pas avoir fait le mauvais choix. Il avait le soutien de Faillargent pour cela. Ils soutenaient son oeuvre de vie. Mais s'il se trompait? Si son oeuvre ne valait rien?
"Je suis fier de toi, Fendägorn de Faillargent". S'il se trompait?
"j'aurais fait le même choix à ton âge". Et si tout ça ne rimait à RIEN?
Il trébucha et tomba face contre terre. Elle était chaude, humide, et douce. Le jeune satyre se retourna sur le dos en pleurant et aperçut quelques étoiles à travers la voûte des arbres. Sa respiration se calma. Il se sentait mieux.
"Ce ne sont pas les conséquences de nos choix qui font l'homme, mais la difficulté d'avoir le droit de choisir.
Ce ne sont pas les conséquences de nos choix qui font l'homme, mais la difficulté d'avoir le droit de choisir.
Ce ne sont pas les conséquences de nos choix qui font l'homme, mais la difficulté d'avoir le droit de choisir.
Ce ne sont pas les conséquences de nos choix qui font l'homme, mais la difficulté d'avoir le droit de choisir."Il se sentait
vraiment mieux.
[Finie!]