An XX
Village dans les Plaines.
Ce n'est pas juste... Pourquoi moi ? Mais Dame, pourquoi cela n'arrivait-il qu'à moi. Si tant est que j'ai enfin un mois de repos, voilà que je ne savais qu'en faire. Du temps perdu. J'avais l'impression de voir s'écouler les grains de sable d'un sablier, cette horripilante poussière qui narguait qui l'observait s'écouler avec une lenteur monotone. Il semblait dire "Regardez-moi ! Je coule, je coule et je m'écoule sans que quiconque puisse m'arrêter. Et chaque seconde que tu perds, chaque grain qui glisse rejoindre ses compagnon en une fine pluie, c'est un temps que tu ne reverras jamais. Regarde, regarde comme tu perds ton temps. Et le temps est précieux..."
Soupirant pour la énième fois dans la minute -j'avais fini par en perdre le décompte- je me laissais aller dans le village, ne prêtant aucune attention à se qui m'entourait. Du moins, c'est ce que je pensais. Certes, les bruits de la rue sourdant à mes oreilles n'était semble-t-il qu'un lointain bourdonnement de gens vaquant à leurs activités; allant du groupe de gamins se courant après en criant, jusqu'aux vendeurs qui semblaient se concurrencer en hélant plus fort que l'autre dans l'espoir de vendre sa marchandise à un passant crédule. En passant par les commères aussi bien de la gente masculine que féminine, se racontant les dernières nouvelles, les potins. La seule différence entre les deux ses allant généralement quant au sujet principal de conversation. Tout cela étouffait vaguement le chant lointain des oiseaux volant dans le ciel ou perché sur un toit à proximité. Et par-dessus tout, réclamant sa place de droit, le soleil venait rappeler que l'été commençait seulement et qu'il serait rude pour les imprudents cette année.
L'air étouffant n'aidait guère à garder l'esprit froid et gagnait de plus en plus sur ma patience déjà entamée par mon incompétence à profiter de mon repos. Je sautais presque littéralement sur le premier abri qui passa à ma portée et me réfugiais à l'ombre de celui-ci. Une fois en sécurité de l'attaque du soleil, j'observais plus en détail mon environnement. Une bâtisse plutôt accueillante dans l'ensemble où plus d'un marcheur avait eut la même idée que moi, soit de s'abriter certainement jusqu'à ce que l'ardeur pesante daigne bien s'apaiser. L'intérieur était assez grand pour ne pas oppresser ses clients, offrant plusieurs tables espacées les unes des autres. Plusieurs étaient vides, ce qui était surprenant vu la température extérieure. Toutefois, je ne m'en plaignais pas. Ce serait à la fois ombragé et plus calme. Et quitte à être ici, je m'offrirais bien une collation !
Fière de ce que je pense être la première -la seconde si on comptait le fait de venir ici- bonne idée de la journée, je m'installais à une table.
- Bonjour ma dame ! Je peux vous servir quelque chose ?
- . . . . .
Je dû bien rester deux minutes entières à contempler la personne qui venait de m'aborder, la bouche à demi-ouverte et me retenant de dire "Toi ?". Leyna en pleine contemplation béate d'un homme. Cette journée prenait une tournure étrange mais sur le moment, je ne pensais à rien d'autre qu'à cette perfection masculine que j'avais sous les yeux. C'était bien la première fois que je voyais il me semble, pareille créature et durant la seconde de lucidité qui traversa mon esprit, je me demandais s'il était de la race des incubes. Seule cette espèce avait un effet similaire sur toute femme qu'il voulait à coup sûr sous son charme et quelque part, je n'arrivais pas à considérer qu'il avait réussi à me faire oublier tout ce qui m'entourait, afin de n'avoir d'yeux que pour lui. Je m'en serais voulu d'être aussi faible. Du moins... seulement un peu. Après tout, il fallait se l'avouer. Cet homme était juste l'incarnation de l'idéal masculin. Ses cheveux châtains auraient pu porter le blond des blés ou le noir le plus envoutant qu'il aurait eut le même effet. Oui, envoutant c'était le mot qui le définissait le mieux.
- Mademoiselle ? reprit-il en arquant un sourcil.
Mon immobilité devait sans doute commencer à l'inquiéter. A savoir s'il pensait que j'étais folle, ou alors que j'avais une crise et qu'il ferait mieux d'appeler un guérisseur au plus vite. Battant des paupières à une vitesse que je ne m'en serais cru capable, je m'éventais de la main, prétextant avoir eut un petit malaise -ce qui était à moitié vrai- et lui adressait un sourire penaud, bien qu'un peu plus présente que tantôt.
- Excusez-moi, cette chaleur me fatigue un peu... Que me proposez-vous pour me rafraîchir ?
- Hmm... Un sirop glacé aux baies. Si vous le prenez, je vous conseille une part de flan au miel avec ça. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il est très léger et se marrie à merveille à cette boisson.
- Eh bien, je vous fais confiance !
- Je vous apporte ça tout de suite.
Le petit clin d'oeil qu'il fit ne manqua pas de faire raté un battement à mon coeur mais bizarrement l'idée que c'était lui qui me rapportait la commande et donc de le revoir, me fit sourire tandis qu'il s'éloignait.