- Citation :
- Raconte ton retour à la maison auprès de tes proches -suite à ta désertion de l'armée- et le rejet qu'ils t'opposent alors. Tu insisteras sur ton ressenti des choses et ce que tu décides de faire en conséquence (vivre isolé dans la Montagne...etc).
« N’épargniez rien ni personne » Tout d’abord, ce ne fut qu’un bourdonnement lointain. Le tumulte se rapprocha rapidement, une vague de plus en plus dense, insistante, ponctuée de cris de femmes ou d’enfants. Le ciel orageux se teinta de rouge. Ils arrivaient, l’armée de la peur, des hommes couverts de sang avec des mines de chiens affamés ivres de vin et de carnage. Tous étaient possédés d’une sorte de fièvre atroce qui les faisait ressembler à des monstres enragés, agités par une folie meurtrière.
Et puis plus rien… Un silence de fin du monde…
Une terre balayée par une vague de désolation.
Sur cet espace de mort gisaient les cadavres ensanglantés des suppliciés qui avaient pour seul tort de s’être trouvés là au mauvais moment. Rien n’avait résisté à cette ruée hystérique… Les ténèbres avaient maintenant pris possession du lieu, répandant leurs ombres tentaculaires sur cet endroit autrefois plein de vie.
Un vent glacial se lève. Avant de rejoindre les limbes, des âmes perdues errent encore.
« Pourquoi tu as fait ça? »
« Pourquoi, Jehan ? » Jehan se réveilla en sursaut, haletant, le corps plein de sueur malgré la fraicheur de la pièce.
Encore ce cauchemar, celui qui hantait ses nuits depuis des semaines. Sa tête semblait prête à exploser tant la douleur était intense, il avait sans doute abusé de ce mauvais vin qu’on lui avait servi la veille. Il buvait pour oublier, pour ressentir l’espace d’un instant ce moment magique où ses souffrances s’éteignent pour laisser place à quelques bonheurs éphémères. Mais la réalité le rattrape toujours, de plus en plus violemment.
Il faisait encore nuit dehors lorsqu’il quitta son lit. Il effectua une rapide toilette puis avala les restes d’une miche de pain qu’il avait gardé dans son sac de cuir, sans faim, juste par habitude. Il connaissait bien les lendemains de cuites, mais sans s’y habituer pour autant. Son crâne menaçait de se fendre et ses nausées allaient bon train.
Il décida de reprendre la route. Il alla chercher son cheval à l’écurie et le scella rapidement. Les premières lueurs de l’aube illuminaient déjà le ciel de milliers de reflets rosés. Il espérait que la fraîcheur du petit matin lui ferait le plus grand bien. Il n’était plus très loin de la maison familiale maintenant. Son cœur se serra. Cela faisait 12 ans qu’il était parti, autant dire une éternité ! Allait-il seulement les reconnaître ? Que pourrait-il leur dire après tout ce temps ?
Ils n’avaient jamais été vraiment proches, mais son père et ses deux frères étaient les dernières personnes à qui il pouvait se raccrocher aujourd’hui.
Après une heure de route sur les chemins escarpés de montagne, il entra dans le village de Sola et parcouru les rues encore embrumées par le petit matin. Le lieu semblait encore endormi. Quelques corbeaux se battaient un morceau de nourriture, un chat sautait sur de vieux barils en bois.
Une vielle dame ouvrit ses volets pour laisser entrer la lumière. Elle s’arrangea lentement les cheveux puis tendit son visage au soleil.
- Bonjour Madame Lefay ; lança-t-il
Elle se tourna vers lui en souriant, elle voulu dire quelque chose mais son sourire se crispa en une horrible grimace. Un violent flash de terreur sembla traverser le regard de la septuagénaire. Elle laissa échapper un petit cri puis referma avec hâte ses volets.
- Toujours aussi aimable la vieille ! Il tourna les talons et s’avança dans la rue où il avait tant joué lorsqu’il était enfant. Il aperçu, tout au fond, la maison familiale. Elle se situait au milieu d’un carré de jardin planté de diverses plantes aromatiques. L’édifice était cossu : deux étages, des murs montés en pierres de taille avec de larges fenêtres. Tout indiquait l’opulence de ses habitants. Pourtant, le bâtiment semblait triste, et l’entretien n’avait pas du être fait depuis longtemps.
Il descendit de scelle et installa son cheval dans l’écurie de ses parents après lui avoir flatté l’encolure. Il frappa à la porte d’entrée. Personne. Du bruit provenait de l’atelier qui jouxtait la maison. Il s’avança, poussa la porte de bois et demanda, sans attendre de véritable réponse, simplement pour signaler sa présence:
- Il y a quelqu’un ? Il pénétra dans la grande salle et y trouva son père, le nez dans ses livres de comptes, et ses deux frères, occupés à travailler minutieusement des bijoux scintillants. Ses frères n’avaient pas vraiment changé, ils avaient mûri, et ça leur allait bien. Par contre, son père semblait avoir prit 20 ou 30 ans. Il avait beaucoup maigri, sa chevelure était devenue blanche et il se tenait vouté comme s’il portait tout le poids de la terre sur le dos. Tous trois posèrent les yeux sur lui et leur visage se crispa, comme celui de Madame Lefay quelques minutes plus tôt. Son père laissa tomber son encrier sans même y prêter attention.
- Qu’est… qu’est-ce que tu fais là ? demanda-t-il doucement
- Bonjour papa ! - …Jehan observa les trois hommes, sans comprendre leur étrange comportement. Il ne s’attendait pas à des retrouvailles chaleureuses, mais un accueil aussi froid le surprenait. Il était parti longtemps, il est vrai, mais n’avait pas changé au point de faire peur.
- Pourquoi vous faîtes ces tronches ? Quelqu’un est mort ? - Tu dois mieux connaître la réponse que nous autres, lâcha son père, la mâchoire serrée. Pourquoi es-tu revenu, tu crois que tu n’as pas fait assez de mal comme ça? [/color]
- Je ne comprends pas… Tu me reproches encore la mort de maman ? - Ca aurait du nous mettre la puce à l’oreille, tu as semé la mort autour de toi dès ta naissance, en commençant par ta propre mère ! Cette dernière phrase mit les nerfs du jeune homme à vif, Jehan bondit vers son père avec un air de furie, mais Léandre, l’aîné, le retint de justesse, aussitôt aidé par son autre frère.
- COMMENT TU PEUX DIRE CA ???!!! Cria-t-il
- Calme-toi Jehan ! lui ordonna Léandre
- …Jehan poussa d’un revers de bras Joshua sur le sol et envoya voler Léandre sur l’une des deux tables de travail. Il fonça sur son père, l’attrapa par le cou et le colla au mur.
- COMMENT TU PEUX DIRE CA ???!!! Répéta-t-il, les yeux remplis de colère
Son père se débattait, cherchant à écarter la main du colosse qui lui enserrait son cou. Sa respiration était bloquée et son visage commençait à prendre une teinte violacée.
- ARRETES CA ! TU VEUX AUSSI TUER TON PERE ?!! Jehan regarda le visage suffocant du vieil homme pendant quelques secondes qui parurent durer une éternité, puis relâcha son étreinte. Etourdi, son père fit un pas en arrière en se massant le cou et la nuque. Ses deux fils l’aidèrent à ne pas perdre l’équilibre et l’assirent sur une chaise de bois. Il toussota plusieurs fois avant de retrouver une respiration normale.
Jehan s’adossa contre un mur. Pourquoi s’était-il laissé emporter de cette manière ? Elle était toujours là, tapie dans l’ombre au fond de son corps, cette pulsion destructrice qui annihilait tout sur son passage. Pourquoi n’arrivait-il plus à la contrôler ?
- Tu as commis des crimes atroces Jehan. Nous savons que tu as rejoint l’armée d’Aile Ténébreuse… Tout le monde le sait ici… lui lança son père depuis l’autre bout de la pièce.
Tu as souillé le nom de ta famille avec de tels actes. Jehan écoutait, la tête baissée, sans dire un mot.
- Par ta faute, nous avons été traités comme des pestiférés. Les grandes familles de la région refusaient de nous vendre leurs marchandises… Je ne te raconte même pas les innombrables sacrifices et le travail acharné que nous avons du accomplir pour regagner la confiance de tous ! Il s’arrêta quelques instants, comme s’il organisait les idées qui fusaient dans sa tête.
- Va-t-en immédiatement et ne revient jamais. Yehadiel ait pitié de ton âme …Sur ces mots, le vieil homme, soutenu par son aîné, quitta la pièce sans même lui jeter un regard.
Joshua annonça, avant de prendre leur suite :
- Ne lui en veut pas. Ca n’a pas été facile pendant toutes ces années…Il hésita un instant puis ajouta :
- Tu sais que ta place n’est plus ici… Adieu petit frère…Jehan regarda son frère s’éloigner. Il se retrouva seul, désespérément seul. Il n’avait plus de famille, plus d’amis, aucun guide pour éclairer sa route, aucun lieu où se ressourcer. Plus personne ne l’attendait, il n’était plus qu’une ombre. Il récupéra son cheval et s’en alla au hasard, s’enfonçant dans la brume froide et terrifiante de l’oubli.
Il erra plusieurs jours dans les montagnes, se laissant porter par le vent. On eut pu croire qu’il avait gagné sa liberté, pourtant il continuait à agir comme une bête traquée. Il connaissait le sort réservé aux déserteurs et savait que des assassins étaient à ses trousses. Ses années d’armée l’avaient rendu méfiant : il ne dormait que d’un œil, tressaillait au moindre bruit, restait constamment aux aguets.
Parfois, il s’asseyait et contemplait pendant des heures le magnifique panorama que lui offrait la montagne. L’immensité, la grandeur du lieu mêlées à une sorte d’aura de silence et de force le ramenaient à son état d’être humain, de grain de sable au milieu d’un désert immense. Toutes les moindres envies et pulsions paraissent maintenant dérisoires. Il vivait, et c’est tout ce qui comptait.
Il se posait des dizaines de questions, qui, pour la plupart restaient sans réponse. Mais rien que le fait de se les poser lui donnait la sensation d’avancer.
Etait-il devenu profondément mauvais ? Il était pourtant d’une bonne nature lorsqu’il était enfant, quand s’est produit la césure qui l’a fait basculer vers les ténèbres ? Est-ce le monde qui influence et corrompt la destinée de chaque être ? Quand a-t-il eu sa part de responsabilité ?
Il avait commis les pires atrocités pendant plusieurs années. Aujourd’hui, il n’en revenait pas d’avoir pu faire de telles choses. Et pourtant, un certain seuil d’horreur dépassé, tout semblait facile et même naturel. Il ne voulait pas se l’avouer, mais il avait même prit beaucoup de plaisir à faire régner le mal et la terreur autour de lui. Il n’avait épargné rien ni personne, il aimait cette sensation de pouvoir et de puissance.
Existe-t-il encore au fond de lui une flamme divine que le mal n’ait pas encore éteinte ?
Un jour, il découvrit un petit temple dédié à Yehadiel, perdu au milieu des montagnes, juste au dessus d’une forêt de sapins. L’édifice tout entier était en très mauvais état et menaçait de s’effondrer. Comment un tel lieu pouvait-il exister ? Géographiquement, il était loin de tout, aucun village à moins de deux jours de cheval, et l’on pouvait parier qu’il n’était accessible que durant la belle saison.
Il eut sa réponse lorsqu’il explora une grande grotte quelques mètres plus loin, qui avait du être habitée il y a plusieurs dizaines d’années, peut être même davantage. L’intérieur avait été aménagé comme une véritable petite maison et l’ensemble était étonnement bien conservé. Quelques étagères avaient été renversées et un amoncellement d’objets de toutes sortes trainaient sur le sol. Tout au fond, Jehan tomba sur un gros coffre de cuir et de métal qui contenait d’innombrables livres et manuscrits, la plupart traitaient de la construction du temple.
Jehan s’assit à même le sol et eut comme une révélation : il devait poursuivre l’œuvre de cet homme. Le fait qu’il ait découvert le temple, que les outils et livres de construction aient été si bien conservés sont autant de signes qui le poussèrent à croire que Yehadiel lui offrait la possibilité de se racheter.
Le brouillard se dissipa, sa vue était claire maintenant. Il savoura pendant quelques minutes cet instant de pur bonheur avant de se mettre au travail.
Il commença par construire un grand enclos pour son cheval avant de s’attaquer à la rénovation du temple. Il y avait tellement à faire qu’il ne savait plus par quel bout commencer. La tâche était bien plus ardue qu’il ne l’avait pensé au premier abord. Il passa des journées entières plongé dans une multitude de livres pour comprendre comment consolider l’immense voute centrale, réparer charpentes et toiture, rénover les divers trésors du temple…
Parfois il se rendait en ville pour s’approvisionner en matières premières. Il profitait de ce moment pour vaquer à des plaisirs simples : un bon repas, déambuler dans les rues animées, observer de jolies femmes… Il veillait avant tout à ne pas être reconnu et agissait comme une ombre, ne se posant au même endroit que quelques minutes. Encore aurait-il fallu qu’on le reconnaisse. Ces semaines passées dans la montagne l’avaient radicalement changé. Il vivait dans une grotte et cela se voyait… Une grosse barbe, des cheveux en bataille, des vêtements en peaux d’animaux grossièrement assemblées… Mais l’on pouvait également noter certains changements plus profonds : un tempérament apaisé, plus calme, presque serein.
Il aimait profiter de l’agitation ambiante. Un flux incessant de personnes qui criaient, discutaient ou courraient on ne sait où. La plupart rejoignaient le marché et en revenaient avec des paniers remplis de victuailles. Durant de longues semaines, Jehan n’avait eu comme seule compagnie que son cheval, qui était devenu son ami et même son confident. Ce bref retour à la vie citadine lui faisait du bien. Il y a plusieurs mois, il se serait bagarré dans une taverne, aurait bu jusqu’à la fin de la nuit après avoir profité de filles de joie. Mais là, aucune violence, aucune amertume. Il se sentait bien.
L’acheminement des marchandises était complexe et pouvait prendre plusieurs semaines, surtout lorsqu’il s’agissait de cargaisons de pierres. Son fidèle ami l’aidait sans rechigner dans cette lourde tâche. Malgré un travail arasant, Jehan ne désespérait pas et vouait à sa mission un culte sans failles. Il réparait, rénovait, embellissait le temple dès le petit matin et ce, jusqu’à la tombée de la nuit, sans relâche. Les seules « pauses » qu’il s’accordait servaient à assurer sa subsistance : cueillette, chasse et pêche… et prière aussi.
Il apprit à se servir des plantes : pour se nourrir, pour se soigner, et pour tuer aussi. Plusieurs ouvrages lui ouvrirent le chemin vers la connaissance. Il passa des heures à cueillir les plantes qui lui étaient nécessaires et les travaillait consciencieusement.
Un beau matin de début d’été, après un peu plus de deux ans de travail acharné, sa mission était enfin terminée : le temple avait retrouvé sa force, sa dignité, son éclat et sa splendeur d’antan… et peut être même davantage. Jehan avait soigné le moindre petit détail tant à l’intérieur qu’à l’extérieur et s’en félicitait.
Il était maintenant temps pour lui de retrouver la civilisation. Il avait accompli sa mission en se dévouant corps et âme à Yehadiel. Il avait la sensation que le Dieu l’avait lavé de tous ses péchés et lui accordait l’opportunité de laisser la lumière entrer dans sa vie. Il allait pouvoir accomplir de grandes choses dorénavant. Il empaqueta quelques affaires après s’être lavé, rasé et coupé les cheveux. Il tournait ainsi une nouvelle page de son histoire.
Lorsqu’il prit la route, les premières chaleurs du matin exaltaient l’odeur des noyers et des cerisiers que butinaient les abeilles et les guêpes. Il chevaucha lentement au milieu des montagnes, des prairies et des forêts, profitant du magnifique panorama.
Après une semaine de voyage, il se sentit observé. Des ombres semblaient errer dans les bois, derrière les arbres et les bosquets. On l’avait retrouvé. Son instinct le poussa à fuir, fuir très vite, le plus vite possible. Il mit son cheval au galop et fonça droit devant lui sans même se retourner. Ils ne s’arrêtèrent qu’à la tombée du jour, lorsque le cheval haletant montra des signes de grande fatigue et ne sembla plus en état de faire quelques mètres de plus.
Jehan flatta l’encolure de son fidèle destrier et observa les alentours pendant de longues minutes, ne décelant rien d’anormal. Ils les avaient peut-être semés. Il avait perdu cette habitude de rester constamment sur ses gardes. Depuis quand était-il suivi ? Il n’aurait su le dire… Mais chaque muscle de son corps était maintenant à l’affut. Son ventre gargouilla : il n’avait pas mangé depuis le matin. Il se mit à la recherche de quelques fruits afin de calmer son estomac douloureux et aperçu un joli mouton bien dodu. C’était bien mieux que ce qu’il espérait : cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas mangé un pareil mets !
Il sortit son couteau et s’approcha lentement de la bête. Il resta caché des les fourrés lorsqu’il entendit un bruit de pas.
- Ah tu es là !!! Ca fait des heures que je te cherche ! Une jolie jeune fille d’environ 20 ans s’approcha du mouton et le caressa délicatement.
- Tu m’as fait peur, je pensais qu’on ne te retrouverait pas… Elle leva les yeux et aperçu Jehan, tapi dans l’ombre. Il ne lui laissa même pas le temps de crier. Il l’attrapa violemment et lui mit la main sur la bouche afin qu’aucun son ne s’échappe de sa gorge. Il ne devait surtout pas se faire repérer… peut être que ses poursuivants ne se trouvaient pas loin ! La jeune fille se débattait mais aucuns de ses mouvements ne sembla gêner son ravisseur. Elle paraissait si frêle dans ses bras ! Il émanait de sou cou un doux parfum de fleurs qui ne laissa pas Jehan insensible… et que sa peau était douce… A ce moment, il la désirait plus que tout.
Devant une tentation si violente, le raisonnement avait disparu. Il n’y avait plus que l’instinct, la bête seule agissait. Il était redevenu sauvage. Il bâillonna la jeune fille et la jeta au sol. Il lui arracha brutalement sa robe de coton blanc et s’allongea de tout son poids sur elle avant de s’emparer de son corps. Les coups qu’elle lui lançait ne parvenaient pas à briser cette carapace de muscles. Chacun de ses mouvements pour le repousser semblaient vains. A bout de forces, elle abandonna et le laissa agir à sa guise. Seules des larmes coulaient sur son joli visage.
Quant à lui, il ressentait un vague et brutal désir de nuire. Malmener cette jeune créature lui procurait un plaisir intense, il aurait aimé que cet instant dure toujours.
Quand il eut terminé, elle ne bougea pas. Il attrapa son couteau et approcha la lame de la gorge encore rougie de la jeune fille. Elle le fixa d’un regard suppliant, elle était encore bien trop jeune pour mourir. Mais lui ne pouvait se permettre de la laisser ameuter tout le village, pourtant, il ne put se résoudre à trancher ce cou si délicat. Il l’attrapa et l’attacha à un arbre, le temps de reprendre ses esprits.
« Pourquoi tu as fait ça? »
« Pourquoi, Jehan ? » Il se mit à genoux, la tête dans ses mains. Pourquoi avait-il fait ça ? D’où vient cette haine, cette soif de destruction, quel a été son déclenchement ?
Deux heures passèrent. La nuit était maintenant tombée. Un petit vent frais agitait les feuilles des arbres. Il s’approcha de la jeune fille, éclairée seulement par quelques rayons de lune et lui ôta le linge qui l’empêchait de parler ou de crier. Elle le regarda d’un air apeuré mais ne prononça aucun mot. Il l’observa un instant, elle était vraiment jolie avec ses grands yeux verts, sa peau légèrement bronzée et ses longs cheveux châtains. Comme pour se faire pardonner, il lui apporta quelques fruits et la couvrit d’une légère couverture de fourrures. Il se coucha non loin d’elle. Il n’entendit pleurer encore quelques instants avant que le sommeil ne l’emporte elle aussi.
Au petit matin, il la détacha, lui montra le mouton qu’il avait attaché à un arbre un peu plus loin, et posa délicatement un petit sac de toile à côté d’elle. Il s’agissait de ses trésors de guerre… tout du moins ce qu’il en restait… Car il avait beaucoup dépensé pour restaurer le temple. Ce n’était plus grand-chose malheureusement, mais c’était sa dernière richesse matérielle. Avec ceci, elle devrait pouvoir vivre convenablement pendant au moins une année.
Il remonta en scelle et s’éloigna. Il évita le petit village tout proche et se dirigea vers Arkham.
Il est encore bien loin, le chemin de la rédemption…