Jehan Polghotyer est une créature complexe qui étonne par son apparente simplicité.

Ce n'est qu'un homme de Glace amoureux du bon goût, de la beauté et de l'excellence. Il vénère le style et le manie avec génie et magie. Ses valeurs ? La grâce, l'élégance et le raffinement sont portés aux nues, tandis que la maladresse, la négligence et la vulgarité sont chassées de sa vision délicate. Ce qui fait de lui une personnalité franche et sèche lorsqu'il s'agit de son art. La laideur lui faisant horreur, il ne manquera pas de le notifier à grands bruits. De fait, il a une tendance naturelle à se rapprocher des gens aux bonnes manières et aux toilettes impeccables, tandis qu'il se refuse à toucher ceux qui ont une hygiène douteuse, de même qu'il aura tôt fait de rabaisser ceux qui par leur physique, leur attitude ou même leur habits, paraissent inférieurs à sa condition.

Hors de sa boutique, Les Trois Salinéens, Jehan est homme à aimer les femmes - et certains hommes aussi, pour peu qu'ils réunissent tous ses critères de beauté d'exception - et ne se prive jamais de son comptant de plaisirs charnels en tous genres ... Mais ce Casanova n'a rien d'un agréable Don Juan : sous ses airs aimable se cache un monstre de cruauté envers ses conquêtes, qu'il jette tout aussi rapidement qu'il les as usées ... Une belle personne sera rapidement assimilée dans son esprit vicié à une cible de choix, à une proie à capturer. Si le sieur Jehan a envie d'une personne précise, il fera tout pour l'avoir, même pour une seule nuit. S'il vous invite dans son lit, n'espérez point y rester assez longtemps pour y prendre vos marques ... à moins que vos talents ne soient sans conteste sans autre pareil ... Car l'homme ne s'attache émotionnellement à personne, trouvant ennuyeuses la plupart des personnes, particulièrement après avoir contemplé leur intimité.

Plus précisément, Jehan est un salaud pur sang, un connard accompli, un odieux personnage armé d'une langue de vipère ... et aussi étrangement que cela puisse paraître, il est un commerçant - ou plutôt un artiste selon ses dires - très apprécié à Cadrak, et en Glace autant qu'ailleurs, là où son talent se propage. A croire que les gens aiment les cons qui ont du talent ... Pour dire, certains habiles travailleurs de fils et d'aiguilles tentent régulièrement de se mettre à son service, mais le styliste magicien aime à officier en solitaire - ou tout du moins simplement accompagné de son chat - et refuse catégoriquement chaque jeune femme ou homme qui aspire à devenir son apprenti.

Dernières choses à noter : notre homme n'est pas loin de vénérer sa mère, Anne Awynthur - oui, elle a gardé son nom de jeune fille - qui lui a tout appris, depuis la couture à la magie. Dire du mal de sa mère ou la critiquer ouvertement devant lui est pour lui un crime de lèse-majesté ! Dans le même genre, il est évident que Jehan écoute sa mère et la croit aveuglément lorsqu'elle lui assure qu'il ne trouvera jamais une femme aussi parfaite qu'elle ...
Dans le même ordre d'idée, Jehan s'est épris du Dieu du Temps, Akaor Mir. L'homme qui fait de la beauté un idéal ne se veut pas voir vieux, ridé, et laid. Ainsi, il vénère la divinité qui seule peut lui éviter les affres de la vieillesse, qui seule peut lui permettre de rester jeune à jamais ... Alors Jehan prie, chaque soir, de ne jamais se réveiller avec une ridule ou un cheveux blanc, et que chaque jour lui montre une jeunesse inaltérable. Car oui, Jehan est un fervent croyant d'Akaor Mir ...

C'est au treizième jour de Dennarès de l'an 82 que naquit le seul et unique fils de la dame Anne Awynthur, humaine native de Luütra et magicienne émérite en Glace, et du sieur Darek Skarof-Polghotyer - du nom de sa mère -, tanneur et habile marchandeur lui-même né de plusieurs génération d'humain de Cardrak. Le père ayant pour sale habitude de toujours hurler quand on n'était pas de son avis, c'est avec joie - pour ne plus avoir la migraine - que la mère le suivit jusqu'à Saline pour y vivre, y mettre au monde son enfant et l'y élever. La grossesse avait été facile, agréable pour tout dire, bien que le futur enfant bougeait beaucoup sur la fin, impatient qu'il était de découvrir le monde. L'accouchement fut tout aussi facile - pas sans douleurs évidemment, fallait quand même le faire passer, ce gros bébé de presque quatre kilos - et rapide, pour le bonheur des deux parents comblés qui purent tout aussi rapidement entrer en admiration devant ce nouveau-né joufflu et bien rose, coiffé d'une petite touffe de fins cheveux blonds comme les blés. c'était un beau bébé, sage et attentif à ce qui se tramait autour de lui. De mémoire d'homme, rarement un nouveau-né n'avait été si calme et donné si peu de pleurs ...

Un père brutal - dans le sens primaire du terme - mais aimant, une mère protectrice et courageuse, rien de plus banal au fond en Glace ... C'est donc tout naturellement que le petit Jehan eu une enfance heureuse, partagée entre les enseignements de son père sur l'importance de se tenir en forme, de savoir se défendre, de connaître le monde qui l'entoure, de savoir comment survivre ... et les cours de sa mère sur les arts subtils et capricieux de la couture et de la magie. Ainsi l'enfant travailla dès son plus jeune âge son corps et son esprit, et il devint avec le temps un homme avisé et talentueux dans tout ce qu'il entreprenait. Mais cela est pour plus tard ... Pour l'heure, c'était un petit garçon un peu rond et coiffé de magnifiques bouclettes dorées qui courait avec ses amis dans les rues de leur quartier à Cardrak. Et plus il grandissait, plus il s'affinait et se musclait, à la grande joie de son paternel qui espérait pouvoir s'amuser à se battre avec son fils - vous savez, le trip typiquement viril père-fils, partage de sueur et foire à la testostérone ...

A mesure que le jeune garçon approchait de l'adolescence, il commença a démontrer un grand intérêt pour la couture, la confection d'habits sublimes, bref, pour la mode ... Aussi, l'activité de la boutique du père se diversifia, et toute la famille se mit au travail. Pour l'occasion, le magasin s'en retrouva même renommé : l'antique Skarof&Fils fit ses adieux et naquit de ses cendres Les Trois Salinéens ! Et depuis lors la boutique ne désemplit jamais ! Imaginez : au rez-de-chaussée on pouvait choisir cuirs, peaux et fourrures diverses et variées, de toutes les tailles et qualités, ainsi que dans des vêtements confectionnés dans ces mêmes matériaux. Et en se rendant à l'étage, c'était tout un merveilleux atelier de couture qui s'offrait aux regards des clients, où mère et fils rendaient beaux n'importe qui - enfin presque, la magie a ses limites aussi, tous les moches n'ont pas de chance ...

Jusqu'à ses dix-sept ans, Jehan et sa famille n'eurent pas à se plaindre : ils avaient tout ce qu'ils pouvaient désirer, entre bonheur et fortune. Seulement, durant l'été de l'an 100, le pire fléau du monde s'abattait sur Terra Mystica ... Et même si le père n'eut pas à combattre, ni même le fils, leur vie s'en trouva changée. Car progressivement les routes commerciales se fermèrent, les clients se firent alors moins nombreux, et il fallu faire attention. Point de privation, en Glace, on est fort et courageux, mais il fallut s'adapter, au point la première année de mettre de côté pour offrir au jeune adulte une magnifique paire de ciseaux en or blanc, ainsi qu'un couteau à dépecer de belle facture. La famille, toujours prompte à l'optimisme, profita de cette baisse de la demande pour passer du temps ensemble. Chose que bénissent aujourd'hui la mère comme le fils ...

Car à l'heure où ces mots vous décrivent cette histoire, sachez que le sieur Darek Skarof-Polghotyer dort du sommeil éternel, sous des mètres de terres, dans son pays natal. Il fut tué en l'année 103, au plus fort de l'hiver, alors qu'il chassait pour refaire son stock de peaux et de fourrure. Une avalanche lui ôta la vie aussi vite qu'une flèche fauche celles des gibiers ... Son corps fut retrouvé, parfaitement conservé, quelques semaines plus tard, alors que les chutes de neiges se calmaient. Par chance pour la petite famille, Darek était un homme prévoyant, et il leur avait laissé de quoi bien vivre un long moment. Une fois la famille prête, les funérailles - belles et émouvantes - furent données, et une nouvelle vie commença. Jehan ne chassait pas beaucoup, ni sa mère, aussi le commerce des peaux et fourrures se tarit, et cela ne servit plus qu'à la confection même des vêtements signés "Polghotyer Mère&Fils". La boutique fut à son tour transformée : l'atelier devint privé, et le rez-de-chaussé seul accueillait les clients. L'ambiance devint tamisée et chaleureuse, intimiste même, pour tout dire, au point que depuis l'extérieur on ne voyait que la vitrine, l'intérieur étant caché aux regards des curieux.

La vie resta donc relativement douce et agréable pour cette famille qui se reconstruisit rapidement et se fit à nouveau une belle renommée. A présent que la mère commence à perdre la vue et que ses compétences ne sont plus ce qu'elles étaient, la voilà qui se contente d'accueillir les clients, tandis qu'officie en secret son tendre rejeton qui crée avec un indéniable talent toujours plus de belles toilettes, pour hommes, femmes et enfants, de tous âges, tailles et corpulences, dans tous les styles parmi les plus beaux et à la mode. A n'ne point douter, si vous voulez être à la page, c'est chez Jehan Polghotyer le styliste mage qu'il vous faut aller !

Citation :

Pour la toute première fois depuis l'ouverture de votre magasin, un très haut ponte de Saline réclame vos soins pour la création de plusieurs œuvres d'art dignes de son rang, qu'il présentera lors d'un défilé à un bal costumé. Raconte ce passage et la manière dont tu t'y prends pour gérer cette commande Ô combien décisive !