Quelque chose bougeait... Quelque chose faisait un bruit insupportable... 'Toc... Toc...' 'Toc... Toc...'
Qui donc osait ainsi troubler son repos qu'il avait souhaité éternel... Qui donc osait ainsi le tirer de ses songes...
Ses sens engourdis s'éveillaient peu à peu... Les derniers spasmes du sommeil quittaient son esprit... Et toujours ce bruit, si proche...
En un premier temps, Adrian s'était mis à songer que ce bruit venait de l'extérieur, mais c'était virtuellement impossible... Son cercueil, comme tout ceux de sa famille, étaient protégé contre les dérangements d'ordre phonique... Alors d'où cela venait-il... Après un moment, il finit par réaliser... Ce 'Toc... Toc...' Si régulier, ce n'était autre que son cœur qui battait, son cœur qui s'agitait plus que de coutume, comme en présence d'un danger imminent...
Premier effort pour sortir de sa prison... Le bougre résistait, comme si l'on avait placé dessus un poids en espérant l'empêcher de sortir... Nouvelle tentative, contractant tous ses muscles pour déplacer le couvercle... Un frisson dans le bois... Un frôlement d'étoffe... Puis un rai de lumière... Un dernier effort et il serait dehors, plus que jamais, il comprenait à quel point le papillon avait du mérite à sortir de son cocon, il se sentait faible...
* Combien de temps ai-je dormi ? *
Fut sa première pensée une fois sorti. Des combles il ne restait que peu de chose, comme il l'avait prévu avant son sommeil, le château, privé des pouvoirs de son père, était rapidement tombé en ruine. Il se tourna pour observer ce qui l'entourait... Près du couverte de son cercueil, quelques roches, pas étonnant qu'il ait eu du mal à sortir si c'était dessus... Des cercueils brisés, écrasés sous les roches, des statues aveugles, les traits rendus grossier par les années...
Sortir de là fut plus compliqué qu'il ne l'aurait pensé, le temps avait ravagé les lieux, au point que les escaliers menant à la sortie s'étaient passablement effondrés, rendant l'escalade hasardeuse et compliquée. Pourtant, il n'y avait guère d'autres solutions.
Lentement, précautionneusement, il s'était extirpé de sa prison de pierre et avait retrouvé l'air frai dans les lueurs mordorées du soleil, soleil qui offrait au village ses derniers rayons de la journée.
* Une bonne chose *,songea le Dhampyr.
* Je serais plus en sécurité la nuit si les villageois venaient à se souvenir de qui vivait ici... Je ne suis pas d'humeur à combattre ceux-là même que ma mère m'a demandé de protéger... *
Il avait vérifié sa tenue, certes, elle était fripée, mais comme toute tenue prévue à cet effet, avait bien résisté au temps, du moins ne se pointerait-il pas comme un bedeau devant les autres. De gestes rapides, il avait envoyé voler la poussière puis avait dégainé son arme.
* Bon état, mais elle mériterait de faire la rencontre d'une pierre à aiguiser et d'un peu d'huile pour le reste, en cas de pépin... Cela suffira. *
Puis il laissa glisser les doigts sur la rapière, un sourire presque doux étirant ses traits. Cette rapière, c'était son trésor, c'était l'arme de sa mère. Avec des gestes dignes de ceux d'un prêtre présentant aux fidèles l'objet de leur adoration.
La lame était à ses yeux la plus belle de toutes, d'une couleur proche de l'ivoire, elle était tout ce qu'il lui restait d'elle en dehors de ses derniers mots... C'est avec cette arme qu'il avait transpercé le cœur de son père pour l'immobiliser avant de lui couper la tête...
Avec douceur, il remit l'arme dans son fourreau, puis s'assura que son chapeau était bien fixé sur sa tête avant de prendre la route qui le mènerait au village. Dors et déjà à ses yeux quelque chose clochait : Pas de bruits, pas d'odeur de bois brûlé, rien de rien...
Il s'était tapi dans l'ombre, couvrant les derniers mètres cachés des vues qui auraient pu attendre les visiteurs inopinés, mais rien... Et pour cause...
Adrian se figea en arrivant aux portes du village... Des murs d'enceinte jadis fierté de leurs constructeurs, il ne restait que quelques morceaux de murs épars, la porte en elle-même semblait avoir été rongée par les flammes. Le dhampyr posa les doigts sur le bois, sa main le traversant comme s'il n'avait été qu'une simple feuille de papier.
Il avait dégainé son arme et s'était avancé lentement dans ce qui avait été dans le temps la rue principale... Où que se pose son regard, rien ne restait que ruines et désolation.
Son pied fut entravé en sa progression par quelque chose de dur, dont le son lui rappela de vagues souvenirs. Posant le regard sur l'objet, Adrian ne put retenir un haut-le-cœur, c'était une colonne vertébrale, au jugé, elle était humaine...
Ne voyant aucun danger dans l'endroit, il s'était agenouillé, et avait observé de plus près. Le squelette qui était là était entier, chose étrange, les animaux n'y avaient pas touché.
C'était le squelette d'un homme à en juger par les hanches, mais qu'est-ce qui l'avait tué ? Si traces il y avait eu au sol, il n'en restait rien, pas d'armes ni d'outils, rien de rien alors quoi...
Précautionneusement, il avait exploré ce village qui l'avait vu grandir, et le constat fut le même, partout, des squelettes, des squelettes entiers, sans la moindre blessure apparente, des outils et armes aucune trace... Cependant, quelque chose le travaillait.
Toute la nuit durant, il avait examiné les corps, et ses soupçons s'étaient confirmés : Il n'y avait la que les corps d'hommes et de jeunes enfants, aucun squelette féminin, jeune ou plus agé d'ailleurs. Il n'avait rien trouvé qui lui permettrait de comprendre ce qui s'était passé en ce lieu si florissant jadis, pourtant, il sentait en lui une vague colère, pendant son sommeil ceux que sa mère avait voulu protéger jusqu'à la fin de sa vie étaient morts, il avait failli sur ce point... Mais peut être restait-il quelque part des gens qui se souviendraient de ce qui s'était passé ici, des gens qui lui permettraient d'orienter ses recherches.
* Je te demande pardon maman... J'ai failli à tes dernières volontés, je n'ai pas su protéger ces gens... Mais je puis au moins te promettre de trouver ceux et celles qui ont fait ça, de les venger afin que leurs âmes puissent un jour trouver la paix. *
Après avoir rengainé son épée, il fit ce qui était à ses yeux le plus juste, il n'avait pas le temps de leur offrir une sépulture, mais la végétation ambiante ferait un excellent activateur de feu.
Après avoir avisé la zone la plus chargée en bois mort, il y avait empilé les squelettes, puis avait à nouveau dégainé, murmurant une courte oraison funèbre avant d'enflammer la lame de son épée, couvrant cette dernière d'une lueur presque vive, puis il l'abattit sur le bois, lançant ainsi un incendie sans précédent dans ce lieu qu'il pensait maudit.
Le bûcher raviva la mémoire du dhampyr, ramenant à la surface ce jour funeste ou Lisa était passée de non-vie à trépas... C'est le cœur lourd qu'il avait quitté ce village où il avait grandi pour partir à la rencontre des vivants, il devait apprendre ce qui s'était passé afin de mettre en place les pièces de son échiquier.
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