Saline. Pourquoi Alys et Heylë s'étaient rendus à Saline ? Alors qu'ils venaient de sortir d'un combat éprouvant, en gardant même les stigmates, à savoir cheveux coupés devenus noirs pour Alys, pelage noirci pour Heylë, quelques blessures pour les deux. Le duo était également affaibli, de par le combat et par leur détention jusqu'à ce que Voyl, le compagnon d'Alys, vienne les sortir de ce calvaire en payant la rançon, avant de les envoyer se reposer en Glace, à Saline.

L'Elfe et son renard avaient accepté, trop affaiblis pour protester, et Voyl les y avaient déposés avant de repartir en mission. Ils avaient trouvé une auberge, heureusement, et ils en avaient profité pour se reposer. Même si Alys regretterait longtemps ses cheveux longs et bleus, et Heylë son pelage roux, ils étaient en vie, c'était l'essentiel...

Un soir, ils descendirent de leur chambre, et allèrent s'installer à une table. Bon, ils avaient meilleure mine qu'à leur arrivée, mais on pouvait voir qu'ils étaient physiquement et moralement parlant à plat... Heylë pria pour qu'aucun incident ne se déclenche dans l'auberge, ils y laisseraient leur peau...

Malgré sa fatigue, Alys prit le temps d'observer son environnement, pendant qu'Heylë s'enroulait à ses pieds et somnolait. L'auberge n'avait absolument rien de spécifique, sa clientèle était normale -pas de démons ou autre créature des ténèbres-, ce qui rassura l'Elfe. Depuis sa confrontation avec Vanitas, une espèce de démon, il lui arrivait de faire des cauchemars en revivant son combat et sa détention, et se réveillait en sursaut, en sueur. Là, elle ne sentait rien de maléfique, et put boire son verre tranquillement, sans crainte.

Elle vit une jeune femme qui, en se rendant au bar, lui souhaita le bonsoir, et Alys lui répondit avec un hochement de tête poli et silencieux. Après avoir payé sa consommation, la jeune inconnue revint vers l’Elfe, s’accoudant au dossier d’une chaise vacante :

Hé bien, mon amie ? Vous revenez du front ?

L’Elfe esquissa un sourire et lui répondit d’une petite voix :

On peut dire cela. Je reviens d’une confrontation et d’une détention assez difficiles, ce qui explique mon état…

L’inconnue lui offrit spontanément de la soulager de sa douleur. Alys acquiesça, et vit son interlocutrice poser ses mains doucement sur elle et fermer les yeux : quelques instants plus tard, ses lésions et celles d’Heylë s’atténuèrent grandement. Sous le regard interloqué de l’Elfe, la jeune femme, qui avait les cheveux d’un roux éclatant, lui expliqua qu’elle avait ce don depuis l’enfance, et qu’elle l’utilisait gratuitement sur les autres. Elle souriait, et l’Elfe aussi, contente de voir que son interlocutrice était guérisseuse, comme elle. Elle lui dit :

Je ne vous remercierai jamais assez pour ce que vous venez de faire. J’étais trop épuisée pour utiliser mon don de guérisseuse sur moi-même…

Toujours souriante, la jeune femme rousse lui présenta des flèches en lui demandant son avis d’experte. Alys en prit une, la soupesa, regarda l’empennage et déclara tout en continuant à l’examiner :

Flèche légère. Pas mal quand on veut tirer de loin, en plus elle sera rapide. L’empennage est bien fait, je félicite celui ou celle qui a conçu ce type de flèche.

La jeune femme rousse en profita pour lui demander s’il était possible qu’un humain fasse l’acquisition d’un arc de conception elfique, si ledit humain était digne de le porter et de l’utiliser. Alys lui rendit sa flèche et lui répondit franchement :

C’est possible, mais rare. Les Elfes sont quelques peu hautains, du moins pour la plupart, surtout avec les nains et les humains. Mais il arrive qu’ils deviennent amis avec un humain.

Elle sourit et lui tendit la main :

Au fait, je m’appelle Alys. Alys Calywiel. Et vous-même ?

" On peut dire cela. Je reviens d’une confrontation et d’une détention assez difficiles, ce qui explique mon état… "

Autant, la confrontation, Keithleen s'y attendait, autant la détention elle, pas du tout, et ça sous entendait des sévices bien plus graves. C'est pour cette raison qu'elle lui proposa volontiers de lui apaiser ses blessures. Elle hésita à l'interroger sur les circonstances et la durée de son calvaire puis se ravisa. C'était certainement trop tôt et elle était encore qu'une parfaite inconnue, malgré encore une fois le sentiment de confiance qu'elle avait rapidement ressenti. Peut-être qu'elle se déciderait à y venir plus tard.

Pendant qu'elle utilisait sa magie curative, la prêtresse se souvint que les elfes gardaient une allure de jeune adulte malgré les années. Elle réalisa alors qu'elle était peut-être en présence d'une personne qui était de cent ans son ainée et que par conséquent, elle méritait le même respect que celui qu'on pourrait porter à ses grands-parents. Pourtant, celle-ci ne lui fit rien ressentir, au contraire. Quand l'elfe la remercia pour les soins et expliqua qu'elle lui était redevable, Keithleen nia et refusa qu'on lui doive quelque chose. Elle avait fait ça gratuitement et en aucun cas elle ne désirait un service en retour.

Cependant si réellement, l'elfe se sentait l'envie de la remercier, elle avait l'occasion de le faire en inspectant ses flèches qu'elle avait fait fabriquer.



" Flèche légère. Pas mal quand on veut tirer de loin, en plus elle sera rapide. L’empennage est bien fait, je félicite celui ou celle qui a conçu ce type de flèche. "

Keithleen récupéra la flèche inspectée et la rangea dans son conteneur cylindrique. Elle était satisfaite de la réponse technique mais elle ignorait toujours si son potentiel divin allait avoir une quelconque efficacité. Ce qui était sûr, c'est que cette elfe n'avait pas évoqué ce sujet. Peut-être n'avait-elle simplement rien ressenti ? Ou bien son rituel n'avait pas fonctionné ... Le mystère restait entier.

En tout cas, elle posa le carquois sur la table et tira la chaise pour venir enfin s'attabler avec Alys. Elle engagea alors la conversation sur l'archerie et les arcs d'origine elfiques. Sur la possibilité qu'un humain puisse recevoir et utiliser un arc elfe


" C’est possible, mais rare. Les Elfes sont quelques peu hautains, du moins pour la plupart, surtout avec les nains et les humains. Mais il arrive qu’ils deviennent amis avec un humain. "

Keithleen sourit à l'autodérision que l'elfe utilisa pour décrire ses semblables. Elle ne pouvait que réagir à cette remarque et répondit alors :

" Ah, la légendaire réputation des elfes hautains. Je suis presque certaine que c'est une rumeur tenace qui vous suit comme votre ombre et qui n'est pas justifiée. Les elfes et les hommes sont fait pour s'entendre j'en suis sûre ! Regardez un peu comme on arrive à s'entendre sans se toiser. Pourtant on ne se connaît même pas !
- A ce propos, je m’appelle Alys. Alys Calywiel. Et vous-même ?
- Keithleen ! Keithleen Krein. Fidèle adoratrice de Yehadiel. guérisseuse et protectrice à mes heures perdues.  Répondit-elle en souriant toujours et avec la même autodérision que sa nouvelle amie.
Je suis arrivée ici ce matin car j'attends ma sœur qui doit me rejoindre. C'est elle l'archère. J'espère qu'elle fera bon usage de ces flèches. J'aimerai beaucoup lui trouver un arc elfique, vous avez une idée d'un endroit où on pourrait s'en procurer ? C'est le genre de combattante qui n'a pas froid aux yeux alors même si il faut relever un défi, dites-moi ! "

La jeune femme rousse sourit à son allusion à l'attitude hautaine des Elfes :

Ah, la légendaire réputation des elfes hautains. Je suis presque certaine que c'est une rumeur tenace qui vous suit comme votre ombre et qui n'est pas justifiée. Les elfes et les hommes sont fait pour s'entendre j'en suis sûre ! Regardez un peu comme on arrive à s'entendre sans se toiser. Pourtant on ne se connaît même pas !

Après que l'Elfe se fut présentée, son interlocutrice fit de même :

Keithleen ! Keithleen Krein. Fidèle adoratrice de Yehadiel. guérisseuse et protectrice à mes heures perdues.
Je suis arrivée ici ce matin car j'attends ma sœur qui doit me rejoindre. C'est elle l'archère. J'espère qu'elle fera bon usage de ces flèches. J'aimerai beaucoup lui trouver un arc elfique, vous avez une idée d'un endroit où on pourrait s'en procurer ? C'est le genre de combattante qui n'a pas froid aux yeux alors même si il faut relever un défi, dites-moi !

Alys éclata de rire avant de grimacer un peu, ses côtes se rappelant à son bon souvenir :

Hé bien... Votre sœur pourrait se rendre à Drayame, notre cité ancestrale, mais après, il faut pouvoir s'adresser à la bonne personne... Dites-lui d'y aller de la part de mon père, Elverion Calywiel, ça peut l'aider.

" Hé bien... Votre sœur pourrait se rendre à Drayame, notre cité ancestrale, mais après, il faut pouvoir s'adresser à la bonne personne... Dites-lui d'y aller de la part de mon père, Elverion Calywiel, ça peut l'aider.
- Drayame ? "
Répondit la prêtresse, pleine de surprise. Elle imaginais plutôt que l'elfe allait lui évoquer un château hanté, un bois maudit ou encore une ile aux trésors. Comment des humaines allaient bien pouvoir être reçu dans une cité elfique si ce n'est par la méfiance ? Elle questionna de nouveau l'elfe, lui demandant si il s'agissait bien d'une cité toujours habitée ou si son idée était totalement hors contexte... La jeune humaine la questionna ensuite sur l'endroit où se trouvait Drayame, expliquant que du haut de son jeune âge et de son temps passé au monastère à ne presque jamais sortir, sa culture géographique avait de sacrées lacunes.

Elle la remercia pour l'information et lui promis de se souvenir du nom d'Elverion Calywiel ainsi que celui d'Alys puis se releva enfin de sa chaise. Supposant que le côté peu loquace de son interlocutrice qu'elle mettait en exergue sous entendait qu'elle avait le souhait d'être au calme. Une manière bien diplomate de faire passer son message. Interprétant son comportement comme une demande, elle lui souhaita la bonne soirée tout en récupérant ses affaires.

Une fois qu'elle arriva enfin dans sa chambre, elle s'enferma à clef, craintive de recevoir la visite d'un indésirable en pleine nuit. Elle avait précisé à l'aubergiste son nom ainsi que ce lui de Karine KREIN. Précisant que si elle se présentait, un lit était disponible avec elle dans sa chambre. La prêtresse avait attendu sa sœur toute la journée, elle se demanda si elle avait bien fait de louer une chambre avec deux lits pour l'accueillir alors qu'elle ne se présenterai peut-être que demain dans la journée, ou plus tard encore...

Elle retira les pans lourds de sa robe de prêtrise qui représentait les adoratrices du temple ... Temple qui n'était désormais plus qu'une bâtisse ravagée par la guerre. Elle eu une pensée pour ses proches avec qui elle a partagé tant de choses durant ces dix dernières années. Ces proches qui avaient désormais rejoint l'au-delà. L'image de leur mort conservait encore toute sa terreur, elle avait à peine commencé à accepter de ne plus jamais les revoir. Mais Sullivan ? Où était-il ? Introuvable dans tout les décombres du monastère, il était peut-être toujours en vie, mais dans ce cas, pourquoi il ne se manifestait pas ?

Tourmentée, elle se décida à purifier son corps comme son âme. Ainsi elle entra dans la salle voisine où une baignoire-sabot en cuivre occupait le centre de la pièce. Elle déposa le pan le plus lourd de sa robe qu'elle avait toujours en main et l'accrocha sur le paravent bien plié. Après ça elle ôta ses jambières en tissu puis son corset et enfin, son soutien-gorge ainsi que son ultime vêtement qui dissimule sa virginité. Elle posa sa main le long de sa nuque, où le tatouage d'un collier commençait. Elle le suivi avec l'union de son pouce et index comme si elle tenait une véritable chaine. Ainsi elle arriva à son trapèze gauche, sa clavicule, le haut de son pectorale et caressa enfin le symbole de Yehadiel qui tombait entre le bas de sa gorge et le haut de sa poitrine. Elle pouvait voir celui-ci et se souvint de ses vœux qu'elle devait conserver quoi qu'il advienne. Sullivan disparu, la difficulté pour les respecter ne devraient pas poser de problème.

Elle entra dans la baignoire et se nettoya des pieds à la tête. Elle lava sa longue chevelure et enfin prit de longues minutes pour se coiffer correctement. Après presque une heure de toilette méticuleuse, elle se sentait enfin propre et digne de se présenter à son Dieu pour la prière du soir. Elle récupéra quelques reliques dans ses affaires qu'elle entreposa au sol avec un tapis blanc immaculé. Elle déposa un genou au sol, ferma les yeux et joint ses mains. Elle commença à marmonner quelques mots puis fini par s'exprimer à haute voix faisait, pour elle même, un exposé de sa blanche détermination. Et les yeux clos, elle dit :

" Seigneur Yehadiel, je t'en conjure, entends la prière de ta plus fidèle dévote. Grâce à ton implacable bienveillance, le malin se terre dans l'ombre, résigné il ne peut frapper que d'une manière sournoise et sans aucune force. Permet moi d'être l’extension de ta volonté et d'apporter la paix aux âmes en peine, aux justes et aux vertueux. Je marche sans aucune crainte au milieu des tempêtes car ta puissance m'accompagne. La foi est mon bouclier, celui-ci est à l'épreuve de tout les vices, il plus fort que la mort et plus doux que la soie. Seigneur Yehadiel ... Je t'en conjure, entends ma prière. "

Elle se releva puis dit, comme à son habitude : " Toutes les prières sont entendues. "

Exténuée de sa journée, elle se glissa enfin dans le lit. Elle apprécia le confort de l'auberge, elle avait bien mangé et avait une chambre correcte. Les voisins ne faisaient pas le moindre bruit ... Une belle nuit l'attendait. Elle enfouit son visage dans l'oreiller, les cheveux encore humides... Et alors même qu'elle songeait une nouvelle fois à sa sœur et à sa journée, elle était déjà endormie.

Drayame ?

Keithleen -car tel était son nom- était surprise par la réponse de l'Elfe, comme si elle s'attendait à tout sauf la cité ancestrale du peuple elfique. Elle lui demanda s'il s'agissait bien d'une cité toujours habitée ou si son idée était totalement hors contexte, et Alys lui répondit avec un sourire amusé :

Bien sûr que la cité est toujours habitée. Ce n'est pas parce que ma famille et d'autres Elfes avant nous sont partis de la cité pour une raison particulière qu'elle est déserte.

Elle fut ensuite interrogée sur l'endroit où se trouvait Drayame, la jeune humaine expliquant que du haut de son jeune âge et de son temps passé au monastère à ne presque jamais sortir, sa culture géographique avait de sacrées lacunes. Alys resta muette un instant, le temps de rassembler ses maigres souvenirs sur le sujet, et expliqua :

Il s'agit de la plus grande forêt qui puisse exister sur Terra. Vous ne pouvez pas la rater, elle se trouve en Terre. C’est un endroit extrêmement dense où il est facile de se perdre, aussi essayez de toujours suivre le nord. Quand on n'a pas de boussole, on se repère à la mousse sur les arbres, elle pousse toujours sur le flanc nord des troncs.

Keithleen la remercia et lui promit de se souvenir de son nom et de celui de son père avant de se lever de sa chaise et de partir. L'Elfe esquissa un sourire, se leva également et, suivie par Heylë, rejoignit leur chambre. Elle se déshabilla, se lava dans la baignoire prévue à cet effet, et une fois lavée, elle regarda dans le miroir les traces de son combat. Elles étaient toujours là, aussi noires qu'au premier jour. Elle soupira :

Hé bien, il va falloir que je me mette sérieusement au travail... Où trouver quelqu'un qui m'apprendrait le maniement des armes et de la magie autre que la mienne ?

Heylë gémit doucement, alors qu'il s'était mis en boule sur le lit : lui aussi voulait que son pelage redevienne roux, comme avant, et pourquoi pas qu'il puisse acquérir des pouvoirs qui lui permettraient de faire face, la prochaine fois... Son amie humanoïde vint le rejoindre dans le lit et s'endormit presque aussitôt, suivie par le renard qui vint se blottir contre elle. Une nouvelle nuit les attendait, et ils espéraient tous deux qu'il ne s'agirait pas d'une nuit de cauchemars de plus...

Alys et Heylë dormirent mal, cette nuit-là : le cauchemar habituel depuis leur combat face à Vanitas était revenu en force, les tourmentant dans leur sommeil. Alys ressentit encore la douleur de ses blessures, encore plus intense malgré l'intervention de Keithleen, elle ressentit la noirceur de ses stigmates se propager comme des serpents sur son corps, la faisant hurler de douleur. Le renard, lui, qui partageait la souffrance de son amie humanoïde, poussa un hurlement, comme le ferait son cousin le loup, mais dont la souffrance se faisait ressentir à des kilomètres à la ronde.

L'Elfe tenta de se lever de son lit, mais son corps semblait plombé par la souffrance. Heylë fit de même, en vain. Le duo était la proie de la terreur, du mal, des ténèbres, de la souffrance. Ils paieraient cher pour y mettre fin rapidement, mais Alys, même en puisant dans sa détermination et son courage, n'arrivait pas à se lever pour aller chercher de l'aide ou un calmant. Elle se contenta donc de crier, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse, suivie d'Heylë. Les dieux devraient avoir pitié et abréger leur souffrance...

Heylë était paniqué en voyant sa maîtresse inconsciente, alors que lui avait pu se réveiller. Il glapissait de terreur, lui léchait le visage, en vain. Pourquoi ne se réveillait-elle pas ? Avait-elle finalement succombé au cauchemar qui la tourmentait ?

Heureusement, les cris de sa maîtresse avait alerté la jeune prêtresse qu'ils avaient rencontrée quelques heures plus tôt, et celle-ci avait ramené un garde. Sauf que cet imbécile le menaçait de sa pique géante, l'accusant d'être le coupable de la situation. Heylë gronda : le garde ferait mieux de partir et vite, s'il ne voulait pas être mordu à la jambe. Voire à la main.

En même temps que le canidé se faisait menacer, il vit la jeune prêtresse s'occuper d'Alys, la redressant pour voir l'état de sa respiration. Heylë sentit que sa maîtresse s'accrochait, même inconsciente, à un fil d'espoir pour se réveiller, et lui envoya un message télépathique de soutien. Il soupira quand il vit sa maîtresse ouvrir les yeux et demander faiblement :

Que... que s'est-il passé ?

« Que... que s'est-il passé ? »
Dit l'elfe en reprenant connaissance.

Keithleen, qui observait l'animal et le garde se tester du regard fit interrompre leur jeu du plus fort en demandant de l'eau au militaire.

Elle n'en avait pas vraiment besoin, mais c'était surtout pour les séparer. Celui-ci garda l'animal à vue un instant, toujours la lame vers lui puis se ravisa. Il alla ensuite dans la salle de bain pour ramener un carafon. Keithleen humidifia un chiffon et le passa sur le visage d'Alys tout en lui adressant quelques mots rassurants. Elle lui demanda si elle savait où elle était afin de vérifier son état mental.

« Pourquoi avez-vous appelé au secours ? Qui vous a attaqué ?! » interrogea sévèrement le soldat. Keithleen ne savait quoi répondre ...

La jeune prêtresse demanda au garde d'aller lui chercher de l'eau, au grand soulagement d'Heylë. Le canidé ne voulait pas tant que ça faire du mal à celui qui le menaçait à tort, mais quand on le cherchait, on le trouvait.

Il posa ses pattes avant et sa tête à portée de la main d'Alys, qui le caressa doucement pour le rassurer. L'Elfe avait eu peur, c'était indéniable, et cette peur l'avait vidée de son énergie. Littéralement parlant. Et il serait temps pour elle qu'elle tourne la page rapidement avant de devenir folle...

Le garde revint avec un carafon, et Keithleen passa un chiffon humide sur le visage de l'Elfe, qui se sentit rafraîchir un peu, tout en lui parlant doucement comme pour la rassurer. Elle lui demanda si elle savait où elle était, Alys lui répondit d'une voix fatiguée :

Dans une auberge, en Glaces, plus précisément à Saline.

Le garde l'interrogea sévèrement :

Pourquoi avez-vous appelé au secours ? Qui vous a attaqué ?!

L'Elfe fronça les sourcils devant le ton du garde et lui répliqua, toujours d'une voix fatiguée :

Je n'ai pas été attaquée au sens strict du terme, monsieur. J'ai juste été la victime d'un cauchemar qui me poursuit depuis quelques temps, après un rude combat et une rude détention. Alors vous seriez bien aimable de prendre exemple sur cette jeune femme, et de cesser de menacer mon renard qui lui aussi a été victime de ce cauchemar.

Le garde, confus par le ton teinté de fatigue qu'avait employé l'Elfe, se retira en bredouillant des excuses, laissant Alys, Heylë et Keithleen seuls. Alys soupira et s'installa contre les coussins en regardant son renard avec tristesse : un jour, vraiment, il leur faudrait se mettre au combat...

Keithleen rejoignit le garde qui venait de partir avant de revenir quelques instants plus tard dans la chambre. Heylë s'était roulé en boule à côté d'Alys, qui le caressait doucement, presque mécaniquement, mais la présence du canidé la rassurait. La jeune prêtresse s'approcha du lit et déclara :

Vous devriez peut-être m'expliquer ce qui torture votre âme. Je n'ai pu que soigner vos blessures d'une manière superficielle, mais si vos entrailles sont infectées, il faut me prévenir, je suis capable de vous guérir de tout les maux. Si tant est que vous m'expliquez précisément ce qu'il s'est passé.

Alys soupira de soulagement : elle savait qu'elle pourrait faire confiance à Keithleen, qui avait déjà soigné ses blessures superficielles. Elle lui raconta donc la mésaventure qu'elle avait eu avec son renard, son combat perdu contre Vanitas, qu'elle qualifia de démon plein de noirceur, leur détention où ils furent torturés, leur libération après ce qu'il leur semblait être une éternité de peur et de douleur, et ce cauchemar qui revenait sans cesse les hanter. Elle prenait sur elle pour raconter cette histoire, et dans sa voix retentissait un accent de souhait que tout ceci cesse, et vite...

Keithleen l'écouta sans l'interrompre, avant de lui poser des questions sur son agresseur. Qui était-il pour elle ? Est-ce qu'elle le connaissait avant cette histoire ? Est-il envisageable qu'ils se recroisent dans un futur plus ou moins proche et si oui, comment imagine-t-elle cette nouvelle rencontre ? A combien de temps remontent ses blessures ? Alys répondit après réflexion :

Je répondrai dans l'ordre de vos questions. Pour moi, ce n'était qu'un inconnu, un voyageur, qui voulait à tout prix se battre ; non, je ne le connaissais pas avant ; rien n'est impossible en ce bas-monde, nous pouvons très bien nous revoir, et je voudrais que cette nouvelle rencontre ne soit pas funeste ; pour finir, je dirai que mes blessures remontent à quelques semaines, j'avoue avoir perdu la notion du temps depuis ce jour...

Elle vit la jeune prêtresse chercher dans son sac et revenir avec des objets, intriguant Alys et Heylë, qui avait ouvert un œil. Qu'allait-elle faire donc exactement ? Rien de méchant, pensèrent l'Elfe et le renard, car ils avaient confiance en Keithleen. Elle distillait le bien autour d'elle...

         Keithleen informa son amie que le rituel ne pourrait se faire qu'une fois qu'elle serait endormie. Ainsi les deux femmes continuèrent de discuter et l'humaine amena l'elfe à parler de choses agréables comme les plats qu'elle aimait manger, ou encore les endroit qu'elle aimerai visiter. Elles discutèrent ainsi jusqu'à ce que l'elfe s'assoupisse paisiblement à même le sol … Enfin, elle pouvait commencer.

         La simple préparation des lieux prit une bonne heure. En effet, dans un premier temps la prêtresse déplaça quelques meubles pour faire de la place puis posa des bougies ainsi que des pierres autour d'Alys d'une manière circulaire. Le dispositif était très exigeant, il y avait une bougie verte, une pierre verte puis bougie orange avec une pierre orange et enfin une bougie blanche associé à une pierre noire. Cet ordre devait être scrupuleusement respecté et le cercle devait être parfait. Le nombre de bougies et de pierre était prévu de manière à ce que l'ordre des couleurs ne s'interrompe pas. Les bougies devaient avoir une distance très exacte les unes des autres avec les pierres placées à égale distance des bougies. Une fois ce travail d'une précision affligeante terminé, elle utilisa une bougie présente sur le chandelier pour allumer les bougies.

         Elle alluma d'abord les bougies blanches, ensuite les vertes pour terminer par les oranges et pour compliquer ces faits, la jeune femme effectuait une prière d'environs une minute à chaque fois qu'une pierre se retrouvait entre deux bougies allumées.


         Une fois le cercle totalement terminé, elle éteignit les autres bougies de la chambre afin de se retrouver dans l'obscurité presque totale. Seules les bougies du cercle apportaient de la lumière et pourtant l'obscurité était presque omniprésente dans la pièce. Alys et Heylë étaient visibles. Les murs, le plafond ou les meubles de la pièce était plongés dans une obscurité opaque, impénétrable et plutôt inquiétante. Le rituel semblait avoir lieu hors du temps et même hors de l'espace. Cette impression que connaissait Keithleen la rassura. Elle signifiait que le cercle était réussi et qu'elle pouvait commencer.


« Moi, Keithleen Krein, première fille d'Alexia Devina et deuxième fille de Kern KREIN, adoratrice de Yehadiel et fidèle à mes vœux de pauvreté, de piété, de chasteté et d'abnégation je t'implore pour que tu ramènes la santé à Alys Calywiel, fille d'Elverion Calywiel, qu'elle l'accompagne dans toutes ses actions. Sois le gardien de son sommeil, le défenseur de sa quiétude et le soutien pour son chagrin. A travers mon corps, mon âme et ma foi, déverse en elle tout le potentiel divin qu'elle nécessite et qu'elle mérite ... Qu'il en soit ainsi. »

         Elle resta ensuite à genoux devant le cercle, du côté de la tête de sa victime. Elle avait les mains liées et se figea. Elle resta immobile durant plusieurs longues minutes. Puis plusieurs heures. Et enfin, un élément déclencheur qui annonçait la fin du rituel se produisit. L'une des bougies venait de s'éteindre. C'était une bougie blanche. Sans perdre un seul instant, Keithleen écrasa la mèche de chaque bougie blanche de sa main gauche en respectant l'ordre du cercle. Sans se préoccuper des brûlures qu'occasionnaient ses gestes, elle s'occupa des vertes, et enfin des oranges.

         Au moment où la dernière chandelle fut étouffé, Keithleen pensait qu'elle allait se retrouver dans l'obscurité totale. Et pourtant non, à travers le rideau, de la lumière émanait de l'extérieur. Elle se leva pour tirer le rideau et réalisa que la nuit s'était terminée. Elle sourit alors à ce paysage merveilleux, le levé de soleil sur l'horizon enneigé.

         La prêtresse récupéra ses affaires ainsi que ses bougies usées comme ça venait, l'ordre n'avait plus d'importance. Elle espérais avoir réussi son rituel et ne pas avoir négligé un quelconque détail. En effet, la moindre vétille qui ne correspondait pas avec la théorie risquait de réduire la guérison, pire encore, de rendre le rituel inefficace.

         Elle savait que ce genre de rituel pouvait également maudire et affliger la personne enchantée, il suffisait de simplement changer l'ordre des pierre et des bougies... Comme quoi, la différence entre le bien et le mal est parfois très proche.

        Elle souleva Alys très délicatement et l'installa sur son lit et la couvrit de sa couverture. Elle referma le rideau pour permettre à son amie de continuer à dormir sans être gênée par le jour.et quitta la chambre. Tout en fermant la porte, elle prononça quelques mots qu'Alys pouvait entendre si elle ne dormait pas.


         Éreintée, la jeune femme retourna dans sa chambre pour s'installer sur son lit. Elle y dormira toute habillée et tout le jour en omettant de vérouiller sa porte.

Keithleen dit à Alys qu'elle ne pourrait commencer le rituel qu'une fois l'Elfe endormie, aussi discutèrent-elles de tout et de n'importe quoi jusqu'à ce qu'Alys s'endorme, suivie par Heylë.

Au début, Alys ne ressentait rien. Elle rêvait, c'était sûr, et Heylë aussi. Mais il n'y avait rien autour d'eux. Que du noir. Pas de sensations étranges, pas de mauvaises impressions qui précédaient le Cauchemar. Peut-être n'allaient-ils pas le faire, cette fois-ci... Soudain, Alys se figea pendant qu'Heylë glapissait. Quelque chose vint vers eux... Une brise fraîche, légère, suivie de lumières de toutes les couleurs, éblouissant l'Elfe et son familier. Mais ceci eut pour don de chasser la peur de leurs cœurs, ainsi que la douleur ; leurs blessures se refermèrent totalement pour ne jamais se rouvrir, une nouvelle force vitale vint les envahir. Alys sentit la noirceur, relique de son combat contre un démon, s'effacer pour faire place à nouveau à ses cheveux bleus et Heylë retrouva son pelage roux. Ils étaient en vie, et sauvés.

Alys se sentit aspirée, mais délicatement, et se réveilla dans son lit. Toute fatigue avait disparu, elle se sentait toute neuve. Elle entendit Keithleen prononcer ces mots :

Allez avec les Dieux Alys, Avancez au nom de la Terra Mystica.

Puis l'Elfe se rendormit, en se promettant une chose : de remercier Keithleen de quelconque manière que ce soit. Et le plus rapidement possible.

Un réveil brutal après trois petites heures de sommeil. A la merci de sa tendre et bien aimée sœur qui la secouait comme un sac à patates, Keithleen finit par sortir du lit en gardant la couverture autour d'elle par pudeur.



          Elles deux quittèrent le bâtiment après avoir payé l'aubergiste et traversèrent le village. Le climat était toujours aussi inhospitalier. Il neigeait, le soleil s'était caché sous un voile grisâtre et d'une couleur unie. Il faisait tellement froid que la gourde de Keithleen implosa.
Curieuse d'un tel phénomène, elle observa sa bouteille détruite en essayant de trouver une explication à cette étrange événement.

          Elle leva son index vers un arbre au loin, en dehors de la palissade qui encerclait la ville.




          Elle y vit plusieurs chevaux attachés à un arbre, d'où elle était elle ne pouvait estimer précisément combien il y en avait mais peu importe. Cette surprise signifiait qu'elles allaient pouvoir voyager bien plus vite, et arriver à Cardrak en un rien de temps ! Cette idée lui raviva toutes ses passions. Un monastère magnifique, des statues gigantesques, des autels propres avec des centaines de bougies. Des prêtres adorables, de la nourriture et surtout … Surtout, du repos !

         La jeune femme était ravie de retrouver sa sœur, c'était ainsi qu'elle l'avait toujours connu et toujours beaucoup aimée. Un côté très dur, un autre côté très aimant.  Heureuse d'être en sa compagnie et avec un monastère en destination, Keithleen lui adressa un large sourire et s'avança joyeusement vers les chevaux.

          Elles quittèrent ainsi la bourgade et marchèrent jusqu'aux formidables quadrupèdes, Keithleen en tête pour une fois. Elles installèrent leur affaires sur les selles et l’aînée détacha les animaux.

Heylë se réveilla le premier, plein de courbatures. Le rituel de Keithleen avait fait du bien à Alys, et par extension au renard, qui se sentait libéré de toute oppression des ténèbres, de la peur. C'était bien, mais les courbatures, hein, ce n'était pas nécessaire.

Après s'être étiré pour enlever lesdites courbatures, le canidé sauta sur le lit pour lécher la joue de sa maîtresse, qui dormait toujours profondément. Il fut content de voir qu'elle ne souffrait plus, elle non plus, et lui donna de petits coups de museau dans le visage pour la réveiller. L'Elfe fronça le nez avant d'ouvrir les yeux et de s'étirer : pour la première fois depuis longtemps, elle avait dormi sans cauchemarder, et avait pu reposer son corps endolori. Bon, elle aussi avait des courbatures, mais bon, s'il fallait souffrir pour être en forme...

Elle se leva doucement, de peur d'être prise de vertiges, et se dirigea vers la fenêtre. Il neigeait toujours au-dehors, aussi abondamment que lorsqu'elle était arrivée, mais elle arrivait malgré tout à voir un peu, mais pas au-delà de cinq mètres tellement la neige tombait. Elle entrouvrit la fenêtre et regarda dehors : elle vit, qui partaient, deux personnes de dos. Dont une qui ressemblait beaucoup à Keithleen... Elle cria :

Keithleen ! Merci encore pour tout ! J'espère que nous nous retrouverons, et que je réglerai la dette que j'ai envers vous !

Heylë glapit pour accompagner sa maîtresse, qui fit de grands signes de la main, avant de rentrer précipitamment et de refermer la fenêtre. Elle décida de rester encore un peu à l'auberge, histoire d'être sûre de pouvoir se reposer totalement, et s'assit sur le lit, regardant la fenêtre avec un sourire : oui, Keithleen était décidément quelqu'un de sympathique...