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Raconte la fameuse nuit de l'Aube Rouge, du moment ou tes maîtres te forcent à te transformer jusqu'à ce que tu perdes connaissance, en passant par l'arrachage de ton bras :p
Le crépuscule était terminé, et il faisait maintenant nuit noire depuis une bonne heure. Carnothaur s'était arrêté pour quelques jours dans une ville maritime au nord du royaume des glaces. Il y avait quelques affaires et devait rencontrer un émissaire rebelle, fortement intéressé par son passé aux ordres d'Aile Ténébreuse. Mais l'homme lui avait fait faux-bond et il devait repartir de l'autre côté de la mer dès le lendemain matin. Après un bon repas à l'auberge où il séjournait, le démon retourna se coucher dans sa chambre. Or ce soir-là, le vin lui tournait fortement la tête, et son sommeil se fît plus qu'agité. Nombre de cauchemars tourmentèrent son esprit, mais il ne se souvint que d'un seul ...
Les démons d'Aile Ténébreuse étaient galvanisés par la bataille déroulée quelques temps plus tôt, aux portes de Sylfiria, la fameuse "bataille des Larmes", la plus éclatante victoire des légions de Zelphos et le tournant de la guerre qui s'annonçait. Le royaume de Ciel était définitivement tombé sous le joug du Démon et son peuple assujetti. Cependant ces derniers entendaient bien retrouver la liberté qu'ils chérissaient tant, et se révoltèrent ouvertement contre leur nouveau souverain. Il était pour eux hors de question d'être sous le commandement de démons ... Ce fût une regrettable erreur ...
Le démon vit très mal cette insurrection, et ordonna une nuit de faire taire les cris des révoltés, ainsi que de leur femmes, leurs enfants, leurs animaux et même les enfants de leurs animaux. Il était temps que le monde comprenne que l'on ne plaisante pas avec Aile Ténébreuse. Tôt le matin, on envoya des cohortes de démons dans tout le royaume du Ciel, en direction de chaque grande ville, et chaque bastion d'insurrection. Les actions et les déplacements des démons se faisaient dans la plus grande discrétion afin que les habitants rebelles ne se doutent de rien.
Carnothaur faisait partie d'un groupe de cinq démons, tous en direction d'une belle ville d'environ un millier d'habitants. Le taureau rouge était le deuxième dans la place hiérarchique du groupe, commandé par personne d'autre que le général Azrethor, l'un des créateurs de Carnothaur. Une heure avant le lever du soleil, alors que l'aube commençait à poindre, ils arrivèrent devant les portes de la ville endormie. Seuls quelques marchands commençaient à dresser leurs étals en vue de la belle journée qui s'annonçait. En vérité aucune poche de résistance n'avait été décelée dans cette bourgade, mais les ordres officiels étaient d'établir une surveillance rapprochée des habitants.
Mais au moment où le soleil apparaissait enfin, le général Azrethor donna l'ordre de massacrer tous les habitants. Les trois autres s’exécutèrent et les premiers cris de terreur, ainsi que les premiers râles d'agonie se firent entendre. Après un instant d'hésitation, Carnothaur se jeta dans la "bataille" et tua plusieurs hommes, refusant de s'en prendre aux femmes et aux enfants. Il commença à douter de l'utilité de leur tâche quand une explosion survint derrière lui, le projetant à terre. Sortant des décombres fumants, Azrethor acheva une femme en lui ouvrant la gorge de ses griffes et mit fin aux pleurs d'un nourrisson en le carbonisant. Pris de colère, le général souleva Carnothaur de sa main gauche et lui planta son regard foudroyant dans les yeux
"Ça suffit pauvre tâche, t'es vraiment une honte ! Tu vaux largement mieux, allez montre nous ce que tu sais faire !"
A ces mots, le général le força à se transformer en le monstre qu'il était à sa création. Carnothaur ne pouvait résister à la puissance de l'assaut qui traversa son esprit. Sa souffrance, qu'il était enfin parvenu a oublier ne fit à nouveau plus qu'un avec son être. Sa rage se déversa à travers lui comme un torrent de douleur, et il ne contrôla plus son corps. Il ne voulait plus que leurs morts, leurs morts à tous ... Bien que la plupart des habitants s'étaient déjà enfuis, il restait quelques hommes qui si battaient contre les démons. Carnothaur voulait leurs morts à eux, et il l'obtiendrait ! Pour les trois sous-fifres qui le suivaient ainsi que les hommes encore debout, Fureur n'eut aucun mal à les démembrer, les décapiter, et répandre leurs tripes sur le sol. Mais lorsque dans les ruines de la ville en flammes, il ne restait plus que le général et son second, l'issue était indistincte. Tous les deux avaient revêtus leurs formes de démon, l'un entièrement brûlé, et brûlant tout autour de lui, l'autre sombre comme la nuit, aux inquiétants reflets violacés, déployant de gigantesques ailes derrière lui, telles de longues voiles noires et déchirées. Alors le combat commença entre les deux mastodontes.
Le lieu de leur affrontement n'était que flammes et fumée, et les quelques rares spectateurs qui s'étaient attardés autour des décombres ne purent voir la bataille. Au bout d'une journée entière de combat épique et d'une rare violence, le corps massif de Carnothaur fut projeté au dessus de ce qu'il restait des murs et s'écrasa de tout son poids sur une petite maison en périphérie du bourg, la réduisant en morceaux. Le taureau de feu n'avait plus qu'un bras, le droit. Le général décrivit la même courbe et sauta sur son adversaire avant de lui asséner plusieurs coups de poings qui, disait-on à l'époque, avaient la violence de la foudre. Mais Azrethor avait une grande faiblesse, il était trop sur de lui-même, et alors qu'il se sentait victorieux, Carnothaur planta de toute ses force Fureur à travers le flanc gauche de son ancien maître. Hébété, ce dernier tomba, mort avant d'avoir touché le sol. Carnothaur avait gagné, et il se retransformait déjà en humain. Alors il courût, le plus loin qu'il le pût, avant de reprendre connaissance et de se rendre compte qu'il était blessé ... Il prit alors conscience qu'il serait traqué non plus seulement par les résistants à Aile Ténébreuse, mais aussi par ses partisans, ses propres anciens camarades. Le démon se sentit alors soudainement seul et vulnérable. Alors il marcha, tout droit, jusqu'à ce que ses jambes n'aient plus la force de le porter ...