Un ciel bleu... une température agréable... Un léger vent soufflait, ébouriffant ses cheveux, tandis que l'archer avançait calmement, suivant le tracé de la route qu'on lui avait recommandée. Cette fois-ci, finis les problèmes ! Il avait été prévoyant. Il était suffisamment armé, avait pris suffisamment de nourriture pour plusieurs jours. De plus, avec les leçons que lui avait donné Alyna, il arrivait à se débrouiller seul. Et le fait que Thjodvitnir n'avait toujours pas décidé de le laisser tomber était également un petit plus. Le loup était encore meilleur chasseur que lui.

Il essayait donc de garder l'esprit tranquille- même si cette satanée taverne n'était toujours pas apparue. Il avait quitté les Plaines Mystiques depuis un bon moment, déjà. Après un retour fracassant auprès de Luz, il voulait se faire pardonner de lui avoir causé autant de soucis. Et quoi de mieux, pour elle, que lui ramener un trésor ?

Après avoir effectué quelques recherches, avoir discuté avec quelques personnes, on lui avait donné une destination : Conall Curatch. A Foam. Un temple en ruine, d'après ce qu'il avait compris. On lui avait également plus ou moins parlé de monstres qui vivaient là-bas... Ils ne lui faisaient pas peur, mais, par précaution, il s'était mit en tête de recruter un guerrier au passage, pour l'accompagner dans ce fameux temple. Histoire de ne pas troquer un bras contre un trésor- l'effet « cadeau » risquait d'être fortement amoindri.

Thjodvitnir n'aimerait pas avoir de la compagnie, mais tant pis pour lui. Le loup ferait avec- Donovan ne doutait pas de sa capacité de combat, mais crocs et griffes risquaient de ne pas suffire.

Il dût marcher deux heures encore avant qu'une toiture ne crève la pureté du paysage- et l'archer poussa un profond soupir de soulagement. Il s'arrêta un instant, mit une main par dessus ses yeux, plissa les paupières. Thodjvitnir s'assit à côté de lui et renifla la terre. Il lui jeta un regard amusé.

- On va entrer dans un endroit où il y aura d'autres humains, Todd.

Il lui caressa la tête, puis prit son museau d'une main pour relever le regard du loup.

- J'exige un comportement correct, mon beau. On ne grogne pas, on ne mords pas, on n'égorge pas. Compris ?

Thjodvitnir répondit par un léger gémissement, qui laissa, comme d'habitude, Donovan perplexe. Il se demandait encore si le loup comprenait vraiment ce qu'il lui disait, où s'il se fichait royalement de ce qu'il lui racontait. Finalement, il haussa les épaules.

- En route.

Quoiqu'il en soit, l'animal se releva et se remit en marche. Ils arrivèrent tous deux à la taverne après un bon moment de marche. L'endroit était assez exposé- probablement pour attirer les clients-, et l'on apercevait quelques habitations autour du grand bâtiment. Un espace de repos pour voyageurs... L'endroir rêvé pour dégotter un aventurier qui accepte de le suivre !

Il demanda à Thjodvitnir de l'attendre à l'extérieur et pénétra dans l'endroit. C'était un lieux convenable, et bondé- il y avait là une multitude tout aussi divers les uns que les autres. Donovan se dirigea vers le comptoir et commanda une choppe de bière, laissant son regard faire le tour de la pièce, examinant les hommes armés qui étaient là. Avec un peu de chance, une bagarre éclaterait... et un de ces hommes sortirait du lot !

Il bailla discrètement, capuche tirée sur son visage, puis reprit en main son verre pour le tourner entre ses doigts doucement, un petit sourire rêveur étirant ses lèvres à la pensée de ses récentes retrouvailles avec Linvala et cette promesse de se revoir quelques mois plus tard, dans peu de temps, ils avaient même décidé d’un lieu pour se retrouver. Et tout ceci le ravissait au plus haut point. Évidemment ce n’était peut-être pas le lieu pour songer à ses choses, une taverne sur la route menant à Foam n’était pas vraiment amusante et ne donnait pas lieu à la rêverie, enfin, sauf lorsque l’on était un esprit héroïque de lycan âgé de 2000 ans. La porte s’ouvrit et il sentit l’odeur d’une personne plutôt étrange, pas humain, il ne savait ce que s’était, mais flottait avec lui un infime parfum de loup. Un frère de race ? Il écarta cette possibilité, l’odeur était trop légère pour ça, probablement quelqu’un voyageant avec. L’arrivant s’assit non loin, mais l’ancien chevalier préféra ne pas bouger, pour une fois il allait peut-être pouvoir passer une journée tranquille dans une taverne, quoi que ce ne soit pas non plus le genre d’établissements à ressembler à une riante et paisible auberge.
Qu’importe, pour le moment il pouvait finir sa consommation paisiblement. Ses oreilles perçurent que le ton montait à l’autre bout de la pièce, il termina tranquillement le verre avant de se tourner légèrement vers la salle pour observer la suite. L’on pouvait s’y attendre et il s’en était douté : l’alcool et les imbéciles ne font pas bon ménage.

« Trois… deux… un… »

Un homme se leva pour entamer la bagarre qui deviendrait bien vite générale. Tssc, ils n’avaient pas changé même après tant de temps, heureusement qu’il n’était pas comme certains de ses frères de race, à s’énerver rapidement et à ne pas pouvoir contrôler son instinct, même si ce dernier restait manifestement présent avec une certaine forme d’ironie face aux évènements agitant la taverne. Intervenir ou rester assis ? Il n’avait pas envie, tant que faire ce pouvait. Une chope vola dans sa direction, une partie des bagarreurs était déjà effondrée au sol, soit assommés, soit ivres, d’un mouvement fluide il se leva, évita la chope et pivota ; le tout dans un mouvement assez semblable, même s’il l’ignorait, à sa descendante lorsqu’elle avait évité une branche d’arbre. L’esprit s’avança vers la mêlée d’un air calme, autant arrêter les choses avant que cela ne se propage à toute la taverne. Attrapant au passage un tonnelet d’eau sur le comptoir, il parvint jusqu’aux hommes et les observa à petite distance, tranquille et posé, puis arracha le robinet pour servir et le contenu du tonneau se déversa sur les querelleurs, leur remettant brutalement les idées en place.

-De quoi tu te mêles étrangers ?
-De mes affaires, vous troublez ma tranquillité, tenez-vous tranquille ou je vous assomme tous, dit-il avec tellement d’aplombs que personne n’osa répliquer, personne… sauf un petit malin qui posa la main sur l’épaule du chevalier, fin et sec, il semblait souple et rapide aux estimations d'Ilidwën qui s'avérèrent très vite vraies.

-T’as un problème vieux ?

« Si tu savais comme ton « vieux » est vrai… »

Tout en songeant, il garda le visage impassible quand le petit nerveux se mit à attaquer dans le vide, visant Ilidwën, sans pour autant le toucher, il cherchait juste à impressionner le lycan qui resta de marbre. Il se décida soudain à attaquer réellement et l’esprit se déroba souplement sur le côté en lui faisant un croque en jambe, le pauvre bougre s’étala de tout son long, ridicule, tandis que le chevalier s’éloignait vers la porte pour quitter l’endroit avant d’attiser les convoitises ou les curieux avides de prouver leur force. Au moins il avait été sage et ne s’était pas vraiment battu. En prenant le chemin des ruines, ne serait-ce que pour voir le lieu où ses ancêtres s’étaient battus puisqu’il n’avait pas l’intention d’y entrer, il sentit l’odeur du loup, mais fit semblant de rien. Puis il entendit un bruit de pas derrière lui et cette fois s’arrêta pour se retourner, toujours encapuchonné, sa position n’était pas agressive, mais il semblait prêt à bouger au moindre acte suspect.

Donovan reprit une gorgée de bière en laissant son regard vagabonder dans la pièce. Le ton commençait à monter, et il eut un petit sourire. Une fois que tout ce petit monde se serait mit à se taper dessus, il trouverait son homme.... Cependant, l'une des personnes présente ici avait déjà attiré son attention. Un type paisiblement installé, avec un capuchon tiré sur son visage. Cet homme était... intriguant. Et c'était ce genre d'hommes qui se montraient les plus surprenants.

D'autant que, à première vue, les autres n'étaient qu'un ramassis d'ivrognes et de brutes. La bagarre qui éclata lui donna raison- et il ne fut donc pas déçu de ces hommes. Ils se battaient comme des sauvages. Et en quelques secondes seulement, il sût qu'il ne voudrait aucun de ces hommes-là pour l'accompagner dans les ruines. D'une part, parce qu'ils risquaient de se faire tuer ou de se défiler au moindre danger. Ensuite, parce qu'un compagnon comme ça risquait fortement de le poignarder dans le dos au moindre signe de richesse.

Il commençait à désespérer quand il vit l'homme encapuchonné se lever calmement et finir par renverser un tonneau d'eau sur les bagarreurs. L'archer ne pût retenir un sourire- lui, il lui semblait valoir mieux que les autres. Ne serait-ce la façon dont il gardait son sang-froid.

Il n'entendit pas les quelques mots qu'ils échangèrent, mais il eut droit à une démonstration du talent de l'homme en capuche. Un bref aperçu, mais qui suffit à Donovan. Le bougre n'avait même pas eu besoin de vraiment se battre pour envoyer un adversaire à terre.

Lorsqu'il le vit quitter la taverne, l'archer finit sa choppe d'un trait et s'élança à sa poursuite. Il franchit la porte- Thjodvitnir fut sur ses talons avant même qu'il n'ait remarqué sa présence- et fit les quelques mètres qui le séparaient de l'homme en courant à moitié.

Ce dernier se retourna, Donovan ouvrit la bouche pour entamer la discussion... et se rendit compte qu'il n'avait pas la moindre idée de la façon dont on embauchait un homme. Bon sang, il n'avait toujours été que soldat. Jamais eu à mener des hommes, et encore moins à en recruter. Et concernant les négociations... il se faisait déjà arnaquer quand il voulait acheter de la nourriture, alors convaincre un homme de s'aventurer dans un temple en ruine sans grande compensation...

Il resta quelques secondes silencieux, puis se décida enfin à se lancer.

- Heu... bonjour. Je heu... Je vous ait vu vous battre là-dedans. Et...

Il fit un mouvement de tête en direction du temple en ruine.

- Je vais là-bas. Seul pour le moment, enfin... Ha, je m'appelle Donovan. Donovan Esylandre.

Il avait l'impression de se noyer.

- Bon, écoutez. Je pars à la chasse au trésor. Je vais à Conall Curatch, le temple en ruine. Mais y aller seul me semble... excessif. D'autant que pour diverses raisons, il faudrait que je fasse attention à moi. Vous me semblez valoir mieux que ces ivrognes à l'intérieur. J'aimerais vous... recruter, que vous m'accompagniez dans cette quête. Enfin, si vous êtes vraiment un combattant. Et si l'aventure vous tente. Mais autant être franc tout de suite : je n'ai pas grand chose à vous donner en retour. Je suis sans le sous, et les trésors que je trouverais là-bas, je les destine à quelqu'un. On partagera, évidemment, mais je me réserve le droit de prendre ce que je veux.

Il se désespérait lui-même, à présent. Il prit une profonde inspiration- et s'attendait à ce que l'autre l'envoie voir ailleurs. Nerveux, il tapota sur le sommet de la récente hache de guerre qu'il s'était offert il y a peu.

Il observa l’arrivant, l’inconnu à l’odeur étrange, qui sembla quelque peu déstabilisé par l’attitude du chevalier, ou alors parce qu’il n’était pas sûr de lui ou ne savait pas comment aborder le sujet. L’esprit nota intérieurement le trouble de cette jeune personne, sans pour autant se moquer de lui puisqu’il savait que si certains n’avaient pas de mal à parler à un inconnu, d’autres si. Patiemment il l’écouta, lui laissant le temps d’expliquer vaguement et d’expliquer plus en détails, sans l’interrompre ou manifester un quelconque ennui. Alors donc il allait à Conall Curatch, intéressant, le chevalier avait également décidé d’aller vers Foam, mais n’aurait pas apprécié de s'y rendre seul, bien heureux de trouver quelqu’un qui veuille s’y rendre aussi. Il resta quelques secondes silencieux pour voir si son interlocuteur avait quelque chose à ajouter, mais ce n’était pas le cas et, remarquant son tapotement sur une hache de guerre apparemment flambant neuf, signe de trouble, il esquissa un fin sourire et jaugea encore une seconde l’homme. Il ne voulait pas de trésors, mais chercher des informations, se doutant que cela n’intéresserait peut-être pas son interlocuteur, alors soit ! Il retira sa capuche, dévoilant ses cheveux bleutés et ses yeux rouges aux lueurs presque animales, gardant le coin de ses lèvres levé en une expression aimable qui adoucissait la sévérité que pouvait avoir son regard.

-Détendez-vous donc, je ne mords pas, enfin cela dépend qui, lança-t-il avec humour. J’allais moi-même dans cette direction pour plusieurs raisons, du coup cela me convient parfaitement si voyager avec quelqu’un d’aussi étrange que moi ne vous dérange pas. Et bonjour a toi ami loup. Ilidwën, ancien chevalier mais qui le reste dans l’âme, pour vous servir.

Étrange était plutôt un euphémisme si l’on savait qu’il était lycan et esprit, un chevalier des moins normaux qui fuguait ses leçons de code de chevalerie. Fort heureusement le dénommé Donovan ne le savait pas encore, quoi que le prévenir serait une bonne chose, car voir soudain son compagnon de route être revêtu de parties d’armures alors qu’il n’en avait pas deux minutes auparavant pouvait en surprendre plus d’un.

-Autant que je vous prévienne de suite, je suis un peu spécial. Et flute voilà que je ne saurais comment expliquer simplement. Disons que j’ai vécu il y a… quelque chose comme deux mille ans et des poussières et que je suis passée voir la déesse des morts, j’en suis revenu ainsi en une sorte d’esprit. Et je peux maintenant faire ceci…

Sans bouger ou esquisser le moindre geste il fit soudain en sorte que ses vêtements de chevaliers prennent la place de ceux qu’il avait à présent, avec sa tenue une lance verte apparut dans sa main droite, pointe vers le sol. Avec un sourire et un haussement d’épaules il fit disparaître le tout pour reprendre son habillement précédent, manteau pantalon et chemise des plus classiques.

-Lancier, mais je préfère le corps-à-corps. Ceci reste entre nous pour la transformation, je tenais juste à ce que vous ne soyez pas surpris le moment venue.

Il lui tendit la main marque qui signifiait qu’il acceptait le « contrat », ayant préféré, pour le moment, taire le fait qu’il était un lycan. Nul besoin pour le moment de trop en révélait sur lui. Il aviserait plus tard, qui plus est-il n’avait pas non plus parlé de sa dématérialisation et se réservait quelques atouts dans sa manche au cas où. En tout cas accompagner Donovan l’intéressait pour ses propres recherches –et sa sécurité.

Le cerveau de Donovan marqua un temps d'arrêt- il recevait trop d'information en même temps. L'humour certainement... étrange de Ilidwën. Le fait qu'il soit un ancien chevalier. Le fait qu'il soit un... quoi ? Un esprit ? C'était de cette manière qu'il s'était définit. Vieux de plus de deux milles ans, apparemment. C'était aberrant. Par tous les dieux, ne pouvait-il pas rencontrer pour une fois, juste une fois, quelqu'un d'à peu près humain ?

Il préféra faire abstraction de l'apparition soudaine d'une armure et d'une lance, que Ilidwen avait apparemment provoqué. Pour éviter d'une part de passer pour un imbécile en affichant une stupéfaction totale. Et pour ne pas assaillir le pauvre homme de tonnes de questions. Puis, encore une fois... cela faisait trop de choses pour lui, en si peu de temps. Certes, il aurait pût s'y habituer, depuis qu'il avait commencé à parcourir le monde, mais rien n'y faisait.

Il serra la main que lui tendait l'esprit avec un sourire légèrement forcé.

- Ravi que vous vous joigniez à moi, Ilidwën. Je me tairait à propos de votre... transformation. Même si je suis content de voir que vous pouvez vous armer rapidement.

Il soupçonnait d'ailleurs que le jeune homme avait quelque chose à voir avec les loups. « Ami loup » ? Peu de personnes considéraient les loups comme des amis. Mais s'il avait préférer se taire sur le sujet, il devait avoir ses raisons.

Par ailleurs, Donovan hésita à lui parler de l'ombre-sang. Cette chose qui était en lui, ce qu'il était devenu réellement. Après une seconde de réflexion, il décida de ne rien en dire. C'était déjà une chance qu'Ilidwën accepte de l'accompagner, inutile de préciser qu'il pouvait vouloir le tuer à tout moment.

- Mettons nous en route alors, Ilidwën, si vous le permettez. Il reste encore du chemin à parcourir jusqu'aux ruines, et il nous faudrait trouver à manger avant la tombée de la nuit. Je n'ai malheureusement pas beaucoup de provisions, et je ne suis qu'un chasseur débutant- malgré un très bon professeur.

Il jeta un regard à son compagnon animal derrière lui et, après un signe de la main à son attention, il se mit en marche aux côtés de Ilidwën.

- D'ailleurs, voici Thjodvitnir. Un loup qui m'accompagne dans mes voyages depuis quelques temps.

Le loup, qui grognait dès que quelqu'un s'approchait trop de Donovan, était inhabituellement calme. Oui, Ilidwën lui cachait probablement des choses...

Il n'insista pas durant leur marche, préférant garder une conversation superficielle. Il s'avéra que Donovan appréciait le jeune homme, qui était d'une compagnie enjouée. L'archer n'était pas habitué à ce genre d'hommes- lors de déplacements, les soldats avaient une attitude plus... réservée. Il devait bien avouer que ne pas être seul avait ses quelques avantages.

Ils trouvèrent une proie à l'orée du jour, profitant des derniers instants de lumière afin de surprendre un bel oiseau. Donovan laissa Ilidwën le préparer, et il récupéra quelques entrailles afin de les donner à Thjodvitnir.

A la fin du repas, alors que le loup gris était couché derrière lui, l'archer s'allongea dans l'herbe et posa sa tête contre le flanc velu de l'animal.

- Dîtes moi, Ilidwën... je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais... qu'allez-vous chercher dans ces ruines, si ce ne sont des trésors ?

Donovan sourit en entendant les explication d'Ilidwën.

- Oh, moi ce sont des raisons plus terre à terre qui me motivent. J'ai, disons, besoin de me faire pardonner auprès de la femme que j'aime. Et comme elle s'intéresse vivement aux reliques oubliées, he bien... j'espère bien lui rapporter quelque chose qui puisse éveiller sa curiosité. Des bagues, des colliers, ou des textes... Un objet avec des propriétés magiques serait le mieux !

Il resta pensif un instant. Il espérait vraiment, avec ce périple, pouvoir ramener quelque chose de convenable à Luz. Donovan finit par étouffer un bâillement.

- Pardonnez-moi... une longue journée nous attends demain. J'ai peur de ne pas tenir si je ne dors pas un peu. Peut-être pourrions nous établir un tour de garde ? Je vous laisse le premier, réveillez moi au milieu de la nuit pour la relève !

Ilidwën accepta, et Donovan se laissa aller à un sommeil tourmenté. Depuis qu'il avait apprit qu'il était un Ombre-Sang, qu'il savait vraiment ce qu'il était devenu, il n'avait pas eu une seule nuit paisible... Il revoyait, sans cesse, le monstre en lui, luttant pour sortir, luttant pour tuer à nouveau.

C'est avec un visage hagard et encore fatigué qu'il se réveilla lorsque Ilidwën vint le prévenir pour son tour de garde. Il hocha doucement la tête et se mit en position assise, bien décidé à ne pas s'endormir. S'il flanchait maintenant, comment son nouveau compagnon de route pourrait avoir confiance en lui lors d'un combat ?

Le reste de la nuit fut paisible, bercé d'une tranquillité rare en ces temps- et qui laissa présager une dure journée pour le lendemain. Le calme avant la tempête... Donovan ne connaissait que trop bien la véracité de ce proverbe.

Les premiers rayons du soleil finirent par couvrir le monde, et cette aurore redonna un regain d'énergie à l'archer. Il hésita un instant à réveiller déjà Ilidwën, puis, trop impatient pour attendre plus longtemps, alla toucher son épaule. Il eut un sourire d'excuses.

- Désolé s'il est encore tôt mais... j'aimerais y arriver le plus rapidement possible, si cela ne vous dérange pas.

Il entreprit de s'équiper, remettant ses armes à leurs place. Il bougea également les bras, s'étira pour chasser l'engourdissement dans ses jambes. Il laissa Ilidwën se préparer, puis ils se remirent en route.

Ils marchèrent encore quelques heures, et Donovan resta silencieux pendant la plus longue partie de leur marche. Non pas qu'il n'aimait pas son équipier, bien au contraire. Ce dernier avait l'air fiable, et l'archer était enclin à lui faire confiance. Quelque chose qui émanait de lui peut-être, son assurance, ou le fait qu'il se doutait que l'homme était plus qu'il ne laissait paraître.

Lorsque le soleil fut à son zénith, ils arrivèrent devant une grande falaise, qui laissa Donovan perplexe. Il mit les mains sur les hanche et leva la tête pour tenter d'en apercevoir le sommet.

- Heu... Je n'étais pas au courant, pour ça.

Deux choses : soit la falaise était un passage obligatoire pour atteindre les ruines, soit il s'était encore perdu. Mais il ne pouvait décemment pas déclarer à un guerrier à qui il avait demandé de le suivre qu'il s'était... perdu.

- Vous connaissez un autre passage, peut-être ? Parce que sinon, je crois bien qu'il va nous falloir grimper...

Grimper... en espérant qu'ils trouveraient quelque chose là-haut, et non pas plus de verdure seulement.

Le chevalier sourit amusé en entendant l’archer, un objet pour se faire pardonner auprès de la femme qu’il aimait, il comprenait parfaitement son point de vue. Lui-même aurait fait n’importe quoi pour celle pour qui son cœur battait, même allé la chercher dans les limbes. L’esprit observa Donovan quand celui-ci annonça qu’il devait dormir et il inclina légèrement la tête, comme pour dire : allez-y faites donc, je ne vais pas vous empêcher de dormir. Il resta éveillé une partie de la nuit, laissant l’archer dormir, puis il le secoua doucement pour échanger les rôles et alla s’étendre pour se reposer, s’il mit plusieurs heures à sommeiller, il n’y paraissait pas le lendemain lorsque Donovan lui toucha l’épaule. À ce contact le lycan ouvrit les yeux immédiatement, comme s’il avait toujours été attentif à ce qu’il se passait autour, comme s’il n’avait pas dormi, il écouta l’archer s’excuser et sourit joyeusement.

-Il n’y a pas de mal.

Ilidwën se releva rapidement et avec souplesse, puis ramassa ses maigres affaires avant de suivre son compagnon de voyage improvisé et le loup qui l’accompagnait, il ne parla pas, respectant le silence de l’homme. Vers midi ils atteignirent une falaise, si le chevalier perçut sans mal le trouble chez Donovan, il ne laissa rien paraître, mesurant du regard la hauteur, puis observant pragmatiquement autour de lui pour vérifier qu’il n’y avait pas d’autre passage, il repéra un étroit passage, tout juste de quoi laisser passer un homme qui serait dos ou face à la paroi et qui ne pourrait avancer qu’ainsi pendant une bonne partie du chemin, fort heureusement il y avait des petits plateaux pour se reposer. Pour atteindre le « sentier » il fallait tout de même escalader un ou deux mètres de paroi.

-Moi non plus je ne savais pas pour la falaise, j’aurais dû m’en douter puisque les gens de la taverne n’ont jamais vu aucun monstre et pourtant ils sont réputés à Foam et je ne connais pas d’autre passage, mais il y aurait cette solution-là, moins fatigante que l’escalade, mais tout aussi éprouvante mentalement, annonça-t-il en montrant le « chemin », il s’agenouilla ensuite devant le loup, lui faisant signe de venir. Viens mon grand, je vais te porter jusqu’en haut, comme ça tu seras avec ton maître.

L’animal s’approcha docilement et le lycan le hissa sur ses épaules, comme un berger porte une brebis, il lui recommanda de ne pas bouger du tout, puis recula pour prendre un peu d’élan, il fit trois pas, puis appuya sa main gauche contre la roche, le pied droit également et se propulsa légèrement ainsi pour atteindre une prise plus élevée, qu’il attrapa de la main gauche, et ainsi avoir moins à escalader, puis il se hissa à la force des bras, s’aidant des jambes, jusqu’au rebord étroit, là il marqua un arrêt, attendant que l’archer le rejoigne.

-Cette escalade va probablement nous prendre la journée, annonça le chevalier avant d’avancer latéralement en se glissant le long de la roche, tournant le dos au vide pour ne pas risquer de tomber à cause du loup.

Il devait se retenir aux prises dans la roche avec soin pour éviter de tomber, mais à part une fatigue cérébrale, dû à la concentration dont il devait faire preuve, se déplacer ainsi n’était pas très éprouvant physiquement et les plateaux étaient plus larges que prévus. De sorte qu’ils pouvaient tenir à deux dessus. Ils progressèrent ainsi toute l’après-midi en pente douce vers le sommet et ce n’est qu’au coucher du soleil qu’ils y parvinrent, Ilidwën reposa le loup au sol qui n’avait pas bougé d’un pouce pendant l’ascension, avant de se laisser tomber au sol, essoufflé. Aller dans les ruines maintenant était une mauvaise idée, surtout qu’ils avaient maintenant sous les yeux un temple aux pierres éboulées. Il vit le pelage de son frère animal se hérisser et était lui-même près de laisser échapper un grondement menaçant pour répondre à l’ambiance des lieux, brusquement sinistres, ce qui ne fit qu’empirer quand le soleil disparut.

-Je crois que nous devrions attendre demain pour entrer là-dedans, déclara-t-il d’un ton posé malgré sa propre nervosité qu’il parvenait pour l’instant à cacher.

Donovan regarda d'un air hébété Ilidwën se saisir de Thjodvitnir. Que le guerrier propose de lui-même de porter l'animal sur ses épaules était en sois surprenant. Que le loup se laisse faire sans broncher l'était plus encore. Il s'était douté que l'homme lui avait caché des choses, mais tout de même... Cette force et cette familiarité avec les loups n'étaient pas sans lui rappeler Alyna. Lycan. Ce qui n'était pas forcément une mauvaise nouvelle. Il aurait voulut confirmer ses soupçons, mais préféra respecter le silence d'Ilidwën sur le sujet.

Malgré le poids de Thjodvitnir, qui ressemblait plus à un mouton, avec son air mi-renfrogné mi-dénué de toute expression, le supposé lycan ne montra la moindre difficulté à se hisser au rebord le plus proche. Donovan le regarda faire, poussa un petit soupir et posa les mains sur la parois à la recherche de prise.

Il eut plus de mal à grimper. Il n'avait jamais apprécié la hauteur, et l'ascension fut difficile pour lui. Le poids de ses armes le désequilibrait, semblaient l'entrainer vers le bas. Très vite, il fut couvert de sueur, et ses muscles l'élançèrent. Rester collé à la paroi rocheuse était en sois un exercice compliqué- s'il se tournait vers le vide, ses armes raclant la pierre dans son dos le gênaient, et s'il se tournait vers la falaise, elles étaient un poids non négligeable qui risquait de le faire tomber.

Mais il était un soldat des Glaces, ou du moins l'avait été, et les journées de marches à travers des territoires rocailleux et enneigés l'avaient préparé à ce genre de calvaire. Les heures de marches passé à s'écorcher les mains sur les pics de glace, laissant une trainée de vermeille sur la blancheur des appuis...

La montée l'épuisa, et lorsqu'ils arrivèrent au sommet, Donovan se laissa tomber dans l'herbe. Non seulement il n'avait l'endurance d'Ilidwën- qui avait avancé à très bon rythme- mais en plus, l'angoisse permanente d'un plongeon définitif dans le vide avait sapé toutes ses forces. Ilidwën avait finit par s'essoufler lui aussi, et il s'était également assis dans l'herbe après avoir déposé Thjodvitnir. Qui, à peine touché le sol, émit un grognement sourd, le poil hérissé.

L'archer tendit la main vers le loup, qui s'approcha, la renifla puis se contenta de s'assoir à côté.

- Oui, vous avez raison. Reposons nous d'abord, je ne me vois pas affronter des monstres avides de chair fraîche en pleine nuit après une telle escalade. Quoiqu'il risque bien de faire sombre, là dedans, ajouta-t-il après un coup d'oeil aux ruines sinistres qu'il pouvait apercevoir.

Il tendit la main pour caresser le crâne de son animal.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive, Todd ? Quelque chose de mauvais dans le coin, hein ?

Il se releva et jeta un coup d'oeil malicieux à Ilidwën.

- Vous devez avoir senti quelque chose, vous aussi, n'est-ce pas ?, fit-il, faisant allusion aux similitudes qu'il avait avec Thjodvitnir. Quoiqu'il en soit, mangeons et dormons. Demain risque d'être une sacrée journée.

Il sortit de son paquetage quelques morceaux de viande séchée, qu'il tendit à Ilidwën, ne sachant pas si l'homme souhaitait chasser ou pas. Thjodvitnir, ainsi que lui-même, avalèrent leurs parts rapidement avant de se préparer pour la nuit.

Dont l'obscurité, étonnament, ne fut troublé jusqu'au lever du jour, qui resta d'un calme mortel jusqu'à ce que la pâle lueur de l'aube donne un teint orangé aux ruines non loin d'eux. Le spectacle en était à frémir, et encore une fois, Donovan ne sût s'empêcher de réveiller Ilidwën dès qu'il fut assez de lumière pour se remettre en marche.

- Nous y voici, fit-il. Allons donc voir ce qui nous attends dans ce tas de pierres effondrées.