« - Bienvenue chez moi ! »

La voix enjouée et le sourire aux lèvres, Clydwen désigna Flore de sa patte motrice, accentuant l’effet dramatique en tenant son bâton du bout des doigts. Bâton qui, soit dit en passant, ressemblait à une maigre brindille ridicule aux côtés de Rägmor, et cette idée fit rire l’Ilwynog qui s’étira avec bonne humeur. Le voyage avait été long et s’ils s’étaient arrêtés plusieurs fois, la bestiole se sentait engourdie. Elle s’était bien relevée de l’épaule du Giguêtre de temps en temps pour mieux gambader à ses côtés, mais elle n’était pas habituée aux moyens de transport sur de longues distances ; bondissant sur l’épaule de son ami pour faire fuir les fourmis qui s’étaient emparés de ses muscles Clydwen ne semblait néanmoins pas en perdre le sourire et encore moins sa langue.

« - Il vit à la frontière des deux territoires, pour avoir une fenêtre sur Drayame et l’autre sur Flore. expliqua-t-elle sagement en pliant et dépliant ses oreilles rapidement, créant un petit courant d’air qui ne fut pas sans faire virevolter les cheveux du géant. Je me souviens, durant l’Hiver Éternel, c’est grâce à lui que ma race ne s’est pas éteinte ! rajouta-t-elle alors les yeux pétillants, sans qu’il n’y ait aucuns rapports logiques, pour finalement conclure avec plus de gravité : Enfin, en partie. Quoiqu’il en soit, à part les animaux et les créatures bizarres du coin, personne ne lui rend tellement visite : j’ai entendu dire que cela l’avait rendu un brin timbré. Mais si tu veux mon avis il était déjà bien atteint à la base.. Ah, c’est là ! »

Cette fois-ci, Clydwen sauta de l’épaule du Giguêtre pour mieux galoper le long des branches d’arbre ; plus loin, au détour d’un énorme tronc, se dessinait une cabane en bois qui montait jusque dans les feuilles du chêne qui la soutenait. Elle semblait si bancale qu’il était à se demander quelle magie pouvait ainsi la faire résister à l’attraction terrestre et était recouverte de feuillages divers, tant qu’il fallait un œil attentif pour la repérer à travers le décor forestier si on ne connaissait pas sa localisation exacte. La porte était fermée et Clydwen en fut satisfaite : cela prouvait que l’elfe était à l’intérieur. Lorsqu’il sortait, il n’omettait jamais de laisser celle-ci ouverte pour permettre à quelques invités inopinés ou bêtes égarées de venir y trouver refuge. Se redressant sur ses pattes arrières, les oreilles tendues au possible ce qui eut l’étrange effet de la faire paraître plus grande qu’elle n’apparaissait réellement, Clydwen sembla sonder les environs en remuant le museau. Aucunes odeurs bizarres, aucuns sons inhabituels.. bien, ils ne risquaient donc pas de le déranger en pleine expérience conceptuelle. Adressant un sourire encourageant à Rägmor pour l’inviter à la suivre et lui assurer que tout se passait comme sur des roulettes jusqu’à maintenant, elle avança à quatre pattes pour bondir plus rapidement jusqu’à la porte en bois de l’habitation originale.

« - Il doit y avoir.. Ah, là ! Clydwen désigna une sonnette artisanale suspendue aux côtés de la porte. Ça devrait l’interpeller. N’hésite pas à sonner plusieurs fois – et surtout à répéter ce que tu dis plusieurs fois d’une voix forte et intelligible jusqu’à être sûr qu’il ait bien entendu, il a tendance à.. être ailleurs, parfois. Mais je t’assure qu’il saura t’aider dans ta quête ! »

Quand elle y réfléchissait, c’est vrai que le drapeau qu’elle dressait de lui pouvait être rédhibitoire. Bah, se dit-elle en haussant les épaules, après tout, qui ne tentait rien n’avait rien !

Spoiler:

Ruben releva les yeux de son grimoire et poussa un profond soupir. Par tous les dieux, pas moyen d'être tranquille ! Il renifla l'air- si les animaux pouvaient déterminer ce qui se trouvait dans les environs à l'odeur, pourquoi n'en serait-il pas capable ? Il n'y avait aucune raison. Aucun raison du tout, du tout, du tout. Et puis, n'était-il pas un elfe ? Un habitant de la forêt, et de tout ce qui s'y rapportait ?

Pourtant, il ne sentait rien. Il secoua la tête, passa une main dans ses longs cheveux sales pour les faire tenir derrière ses oreilles en pointe. Probablement un coup de son imagination. L'avait crût entendre quelque chose, mais bon... ce n'était pas les animaux et les bruits qui manquaient, ici.

Il replongeait le nez dans son livre lorsqu'il entendit, distinctement, cette fois-ci, une voix. Le vieil elfe grommela; s'il s'était retiré ici, ce n'était pas pour cueillir des pâquerettes, mais bien pour avoir la paix quand il faisait ses expériences. Il jeta un rapide coup d'oeil à la fiole qui trainait sur la table... Puis se ravisa. Si sa petite mixture marchait, la victime se transformerait en une espèce de mouche, et après avoir observé ces dernières pendant des longues semaines, il ne souhaitait leur vie à personne.

Entendant des pas qui grimpaient dans son arbre, il poussa un juron et se précipita d'un pas décidé vers la porte... pour se retrouver en face d'un colosse. Un homme tel qu'il n'en avais jamais vu, une montagne de muscles rares; et sur son épaule se trouvait une étrange créature... non, un Ilwynog ! De charmantes créatures, d'ailleurs.

- He bien mon grand, vous faites un sacré morceau, pour quelqu'un de votre espèce. Z'avez un petit plus, non ? Ou alors vous avez eu de la chance à la naissance. Serais bien curieux de voir comment vous êtes construit, à l'intérieur...

Son visage pris alors une expression sévère et il pointa un doigt accusateur sur la poitrine du géant.

- Quoiqu'il en soit, que vous soyez capable d'assommer un boeuf à mains nues ne vous autorise pas à entrer chez les gens comme il vous plaît ! D'ailleurs, tenez, j'ai ici...

Il farfouilla dans sa robe crasseuse pour en sortir une petite fiole. L'aspect de cet homme était absolument intolérable ! Il mit de force la fiole dans les mains du colosse.

- Ca vous fera une belle et longue barbe toute jolie. Buvez, vous verrez. Vous ne croyez pas qu'un fier guerrier doit avoir l'aspect qui va avec ? Quand on a la carrure d'un ours géant, on ne peut décemment pas rester imberbe- sans vouloir vous offenser, mon ami. Saviez-vous que chez certains animaux, le pelage est signe de force et de virilité ? Et un atout majeur dans leur mode de séduction, qui plus est. Vous imaginez, un paon déplumé ? Il n'y aurait plus de paon du tout, puisqu'ils ne se reproduiraient plus... Serait une catastrophe pour nos belles forêts. Oh, oui, oui, un grand malheur.

Il eut un léger sursaut lorsque son regard retomba sur l'Ilwynog. Ha, oui... sa présence lui revenait, à présent. Il se pencha en avant et tenta une maladroite courbette.

- C'est toujours un plaisir de recevoir quelqu'un de votre espèce, cher Ilwynog. Nous sommes nous déjà rencontrés ? Ma mémoire est comme un fromage pas frais, et j'ai peur de laisser mes souvenirs s'envoler, quelques fois. Non pas que je devienne sénile, non du tout.

Il épousseta sa robe, histoire de la débarrasser de la poussière qui s'était accumulée dessus, et entreprit de nouer sa barbe en tresse. Il fallait être d'aspect convenable, quand on recevais.

- Dîtes moi, que vient faire ici un couple aussi étrange ?

Clydwen ne put s’empêcher de laisser entendre un rire amusé lorsque Ruben, sortant enfin de sa cabane boisée, se mit à leur tenir un discours.. relativement cousu, contrairement à ce qu’elle avait déjà entendu de sa bouche. Il ne se souvenait sûrement pas d’elle en particulier, oh non : elle était encore jeune lorsqu’elle l’avait rencontré pour la première fois, bien trop jeune, mais elle gardait quant à elle un vif souvenir de leur première rencontre. L’hiver éternel, à l’époque, lui faisait paraître mille ans de plus.. quoique, se dit l’Ilwynog en penchant légèrement sa tête sur le côté tout en le détaillant, elle ne saurait pas tellement le percevoir plus jeune à l’heure actuelle. Il semblait si vieux. Celui-ci, d’ailleurs, confirma ses interrogations en s’adressant plus directement à elle, et hocha vivement la tête pour acquiescer, se remettant debout sur ses pattes pour mieux lui adresser une légère courbette. Ce n’était rien de moqueur, ni d’exagéré : si Ruben était considéré comme un illuminé, les habitants de Flore possédaient pour lui un véritable respect ; quand bien même son esprit s’égarait davantage encore le temps passant, il restait un elfe qui avait voué sa vie à la Nature, et la Nature n’oubliait jamais ce genre de choses.

« - Je suis Clydwen, mon brave Ruben ! se présenta-t-elle en lui adressant un beau sourire joyeux. Oh, oui, c’était il y a bien longtemps, j’étais encore une jeune pousse.. Il n’y a rien d’étonnant à ce que vous ne vous en souveniez plus ! Vous avez aidé à la survie de mon peuple il y a un centenaire déjà, et pour cela nous vous en sommes toujours reconnaissant. rajouta-t-elle en lui adressant un dernier signe de tête. »
Là, Clydwen échangea un regard avec Rägmor quant à la dernière question de l’elfe. Bien sûr, elle n’allait pas prendre la parole à sa place lorsqu’il était le seul à devoir défendre sa propre cause – cause à laquelle, soit dit en passant, elle n’adhérait pas, ce qui pouvait rendre la chose particulièrement déplacée. Mais l’Ilwynog était une bestiole de parole, tout aussi pelucheuse était-elle, aussi adressa-t-elle un dernier sourire complice au géant avant de sauter sur l’épaule de Ruben, agilement et en prenant garde à ne pas lui faire perdre l’équilibre.

« - Ce n’est pas n’importe quel colosse, mon ami. C’est un Giguêtre. Vous vous rendez compte ?! l’informa alors Clydwen avant de se permettre un petit pouffement amusé. »
Et si elle laissa à Rägmor le loisir d’enchaîner sur les raisons de leur venue, elle ne put s’empêcher de se sentir impatiente quant à la réaction du vieil elfe. Oh, cette journée s’annonçait pittoresque !

Clydwen... Clydwen... Non, le nom ne lui disait rien. En revanche, il se souvenait bien avoir sauvé les Ilwynog de l'extinction. Il bomba le torse avec fierté, malgré la douleur dans son dos.

- Hé hé... content de voir que vous ayez bien grandit, qui que vous soyez. J'ai sauvé de nombreuses espèces, mais ce sont les papillons qui m'ont le plus donné de mal. Ils s'envolaient tout le temps, pour voler vers la lumière... qui s'avérait être un brasier. J'ai dût les attraper à un. Vous connaissez les espèces de petites lianes qui entourent parfois les jeunes pousses d'herbes ?

Il farfouilla un instant dans sa tunique, avant de releva la tête avec un air de surprise sur le visage.

- Giguêtre ? Ce n'est pas...

Il se figea devant l'expression de fureur qui se lisait sur le visage du colosse. Par la Forêt... l'homme avait l'air d'être prêt à le tuer. Ruben le vit avec consternation briser la fiole en mille morceaux. L'espace d'un instant- à peine le temps d'un battement de coeur- le vieil elfe comprit que le Giguêtre était là pour une raison importante; et que ses bavardages étaient déplacés. Puis, son esprit dérivant parfois, il finit par conclure que finalement, si le guerrier était imberbe, c'était qu'une barbe devait le gratter.

Il vit le géant sortir un bout de papier. Dessus, Ruben distingua deux serpents qui se faisaient face; et un soleil qui semblait se lever. Il n'avait jamais vu ce symbole, aussi écouta t-il les explications du Giguêtre. Lorsque celui-ci eut terminé, il se tourna vers Clydwen.

- Comment va votre peuple, d'ailleurs ? Je n'ai que peu l'occasion de rencontre des vôtres. Je le déplore : vous êtes des créatures adorables. Avec de vrais manières, pas comme votre rustre compagnon. Bien que vous soyez un couple charmant.

Ses yeux se glacèrent soudainement en jetant un regard au colosse.

- La Forêt ne vous doit rien du tout, mon grand. Elle offre, et ce qu'elle offre, elle le fait pour une bonne cause. Si l'on m'avait donné une pièce d'or à chaque fois qu'on m'a présenté une « noble cause », je serais l'homme le plus riche du monde aujourd'hui. Mais voilà : que vous soyez animés des meilleures intentions du monde ne me prouve pas que vous mettrez une boucherie en place.

Il lança alors un large sourire à l'Ilwynog.

- Clydwen, hein ? Je me souviens bien d'avoir sauvé votre espèce.  J'ai sauvé de nombreuses espèces, mais ce sont les papillons qui m'ont le plus donné de mal. Ils... Ha, mais je vous l'ai déjà dit, n'est-ce pas ?

Son attention se reporta à nouveau sur le colosse.

- Commencez par me dire votre nom. Ensuite, expliquez-moi ce qu'est l'Aurore. Vous me dîtes vouloir rendre le monde meilleur. Comment ? Et êtes vous vraiment un... Giguêtre ? Une vieille espèce, si je ne m'abuse ?

Clydwen fit des yeux ronds comme des queues de pelle lorsque Rägmor, contre toute attente, changea du tout au tout pour paraître plus intimidant encore qu’il ne l’était d’habitude. Une seconde l’Ilwynog se demanda ce qu’elle avait fait de mal ; la mine soucieuse, elle échangea un regard avec Ruben, non sans partager avec ce dernier la tristesse de voir la fiole être brisée en milles petits morceaux. Il est vrai qu’imaginer le Giguêtre doté d’une barbe était une idée loin d’être déplaisante, autant d’un point de vue virilité qu’esthétique ; concernant ce dernier point cependant la bestiole qu’elle était n’était peut-être pas tout à fait objective aussi Clydwen se contenta d’observer le verre se répandre sur le sol en silence, baissant légèrement les oreilles en signe de déception. Elle qui avait partagé auparavant un discours enjoué et énergique avec l’elfe – qui n’avait d’ailleurs pas manqué de la faire rire lors de son anecdote sur les papillons – se sentait soudainement plutôt lasse, presque dépitée. Loin de s’en formaliser cependant elle laissa Rägmor décrire son idéologie en lissant les poils de ses joues, désinvolte, pour mieux reporter son attention sur Ruben lorsqu’il s’adressa de nouveau à elle. Très vite son sourire aimable et amusé revint hanter ses lèvres tandis qu’elle hochait vigoureusement la tête.

« - Oh, il va bien, très bien, je vous remercie de vous en informer ! commença-t-il avant de baisser un peu la voix sur le ton de la confidence, son expression amusée l’empêchant néanmoins de rendre son ton vraiment grave. Ne soyez pas trop dur avec lui, Ruben. Il est un peu sur les dents, je crois : nous n’avons rien avalé depuis des heures. »
C’était une interprétation personnelle mais, quand elle y réfléchissait, c’était la meilleure théorie qui lui venait à l’esprit lorsqu’elle songeait au brusque changement d’humeur de Rägmor.
Ou alors peut-être était-il victime de cette chose menstruelle qui permettait aux bipèdes de se reproduire ? Hmm..

La réponse du vieil elfe n’étonna en rien Clydwen qui continua une seconde à dodeliner de la tête, toute à sa réflexion en dévisageant Rägmor ; elle ne tarda néanmoins pas à se redresser en pointant ses oreilles toutes droites vers le ciel lorsque Ruben capta à nouveau son attention en soulevant le sujet du retour d’un Giguêtre. Bien qu’elle s’imaginait une réaction plus hystérique, il était vrai que l’elfe n’avait jamais eu l’occasion d’entendre autant parler de cette race ancestrale qu’elle au sein de sa tribu particulièrement conservatrice lorsque cela concernait la Nature. Arquant ses lèvres en un fin sourire, elle préféra – pour une fois ! – garder le silence en les laissant à leur échange un tant soit peu plus sérieux. En attendant, et toujours perchée sur l’épaule de Ruben, elle se permit de pivoter quelque peu pour jeter un coup d’œil par-dessus son épaule, curieuse d’observer l’environnement de vie d’un tel personnage, non sans garder une oreille sur la conversation qui allait alors se dérouler.

Le colosse le saisit, et Ruben put sentir toute la force de cet homme. Il avait vécu de longues années, avait connu nombreuses choses- et pourtant, le Giguêtre parvint à le faire frémir. Il avait la désagréable impression que, s'il le voulait, il pourrait le briser comme une brindille. Pourtant, le vieil elfe n'avait jamais eu pour habitude de retourner sa veste sous la menace et la peur.

- Vous me dîtes ça, fit-il sur un ton aussi froid que la glace, mais pour le moment, la seule brute violente que je vois, c'est vous. Et je n'accorderais pas de confiance à un homme capable d'user de la menace pour avoir ce qu'il désir !

Le Giguêtre finit par le lâcher et reculer. Ruben en profita pour lancer un grand sourire à Clydwen. La petite créature lui rappelait de bons et heureux jours...

Son attention se reporta sur le géant tandis qu'il lui parlait de l'Aurore... ce qui laissa l'érudit perplexe. Jusque là, il n'avait eu sous les yeux qu'un être colérique et violent. Pourtant, il parvenait à déceler une certaine bonté chez cet homme. De par ses paroles, en fait... Les idéaux qu'il défendait étaient proches de la philosophie de vie de Ruben.

Il ne pouvait cependant pas encore lui faire confiance. Les paroles étaient choses aisées; il avait apprit à ne s'en fier qu'aux actes. Au début, il n'avait eu aucune envie d'accorder une quelconque protection à cette Aurore... Pourtant, après le discours du Giguêtre, il devait bien avouer que cela méritait plus ample réflexion.

Le colosse leur fit signe de le suivre et, après avoir jeté un coup d'oeil plein de malice à l'Ilwynog, il suivit. Durant leur trajet, il entreprit de parler discrètement à Clydwen.

- He bien... pas commode, votre compagnon. Vous devriez lui inculquer quelque diplomatie. Même s'il est têtu, quand on aime une personne, on l'écoute, généralement. Bien que votre union me soit des plus improbables... Je me demande ce que le mélange des espèces peut bien donner.

Il lissa sa barbe.

- J'ai bien essayé une fois de greffer des ailes de papillons sur un ours. Mais elles étaient trop petite. Je ne m'en suis rendu compte que plus tard. Du coup j'ai voulut en greffer des centaines et des centaines. Mais comme les arbres ne parlent pas, j'aurais dût les attraper un par un, et vu que...

Ils arrivèrent à destination, et il se tut. Il y avait quelque chose de solennel dans le comportement du colosse, et il ne voulait pas briser tout ça. Il l'écouta attentivement, un petit sourire aux lèvres, le laissant faire sa petite démonstration jusqu'au bout.

- J'ai effectivement déjà entendu parler des Giguêtres. Mais je n'ai guère eut plus de quelques récits. L'histoire est décousue. J'ai eut beau rassembler tout ce que j'ai pût trouver sur le sujet, mes connaissance en la matière ne me satisfont pas. Cependant, je connais les capacités que vous êtes censés posséder.

Il devait bien lui accorder cela. L'apparition d'un Giguêtre, après des millénaires d'extinction, n'était pas rien. Et si Mjörn avait... décidé... que cet homme là était digne, alors il devait y avoir des raisons.

- Et je connais, bien que trop peu, ce Mjörn. Et pour cela- et pour cela uniquement- je vous laisse le bénéfice du doute. Pour le moment, vous ne m'avez montré que la mauvaise partie de vous-même. Et je conçoit que ce soit généralement la plus efficace. Vous êtes un guerrier, et non une fillette. On n'affronte pas le monde entier si on n'en a pas la carrure.

Il posa un doigt osseux sur la poitrine du colosse.

- Je ne laisserais pas un tyran se planter dans ma forêt. Pour le moment, je n'ai aucune preuve de votre bonne foi. De votre honnêteté. Quoique notre Clydwen ci-présente ne serait pas avec vous si vous étiez... cruel et mauvais.

La réaction de Rägmor parut tout à fait singulière à Clydwen qui cilla d’étonnement, bondissant de l’épaule de Ruben pour mieux atterrir sur une poutre apparente de la maison en bois lorsque celui-ci se fit remuer tel un poirier par le Giguêtre. L’Ilwynog n’était pas réellement choquée par cette démonstration de force, néanmoins : intéressée au contraire par cette impulsivité que rien ne laissant présager, elle pencha légèrement la tête sur le côté en observant la scène sans même songer à s’interposer. Était-il vexé ? S’impatientait-il des bavardages originaux de l’elfe ? Devait-elle se mettre à crier elle aussi ? Peut-être était-ce là la manière dont les Giguêtres imposaient leur virilité aux inconnus. Oh, bien sûr, il n’avait pas agi ainsi avec elle mais Clydwen était une femelle haute de quarante centimètres, elle ne devait pas réellement inquiéter Rägmor en terme de domination naturelle. Hmm.. Curieux, se dit-elle tout en haussant les épaules, repliant légèrement ses oreilles en une expression moins alerte. Bien qu’elle ne connaissait cette créature que depuis peu, elle était persuadée qu’il ne ferait pas de mal à des innocents – et Ruben était incontestablement un innocent, aussi étrange pouvait-il être.

Le discours de Rägmor déclencha chez Clydwen la même réaction que précédemment et son esprit terre à terre la fit vaquer à des pensées différentes, pas qu’elle manquait de respect au Giguêtre, bien loin de là, mais ses pensées étaient trop agités pour rester en place et s’intéresser à ce qu’elle savait déjà. Trop jeune, trop insatiable, Clydwen manquait de cette sagesse qui l’aiderait à relever des nouveaux éléments là où elle pensait déjà tout connaître – bien qu’elle était déjà bien plus aguerrie que la grande majorité des bipèdes mortels de ce Monde, mais sa nature Ilwynog saurait avec le temps affiner son sens de l’analyse pour mieux la rendre tout à fait érudite.

Clydwen suivit le mouvement jusqu’au lac, trottinant aux côtés de l’elfe lorsque celui-ci entreprit de lui parler, ce qui n’était pas pour déplaire à une bestiole de son espèce ! Laissant entendre un discret rire amusé, elle entreprit d’hocher la tête pour acquiescer et mieux lui répondre, les moustaches vibrantes d’enthousiasme.
« - Oh je ne pense pas pouvoir me reproduire avec un tel géant ! J’en mourrais probablement. répliqua-t-elle avec amusement, pragmatique sans cependant avoir de soucis à parler d’une telle chose. »
Si n’importe qui aurait compris depuis un moment déjà que Ruben se fourvoyait sur le genre de relations qu’elle entretenait avec Rägmor Clydwen semblait s’en détacher tout à fait, rentrant même dans son jeu pour en faire de l’humour. Elle n’excluait pas, dans sa petite tête inepte aux subtilités sociales, la possibilité que sa race puisse tenter de s’accoupler avec d’autres bien que cela était proprement impossible et que, de surcroît, cela pouvait s’avérer sacrément dangereux avec un Giguêtre. Souriante à l’anecdote de l’elfe Clydwen laissa les deux autres protagonistes entamer la réelle discussion avant de rire joyeusement lorsque son nom fut cité.
« - Oh j’ai fréquenté tant d’étranges personnages que je ne saurais vous assurer l’intégrité de la totalité d’entre elles ! Mais, en effet, je ne pense pas Rägmor mauvais. argua-t-elle en dodelinant de la tête, s’asseyant en tailleur sur la branche d’un petit arbre pour rester à leur hauteur. Il serait sot de penser que les peuples de la forêt se battront, que ce soit à vos côtés ou pour leur prore bien-être. rajouta-t-elle à l’intention du Giguêtre qu’elle gratifia d’un sourire complice à peine contrit. Les peuples de la forêt vous toléreront si vous savez vous y prendre mais j’ai bien peur que cela n’ira pas plus loin. Oh bien sûr je ne parle pas des elfes, ceux-là sont de véritables girouettes.. ! Sauf votre respect. rajouta-t-elle avant d’accorder une œillade d’excuse à Ruben. »

Ruben prit un air perplexe.

- Ha... c'est bien dommage. Vous êtes sûre, chère Ilwynog ? Je crois que je peux vous marier, au besoin. Cela peut se faire, oui... J'ai une fois marié un humain à une dragonne. Un beau beau mariage. Comme ils ne pouvaient avoir d'enfants, ils en ont adopté un. Un lycan.

Le vieil elfe secoua la tête tristement.

- Mais l'histoire s'est mal terminée.. Le lycan a eu un petit creux et a mangé l'humain. Alors la dragonne a dévoré le lycan, et comme elle avait toujours voulut gouter son humain d'époux, elle l'a fait, quelque part. Et puis... Ha non, ce n'est pas nécessaire d'aller au front, mon grand, fit-il en jetant un regard au colosse.

Ce dernier semblait s'être calmé- ce qui était parfait. Ruben était trop vieux pour devoir négocier avec une masse de muscle en colère. Surtout quand il n'était pas prêt à céder. Maintenant que le Giguêtre avait laissé de côté sa... barbarie, il était tout à son écoute.

- Les peuples, les peuples... Vous savez, la plupart des créatures vivant dans cette forêt ne vous seront d'aucune utilité. Et quoi, je lancerais des coccinelles sur l'Aile Ténébreuse ? Oh, Clydwen, il n'y a pas de mal, avec vos girouettes. Sauriez-vous faire des acrobaties ? J'aimerais voir un Ilwynog faire des girouettes.

Le géant, après quelques secondes de silence, leur fit signe de le suivre. Ah, mais cet homme n'arrêtait-il donc jamais de bouger ? Il y pensait, à ses rhumatismes ? Il y avait bien eu une voix... Mais il n'avait pas écouté, trop absorbé par ses pensée- voir un Ilwynog faire des girouettes...

- Vous ne voudriez pas me porter, chère Clydwen ? Votre ami est bien trop tête de mule pour que je lui saute dessus. Il a beau avoir une musculature impressionnante, mais je n'ai point de carotte pour le faire avancer. Peut-être que si je vous agitais sous son nez... Vous savez, elle a raison !

Il fit quelques pas plus rapidement pour rattraper le pas du Giguêtre.

- Je ne suis en aucun cas une réelle autorité ici. Je veille, et c'est bien tout. Vous serez tolérés, mais la coopération des peuples de la forêt s'arrêtera surement à la cohabitation. Quand on vit ici, tout nous paraît loin... Mais ne vous emportez pas à nouveau. Je sais bien, le monde continue de tourner, à l'extérieur. J'ai bien connaissance du problème du démon. En revanche, d'autres seront peut-être moins ouverts d'esprit. Ou nous menez-nous ? Ha... je crois qu'il doit y avoir quelque chose par là. J'ai oublié quoi.

Son attention se porta à nouveau sur l'Ilwynog.

- Faites vous partie de cette Aurore, également ?

Spoiler:

Tout se passa relativement rapidement et c’est déchirée par l’incompréhension que Clydwen laissa voleter son regard de Ruben à Rägmor. Entre l’étrange voix qui résonna à travers les arbres et les propos décousus – mais toujours aussi drôles, ce qui eut pour effet de continuer à faire sourire l’Ilwynog envers et contre tout – du vieil elfe elle se sentait probablement pour la première fois de sa vie la personne la plus normale de son entourage. Enfin, normale.. tout était une question de relativité ; disons, la plus sensée. Et du bon sens, ça, Clydwen en avait à revendre, évidemment ! Davantage encore lorsqu’elle était entourée par une jeune âme fougueuse et un ermite complétement déphasé avec la réalité.
« - Je pense que je préfère attendre de développer des sentiments amoureux pour me marier et si possible au milieu d’un jardin à l’herboristerie unique, puisque vous n’êtes pas sans savoir que c’est une tradition pour nous.. plus les fleurs sont rares, plus le mariage sera long et heureux. expliqua-t-elle autant pour Ruben que pour Rägmor, un peu présomptueuse, bien qu’elle ne soit pas certaine que ce dernier lui prêtait une quelconque attention. Des pirouettes ? Oh, non, cela dit il paraît que je suis très douée pour la danse du ventre ! Vous savez, une fois, en Sahawi.. »
Il semblerait que Clydwen était condamnée à ne jamais pouvoir raconter cette anecdote jusqu’au bout puisque, de nouveau, elle fut interrompue par Ruben qui changeait de sujet comme de chemise. Ah, pensa-t-elle en souriant avec amusement, ces bipèdes.. Loin de s’en montrer outrée ou même gênée, néanmoins, Clydwen joua volontiers le jeu en suivant le mouvement vers elle ne savait où pour le moment – elle ne tarderait cependant pas à deviner, étant donné que les Ilwynog étaient particulièrement érudits, en particulier lorsqu’il s’agissait de leur territoire et ce qui s’y trouvait.
« - Non. J’aide simplement Rägmor par amitié mais je n’adhère pas à son idéologie. répondit-elle simplement en un mince sourire affable, un peu plus sérieuse tandis qu’elle sautillait aux côtés du vieil elfe dans le sillage du Giguêtre. »
Elle ne rajouta d’ailleurs rien d’autre à ce sujet : après tout, ils en avaient déjà parlés plus tôt avec le concerné et elle n’était pas certaine que Ruben puisse avoir la concentration nécessaire pour l’écouter jusqu’au bout si elle se lançait dans un discours explicatif. Et si c’était le cas, il ne comprendrait probablement pas tous les tenants et aboutissants de la logique du petit être régi par les lois chaotiques de la Nature.
« - Mais vous devriez lui demander gentiment ; c’est un bon bougre, au fond, et il serait ravi de vous porter sur son épaule ! N’est-ce pas Rägmor ? rajouta-t-elle avec espièglerie en prenant ainsi l’initiative de demander le confort de leur nouveau compagnon auprès du géant de pierre. »

La longue marche épuisa Ruben au possible- il n'était plus tout jeune, mais alors, plus du tout du tout. D'autant que suivre les pas du géant était un véritable exploit. Bon sang, les jambes du Giguêtre étaient presque aussi grandes que le vieil elfe. C'était épuisant, tout simplement épuisant. Il  faillit bien lui demander de ralentir, mais il craignait que l'homme ne finisse par le porter comme un sac de patate pour le faire avancer. Il se contenta donc de discuter avec Clydwen avec une voix essoufflée.

Pourtant, malgré sa fatigue, il ne pût retenir un petit cri d'exclamation lorsqu'ils arrivèrent enfin au cercle de pierre. Il avait toujours aimé cet endroit- s'il n'y allait que très peu, c'était justement afin d'avoir toujours cette même joie intense lorsqu'il revenait. Il savait qu'il y avait... là, quelque... part... Oui ! Il l'avait trouvé !

Oubliant momentanément l'Ilwynog sur son épaule, il se mit à courir en direction du lieu mystique, se désintéressant de ce que faisant le Giguêtre- un quelque chose qui fit de la lumière- pour aller s'allonger dans l'herbe, devant une petite fleur bleue pâle. Il était un grand admirateur de cette petite fleur... son mode de reproduction était tout à fait extraordinaire, ses conditions de développement aussi... et puis surtout, surtout, elle avait une vertu magique : cuisinée avec des oignons et des oeufs, elle donnait à ces aliments un goût tout à fait unique.

Ce fut une voix grave qui le sortit de ses réflexions; il se releva, jeta un regard vers le Giguêtre. Ha... Grok. Pour qu'un être aussi sage réponde à la convocation du barbare, ce dernier devait tout de même avoir une certaine valeur. Il avait bien évidemment déjà entendu parler de cet être mystique, mais il était parfaitement incapable de se souvenir s'il avait déjà eut l'occasion de lui parler ou pas. Après une seconde de réflexion, il se dit que rester évasif sur le sujet était une bonne stratégie.

- Bonjour, Puissant Grok, fit-il en rejoignant Rägmor. C'est un honneur de vous rencontrer, le temps a été long depuis notre dernière rencontre. Ha, oui, évasif...

Il eut une moue pensive.

- Comme je voudrais que vous soyez honnête avec moi, je le serais envers vous. Je suis absolument incapable de me souvenir si nous nous sommes déjà rencontrés ou pas. Je vous prie de m'en excuser- l'âge a ramolli ma mémoire- l'âge, et une certaine poudre rose qui...

Il secoua soudainement la tête.

- Je m'égare. Puissant Grok, notre ami ici présent, Rägmor, si j'en crois vos paroles, m'a amené ici pour me convaincre qu'il était un homme bon. Il voudrait que je l'aide à obtenir un refuge dans ma forêt... et pourtant, je reste encore sceptique. Son idéologie, bien que pleine de bonnes intention, reste une idéologie. Je ne souhaite pas soutenir quelque chose qui tournera au fanatisme complet. Je voudrais donc vous poser certaines questions, vous qui êtes un être sage à qui j'accorde ma confiance. Parlez-moi des Giguêtres. C'est une race éteinte depuis longtemps, et je crains de n'avoir toutes les informations sur cette espèce. Et surtout... comment se fait-il qu'après tout ce temps, un Giguêtre refasse surface ?

Ruben ne put retenir un sourire lorsque l'entité respectée coupa la parole à Rägmor pour le remettre en place. Enfin, que la jeunesse se taise, et laisse parler les gens sages ! Non pas qu'il doutait de la sagesse du giguêtre, mais il trouvait celui-ci parfois un peu trop... impétueux. Le mot lui était venu en tête en pensant à définir le géant, mais il n'était même plus certain de sa définition.

Et puis, il vouait un profond respect à Grok, encore qu'il n'écouta que d'une demi-oreille ce que lui racontait l'esprit, ses propres pensées détournées tour à tour par la recherche de solution pour éviter les dérives de l'Aurore, par la formule ratée d'une de ses potion, par ce qu'il allait bien pouvoir manger le soir, et enfin par un papillon qui passait par là.

Lorsque Grok eut finit, il s'inclina tant bien que mal devant l'apparition.

- J'écouterais vos conseils, grand Grok. Les doutes que j'ai concernant votre protégé me viennent de mon expérience de ce genre d'idéologies. Il est peut-être sage, et inflexible pour le moment, mais je ne crains que le monde ne l'influence.

Il resta un instant songeur, en passant une main dans sa barbe.

- Je vous remercie de m'avoir apporté vos lumières sur cette affaire, grand Grok, et je ne me permettrais pas de vous retenir plus longtemps. Je commence à avoir faim, et vous aussi, probablement.

Il marqua un temps d'hésitation.

- Quoique j'imagine que vous n'avez pas besoin de vous nourrir. Cela est comme les serpents, ou vous vous en passez complètement ? J'aurais bien envie, présentement, d'une petite fricassée de pâquerettes assaisonnée au papillon.

Ce fichu papillon lui avait vraiment donné faim.

- Quoiqu'il en soit, et bien que mon estomac me mette à la torture, je vais vous donner ma réponse. Je suis prêt à laisser sa chance à ce grand échalas. Je connais un endroit qui pourrait tout à fait convenir à sa demande. Mais avant de l'y conduire, je veux prendre toutes les précautions nécessaires, au cas où, comme je le pressent, les choses ne tournent mal.

Il se tourna vers Clydwen.

- Chère Ilwynog, j'aurais besoin de votre aide dans cet affaire. L'endroit en question est assez proche de quelques habitations de votre espèce, et j'aimerais avoir votre avis là dessus. J'ai confiance en ceux qui sont les vôtres, et je ne laisserais pas cet énergumène s'installer aussi près sans votre consentement. Par ailleurs, j'aurais également une requête à vous soumettre... J'aimerais que les vôtres gardent un oeil sur cet Aurore, et me préviennent s'ils jugent que leur comportement n'est pas acceptable. Pensez-vous que les Ilwynogs accepteraient ?

Il se tourna vers Rägmor, le regard sévère.

- Quant à vous, je ne vous mènerais à l'endroit indiqué que si vous me promettez une chose : si je vous dis de partir, parce que je considèrerais que vos agissements dérivent par trop de vos principes, alors promettez moi que vous quitterez votre refuge sans faire d'histoires. Et je verrais, ainsi, si vous êtes vraiment un homme de parole. Engagez-vous maintenant, et faîtes vos preuves. De mon côté, je vous apporterez mon soutien lorsque vous irez parler avec les autres peuples du Drayme, soyez en assurés. Mais il faudra me prévenir avant, ma potion d'omniscience n'est pas encore au point. J'aurais besoin de poudre rose, voyez-vous, mais celle-ci ayant des effets hallucinogènes, j'ai peur d'aller en ramasser moi-même. J'ai envoyé, il y a quelques mois, une espèce d'archéologue en avoir pour moi, mais cet imbécile n'est jamais revenu, et je le soupçonne d'être tombé dans le piège de la poudre.

Clydwen était une accoutumée de l'endroit où Rägmor les emmena, néanmoins elle ne pouvait s'empêcher de considérer ce cercle de pierres avec la même admiration, le même étonnement que la première fois. Son avidité de savoir et - il fallait l'avouer - de richesses lui avait bien fait considérer le pillage de cette place sacrée mais, très vite, sa nature profonde la rattrapa et elle se résigna à tout laisser à sa place. Bien entendu elle effectua quelques recherches sur place et était même capable d'invoquer ses fleurs de pierre uniques en leur genre, mais elle ravala sa vénalité sans mal. Après tout, il y avait des choses que Mère Nature ne désirait pas partager. Assidue et patiente, l'Ilwynog observa et écouta tous les événements en silence, assisse sur l'épaule du vieil elfe (sur laquelle elle était retournée se percher après que celui-ci ne se jette soudainement sur le sol pour une raison obscure) : elle n'en pensa rien de plus que ce qu'il fut expliqué et sa petitesse d'esprit sévère l'empêcha de se sentir trop compatissante ou trop réfractaire au récit de Grok. La Nature était intrinsèquement chaotique, tout arrivait de cause à effets, a fortiori pour une telle race que celle des géants de pierre. Grok d'ailleurs résuma parfaitement ses pensées au sujet de l'idéologie du jeune Giguêtre et Clydwen afficha un sourire bienveillant, comme une amie de longue date fière de ce que devenait la personne chère à son cœur.

Ruben marcha dans ce sens et donna son aval à Rägmor sous certaines conditions ; avant de répondre à ses interrogations l'Ilwynog adressa un petit signe au Giguêtre, lui signifiant qu'elle était ravie de cette conclusion et qu'il avait mené ses intérêts comme un chef. Ensuite seulement tourna-t-elle la tête vers l'érudit pour la hocher pour acquiescer, son éternel sourire au museau.
« - Nous sommes arrogants mais nous avons bon cœur ; si nous donnons tous deux notre accord ils accepteront Rägmor et l'Aurore à bras ouverts Quant à garder un œil sur eux.. Ah, ces bestioles sont d'un naturel si curieux, comment voulez-vous qu'ils se refrènent à proximité d'un Giguêtre et de ses compagnons ? répondit-elle en appuyant ses propos d'un rire amusé, manipulant la dérision avec innocence et sincérité. Oh, et rappelez-moi de leur demander de la 'poudre rose' lorsque nous y serons : je ne sais si les coutumes ont changés mais nous en gardions toujours de grandes réserves, pour le festival de Nelnurr. Ils seront heureux de vous venir en aide. rajouta-t-elle avec complicité, reportant son attention sur Rägmor ensuite pour lui sourire gentiment. »
Techniquement, ils allaient probablement être voisins sous peu. Ils allaient être amenés à se revoir, et cette pensée la rassura : Clydwen s'attachait tellement vite aux gens qu'elle aurait eu mal au cœur de se séparer de ce grand nigaud définitivement.