Une matière solide et froide entra en contact avec la peau du cou d'Enkar. Elle était si fine et si lisse qu'aucun doute n'était possible sur sa nature, ni sur la sensation qu'elle devait infliger à tout être conscient. Une lame si aiguisée que le moindre mouvement rimerait avec des flots de sangs et une mort certaine. À son bout se tenait une grande silhouette enveloppée dans de larges vêtements d'un tissu sombre qui rendait l'homme qui les portait difficile à voir dans la nuit, et ce malgré la lumière des étoiles surplombant la scène.

Sans un mot, une des mains de la silhouette se glissa vers le corps du chambellan. Sans que la pression de la lame ne s’apaise, elle commença de le fouiller. Était-elle à la recherche d'une arme, ou d'une bourse ? Allez savoir, de toute manière, peu importe ce dont il s'agissait, elle n'eut pas le temps de trouver. Un bruit sourd, suivit de quelques éclaboussures, et l'assaillant nocturne se retrouva plongé dans l'océan.

"Tsss... Quel malhonnête, prendre un simple pêcheur par surprise... J'vous dis, on ne peut plus faire confiance à qui que ce soit de nos jours... Vous allez bien ?"

L'homme qui remplaçait maintenant la silhouette ne cachait pas son apparence. Ses habits verts le rendaient plus ou moins visible dans la nuit, bien qu'ils étaient en partie recouverts d'une cape d'un bleu sombre. La poignée de son arme dépassait, et un large sourire s'affichait sur son visage. Yilan Thorn offrit une main tendue vers le pêcheur afin de l'aider à se remettre sur ses pieds.

"Dites-moi, ami des poissons, lequels êtes-vous venu chasser à cette heure de la nuit ? Vous ne pensez pas qu'une chope et un bon feu de bois serait de mieux adapté ?"

C'est ainsi, avec une mine souriante et positive, qu'un étranger invita un inconnu à retourner à son hôtel. Après tout, ce n'était surement que la chose la plus sensible à faire, après avoir sauvé quelqu'un d'un détroussage, et ce au milieu d'une nuit certainement remplie d'individus aux projets peu scrupuleux.

Ne sachant pas trop où se mettre face à la réaction de l'ami des poissons qui s'était dressé devant lui, Yilan se contenta de hausser les épaules et de suivre cet inconnu vers une taverne lambda. La tournure que prenaient les évènements n'étaient pas pour enjouer le pirate. Tout ne se déroulait en effet pas selon son plan. Le sauvé ne paraissait pas vraiment rempli de joie à l'avoir été, pour commencer, et il ne menait pas son sauveur vers l'hôtel de luxe dont il était sorti un peu plus tôt.

Mais il faudrait peut-être éclaircir quelques points. Pourquoi un pirate est-il présent sur la terre ferme, ou pourquoi aide-t-il un inconnu, par exemple. Allez savoir que ce n'est pas pour incarner le bon samaritain de l'histoire qu'il se trouve là, loin de là. Pour tout comprendre, il faut revenir un peu en arrière, où les marchandises attendues par un certain empereur pirate se sont évanouies dans la nature. Il faut aussi prendre en compte qu'un empereur pirate, ça obtient toujours ce qu'il veut, en principe. Et donc lorsque l'homme responsable de la livraison ne remplit pas sa mission, une nouvelle mission lui incombe pour trouver un nouveau stock de marchandise. Et lorsque la marchandise consiste en une poignée de jeunes filles, il vaut mieux se trouver sur la terre ferme pour en trouver. Enfin, vous pouvez toujours demander aux Amazones, mais perso, j'pense pas qu'elles soient très coopératives...

Nous voici donc réglés sur le pourquoi, reste maintenant à définir le comment. Et quoi de mieux pour y parvenir que d'observer la suite des évènements ? Donc, après s'être présenté et avoir constaté à plusieurs reprises la froideur de son compagnon de soirée dans la taverne où ils s'étaient réfugiés, Yilan s'excusa, prétextant un besoin auquel il était le seul à pouvoir répondre. Ce faisant, il en profita pour complimenter la matrone de l'établissement pour sa ravissante jeune fille, accomplissant le service, et lui demanda s'il était possible de loger une nuit dans cet établissement.

Le pirate se pencha afin de pouvoir voir la progéniture du mastodonte qui gérait la taverne. L'air de famille était indéniable. La silhouette de la donzelle était difficile à rater, tant elle prenait de la place. Son décolleté aurait pu faire pâlir de jalousie n'importe quelle Jocelyne, si seulement il ne s'estompait pas dans toute ces lipides. Yilan se dit qu'on devait la pouvoir la voir venir en observant les objets vibrer sous la répercussion de ses pas alors qu'il se dirigeait vers les lieux d'aisance, en croisant le mercenaire servant de vigie.

Quelques minutes plus tard, il réapparu du couloir, quelque peu essoufflé d'avoir trainé le corps inanimé d'un garde surpayé, et surtout surnourri. Derrière lui, une bande d'êtres peu respectable, dont un pas encore tout à fait sec, faisaient briller l'acier de leurs armes. Arrivés dans la salle commune, les pirates s'éparpillèrent dans tous les sens, certains menaçant les clients, d'autres montant dans les étages ou disparaissant dans les couloirs afin de rassembler chaque personne se trouvant dans l’établissement. Yilan n'attendit pas que ce soit fait, tant pis pour ceux qui entreraient au milieu de son discours. Il sauta sur une table afin d'être bien en vue de tout le monde. Son pied traversa un grand plat qui se trouvait là, ce qui provoqua un boucan qui termina d'attirer l'attention sur sa personne.

"Mesdames et messieurs, bonsoir ! Je vous pries de bien vouloir rester calme, et personne ne sera blessé. Ne vous inquiétez pas, nous sommes ici pour une raison très simple. Il y a quelques petites choses ici que nous convoitons..."

C'est à ce stade qu'un garçon qui avait assez bu pour devenir courageux grimpa à son tour sur la table, armé d'une fourchette. Il se retrouva couché au sol dans la seconde qui suivait, la semelle d'un pirate imprimée sur son estomac...

"Très bonne question ! De quoi s'agit-il ? Eh bien c'est très simple. Alignez toutes les jeunes filles !"

Les intéressées, dont le nombre n'atteignait pas de sommet, firent vibrer leurs cordes vocales. Toutes s’époumonèrent sur des cris de peur, à l'exception de la fille de la matrone, qui semblait étrangement excitée à l'idée de devenir une esclave sexuelle. Il fallu trois pirates pour la ligoter et l'enfermer dans la remise. Son physique, après tout, était bien plus viril que celui de certains hommes présents dans la salle. Non, mais vous auriez vu cette moustache !

L'ambiance commençait à devenir instable, le stresse grandissait au fur et à mesure que le temps avançait. Même qu'Hogùn n'appréciait pas trop ce silence, puis le gigolo, sur la table, nous chanta encore de belles paroles en l'air. En même temps, les armes d'ombres se dissipèrent en poussière d'ombre pour disparaître.

"J'te câlisse une belle tranche de fous-moi l'camp, voilà quoi. Occupe-toi de tes affaires, passant, et on s'entendra assez peu pour que tout s'passe bien pour nous deux." Dit-il en voulant garder l'attention d'Hogùn sur lui.

Mais l'Ombrageur voyait en lui qu'il était de mauvais poil. Après quelques mots doux et amical, le pirate commença à jeter tout ce qui lui passait sous main ou sous les pieds, sur le forgeur d'ombre. Le forgeur d'ombre commença à réfléchir sur les intentions du pirate. Mais il n'eut guère le temps, il devait éviter les projectiles et en même temps rester alerte à tout ce qu'il y avait alentour de lui. Mais à sa grande surprise, l'équipage commença à sortir par tous les sorties possibles avec des gens ligotés ne laissant que L'Ombrageur, le pirate et quelques civiles. C'est alors que le truand se précipita dans la cuisine, Hogùn se mit à sa poursuite. Mais il avait été trop lent, le pirate avait déjà préparé son piège à con et il était tombé dedans. Il vit celui-ci sauter et s'abriter derrière un plan de travail, Hogùn vit la lampe se diriger vers le tonneau au ralenti. La seule réaction d'Hogùn fut de plonger sa main dans les ombres et en ressortir un bouclier d'ombre, il s'accota par la suite sur un mur accroupi pour éviter ainsi d'être projeté dans les airs.

Durant l'explosion qui dura quelques secondes, Hogùn se sentie un peu compresser, mais grâce au plusieurs fenêtres la pression fut diriger vers l'extérieur. Il avait un peu mal, mais il allait s'en remettre, de toute manière il avait mieux a faire que de se lamenté. On pouvait entendre au-delà des craquements du bois qui brulait le chef:

Quel combat en cul de sac... Un adversaire qui s'amusait à le tenir à distance, c'était d'un ennuyeux... C'était pourtant bien parti ! Les couteaux dans le dos avaient bien failli sérieusement le blesser. Mais grâce à son oreille aiguisée et et de bons reflex, il s'en était tiré avec deux lardasses rouges sur son bras gauche. Et la charge, ça aussi ça avait été du bon ! Le pirate c'était rapidement relevé après une roulade et était prêt à combattre.
Du coup, tout y était: une taverne en feu, pas de gêneurs, un ennemi farouche... Mais pourquoi ne lui rentrait-il pas dans le lard ? Le tenir à distance, ça pouvait sembler concevable, mais ça ne marchait même pas. Yilan évitait sans trop de soucis les couteaux qui lui étaient lancés. Il se dit que son adversaire finirait bien par tomber à court de projectiles, mais non. Et pendant ce temps, le bâtiment continuait de se consumer. le pirate finit par décider de passer à l'action, histoire de faire avancer un peu les choses.

D'un geste précis, un couteau se fit saisir au vol par le pirate, et fut retourné à l'envoyeur. Il tenta de charger, mais s'arrêta en voyant l'arme s'évaporer en plein air. Il senti son visage se tordre sous l'incompréhension de ce phénomène. Une nouvelle attaque le ramena à la réalité. La seule issue se situait à sa droite, l'autre côté était bloqué par des décombres. C'est ainsi que Yilan fut forcé de quitter le bâtiment. Une fois dehors, il observa les alentours... Personne. Bon, pourquoi rester croupir ici après tout ?
Il prit ses jambes à son cou. Courant à travers la nuit, se dirigeant vers la mer, jusqu'à ce qu'une pensée frappa son esprit. Il s'arrêta net à la sortie du bled et écrasa son poing sur son front. Il était tiraillé, fuir était aisé, mais il ne pouvait pas la laisser comme ça, si ? Après tout, c'était un monstre de graisse, mais cette pauvre fille méritait tout de même une chance de s'en sortir.
Soupirant devant sa conscience, Yilan tourna les talons et sprinta encore plus vite vers la taverne, qui était maintenant entourée par des villageois armés de seaux d'eau. Le pirate en attrapa un au vol et le renversa sur sa tête avant de retourner dans la fournaise sous le regard ébahi des péons qui l'entourait, qui n'eurent même pas le temps de crier quoi que ce soit pour l'arrêter.

Fonçant à travers les flammes, le pirate fonça vers la réserve où l'immense tas difforme se trouvait. Il vit l'espoir amoureux s'allumer dans les yeux du mastodonte quand il arriva. C'était son chevalier qui venait la sauver après tout ! Il réussi à la pousser jusqu'à la sortie, et fut acclamé par les villageois à l'extérieur. Dans l'agitation, personne ne l'avait reconnu, pour le moment. Il exécuta une courbette rapide et tenta de s’éclipser. Il fut toutefois arrêter par une poigne graisseuse, bien décider à prendre sa main, dirait-on.

Sur l'instant, Yilan regretta son acte de bravoure. Surtout que, parmi les gens s’amassant autours de lui, il reconnu un visage éclairé par les flammes qui, tout à l'heure, s'amusait à lui lancer des couteaux...

Yilan ne savait pas qui était ce type, ni pourquoi il agissait ainsi, mais sur le moment, il lui était reconnaissant. En effet, la folie matrimoniale des villageois avait disparu un court instant. Ils étaient tous en train de tenter de se souvenir du visage des responsables de l'assaut sur leur taverne. Même si, pour la plupart, c'était impossible, vu qu'ils étaient absents...

"Tu crois que c'est bien lui ?"

"C'est vrai qu'il lui ressemble..."

"Naaan... Pourquoi il serait revenu, hein ?"

"Bah j'en sais rien moi... J'y étais pas... T'y étais toi ?"

"Ben... Euh..."

Voyant dans la confusion générale une occasion de s'éclipser discrètement, il commença d'aligner de petits pas de côté. Il avait presque rejoint les ombres de la foule, lorsqu'une main lui accrocha le bras, le ramenant sous les yeux des villageois. C'était la matrone, qui voyait dans cet étranger à la chevelure blanche un moyen de se débarrasser de son pachyderme d'enfant.

"Qu'est-ce qu'on s'en fiche ? Il est venu sauvé ma fille par amour, et celui qui osera dire le contraire aura affaire à moi. Compris ?"

Un doigt tendu en l'air, Yilan se préparait à protester, mais un regard de la matrone l'en dissuada rapidement. Il n'allait pas pouvoir s'en tirer aussi facilement. Il lui fallait vite trouver un moyen de s'échapper, car la jeune et énorme fille commençait déjà d'aligner les projets pour le mariage de rêve qu'elle voyait se profiler. Avant de prendre la parole, le pirate se racla la gorge.

"Mesdames, messieurs, veuillez m'écouter je vous prie. Nous avons là affaire à une situation des plus embarrassante. Je dois en effet vous quitter dès maintenant."

Un autre regard de la matrone le força à enchaîner rapidement.

"Et bien entendu, je ferai face à mes responsabilité et emmènerai cette jeune fille aux qualités... incommensurables avec moi."

Les regards qu'on lui portait désormais étaient tous suspicieux. Après tout, qui pouvait bien vouloir de cette créature ? Certains n'étaient même plus certains qu'il s’agisse bien d'une fille, et n'avaient pas envie d'aller vérifier.

"Excusez tous ma précipitation. J'espère que vous ne serez pas trop embêtée, madame, pour trouver quelqu'un pour la remplacer. Après tout, il n'y en a pas deux comme elle..."

Dans la tête des plus imaginatifs des auditeurs, dont la matrone faisait partie, se dessina une optique des plus fascinantes. Le calcul était en train de se faire, savoir ce qu'ils allaient perdre, ou gagner au change. Combien de filles du village avaient en effet été enlevée par les pirates ? Est-ce qu'il y en avait vraiment eue ? N'étaient-elles pas toutes clientes de l'auberge ? D'ailleurs, personne ne pouvait vraiment attester que cet homme faisait bel et bien partie de ces mécréants.
Et quand même, n'importe quelle serveuse serait plus agréable que celle-ci.

"C'est vrai que c'est dommage... Mais bon, je ferai avec. On vous accompagne ?"

"Jusqu'au port ? Si ça peut vous faire plaisir..."

C'est ainsi que Yilan fut guidé jusqu'à un barque de pêche dont il pourrait se servir pour retrouver le bateau qu'il était arrêté un peu plus loin. Il fut salué par les villageois après avoir insisté qu'on n'accompagne pas les fiancés plus loin. Il s'étonnait que cela se passe si facilement, et ne pouvait pas attendre de mettre cette immonde grosse fille avec les autres.