« Raconte ton premier vol de grande ampleur, l'une de tes crises devra y être intégrée. »

Voilà une semaine que je reste devant cette maison, à l’observer dans ces moindres détails, à y entrer la journée en tant que domestique pour connaitre ses plans et me restaurer, et aujourd’hui, je suis prête. Depuis le temps que je vol ces grandes maisons de riches terriens, j’ai l’habitude de m’introduire dans les manoirs et d’en ressortir sans que personne ne se rende compte de rien.
J’aspire en grand coup pour me préparer à la transformation et sors de la rivière près de laquelle se dressait le bâtiment. Heureusement qu’il y avait ce court d’eau, je n’aurais jamais tenu à l’air libre aussi longtemps sinon.
J’avais récupéré des vêtements noirs pour me fondre dans la nuit, je les enfilai et débutai mon vol en entrant avec une facilité déconcertante dans le manoir. Il ne devait pas y avoir beaucoup de voleur par ici pour qu’ils prennent aussi peut de précaution, ou alors ils n’avaient rien à se faire voler et alors je me serais démenée pour rien ce qui serait triste. Sans approfondir davantage, je me dirigeais rapidement vers la bibliothèque, j’avais vu le maître de maison de nombreuse fois dans cette pièce et alors, personne n’avait l’autorisation s’entrer ; il devait y dissimuler quelque chose. Mais quoi ? J’espérais le découvrir rapidement, je ne pensais pas revoir un livre que j’avais lu bien des années plus tôt, un livre pourtant réputé pour être un peu rare puisque je ne l’avais jamais revu après. Je me souviendrais toute ma vie de ce jour, mon premier livre, mon premier vol, ma première crise à la surface. Oubliant mon entreprise, j’attrapai le roman et commençais ma lecture tandis que les souvenirs revenaient, aussi frais que si ce vol se déroulait hier.
C’était il y a un peu moins de neuf ans auparavant, je m’étais enfuie de chez moi depuis plusieurs mois et vagabondai depuis de nombreux jours dans l’océan lorsque finalement, la terre apparu. Je ne l’avais alors jamais vu, le spectacle était des plus beaux, ce sable couvrant les bords de mer, les arbres plus loin recouvrant le reste de la terre, et une maison regardant l’océan. Je restai des heures entières devant ce paysage qui me faisait rêver lorsque la faim se fit de plus en plus forte. Je n’avais rien mangé depuis deux jours et mon ventre me le rappelait sans cesse avec ses gargouillis. Il ne me restait plus qu’à voler, mais où ? Il y avait bien cette maison mais elle était certainement habitée et je n’avais jamais mis les pieds sur la terre ferme ; je n’ai pas de pieds après tout. Je me rappelais cependant que ma mère m’avait cité tous les pouvoirs des sirènes avant ma fuite et dans ces pouvoirs, il y avait celui de marcher durant quelques heures. Ce serait une première pour moi qui jusque-là volait juste de la nourriture ou de quoi acheter à manger sur les marchés sous-marins, jamais encore je n’avais volé une maison. Mais j’avais si faim et il me fallait de l’argent pour que la prochaine fois que je trouverais une ville, je puisse me payer de quoi me nourrir. Un vol de grande envergure pour moi allait donc commencer.
Je sortis de l’eau et commençai par me relever, des jambes étaient apparues et je pus marcher avec beaucoup de difficulté sur la plage. Je déambulai un moment près de la mer, prête à replonger si quelqu’un arrivait, pour m’habituer à ces deux jambes. Je réussi assez facilement et en trois bonnes heures, j’arrivai à ne plus tomber tous les dix pas. Mais il se faisait tard et je ne savais pas combien de temps tiendrait la transformation alors je rentrai dans l’eau pour me préparer psychologiquement et physiquement à mon vol. Ma première fois… Je stressai tellement. J’espérais que tout ce passerait bien, c’était sans compter sur le destin.
Tout se passait très bien d’abord. Il n’y avait personne dans la maison qui été emplie d’objet merveilleux que je n’avais parfois jamais vu. Un attira particulièrement mon regard. Il s’agissait d’un empilement de fins objets sur lesquels été écrit des mots. Je n’avais jusqu’alors jamais vue ce genre d’objet mais les cours que je recevais chez moi me revinrent. C’était un livre et je pouvais lire à peu près ce langage. Le roman, car c’était un roman, était posé sur une petite table. J’en fouillai le contenu et trouvai un ce que je cherchais : de l’argent. Visiblement le propriétaire de cette maison n’avait pas peur que quelque ne le vol, il devait se croire trop loin de la société pour ne pas dissimuler son trésor, aussi peu rempli soit-il. Il n’y avait pas grand-chose, mais je pourrais tenir facilement une semaine avec ça mon attention ne ramena alors de nouveau vers le roman que je pris entre mes doigts. Il était plus lourd que je ne pensais ce qui ne m’empêcha pas de l’ouvrir et de commencer avec beaucoup de mal ma lecture. Je n’avais pas l’habitude de lire et il me fallut bien deux minutes pour déchiffrer la phrase mais quand ce fut fait, fière de moi, je lis à voix haute la phrase comme je le faisais auparavant dans mon manoir lorsque je réussissais à lire une phrase gravé dans une algue.
Les souvenirs plongèrent alors sur moi, aussi tranchant qu’un poignard, aussi dangereux qu’un démon, aussi terrifiant que le chao. Terrassée, je tombais à terre, gémissant, pleurant toutes les larmes de mon corps. Je ne pouvais plus m’arrêter et la crise de larme continua des heures entières dans cette petite maison au bord de la plage. Revivant cette partie de ma vie, je faisais de grand geste autour de moi, faisant tomber de nombreux objets qui s’écrasèrent avec fracas sur le sol. Ne pouvant me lever, je gesticulais à terre, mes jambes ne me répondant plus. Dans mon esprit, les images étaient de plus en plus clair, de plus en plus présentes, de plus en plus sanglantes.
Soudain, un homme entra dans la maison ; le propriétaire était de retour chez lui et tandis que je restais étendue sur le sol, gémissant et gesticulant sans que rien ni personne n’y puisse rien. Mon pouvoir allait bientôt prendre fin et l’eau était encore loin. L’homme s’avança vers moi, lentement. Il devait se doutait pourquoi je m’étais introduit chez lui mais il n’osa pas me demander son argent ni trop m’approcher pour le reprendre.
Petit-à-petit, la crise se faisait moins forte et la fatigue me gagnait. J’allais bientôt perdre mes jambes.
Reprenant alors mes esprits après cette longue crise, je me relevai et regardais l’étrange propriétaire dans les yeux. Il paraissait inquiet mais j’ignorais pourquoi. Est-ce pour son argent ou pour moi ? Je remarquais qu’il y avait près de lui une arme des plus étranges, je posais mon regard dessus et l’homme me répondit qu’il s’agissait d’un harpon et que je ferais mieux de partir si je ne voulais pas savoir comment cela fonctionnait.
Je fis exactement ce qu’il me dit, sans pour autant vider mes poches, et contre toute attente, je pris le harpon au vol. L’homme, légèrement étonné, ne fit d’abord rien puis il réagit rapidement et me suivit en courant. Si je n’atteignais pas la mer dans quelques secondes, il me rattraperait. Que faire ? Je ne l’atteindrai jamais à temps.
A présent, j’en rigolais tellement j’avais eu de la chance ce jour-là mais je me rappelle encore ma terreur. L’homme n’était plus qu’à quelques mètres de moi et ces mètres rapetissaient de plus en plus lorsque la chance me sourit enfin. L’homme heurta une pierre et tomba, me faisant gagner un temps précieux que je ne gaspillais pas. Fonçant vers l’eau, harpon en main, j’allais pouvoir m’évader, fuir avec mon butin.
Mon ventre me rappela alors ma faim, avec cet argent nouvellement gagné, je pourrais m’acheter de quoi me nourrir pendant plusieurs jours. Cette pensée me donna des ailes : je volais presque au-dessus du sable tant j’allais vite et enfin, l’eau fut sous mes pieds. Cependant, j’étais encore trop au bord et il n’y avait pas assez d’eau pour nager. Il me faudrait marcher encore un peu. C’est à ce moment précis que je retrouvais mon apparence normale. Rampant sur le sol, j’avançais aussi vite que possible et bientôt la main tendue de l’homme ne fut qu’à quelques centimètres de moi. La chance me sourit de nouveau ; je pouvais nager, j’étais libre.
Je pus m’enfuir et aller m’acheter à manger dans le village sous-marin le plus proche et malgré cette terrifiante expérience, je continuais le vol jusqu’à aujourd’hui où, lors d’un simple vol de routine-car les vols dans les maisons sont devenus pour moi à présent de simples vols de routine tellement j’en fais-je me souviens de ce jour, de mon première vol « important » comme je disais, mon premier vol dans une maison et la découverte de mon précieux harpon.
Je pris le livre et continuais mes recherches dans cette maison. Je le lirais plus tard.