Citation :

Un incident fort regrettable menaçant la réputation du CMKM vient de se produire entre des gardes de ta milice privée chargés de la surveillance de tes mines, et des civils douteux qui passaient par là par le plus grand des hasards... L'affaire t'est tout de suite rapportée, raconte nous cet événement et tes réactions pour y remédier !

En cette fin d’après-midi, le silence des halls de Fort Modan fut troublé par les bruits d’une course entamé par un messager. Celui-ci détalait à toute allure entre les gratte-papiers chargés de note de dettes, de commandes ou de demande de livraisons. Le messager bouscula l’un de ces secrétaires, qui ne perdit pas son équilibre même s’il laissa tomber quelques feuilles remplies de menaces de mort à l’encontre d’Alaric. Celui-ci ne s’en souciait guère. Les menaces faisaient partie de la routine, et il avait lui-même deux scribes qui en rédigeaient et en expédiaient à longueur de journée à destination de ses concurrents. Mais l’assassinat ne faisait pas partie de la tradition corporatiste nanesque.

Lorsqu’enfin, le porteur de message arriva devant la porte du bureau d’Alaric, il dût se soumettre à une fouille poussée avant de pouvoir le rencontrer. Après tout, ce n’était pas parce qu’il n’y avait pas eût d’assassinat de directeur depuis des siècles qu’il fallait perdre de bonnes habitudes. Le messager, à bout de souffle, se vit offrir une chaise et un peu de bière fraîche par l’assistant personnel d’Alaric, un certain Thingrim, qui était aussi un de ses cousins.

Le messager dût patienter quelques instants. Le directeur du CMKM était en pleine réunion avec ses principaux partenaires, et malgré l’urgence du message, il ne pouvait s’absenter. Cela aurait fait mauvais genre, et les plus folles rumeurs auraient couru sur son compte. Que pouvait bien valoir à Alaric de quitter précipitamment la réunion ? La perte d’un marché ? Un accident dans une forge ? La perte d’un convoi chargé d’or ?

La vérité pouvait être pire que cela. Lorsqu’enfin le Nain daigna se présenter au messager, il savait que le temps lui était compté. Aussi ne comptait-il pas s’éterniser en formalité. D’un signe de la main, il ordonna à sa garde personnelle ainsi qu’aux différents scribes de quitter la salle. Seul Thingrim restait aux côtés de son oncle, prêt à le conseiller et à le renseigner sur des détails, étant déjà au courant –sommairement- de la situation.

- Tu es porteur de nouvelles urgentes, messager, me dit-on. Parles rapidement, et sans détour, car le temps, c’est de l’or.

Le Nain inclina la tête en signe de déférence, tout en déroulant un parchemin. Ce n’étaient guère que des notes, qu’il s’efforça de formaliser de la meilleure façon possible.

- Un incident s’est produit dans notre mine d’argent d’Amgkorr. Des civils, une dizaine de civils, ont tenté de s’infiltrer à l’intérieur. La plupart étaient des Nains, mais il y avait également quelques Humains avec eux. Ils ont assommé deux miliciens placés près d’une sortie secondaire, avant de pénétrer plus en avant. Ensuite, ils…

La difficulté avec laquelle les mots sortaient de sa bouche était palpables. Aucun incident majeur n’était survenu au sein du CMKM depuis plus d’un demi-siècle. Mais avec cette guerre, plus rien n’était sûr. Pas même une mine d’argent placé sous la surveillance d’une quarantaine de gardes.

- Les intrus ont ensuite été repérés par trois mineurs, qui ont croisé leurs chemins sur un pont souterrain. Ceux-ci eurent le temps d’hurler à la garde, mais les civils les ont précipités du pont, jusqu’à leur mort. Ils ont alors dégainé leurs armes, et se sont empressés de s’attaquer aux autres mineurs. Ceux-ci ont couru pour leur vie. Les gardes se sont aussitôt portés au-devant de l’intrusion. Ils ont retrouvé les civils alors qu’ils s’emparaient d’un large stock de minerai brut d’argent.

Le Marquis Nain fronça les sourcils. Ainsi donc, il s’agissait de voleurs de minerais. De vulgaires bandits ? Cet incident était certes regrettable, mais loin d’être catastrophique. Des dizaines de pillards étaient tués chaque année par le Conglomérat. Et pourtant, on venait le déranger en pleine réunion. Il devait y avoir quelque chose d’autre…

- Le combat a été brutal, mais rapide. La plupart des intrus ont été passés au fil de la hache. Trois gardes sont morts en les mettant hors d’état de nuire. Sur la dizaine d’individus –le nombre n’est pas encore parfaitement confirmé-, seuls deux ont été capturés. Ils sont transférés dans la plus complète discrétion ici, à Fort Modan. Un humain et un Nain. Il semble que l’humain soit blessé. Ils n’ont pas encore été exécutés car… Ils prétendent faire partie de la Rébellion.

Ceci changeait tout. Des Rebelles qui s’attaquent au Kael Modan ? Du jamais vu. Qu’est-ce qui avait bien pût les pousser à recourir à des actions aussi désespérées ? Au final, ce qu’ils avaient perdu ici valait-il le coût de la tentative ?

Plusieurs heures passèrent, les affaires continuaient comme à leur habitude, et les deux prisonniers arrivèrent alors que la nuit était déjà bien installée. Conduits par une escorte jusqu’à une salle de négociation, comme le veut la procédure habituelle pour les marchands étrangers, ils auraient pût être confondus avec n’importe quel duo de négociateurs, une canne ayant même été fournie à l’Humain. Et c’était bien là le but. Ne pas attirer l’attention d’éventuels observateurs.

Alaric entra dans la salle de négociation une demi-heure après l’arrivée de ses « invités », qui venaient d’être ligotés. Entouré par sa garde personnelle, il était revêtu d’une simple tenue de cuir, et non de sa tenue habituelle, trop cérémonielle. Il fixa les deux intrus un à un, avant de débuter l’interrogation.


- Vous violez le territoire de ma compagnie en neutralisant mes gardes. Vous tentez de voler les richesses que mes travailleurs ont tant de peine à extraire. Vous ASSASSINEZ mon personnel sur son lieu de travail. En général, les ordures comme vous sont exécutées sur place, mais j’ai un sort spécial qui vous attend, infâmes voleurs. A moins que vous n’ayez une TRÈS bonne excuse.


C’est l’Humain qui prit la parole en premier. On aurait pût s’attendre en pareille situation à s’effondrer en sanglot ou à se confondre en excuses et en remords, mais il se montra au contraire fort vindicatif. Ce qui renforçait la probabilité qui soit effectivement de la Rébellion. Mauvaise nouvelle, en sommes.

- C’est vous qui avez apporté le mauvais sort à votre Maison ! Vous êtes le seul responsable, Maître Nain ! Les prix de l’argent ont été décuplés, depuis que vous avez laissé la majorité de vos mines être envahies par Aile Ténébreuse. Nous avons besoin d’armes en argent pour nous défendre contre les créatures maléfiques et les démons. Que pouvons-nous, face à vos prix prohibitifs, sinon voler le minerai et forger nous-même nos armes ?

C’était vrai. La prise de plusieurs mines d’argent par les disciples d’Aile Ténébreuse avait été catastrophique pour la Rébellion. L’argent était nécessaire pour tuer bien des créatures, et si l’Empire n’était pas en situation de monopole –loin de là-, la réalité était que les prix avaient plus que quintuplés. Autant dire que les Nains, qui n’hésitaient pas depuis quelques temps à vendre de grandes quantités d’équipement aux Rebelles qui séjournaient en Montagne, n’étaient plus une source d’approvisionnement rentable. Et il était bien plus ardu d’obtenir des armes et armures en argent par d’autres biais. Et presque qu’impossible d’en obtenir d’aussi bonne qualité.

- Vous n’avez pas les moyens de vous acheter nos biens, alors vous nous volez ? Je pourrais prendre cela pour une insulte personnelle, et passer un accord commercial avec l’Empire. Mais vu votre petit nombre et votre manque ridicule d’organisation, je suppose que vous êtes un petit groupe de Rebelles stupides, et que vous êtes loin de représenter l’intégralité de votre organisation, qui est un client fidèle.

Ce fut le Nain voleur qui répondit. Il était particulièrement jeune, quelques décennies tout au plus. Un enfant aux yeux d’autres Nains. Et il avait la rage au ventre. Nul doute que s’il n’avait pas été recruté par la Rébellion, il se serait jeté seul avec une hache à l’assaut des mines d’argent impériales.

- Marquis-Directeur Alaric, vous devez nous aider ! Si vous nous soutenez, nous pouvons vaincre l’Empire ! Vous avez de l’influence. Vous avez des ressources. Je vous en conjure, soutenez la Rébellion, pour le monde libre ! Pour Terra Mystica ! Ralliez à vous les autres Compagnies ! Et la Montagne toute entière ! Rejoignons la Glace, et marchons contre Aile Ténébreuse !

Le discours enflammé du Nain ne provoqua qu’un haussement de sourcil de la part d’Alaric. Ces Rebelles étaient convaincus de la justesse de leur cause. Le Directeur aurait pût rester quelques instants supplémentaires, pour discuter avec eux, mais il n’avait pas besoin d’en savoir davantage. Ses interrogateurs feraient le reste du travail, notamment pour savoir dans quelle mesure ces courants « extrémistes » se formaient au sein des Rebelles, et si d’autres attaques contre la mine d’Amgkorr étaient à craindre. Ne restait qu’un point de détail important à éclaircir.

- Votre attaque était brave, messieurs, cela je dois vous le concéder. Vous vous êtes jetés au-devant du danger pour protéger les idéaux en lesquels vous croyez. Je respecte cela. Votre courage pourrait bien être contagieux, et être l’étincelle d’audace qui rallumera la flamme de l’espoir. Je suis certain que nombreux ont voulu vous rejoindre. Vous avez certainement recruté avec aise vos partenaires de la Rébellion, et peut-être des citoyens des Montagnes.
Avant même que l’Humain ne puisse placer un mot, le jeune Nain répondit instinctivement.

- Tous nos camarades de confiance nous ont accompagnés, et nous n’en avons parlé à personne d’autre. Imaginez un peu si la nouvelle se propageait, les citoyens par centaines se lèveraient pour…

Le malheureux n’eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà Alaric lui tournait le dos et sortait de la salle. La plupart des gardes sortirent avec le Directeur, à l’exception d’une poignée. Ceux-là étaient passés maîtres dans l’art de l’interrogation, et sauraient faire cracher aux intrus jusqu’à la dernière parcelle d’information. Heureusement, la salle de négociation était parfaitement insonorisée. Ensuite, on se débarrasserait des corps proprement et discrètement. Etant en tort, les Rebelles n'oseraient jamais avoir le toupet de venir demander des comptes au Conglomérat. Et pour cela, encore aurait-il fallu qu'ils soient au courant.

Tout en se dirigeant vers sa chambre, Alaric ne pût s’empêcher de se dire qu’un palier avait été franchi. La guerre s’intensifiait considérablement. Et elle venait tuer jusque dans les mines du CMKM. Avec la prise de plusieurs mines d’argent par l’Empire, il devenait de plus en plus difficile de faire du commerce. Alaric allait devoir prendre de difficiles décisions, et s’impliquer bien davantage, s’il voulait que l’entreprise familiale perdure. Il ne permettra jamais, sous aucun prétexte, qu’une guerre –si importante soit-elle- vienne mettre à genoux des millénaires d’exploitation minière au nom de Kael Modan.