Raconte en détail sa première transformation en tant que Louve, sa colère, la réaction de sa mère etc
La journée était froide, comme toutes les journées depuis un mois. Le soleil ne se montrait pas et il y avait peu de lumière sous les frondaisons. Le vent s'était fait froid et mordant, comme une bête vicieuse, s'engouffrant dans le moindre interstice des murs ou du plancher. La maison était bien isolée mais la dilatation du bois à cause des pluies et du soudain retour du froid laissait parfois entrer un zéphyr glacé. Le feu tenait éloigné la plupart des courants d'air trop froid mais Cathane ne pouvait s'empêcher de frisonner et de remonter la couverture un peu plus sur elle. Les yeux perdu dans le vague, elle cherchait une idée pour s'occuper. Depuis le retour des temps froids, sa mère refusait de la laisser sortir, de peur qu'une tempête de neige ne s'abatte sur la forêt ou qu'elle attrape froid. La petite avait grommelé que c'était à rester sans rien faire près du feu qu'elle allait attraper froid. Bouger était le meilleur moyen pour chasser les frissons mais dans cette petite pièce, elle ne pouvait pas laisser libre cour à son énergie. Elle se cantonnait donc aux instructions de sa mère, même si cela devenait de plus en plus difficile. Cela faisait cinq ou six fois au moins au cours des trois derniers jours qu'elle s'était fâchée contre sa mère.
L'enfant jeta un coup d'oeil à cette dernière: assise dans la cuisine, cette pièce séparée du salon principale par un simple voile, elle était penchée au-dessus d'un bac en bois et épluchait des légumes. La petite fille fronça le nez. Elle pouvait sentir d'ici les Ignam verts et les courgettes papillons avec leur odeur douceâtre et écoeurante. Elle n'aimait pas le potage. Croquer une carotte de temps en temps était appréciable et elle aimait beaucoup les fruits mais ces légumes là... Elle en avait jusqu'au yeux des jus de chaussette. Elle aurait très bien put sortir dégoter un oiseau, elle était très douée pour ça et sa mère le savait, mais non, elle devait rester cloitrée ici. Et le pire de tout, c'était surement l'ennui. Cathane reporta son regard sur les flammes. Elle se sentait frustrée. Atrocement frustrée. Elle n'avait rien à faire, rien pour s'occuper les mains ou l'esprit. Elle n'avait qu'à rester là et ne pas bouger, encore et toujours. L'enfant serra le poing et les dents. Elle sentait comme quelque chose d'étrange l'oppresser et elle ne pouvait rien faire contre. Comme si on avait soudé le couvercle d'une marmite, la pression ne pouvant s'échapper. Cela faisait déjà quelques jours que ça montait en elle et elle était de très mauvaise humeur.
-Ma chérie, si tu t'ennuie tant que ça, passe un coup de balais dans la maison.-
-Nan.-
La réponse avait fusé avec hargne. L'enfant posa son regard doré sur sa mère qui posa le sien, vert brillant, sur sa fille. Cathane sentit son agacement monter d'un cran et un gargouillement dans sa gorge ne demanda qu'à sortir quand un bruit dans la cuisine fit tourner la tête à la femme qui s'y tenait. Elle se leva et alla ramasser quelque chose qui avait dut tomber. Le combat était terminé et personne n'était perdant. Cathane ferma les yeux et inspira plus profondément pour calmer cette agitation qui la perturbait. Elle n'aimait pas se sentir fâchée comme ça, surtout contre sa mère. Elle ne savait pas pourquoi elle était si agitée et de si mauvaise humeur. Il y avait quelque chose qu'elle ne contrôlait pas. Une fois sa mère revenue à sa place, la petite fille lui aboya:
-J'veux pas manger ça. C'est pas bon.-
-Il n'y a que ça à manger. Nous n'avons plus de viande.-
-Je pourrais aller en chercher.-
-Je ne veux pas que tu sortes.-
Cathan gronda comme une bête cette fois. Cette dernière phrase, si sèche et catégorique avait sonné comme un coup de fouet à ses oreilles et cette sensation qui s’emparait d'elle, cette autre...personnalité ne pouvait le supporter. Ce fut comme un coup de feu résonnant dans sa tête et soudain la petite fille se retrouva spectatrice de ses propres gestes. Une douleur fulgurante lui traversa les membres et elle porta les deux mains à sa tête, comme si cela pouvait l'empêcher d'exploser. Une rage animale la dévorait. Une bête au fond d'elle refusait cet ordre, s'en insurgeait, se rebellait. Enfermé depuis toujours au fond de cette humanité, le loup en elle ouvrit les yeux, réveillé par la colère, la frustration, l'enfermement... La fillette tomba à genoux et un grognement menaçant sortit de sa gorge, un grognement qui n'avait rien d'humain et qui se mua en un mot:
- NOOOOON !-
Cathane eu soudain l'impression que ses os se mettaient à chauffer tout seuls. Elle se sentit regarder sa mère et put voir qu'elle la terrorisait: la femme s'était levée, renversant son tabouret au passage et s'était plaquée contre le mur, aussi loin que possible de sa fille. Une main plaquée sur la bouche, les genoux tremblant, elle posait sur son enfant un regard emplit d'effroi. La petite souffrait le martyr, voulait que tout s'arrête mais cet autre elle avait prit tout le contrôle et l'étouffait de la colère, ne lui permettant que de ressentir et de voir.
Cela commença par ses mains: ses os se mirent à craquer dans un bruit écœurant de cartilage distendu et ses doigts s'allongèrent. Ses ongles s'enfoncèrent dans le doigt pour être au centre et non plus au dessus, prenant une forme ronde et se terminant en pointe: des griffes. Pendant ce changement, Cathane ne s'aperçut pas que ses pieds subissaient le même traitement, son talon semblant s'étirer à l'infini vers l'arrière comme s'il voulait rejoindre le genoux. Puis ce fut une douleur sans nom qui la transperça quand sa colonne vertébrale s'étira en roulant sous sa peau dans un bruit plus atroce encore que ses mains. Elle sentit une nouvelle partie d'elle, juste au-dessus des fesses, sous la robe. Mais son corps ne lui laissa pas le temps de comprendre que la douleur remonta dans sa tête, se focalisant sur l'os du crane et sur le visage. Bouche ouverte dans un cri qui ne venait pas, la fillette sentit ses oreilles remonter brutalement au sommet de sa tête, la laissant à moitié sourde. Elle vit son nez et sa mâchoire se rejoindre et s'étirer vers l'avant. De nouvelles dents percèrent ses gencive, sa langue était en feu. Puis ce fut un picotement général tendit qu'elle voyait son corps se couvrir d'une fourrure blanche et feu. Cathane sentit L'autre regarder vers le bas et constata avec horreur que sa robe était en lambeaux à ses pieds. Elle n'avait pas sentit le tissu craquer lors de sa poussée de croissance fulgurante.
La louve rejeta la tête en arrière et poussa un long cri de victoire, enfin libre. Puis la colère qui l'animait se mit une fois de plus a bouillonner et la créature se jeta sur la table, l'empoignant fermement avant de la soulever comme si elle ne pesait pas plus qu'une brindille avant de la fracasser sur le sol. Laissant de profonde marque sur le parquet et sur les murs avec ses griffes, la chose continua de se déchainer, laissant Cathane horrifiée par ses propres actes et incapable d'y changer quoi que ce soit.
La jeune mère était effondrée. Elle voyait son pire cauchemar se réaliser sous ses yeux. A la naissance de sa fille, elle avait eu peur de mettre au monde une boule de poil et s'était émerveillée de constater que c'était un bébé humain qu'elle avait donné au jour et non pas un bébé loup. Elle l'avait élevé en surveillant les premières années de sa vie et n'ayant décelé aucun penchant étrange, elle avait vite oublié ses craintes. Mais désormais elle savait qu'elle s'était trompée. Ce regard sauvage, cette transformation...Sa fille était un loup et elle ne pouvait plus nier l'évidence et tous les indices qui auraient du la prévenir: cette attirance pour la viande saignante, sa vue excellente dans l'obscurité, ces odeurs qu'elle sentait et qui étaient indécelables...Sans parler de ce caractère dominant qu'elle ne pouvait tenir que de son père.
S'étant laissée glissée contre le mur jusqu'à être assise, la mère entoura ses genoux de ses bras et se fit aussi petite que possible pendant que sa fille ravageait le séjour, priant pour qu'elle ne soit qu'en colère et non pas affamée.
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Cathane ouvrit les yeux, la vue un peu brouillée mais l'esprit serein. Elle tenta de bouger et fut heureuse de constater qu'elle avait de nouveau le contrôle de son corps. Elle tourna la tête: sa mère la regardait, une lueur inquiète dans les yeux. Pas inquiète pour sa fille, inquiète pour elle même, pour sa vie. La petite fille se redressa et constata qu'on l'avait allongée sur ce qu'il restait de banquette et bordée d'une couverture. L'esprit embrumée, elle avait la tête qui tournait et tout son corps lui faisait mal comme si elle avait passé une semaine à courir et grimper aux arbres. Elle voulu parler mais sa voix était si enrouée qu'elle ne parvint qu'à un coassement étranglé. Sa mère se leva et s'agenouilla près d'elle en la repoussant doucement en position allongée.
-Là, chut. Tout va bien maintenant, c'est terminé.-
La fillette vit les larmes dans les yeux de sa mère, une écorchure sur la pommette et ses mains tremblantes. Elle savait qu'elle était responsable de ça et ne pouvait pas l'expliquer. Elle n'avait pas été elle même mais se sentait coupable pour tous les débats qu'elle voyait par-dessus l'épaule de sa mère. Tournant son regard d'or vers celle qui la protégeait depuis toujours, elle lui demanda d'une voix rauque:
-C'est possible d'être plusieurs à habiter un corps ?-
Sa mère lui adressa un sourire triste et écrasa une larme qui roulait sur sa joue.
-Certaines personnes peuvent partager le même corps avec un autre esprit, oui.-
-Alors il y a un fantôme dans mon corps.-
La petite planta son regard dans celui de sa mère. Elle était aussi effrayée que cette dernière, effrayée par elle même et par ce qu'elle pouvait faire. Elle avait peur qu'on lui vole son corps, qu'on l'oblige à faire d'autres choses affreuses, elle avait peur de faire du mal à sa maman. Voyant cela, la jeune femme posa une main sur le front de son enfant et lui sourit avec tendresse.
-Ce n'est pas un fantôme ma chérie. C'est un loup. Et tu vas devoir apprendre à vivre avec lui parce qu'il est toi.-
-Mais pourquoi je suis un loup Maman ?-
-C'est une très longue histoire ma puce...Elle commence avec ton père.-