Le maréchal des Glaces était revenu dans le Ciel. Lui qui n'aimait pas avoir les pieds si loin du sol - du vrai sol - cela faisait la deuxième fois en quelques mois qu'il s'y rendait. La première fois, c'était pour rencontrer la belle Yuki Mukkuro, qu'il avait tenté de rallier à la cause de l'Alliance d'Or. De part son statut de rebelle, elle était un excellent moyen de faire le lien entre les deux organismes. Cependant, si l'Alliance existait toujours et était active, Albar n'avait que peu de temps à lui consacrer, ses obligations de maréchal l'occupant énormément. Bien qu'il est vrai, son travail s'allégeait de jour en jour.

C'était sa faute aussi s'il avait tant de travail : il avait tenu à réformer l'armée, et à réintroduire les lourdes phalanges d'antan, avec quelques aménagements. Elles qui n'étaient jusque là qu'un imposant soutien, il en avait fait le coeur de son armée. Il les appelait Phalange Tlassiennes, car il avait aussi modifié leur composition. Il avait rendu l'armure plus lourde et plus compacte, et en contrepartie, avait remplacé les derniers rangs de phalangistes par des hommes équipés d'épées, ou d'armes d'hast, qui pouvaient se faufiler entre les rangs pour épauler les phalangistes face aux ennemis récalcitrants.

Et il y avait les femmes aussi. Les effectifs des Glaces avaient été bien réduits lors de la Guerre Froide, et il avait eu une idée très contestée pour les relever vivement : enrôler les femmes elles aussi. Issendra, grande féministe, avait approuvé l'idée, et il avait mis en place toute une commission pour étudier quel nombre de femmes pourrait-on enrôler sans que le pays ne cesse de tourner. Les chiffres étaient réconfortants, et en ce moment même, le recrutement était en train de commencer. Elles allaient toutes être formées à être archères, et plus si certaines le désiraient. La combinaison des phalanges, lignes infranchissables qui bloquent l'ennemi, et des archers qui font pleuvoir l'enfer sur eux serait détonante, il n'en doutait pas.

Alors il n'était pas dans le ciel pour des vacances, non. Quitte à être en vacances autant l'être dans un pays chaud. Ou duquel on ne risque pas de passer à travers le sol. Remarquez que les crevasses dans certaines montagnes des glaces posent le même problème. mais c'était pas pareil : ici c'était des nuages, là bas c'était de la neige. C'est évident que ça n'a rien à voir !

Il était là car certains de ses contacts pouvaient lui fournir de bonnes informations sur les réseaux rebelles du Ciel, qu'il jugeait sous terriblement exploité. Si la Terre tremblait, le Ciel, qui pourtant avait été déchiré, n'a fait que pleuvoir des tonnes de larmes au lieu de lancer des éclairs rageurs contre le Roi Démon.

Fait amusant, on lui avait donné rendez vous dans une chapelle réservée au culte de Zelphos, durant la messe. Il est vrai que c'est le dernier endroit où l'on irait chercher des rebelles, mais vous vous doutez bien que ce genre d'idée ne plaisait pas à Albar. Même lorsqu'il n'était que simple garde du corps il traitait déjà les membres d clergé de Zelphos, pourtant en visite officiel, avec mépris - au grand dam d'Issendra, certes, mais Albar était sûr qu'elle aimait le détester.

Il faisait chaud là haut, c'était assez étonnant, même en cette fin de soirée. Chaud et assez humide. Il enleva sa veste blanche et la posa par dessus son épaule. Car oui, je n'ai pas pris la peine de le préciser, mais il était comme toujours tout de blanc vêtu, seules sa ceinture noire et ses bottes de cuir marron foncé se distinguaient de la blancheur éclatante. Et, comme dans les glaces, sur le sol nuageux de Ciel, cela lui ferait comme un camouflage, en dehors de ses cheveux noirs. Ma foi il n'aura qu'à mettre sa veste sur sa tête.

Des temples de Zelphos dans Misora, ce n'était pas dur à trouver. Celui ci était réputé pour être un des plus beau. Pour la bonne et simple raison qu'il était une copie presque conforme d'un temple à la gloire de Yehadiel qui se trouvait à Sylfira, qui avait été détruit durant l'aube rouge, et qui était réputé pour être l'une des plus belles architectures de Terra Mystica (si l'on excluait la capitale toute entière ça va de soi). Ne sachant pas à quelles heures étaient les messes, il demanda, presque avec honte d'ailleurs, à l'un des membres du village.

Une fois au fait de l'heure, qui était très proche, il s'y rendit sans attendre, arrivant juste au début. Il y avait du monde, beaucoup de monde. C'était véritablement terrifiant de se dire que tous, ou presque, croyaient véritablement qu'Aile Ténébreuse était un Dieu. mais ma foi il fallait relativiser : il était probables que beaucoup n'aient pas vraiment le choix. C'est le cas dans la moindre des sectes même dite modérée, alors pourquoi pas celle ci?

S'asseyant au bord d'un des bancs centraux, il fit mine d'écouter, cherchant du regard ses compagnons, dont il n'avait qu'une simple description. Ce furent eux qui vinrent à lui cependant, et ils lui donnèrent un simple papier sur lequel était écrit un lieu et une heure. Le lieu, il ne le connaissait pas (bon, l'heure il la connaissait, c'était évident). Une fois cela mémorisé, il déchira le papier en petits morceaux, et se demanda quoi faire : se lever et partir? Pas très discret tout ça... Non, c'était évident, il devrait rester jusqu'au bout.

"Excusez moi, chuchota-t-il à son voisin, il y en a encore pour longtemps?
- Ça prendra le temps que ça faudra !", lui répondit sèchement l'individu.

Ah, les croyants... N'ayant rien d'autre à faire, il regarda les gens, s'amusant à leur mettre injustement des étiquettes de genre ou autre. Puis son attention fut attirée par le prêtre - il était temps ! - : un grand homme noir qui parlait d'une voix vibrante et forte. Il contrastait clairement avec son acolyte, qui restait en retrait. Observant l'attitude du prêtre, il remarqua qu'il lui jetait sans cesse des coups d'oeil inquiets. Le petit au fond était donc son supérieur, et il n'avait pas l'habitude d'en recevoir ici semblerait-il.

Il détailla alors la petite forme au fond de la pièce, cachée sous sa capuche. Elle avait la silhouette d'une femme, il en était certain. Immédiatement, il songea à la seule femme membre de Zelphos qu'il connaissait : Lara Lidwin, alias Obscura. Une vampire. Cela expliquerait la capuche, l'heure tardive de la messe, et aussi l'inquiétude de l'homme : elle était archevêque après tout !

Lorsqu'elle bougea pour changer de place, et qu'elle passa près d'une torche, Albar eu confirmation de ce qu'il pensait : il vit alors son visage pâle et juvénile, ainsi que ses yeux si brillants. C'était elle, il en était certain.

Il l'appréciait, malgré son caractère indubitablement soupe au lait et agressif. Il l'avait rencontré deux fois, et elle avait été un soutien inébranlable et précieux jusque là. C'était une rebelle, infiltrée à l'un des plus haut niveau de l'échelon noir. Vu qu'elle était là, il ne pouvait pas laisser échapper une occasion de s'entretenir avec elle.

Cependant, sans doute ne serait-elle pas disponible juste après la messe. Il fallait donc lui donner rendez vous... Bingo, il avait trouvé ! Se saisissant d'un petit carnet qu'il avait toujours sur lui et d'une plume auto-encreuse, il lui écrivit ce petit mot :

"Rendez-vous ce soir, dans environ 2 heures, à l'auberge... L'auberge la plus proche, je ne pourrais vous dire son nom, je n'y suis pas encore !




Il attendit la fin de la messe pour lui donner le mot. Alors que tout le monde partait et que le prêtre se dirigeait, lui, vers Lara, Albar, bâillant goulûment, se dirigea lui vers le prêtre. Passant devant Obscura, il lui mit discrètement le mot en main, en espérant bien évidemment qu'elle se souvienne de lui. Quant au prêtre, qui se demandait pourquoi Albar venait vers lui...

"Pardonnez moi de vous importuner, prêtre noir - ho ho ho - mais je tenais seulement à vous dire que j'ai beaucoup aimé votre sermon. C'est la première fois que j'assistait à une messe de Zelphos et... Je ne sais vraiment pas quoi en dire, je ne trouve sincèrement pas les mots pour vous décrire ce que j'ai vécu !"

Après quelques autres flagorneries, il partit et se renseigna sur la présence d'une auberge, qu'il trouva très vite, bien heureusement. On lui donna sa chambre, et il descendit manger, attendant dans la pièce commune la venue de Lara.

Lara rageait. Il n'y avait aucun autre mot possible pour ses ressentis. On l'envoyait à Misora pour "vérifier la crédibilité d'un prêtre". Mais qui diable prendrait la place d'un prêtre pour s'infiltrer chez l’ennemie bon sang ! Certes, elle était archevêque... Mais c'était très différent ! Son poste lui offrait un certains privilège, même si techniquement elle se devait d'obéir à Zelphos, elle n'en recevait pas moins les ordres de sa seigneurie le pigeon noir !

La vampire avait donc une fois de plus préparé ses valises pour le monde de l'air. Peut être qu'on tentait de l'éloigner après tout... Elle était toujours archevêque, mais sa supercherie ne tiendrait pas longtemps... Les choses étaient différentes désormais... La vampire savait qu'il lui faudrait quitter Sen'Tsura au plus vite...

Ce fut Lya qui la décida. La lynx lui dit d'aller exécuter sa mission, de tuer un max de monde, puis de disparaître dans la nature et de se planquer... de changer de nom, de vêtements... De réapprendre à se battre différemment... Et surtout... Lya voulait qu'elles se séparent. Bien que cette perspective n'enchante pas la vampire, elle savait que c'était nécessaire. Peut de personne avait un lynx parlant comme compagnon. Si elle voulait changer il lui faudrait TOUT changer...

Bizarrement, Lara acceptait cette possibilité. En revanche, elle voulait partir avec un coup d'éclat. Quelque chose de gros qui fasse que ses ennemis saches qu'elle les avait berné depuis le début, et qu'eux, ils avaient cru en sa bonne fois.

Alors du coups, elle avait préparé ses valises avec grand soin, changeant toute ses robes de cérémonies contres les tenues de combat qu'elle avait petit à petit fait faire. Elle fit monter dans sa chambre aussi une multitude d'arme... dont finalement elle n'en pris aucune. Elle partit donc avec un grand sac remplit de vêtement et de fiole de sang de dragon concentré, puis sa besace qui contenait comme toujours un carnet pour écrire, quelques fioles vides et une d'alcool de vouivre. Elle se souviendrait toujours comme cela l'avait sauvé alors qu'elle n'était pas encore archevêque... Armée de ses deux cimeterres qu'elle ne quittait jamais, elle mit une longue cape noire qui lui couvrait parfaitement la tête, ne dévoilant que le bas de son visage à quiconque la voyait, et ses cheveux, elle les attacha avec un ruban noir.

Sur sa peau blanche reposait le collier qui ne la quittait jamais, cet étrange collier fait d'un fil qu'elle enroulait autour de son cou nacrée, cachant à demi son tatouage d'un noir qui ne s'était pas altéré avec le temps. Voilà longtemps que la magie contenue dans cette rune ne s'était pas activée. Voilà longtemps qu'elle avait appris à ne plus boire de sang humain, se contentant de celui de dragon pour étancher ses soifs les plus grandes.

Une fois n'est pas coutume, elle s'était rassasiée jusqu'à ce que sa faim disparaisse complètement. Dans ses yeux émeraudes brillaient dangereusement la lueur sanguinaire du sang de dragon qu'elle avait ingurgité. Mais cela lui allait. Elle devait être en pleine forme pour sa sortie. Elle était fin prête.

Le voyage fut des plus ennuyeux, bien que la vampire n'y prêta pas beaucoup attention, bien trop occupée à réfléchir à son avenir. Lya, allongée dans la diligence au pied de la vampire était aussi songeuse qu'elle. Depuis son réveil, elle et le félin ne s'était plus quitté, se battant ensemble, crocs et griffes alliés aux cimeterres et aux canines... Dangereuses. Mortelles. Mais amies. Le lynx, même si elle ne le montrait pas forcément n'était pas à son aise de laisser Lara seule, surtout que celle-ci avait retrouvé le souvenir de son humanité, et que la seule zone d'ombre de son passé était sa transformation, mais Lara savait qu'il ne fallait pas qu'elle s'en souvienne. Elle le savait sanguinaire, et assez choquant pour la renvoyer dans un sommeil comateux de quelques centaines d'années.

Secouant la tête, elle sortit de sa réflexion lorsque sa voiture s'ébranla lors de l'arrêt devant l'une des églises les plus belles que la vampire n'est jamais vu, et pourtant, elle vivait presque dans la cathédrale de Sen'Tsura...

Mais cette beauté là était différente... Plus pure. La vampire savait que l'architecture avait été repris à l'ancien temple de Yehadiel que la bâtisse avait été. Elle eut un sourire appréciateur... Des fois, elle voyait des choses magnifiques grâce à son emploi... Certes elle en bavait pas mal, mais ce paysage nuageux, ou plutôt cotonneux et ce temple... c'était presque trop beau pour être un lieu de culte du démon.

-C'est magnifique, souffla-t-elle émerveillée.
-Pas autant que vous, votre sainteté, lui répondit une voix mielleuse. Athor Irkahim pour vous servir.

Il s'agissait là du prêtre qui lui fit un baise main des plus... baveux. La vampire avait horreur de se genre de manière. Pour autant, elle fit mine d'être touchée, bien que dans sa tête passait en boucle :

*Je vais te tuer. Je vais t'écorcher vivant. Tu me supplieras de te donner la mort...*

... bizarrement, ça la calmait.

-Je vous en prie, fit-elle alors. Appelez moi Obscura.


Parce que c'était sûrement une des dernières fois qu'elle accepterait qu'on la nomme ainsi... Son surnom... donné par son maître et ainsi souillé par un pigeon !

Le prêtre exécuta une courbette, et eut un air inquiet devant la lueur rouge qui brillait dans les prunelles émeraudes de la vampire. Tant mieux, cela lui éviterait le passage : «Mes crocs siéraient parfaitement à votre cou... ». Rassérénée sur le pouvoir qu'elle avait de part son statut, la vampire suivit le prêtre, et entra dans le temple. Elle en tomba immédiatement amoureuse. Dans un style tout à fait différent de sa cathédrale, la vampire retrouvait pourtant les noirceurs exiguë qu'elle avait remis au goût du jour. Évidemment, en devenant l'archevêque de la cathédrale de Sen'Tsura, elle avait changé pas mal de chose à l'architecture, que ce soit dans son palais ou dans la cathédrale en elle-même. Elle avait donné au noir et au violet une seconde vie, et elle avait choisi d'étendre ces couleurs jusqu'à ses vêtements... Par conséquent, sa cours avait suivit la donne, et certain temple de Zelphos de même.

Aussi, et bien que demeurait encore la structure de l'ancien temple, la vampire se sentait dans son élément. Cela la rassura.

-La messe ne tardera pas à commencer... dit le prêtre en lui coulant un regard inquiet. Voudriez-vous... participer ?
-Par le grand démon, non ! Ma visite est non officielle. Je ne viens que pour m'assurer de votre... foi. Et croyez-moi, je serais intraitable sur ce qui se passera durant cette messe, mais je me contenterais de la regarder... Je vous verrais après... Nous... en parlerons.

Elle s'amusa à faire doucement apparaître ses canines sur ses derniers mots, et le cœur du prêtre eut un élan assez assourdissant. Déglutissant, il acquiesça et partie ouvrir les portes, tandis que Lya s'en allait fouiner du côté de l'arrière chœur. La vampire s'appuya contre le mur du fond, rentrant ses crocs et baissant la tête. De cette façon, son capuchon la cachait entièrement, et elle passerait pour une murmurante.

Une murmurante ? Il s'agit de ceux et celles qui ont offert leur voix à Ailes Ténébreuses. On leur prête une foi sans nom et absolu... Ils étaient ce que la vampire détestait le plus... Et qu'elle prenait un plus grand plaisir à tuer... Oh, il ne faut pas croire, le fait qu'elle ne se nourrisse pas de sang humain ne signifiait pas qu'elle ne tuait pas d'humain... De part la violence de sa prise de pouvoir, elle avait... comme un quota de mort...

Elle se stoppa net dans ses réflexions lorsqu'une odeur bien reconnaissable vint lui chatouiller les narines. Cherchant, sans ne rien laisser paraître l'origine de cette odeur, elle perçut celle de Galaad qui flottait dans l'air. Elle manqua de relever la tête brusquement pour voir d'où venait cette odeur, mais elle se retint à la dernière minute... Il fallait qu'elle ne laisse rien paraître. Elle se contenta de fermer les yeux et de visualiser dans sa tête une carte auditive et olfactive des lieux. Elle repéra alors aisément l'endroit où les pro-rebelles s'étaient installés, puis finalement...

-Albar... souffla-t-elle avec un sourire en coin.

Alors il servait de messager pour la rébellion désormais ? Relevant légèrement la tête pour l'entrapercevoir, elle eut un sourire cette fois-ci moqueur. Elle dénota de sa part une certaine impatience lorsque la messe commença... Puis son regard se posa sur elle alors que dans un même temps, elle rebaissait les yeux.

Peut être donc que ce temple possédait bien un rebelle comme prêtre et qu'il permettait les échanges de message... Mais non... L'odeur sur cet homme n'était pas celle de quelqu'un qui pouvait prendre des risques. Non, non... Ce temple servait de passage, oui. Mais cela s'arrêtait là.

Laissant se passer la messe, la vampire laissa son esprit dériver dans des souvenirs magiques de Jenaël. Comment allait-il ? Avait-il eut connaissance de ce qui avait du se jouer pour elle ? Savait-il qu'elle risquait de plus en plus sa vie pour la rébellion ? Lara se contenta d'un sourire rêveur et de la continuité de ses souvenirs passés avec le clamerian...

Les choses se passèrent plus vite que prévue, et lorsque les croyants sortirent de la bâtisse, la vampire rejoignit lentement le prêtre avec une expression un peu carnassière, mais à ce moment, Albar vint vers eux. En passant à ses côtés, le maréchal lui glissa un papier que la vampire cacha aussitôt dans sa cape

-Pardonnez moi de vous importuner, prêtre noir - ho ho ho - mais je tenais seulement à vous dire que j'ai beaucoup aimé votre sermon. C'est la première fois que j'assistait à une messe de Zelphos et... Je ne sais vraiment pas quoi en dire, je ne trouve sincèrement pas les mots pour vous décrire ce que j'ai vécu !

A ces phrases, Lara du se retenir d'exploser de rire. Le pire, c'est qu'il en rajouta un peu avant de partir, et que le prêtre se tourna vers la vampire d'un air béat !

-Voilà pourquoi j'aime mon métier, dit-il. Pour ce genre de personne là !

La vampire ne se savait pas aussi maître d'elle même qu'en ce moment précis. L'envie d'éclater de rire était si forte, qu'elle du faire un énorme effort sur elle même pour cacher un court éclat en toux sèche. Le prêtre la regarda toujours aux anges, et elle eut un air un brin crispé.

-Lya ? Il y a quelqu'un d'autre ?
-Non, souffla la lynx avec l'air d'être pressé d'en finir.

La vampire n'en attendit pas plus pour sortir ses cimeterres et les enfoncer jusqu'à la garde dans le cœur du prêtre.

-Il est tellement appréciable de ne plus avoir à me préoccuper de ma discrétion !
-Tu m'étonne ! Souri la lynx. Que t'as donné Albar ?

Sans mot dire, Lara sortit le message et l'ouvrit. Lya prit appuie sur ses pattes arrières pour poser celles avant sur les épaules de son amie.

"Rendez-vous ce soir, dans environ 2 heures, à l'auberge... L'auberge la plus proche, je ne pourrais vous dire son nom, je n'y suis pas encore !

Un fervent adepte
De l'ironie"

La vampire eut un rire réellement amusée. Lya posa sa tête contre celle de Lara et ronronna. Les deux acolytes sentaient que la fin de leur cheminement ensemble s'approchaient, et elles avaient bien plus de marque d'affection à s'offrir. La vampire poussa un léger soupir, et Lya se remit sur quatre pattes.

-Allons-y, dit-elle. On a deux heures à tuer, et je n'ai pas tellement envie de les passer dans une église...
-Attend...

Lya la regarda, surprise, mais la vampire laissa tomber sa bague ornée d'un rubis éclata, la bague qu'elle avait récupéré lorsqu'elle était archevêque. Elle enleva ensuite sa grande cape, changea sa tenue pour une nouvelle de combat.

Elle en avait fait faire une différente de celle qu'elle portait habituellement exprès. La nouvelle était en réalité composé d'un corset d'un cuir marron foncé et moins travailler que ce qu'elle portait d'ordinaire. Le devant était plus décolleté et soulignait à merveille sa poitrine qu'elle cherchait ordinairement à cacher. Avec, elle portait un corsaire s'arrêtant mi-cuisse qui laissait voir ses longues jambes fines mais musclées. Elle se détacha les cheveux aussi, et se les coupa en un carré court à l'aide d'un poignard récupéré sur le prêtre. Laissant tomber son collier avec ses autres vêtements, la vampire était changé. Elle ne ressemblait plus forcément à une adolescente, et faisant enfin confiance à son apparence pour tenter de se montrer plus volontiers. Elle garda pour autant ses cimeterres, peut encline à laisser partir de telles armes.

Regardant Lya d'un air un peu inquiet, Lara lui demandait en réalité son avis. Le lynx resta un instant soufflé. Lara était vraiment belle ainsi. Elle n'avait pas l'habitude de la voir aussi ouverte et encore moins l'habitude qu'elle ne s'assume.

Les deux amies sortirent de l'église, et la vampire eut la tête haute et le regard fière. La lynx conserva son air attendri, et elles partirent dans la forêt de Misora pour que Lara se perche tout en haut d'un arbre et profite de cette forêt mystique.

Il fallait avouer que la brume présente dans cette forêt était vraiment appréciable pour la vampire. Le soleil se couchait sur Misora et voilà longtemps qu'elle ne s'était pas senti aussi libre. Profitant de ce moment pour se calmer, la vampire se rendit compte qu'elle était officiellement en fuite. Souriant, elle resta sur son arbre pour regarder le ciel changer de couleur jusqu'à ce que l'heure de son rendez-vous s'approche.

Lara se laissa tomber au pied de l'arbre où elle se reposait puis sortie de la forêt, Lya sur ses talons. Trouver l'auberge ne fut pas difficile grâce à ses sens développés, et elle repéra rapidement le foie humain comme il s'était lui même appelé une fois. S'approchant de lui, elle eut presque hâte de voir la réaction que pourrait avoir Albar quand à son nouveau look. Après tout, elle n'avait qu'une envie : changer !

-Ravie de vous revoir Albar ! S'exclama-t-elle d'une voix parfaitement naturelle pour une fois. Je dois avouer que j'ai été surprise de vous trouver dans un temple...

Le temps passait lentement, très lentement. Trop lentement. Il n'aurait pas du proposer à la vampire un délai si large que celui ci. Il avait trouvé l'auberge en quelques dizaines de minutes à peine et il avait encore plus d'une heure à tuer avant sa venue. Si elle venait. Il n'en était pas convaincu du tout, et il se pourrait parfaitement bien qu'il passe sa soirée seul devant sa table et son verre d'eau, sans rencontrer quiconque d'autre que des filles de joies ou bien des vendeurs à la sauvette.

Il ne la connaissait pas, il fallait l'avouer. Ils n'avaient partagé que de courts moments ensemble, et bien souvent trop éprouvants pour parler véritablement. La guerre froide, d'abord, les avait forcés à voir en l'autre un collègue, une aide, et non pas un ami, même s'il s'était un peu pris d'affection pour la vampire. Il l'avait alors croisée à nouveau, par un hasard des plus total, au bal masqué d'Ayael. Il l'avait reconnue presque tout de suite, et tous deux avaient alors partagé une danse faussement endiablée, dans le but, pour Albar, de piquer la jalousie d'Ayael, qui jouait au même jeu avec un autre vampire. Ce soir là Albar avait apprécié la compagnie de Lara, et ils avaient passés de bons moments ensemble – de son point de vue tout du moins. Il avait cependant du partir en catimini après qu'un meurtre ait été commis, et avait du quitter tous les convives sans même avoir pu leur dire au revoir, même pas à Ayael, pour qui pourtant il était venu.

Sa place dans l'alliance d'or et celle de maréchal des Glaces lui avait valu d'être approché par les rebelles, et il avait alors gagné de nombreux contacts. Par eux, il avait obtenu quelques informations sur Lara, toutes les informations officielles sur elle... C'est à dire presque rien. Pour garder sa couverture secrète, les rebelles eux mêmes n'avaient sur elle que des informations concernant l'archevêque Obscura, et non la rebelle Lara. Albar était curieux à son sujet, d'autant plus que la morte avait un talent particulier : elle ne lui inspirait aucune véritable peur.

En effet Albar n'aimait pas les vampires, il s'en était toujours méfié, plus encore que des loups-garous. Il avait vite reconnu que la nuit n'était nullement son domaine, et plus d'une fois, un vampire s'en était pris à lui en pleine nuit, profitant de sa capacité de régénération pour lui pomper le plus de sang possible. Ils étaient à la fois rapide, forts, conscients de leur environnement, et généralement sans pitié, des combattants qu'Albar aimait affronter mais qu'il redoutait, à plus forte raison depuis ces dernières semaines, quand Caïn, le premier vampire, s'en était pris à lui. Son sang se glaça à nouveau tandis qu'il repensa à la voix de Nayris qu'il avait entendu dans sa tête ce jour là... Il en faisait encore des cauchemars, et cela durerai encore longtemps, pour sûr.

Pour en revenir à Lara, si elle l'avait inquiété à leur première rencontre, il avait vite appris à passer outre sa nature de vampire pour la voir d'abord comme une alliée, puis comme... Non, pas une amie, pas vraiment. Peut-être le deviendrait-elle plus tard, mais pas encore, il ne la connaissait pas assez. Non, il la voyait comme une femme depuis sa dernière rencontre avec elle. Tout ce qu'il savait c'est que son passé avait l'air d'être lourd, mais ma foi, le passé, c'est ce qui fait ce que nous sommes, il fallait juste ne pas se noyer dedans. Définitivement, Albar était curieux.

Rester assis à rien faire était quelque chose de très plaisant il est vrai, vous même qui lisez ce RP en faîtes une expérience très porche, bien que la qualité de celui-ci soit plus stimulante pour votre intellect que tout ce que vous pourriez faire d'autre. Cependant, ce n'est pas ce qu'Albar avait en tête aujourd'hui, pas ce soir. Ce soir il voulait que les choses bougent, surtout après avoir passé tant de temps dans cette morne église. S'il y a bien une chose qu'il détestait, c'était l'ambiance qui régnait dans les églises. Froide, oppressante et glauque, peu importe la religion et peu importe les occasions, que ce soit le mariage ou l'enterrement. Ce n'était pourtant pas compliqué de faire des édifices en bois à notre époque, et plus petits. Et hop, voilà des milliers d'écus de sauvegardés qui iront à des causes plus nobles et justes, ou presque.

Les auberges, en revanche, avaient un charme tout particulier, pour celles qui valaient le coup. Car oui il y avait bien celles où parquet et vomi se confondaient en une alchimie presque divine ou du moins très artistique. Il y avait bien celles où l'on vous donne une chambre en précisant qu'elle n'était vraiment pas cher, mais où, et peu importe le nombre de fois où vous posiez la question, on refusait de vous dire si la chambre était propre. Celles ci étaient certes les plus bucoliques, mais n'étaient pas de celles qu'affectionnait Albar. Il n'aimait pas non plus le grand luxe, là où l'on ne pouvait rentrer avec des bottes sales sans se faire houspiller tous les deux mètres. Ses préférées étaient les grandes auberges, avec une salle commune garnie d'un bon feu de bois et de fauteuils moelleux.

Cette taverne était de celles ci, et après son repas il était parti se poser lestement sur un grand canapé qui avait du voir plus de fesses que... Qui avait du en voir beaucoup. Voyant qu'il n'y avait que peu de personnes ce soir et que ses bottes étaient résolument propres – quoi que noircies par l'ambiance glauque du temple qu'il avait du quitter, on ne le dira jamais assez – il s'autorisa à s'allonger avec flegme sur le canapé, sortant un autre parchemin de sa poche ainsi que la même plume magique. Il demanda a ce qu'on lui apporte un support dur et lisse, ce qui fut fait, et, posant son parchemin dessus, il se mit à écrire une lettre à l'attention de sa bien aimée. Il ne la finirai sans doute pas ce soir, mais qu'importe. Cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas vu Ayael.

Ma foi il s'y était attendu, depuis le début. Même après leur première fois, alors que tous deux étaient enlacés, nus et échevelés dans le grand lit aux draps de soie d'Ayael, il avait songé à leur éloignement constant. Il avait immédiatement accepté le fait qu'il le pourrait que rarement sentir sa peau douce comme du satin sous ses doigts. Cela ne lui était pas égal, loin de là, mais elle en valait largement la peine. En plus de 80 ans, il n'avait pour ainsi dire jamais éprouvé une telle passion, qui plus est pour une mortelle. Peut-être d'ailleurs était-ce justement cela qui lui plaisait chez Ayael : elle était mortelle, éphémère, et menait sa vie dans le risque constant. Oh il ne se faisait pas d'illusion sur elle : elle mourrait jeune, avant ses 30 ans, cela était presque certain, si douée soit-elle. Elle l'était justement trop pour ne pas être une cible elle même. Cela l'attristait toujours d'y penser néanmoins, quand bien même elle était en pleine forme en cet instant, et quand bien même il eut pu se tromper à son sujet.

Il l'espérait, bien évidemment. La mort, il la connaissait, au sens presque littéral désormais. Avoir entendu Nayris l'avait profondément choqué, et il avait désormais peur de mourir. En 82 ans jamais cette crainte ne lui était venue en dehors des combats, pas une seule fois, mais les choses avaient radicalement changé. Il était un peu plus prudent désormais, un peu stressé même – cela dit il se calmait de jours en jours.

Et il fallait relativiser : Albar n'était pas un homme de passion, exception faite des moments qu'il partageait avec Ayael. Le maréchal était quelqu'un de pragmatique et de clairvoyant, et en cela, il ne se laissait que rarement torturer par une idée précise. La tristesse chez lui allait et venait, parfois bien présente et fort, puis éloignée l'instant d'après par une pensée quelconque. La passion est le moule dont sortent les meilleurs, mais LE meilleur, lui, sait s'en détacher. Quoi de mieux pour gérer une armée que de ne rien ressentir pour ses hommes ? Quoi de mieux pour se donner de la prestance, chose bien utile à la cour il faut le reconnaître, que de ne jamais être en panne d'inspiration car on ne sait pas ce qu'est l'inspiration ?

Albar était quelqu'un qui était doué avec les choses et avec les gens. Il aimait s'amuser, plaisanter, faire rire surtout – et c'était là sa grande force ainsi que sa grande faiblesse. Avec un souvenir, il se remémora les nombreuses fois où, en tant que garde du corps de l'impératrice, il avait tenté de faire se dessiner un sourire sur son visage. Cela n'avait pas été facile car elle était dure comme la pierre et froide comme la glace. Le temps passant il parvint enfin à trouver comment égayer un peu les journées chargés et rudes de l'impératrice, et, même maintenant, il passait régulièrement la voir, marchant quelques mètres avec elle dans un couloir ou bien mangeant avec elle, juste pour avoir le plaisir de l'entendre rire. Il savait que la jeune femme en avait cruellement besoin, et il s'était beaucoup attaché à elle durant ces longs mois de protection. Parfois même, lors qu'il était seul dans sa maison, il en venait à regretter la minuscule pièce dans laquelle il dormait alors, dissimulée dans la chambre même d'Issendra.

Quel paradoxe tout de même : lui qui aimait tant la compagnie – restreinte, certes, mais il avait besoin de son petit public – il passait son temps à la fuir ou la mépriser. C'est ainsi qu'il avait toujours fait cependant, et c'est ainsi qu'il avait toujours été heureux. L'homme a besoin de paradoxes, ne serait-ce que pour gagner quelques lignes dans un RP.

« Ravie de vous revoir Albar ! »

Ah, finalement elle était venue, se dit-il en levant les yeux vers elle. L'espace d'un court instant que la vampire aura sans nul doute remarqué, ses yeux s'écarquillèrent de surprise. N'eut été sa voix, son teint de peau et ses yeux si remarquable, il n'aurait sans doute pas été capable de la reconnaître même si elle s'était plantée devant lui. Comme elle avait changé... Mais comme ce changement lui allait bien. Finie l'ombre mouvante, la chape de désespoir qui arpentait temples et églises, aussi sombres et fades que les murs de celle ci – je sais pertinemment que j'en ai déjà parlé, je ne m'étendrai donc pas là dessus. Lara avait toujours était belle, mais aujourd'hui elle était différente. Le premier mot qui vint à l'esprit d'Albar fut : « séduisante ». Certes son visage avait encore un aspect jeune mais de même que son physique résolument adolescent, elle avait su le sublimer et le mettre en valeur avec un talent qui aurait sans nul doute pu rendre jalouse Ayael elle même. La vampire avait désormais l'air forte et déterminée, belle et consciente de l'être, mais surtout, elle semblait libre.

Albar ne savait pas ce qui avait changé en elle, il ne savait rien de son passé, et n'en connaissait pas plus sur son présent, mais ce qu'il savait, c'est qu'il aimait beaucoup ce changement chez elle. Lui qui était déjà curieux au possible, le voilà désormais fasciné.

« Je dois avouer que j'ai été surprise de vous trouver dans un temple... »

Avec un petite rire, il posa sa lettre en cours d'écriture à côté de lui et se leva sans empressement. Il prit alors sa main dont le froid ne le surpris plus et la lui baisa galamment, comme il l'avait toujours fait.

« Tout le plaisir est pour moi très chère, répondit-il, ne prononçant volontairement pas son nom, ne sachant pas lequel elle utilisait ce soir. Je vous avoue moi même avoir été surpris de me trouver dans un temple, mais je suis l'esclave de mon travail et il m'y a conduit. Remarquez je ne m'en plains pas, cela m'a permis de rédiger mentalement les 3 premiers tomes de 900 pages de ma série sur l'ennui.

Du reste, je vous trouve absolument resplendissante ce soir. Force était de reconnaître qu'avant vous attiriez tous les regards, mais aujourd'hui vous les éblouissez tous à tel point que je crains de me brûler les yeux si je vous regarde plus longtemps, ce que je vais pourtant faire sans me priver. Avec ce genre de tenue vous pourriez convertir bien plus de personnes en une semaine que durant toute une vie de prêchi-prêcha. Moi même, ajouta-t-il avec sourire pour souligner la volontaire grossièreté de sa prochaine flatterie, je suis prêt à embrasser la religion à n'importe quel instant désormais. »

Lara leva les yeux au ciel avant de lui répondre, avec cependant un air plus amusé qu'agacé. Elle semblait vraiment de bonne humeur, et elle n'en était que plus belle.

«Toujours aussi emprunt à user de mots inutiles pour dire ce qui est simple à ce que j'entends. Je suis en revanche touchée de vos compliments sachant que j'attendais de ce changement exactement ce genre de réaction... Quant au reste... je viens de faire une croix définitive sur ma vie de religieuse, ce qui, vous en conviendrez, et sûrement la chose la plus intelligente que j'ai pu faire... Peut être après avoir quitté ma place d'archevêque, quand on y réfléchit... »

Allons bon, voilà qui était surprenant ! La vampire devait vraiment ne plus pouvoir supporter sa vie d'archevêque pour tout laisser ainsi, et en arriver à vouloir se changer elle même.


« Oh, que voilà un changement radical, vous allez enfin pouvoir officier au grand air plutôt que dans tous les mouroirs du coeur et de l'esprit que sont les édifices religieux... Si vous avez un peu de temps, je vous en prie, venez vous asseoir. Puis-je vous offrir quelque chose? Je pense qu'on a un très bon tavernier, datant de l'an 86 a ce que j'en devine.
- Merci de votre offre, mais du dragon concentré est mon pêché du mignon du moment, et je dois bien avouer en avoir légèrement abusé pour ma sortie théâtrale d'il y a peu... Mais ne vous privez pas pour moi !
- Eh bien, mademoiselle ne se refuse aucun plaisir a ce que j'entends, répliqua-t-il en un petit rire. Ma foi je vous comprends parfaitement : c'est uniquement par plaisir que je vous ai demandé de venir ici. Voyez vous - je vous en prie, ajouta-t-il en tapotant la place libre du canapé à côté de lui - voyez vous, disais-je, vous ayant vu de loin, j'ai simplement éprouvé l'envie de vous parler un peu. Nous nous sommes quitté bien précipitamment la dernière fois et je me languissait de votre compagnie », termina-t-il, sincère

A sa grande surprise, elle accepta à la fois le compliment et l'offre. Il avait beau ne pas la connaître, le changement était radical et bel et bien visible. Il appréciait beaucoup cette nouvelle Lara. Il avait envie de la connaître plus avant, et aussi de l'aider, car une telle décision n'allait pas être sans difficulté, alors, ma foi...

« Au vu de votre changement radical d'orientation, je peux toujours vous proposer de loger chez moi pendant un temps, si vous ne savez pas où aller.
- Je crains que votre offre n'ai déjà été précédée, mais c'est fort aimable de votre part ! Avez vous entendu parler de mon petit... Différent avec le chef... L'ex chef de la milice de l'ombre ?
- Ah, c'était vous?, fit Albar, qui était bien évidemment au courant de la mort de l'armure de glace. Vous nous avez ôté une jolie petite épine du pied dites moi. Mes félicitations, votre talent m'impressionne.
- Je vous remercie, répliqua-t-elle après un petit rire, mais je dois avouer que ça n'a pas été de tout repos... Mais bon... Il me faut maintenant me cacher, et je me suis permis un petit extra... Le sermon de ce soir vous a ennuyé ? Et bien ce brave "homme" n'en dira plus », termina-t-elle en laissant apparaître ses crocs d'un sensuel mouvement de lèvres.

Elle avait vaincu l'armure de glace, et était visiblement très en forme et joyeuse ce soir. Il eut alors l'envie de joueur un peu avec elle, de la mettre au défi. Cela peut sembler étrange mais la nouvelle Lara semblait bien plus forte que la précédente, plus sûre d'elle, et cela avait réveillé en Albar la flamme de la compétition. Il était absolument convaincu qu'elle ne dirait pas non... Mais avant, une petite flatterie.

« Si mon coeur n'était pas déjà pris il succomberai à vos charmes en cet instant. Ah vous savez quels mots employer pour faire vaciller mon coeur, continua-t-il en riant. Du reste, j'aurais aimé m'occuper de l'armure moi même, sans doute cela aurait-il été moins laborieux », ajouta-t-il avec un sourire moqueur

Elle eut exactement la réaction qu'il espérait, tout à fait digne d'Ayael, en plus féroce et moins sensuel cependant, même si de sensualité sa posture n'était nullement dépourvue. Elle avait arqué un sourcil en croisant les jambes, se penchant vers lui comme pour le jauger, avec un sourire qu'il aurait qualifié de félin.

« Vous insinueriez vous meilleurs que moi maréchal ? »

Albar joua le jeu qu'il avait lancé, et se pencha à son tour vers elle, un sourire sur de lui et un brin moqueur sur le visage.

« Pourquoi, vous en doutez?
- Et plus encore, répliqua-t-elle en passant doucement sa langue écarlate sur ses lèvres tout aussi rouges.
- Me montreriez vous toute l'étendue de vos talents, pour m'apprendre à me taire?, ajouta alors Albar, plaçant son visage désormais très proche du sien, à tel point que leurs fronts se touchaient presque.
- Assurément. »

Ce dernier mot avait été prononcé... Non, susurré à son oreille par la vampire. La voilà, la sensualité, le voilà, le désir, le désir de dominer et de montrer lequel des deux était le jouet de l'autre. Il aimait beaucoup ça, et ne se fit pas attendre. Se levant alors avec grâce, il tendit la main à Lara pour l'aider à se lever, puis la guida vers l'arrière de l'auberge, dans un terrain plutôt grand et pavé, sans entraves aucunes. Il était éclairé par de nombreuses torches, la lumière du soleil ayant furieusement décrût depuis tout à l'heure.

Pendant sa veste au crochet de la porte et délassant un peu le col de sa chemise pour qu'il ne le gêne pas, Albar dégaina doucement sa rapière, et salua son adversaire comme il le faisait toujours. Il se mit alors en posture de garde basse, son épée pointée vers le bas au bout de son bras tendu, en devenant ainsi comme le prolongement naturel. Ses jambes étaient légèrement arquées, prêt à bondir, et il se tenait de profil face à son adversaire.

« Un combat amical ma chère, qu'en pensez vous ? Tous les coups sont permis, aucune règle, aucune limite, si ce n'est de s'arrêter lorsque l'un de nous deux abandonne, cela vous convient-il ? »

Lorsque le daeva leva les yeux vers elle, la vampire eut le plaisir de les voir s'écarquiller de surprise. Elle ne se gêna pour sourire plus amplement, le laissant voir l'étendu du changement.

Comme à son habitude, l'homme se leva et lui fit un baise-main auquel Lara répondit d'une respectueuse courbette.

-Tout le plaisir est pour moi très chère, répondit-il. Je vous avoue moi même avoir été surpris de me trouver dans un temple, mais je suis l'esclave de mon travail et il m'y a conduit. Remarquez je ne m'en plains pas, cela m'a permis de rédiger mentalement les 3 premiers tomes de 900 pages de ma série sur l'ennui.

Marquant une légère pose, il reprit sur son nouveau look.

-Du reste, je vous trouve absolument resplendissante ce soir. Force était de reconnaître qu'avant vous attiriez tous les regards, mais aujourd'hui vous les éblouissez tous à tel point que je crains de me brûler les yeux si je vous regarde plus longtemps, ce que je vais pourtant faire sans me priver. Avec ce genre de tenue vous pourriez convertir bien plus de personnes en une semaine que durant toute une vie de prêchi-prêcha. Moi même, ajouta-t-il avec sourire, je suis prêt à embrasser la religion à n'importe quel instant désormais.

Lara leva les yeux au ciel avant de lui répondre, amusée pour autant. Elle pouvait enfin se jouer de tout, vivre, et se laisser aller.

-Toujours aussi emprunt à user de mots inutiles pour dire ce qui est simple à ce que j'entends, dit-elle d'un ton moqueur, bien que ce soit bon enfant. Je suis en revanche touchée de vos compliments sachant que j'attendais de ce changement exactement ce genre de réaction... Quant au reste... je viens de faire une croix définitive sur ma vie de religieuse, ce qui, vous en conviendrez, et sûrement la chose la plus intelligente que j'ai pu faire... Peut être après avoir quitté ma place d'archevêque, quand on y réfléchit...

Elle vit sur son visage s'afficher une surprise non feinte. Il était vrai qu'il l'avait toujours connu comme étant l'archevêque de Sent'Tsura. Même si eux deux vivaient depuis longtemps, il ne s'était jamais rencontré alors que la vampire était sans obligation.


-Oh, que voilà un changement radical, vous allez enfin pouvoir officier au grand air plutôt que dans tous les mouroirs du cœur et de l'esprit que sont les édifices religieux... Si vous avez un peu de temps, je vous en prie, venez vous asseoir. Puis-je vous offrir quelque chose? Je pense qu'on a un très bon tavernier, datant de l'an 86 a ce que j'en devine.
- Merci de votre offre, rie-t-elle, mais du dragon concentré est mon pêché du mignon du moment, et je dois bien avouer en avoir légèrement abusé pour ma sortie théâtrale d'il y a peu... Mais ne vous privez pas pour moi !
- Eh bien, mademoiselle ne se refuse aucun plaisir a ce que j'entends, répliqua-t-il sur le même ton. Ma foi je vous comprends parfaitement : c'est uniquement par plaisir que je vous ai demandé de venir ici. Voyez vous - je vous en prie, ajouta-t-il en tapotant la place libre du canapé à côté de lui - voyez vous, disais-je, vous ayant vu de loin, j'ai simplement éprouvé l'envie de vous parler un peu. Nous nous sommes quitté bien précipitamment la dernière fois et je me languissait de votre compagnie, termina-t-il.

Et il avait l'air sincère. La vampire s'assit donc à ses côtés et esquissa un sourire pour le remercier de tant de compliment à son égard. Voilà donc le vrai Albar ? Un homme qui est adorable quand on fonctionne selon le même modèle que lui ? Elle devait avouer n'avoir jamais vraiment penser à ce qu'ils pouvaient être tout deux... au début, il l'exaspérait, mais désormais, la vampire le trouvait vraiment agréable... peut être était-ce là le début d'une réelle amitié ? Après tout, ils étaient tout deux dans le même camps, et comme a guerre froide l'avait démontré, ils fonctionnaient plutôt bien ensemble... Peut être seraient-ils amenés à se recroiser pour tuer elle ne savait quel partisan démoniaque...

-Au vu de votre changement radical d'orientation, je peux toujours vous proposer de loger chez moi pendant un temps, si vous ne savez pas où aller.

Offre qui surpris la vampire. Elle eut un sourire vraiment touchée, et elle devait l'avouer, mais pour autant, qu'il était bon de savoir qu'elle pouvait comptait sur lui... Peut être que si elle ne parvenait pas à se faire suffisamment oublier, elle prendrait quelques congés dans les glaces...

-Je crains que votre offre n'ai déjà été précédée, mais c'est fort aimable de votre part ! Avez vous entendu parler de mon petit... Différent avec le chef... L'ex chef de la milice de l'ombre ?
- Ah, c'était vous? Vous nous avez ôté une jolie petite épine du pied dites moi. Mes félicitations, votre talent m'impressionne.
- Je vous remercie, répliqua-t-elle après un petit rire.

Il n'en semblait pas plus surpris que cela... Il devait avoir entendu parler de la mort du démon des glaces...

-Mais je dois avouer que ça n'a pas été de tout repos... Mais bon... Il me faut maintenant me cacher, et je me suis permis un petit extra... Le sermon de ce soir vous a ennuyé ? Et bien ce brave "homme" n'en dira plus », termina-t-elle en laissant apparaître ses crocs.

Elle s'amusait, et était juste fière de ce qu'elle était parvenue à devenir... Ce genre de chose n'allait pas pour l'aider à demeurer sérieuse. Elle le taquinait, par jeu évidemment, elle avait envie qu'il réponde. Lara jeta un coup d'oeil à Lya qui pouffait entre ses moustaches.

-Si mon coeur n'était pas déjà pris il succomberai à vos charmes en cet instant. Ah vous savez quels mots employer pour faire vaciller mon coeur, continua-t-il en riant. Du reste, j'aurais aimé m'occuper de l'armure moi même, sans doute cela aurait-il été moins laborieux, ajouta-t-il avec un sourire moqueur

Ses pupilles s'éclairèrent alors d'une lueur tout autant féline que le sourire qui s'étirait sur son visage alors qu'elle arquait un sourcil en se rapprochant de lui. Croisant ses jambes d'un mouvement gracieux et un brin sensuel, la vampire se prit complètement au jeu. Voilà ce qu'elle attendait, voilà ce qu'elle voulait !

-Vous insinueriez vous meilleurs que moi maréchal ? Dit-elle d'une voix un peu plus suave que d'ordinaire.

Le daeva démarra au quart de tour.

-Pourquoi, vous en doutez?
- Et plus encore, répliqua-t-elle en passant doucement sa langue sur ses lèvres purpurines.
- Me montreriez vous toute l'étendue de vos talents, pour m'apprendre à me taire? Ajouta l'homme en rapprochant leur deux visages de sortes qu'ils se touchent presque.
- Assurément, susurra-t-elle à son oreille.

La réponse parut lui plaire. Se levant avec grâce, le maréchal lui tendit sa main que Lara accepta pour se relever sur le même ton. Il la guida alors vers l'arrière de l'auberge où s'étendait un grand terrain pavé. Pas d'arbre au milieu, pas de banc, pas de badaud, la vampire comprit où il voulait en venir avant même qu'il ne se mette splendidement en garde.

De profil par rapport à elle, Albar était déjà prêt. Elle le voyait un peu comme un gracieux animal se préparant à sauter sur sa proie.

-Un combat amical ma chère, qu'en pensez vous ? Tous les coups sont permis, aucune règle, aucune limite, si ce n'est de s'arrêter lorsque l'un de nous deux abandonne, cela vous convient-il ?

Lara sortie ses cimeterres qu'elle sépara en deux lames distinctes. Les faisant tourner avec la rapidité qui lui était propre, elle se mit en garde à son tour, laissant sortir d'elle tout ce qu'elle avait appris. Ses souvenirs, ses sentiments, son combat, si intéressant, contre Esenheim, ses rencontres. Sa vie, sa mort, ses expériences. Elle ferma les yeux un court instant pour les rouvrir en deux pupilles verticales...

Un félin, c'était vraiment ce qu'elle était.

Lya, qui les avait suivi, s'assit nonchalamment sur une pile de caisse afin d'être en hauteur et de surveiller le combat. Un regard de Lara et les deux amies se mirent d'accord sur un point : Lya ne participerait pas. Ce combat là, Lara le voulait aussi... mais réellement en amusement, comme pour se défouler...

-Cela me convient à la perfection... lâcha-t-elle les yeux pétillants de joie.

Et elle bondit aussitôt, fondant sur sa proie avec précision, mais alors qu'elle semblait avancer droit vers le daeva, elle disparut dans la nuit avant d'être proche de lui, et stoppa son élan pour tournoyer sur son côté droit avant de frapper... le vide. D'un autre côté, si Albar s'était laissé avoir ainsi, elle en aurait été déçue !

Ne prenant le temps de se demander comme il avait fait, elle s'éloigna d'un saut périlleux arrière, se rattrapant, une jambe repliée sous elle, sur laquelle elle mettait tout son poids, l'autre tendue sur le côté. Elle était en attente. L'observait. Comme un chat joueur.

Jouant avec ses cimeterres en les faisant tourner entre ses mains en ce gestes qui lui était devenus une habitude plus qu'une nécessité, elle dit alors :

-Au passage, Obscura n'est plus d'usage. C'était mon nom d'archevêque... qu'ils sachent désormais que c'est bien Lara Lidwin, la descendante des chasseur de démon de Sola qui les a berné !

Pour sur ce combat allait être intéressant. Elle n'en doutait pas. Sûrement instructif en plus ! Voici comment Lara vivait les premiers moment de sa renaissance !

« Cela me convient à la perfection... »

S'il y avait bien un regard qui pouvait exprimer l'excitation et la joie, c'était celui de Lara a cet instant. Elle était tout à fait prête à en découdre, et elle n'avait qu'une hâte : commencer. Albar la comprenait : lui même était d'ores et déjà stimulé par la simple idée de ce combat, et se retrouver ainsi en garde devant elle lui donnait des frissons d'impatience, qu'il tentait vainement de tempérer. Ces derniers temps il avait beaucoup combattu : Caïn, l'arène de Sen'tsura, notamment son duel face à Lunéra, etc... Mais ce combat là était différent. Il avait choisi son adversaire, il la voulait elle, et personne d'autre.

Elle se jeta sur lui avec une rapidité folle, ayant l'avantage d'avoir deux cimeterres contre sa simple rapière pour Albar. Il n'avait pas le temps de se saisir d'un de ses poignards pour l'instant, il le ferait quand l'assaut de la vampire sera terminé. Il s'était souvent demandé comment il pourrait lutter contre ces deux lames solides avec sa seule lame insidieuse. Ces deux armes n'étaient pas faîtes pour s'opposer l'une à l'autre. Et c'est bien ce qui intéressait Albar, car ce n'est pas uniquement sa compétence à la ferraille pure et dure qui serait éprouvée.

Elle était rapide, très rapide, bien plus que lui. Elle était sans nul doute plus forte également, et, pour ajouter à ce tableau, sans doute se fatiguait-elle moins rapidement que lui. Elle était un vampire, une créature de la nuit, un ange de ténèbres prêt à fondre sur sa proie si celle ci baissait sa garde un seul instant, prête à planter ses crocs dans son cou et à se délecter de son sang dans un langoureux mais mortel baiser. Albar, lui, n'était qu'un humain qui ne vieillissait pas et qui se régénérait, voilà tout. Les Daevas n'était rien de plus que cela, si l'on faisait exceptions de leurs yeux flamboyants. Pourtant le maréchal avait un avantage, un don des dieux qu'il avait reçu à sa naissance : ses réflexes étaient plus aiguisés que ceux de presque n'importe quelle autre créature sur cette terre. Il avait l'avantage de voir venir les choses et d'y réagir vite. Mais face à une adversaire si forte et rapide, serait-il capable de suivre le mouvement ? Voir ce qui va se passer est un chose, ainsi que savoir comment l'éviter, mais encore fallait-il être assez fort ou assez rapide pour y parvenir.

Ici il y parvint, malgré la ruse de Lara. Dieu merci il savait déjà qu'elle était capable de disparaître un court instant, car elle leur avait soufflé, à Shinku et à lui, lors de la guerre froide. Ainsi avait-il prévu ce genre de stratégie, et ainsi avait-il anticipé une attaque latérale. Dès que la vampire avait bougé il s'était jeté en avant, roulant sur le sol et entendant, à peine une seconde plus tard, le cimeterre de son adversaire chanter au dessus de lui. Il se releva promptement et se remit en garde sans attendre, fixant la belle vampire qui s'amusait comme une folle. Pour être honnête, lui aussi prenait beaucoup de plaisir à ce combat, et pourtant il avait à peine commencé.

« Au passage, Obscura n'est plus d'usage. C'était mon nom d'archevêque... qu'ils sachent désormais que c'est bien Lara Lidwin, la descendante des chasseur de démon de Sola qui les a berné !
- Et qui les a berné en beauté, ajouta Albar, saisissant le plus long poignard qu'il avait sur lui, attaché à sa botte. Il devait faire le tiers de la longueur de la lame de Lara. Lara..., dit Albar en un soupir. Ce nom vous va tellement mieux... Et ainsi, poursuivit-il d'un ton théâtral, la vue de Lara m'éclaira l'âme et le cœur tandis que nous luttions avec ferveur. Votre nom est lumière, ô créature de la nuit. Continuez donc de m'éblouir, je vous en supplie. »

Il n'attendit pas sa réponse et fit un bond en avant, tandis que, bien campé sur ses appuis, il se fendit avec une souplesse étonnante pour un homme, tentant vainement d'embrocher la vampire, qui esquiva la lame comme s'il eut s'agit d'un passant dans la rue.

Albar eut un sourire tandis qu'il voyait se dessiner la chorégraphie du combat. Car oui, ce ne serait pas une lutte, pas un pugilat. Nul n'entendrait de lame s'entrecroiser ou s'entrechoquer, ou alors devra-t-il tendre l'oreille pour entendre les infimes frottements de celles ci. Car dans ce combat, ce ne sera pas l'acier qui rencontrera l'acier, mais le vide. Leurs deux styles sont proches, mais leurs armes ne pourraient être plus égales ni plus différentes. Ils allaient tous deux devoir danser ensemble, comme lors de la fête d'Ayael, mais d'une danse bien plus endiablée et plus belle. Leurs corps allaient se frôler puis se repousser violemment, pour se retrouver à nouveau. Tout ne serait que mouvement, grâce et fluidité, un duel aussi superbe que terrifiant, car ce seront deux ombres qui lutterons. L'une faisant corps avec la nuit, l'épousant sans hésitation, tandis que l'autre repoussait les ténèbres et se voulait lumière.

Et comme toute danse, elle aurait sa musique. Une musique discrète mais pleine de puissance, épique comme les épopées que l'on contait à Albar en sa jeunesse. Tous deux en seraient les musiciens, et ils joueraient ensemble la même musique mais à des rythmes et des octaves différents. L'on entendra le bruit feutré de leurs pas, de leurs glissades et dérapages sur cette pierre rugueuse, les crissements de leurs bottes. On écoutera, si l'on est assez proche, les chuintements des lames se frôlant et leur soupir de tristesse tandis qu'elles fendront l'air sans rien rencontrer. On se réjouira aussi d'entendre, en un fond sonore discret, les bruits de la nuit, montrant que, non, le monde entier ne s'est pas arrêté pour les regarder s'affronter, même s'il aurait du. On entendra le doux soupir du vent, qui, généreux, soufflera sur leur peau bientôt perlée de sueur. Mais ce dont tout le monde se souviendra, ce qui sera la principale instrumentation de cette symphonie, ce sera leurs voix. La voix suave et déterminée de Lara ainsi que celle, élégante et posée, d'Albar. Accompagnant leurs mots et leurs phrases, il y aura, pour finir, leurs gémissements et leurs soupirs, leurs respirations bientôt haletantes qui donneront à la musique un rythme de plus en plus fort, de plus en plus sauvage, de plus en plus endiablé !

Et ainsi, même après que Lara ait esquivé, Albar n'attendit pas un seul instant. Le bras toujours tendu, il tourna légèrement sur lui même, pour rester de profil face à elle – belle oxymore, ne trouvez vous pas ? - et aussi pour trancher l'air de la pointe de sa rapière, pointe qui frôla le ventre de la vampire, qui contre-attaqua aussitôt par un coup de taille puissant et rapide contre son flanc gauche, exposé. Albar retourna alors son couteau dans sa main, le tenant désormais pointe vers le bas, et para son coup. Pour être tout à fait exact, il ne le para pas, mais tenta quelque chose qu'il n'avait jamais tenté de faire sur quoi que ce soit d'autre qu'une barre fixe ou une branche d'arbre. Lara était forte et solide, plus que lui même, aussi s'amusa-t-il à prendre ce petit risque, juste pour la beauté du spectacle, et pour, avouons le, en mettre plein la vue à sa séduisante adversaire. Tandis que le cimeterre et le poignard se rencontraient, Albar bondit sur ses pieds, en un saut vers la gauche, là d'où venait le coup. Poussant de toutes ses forces sur son poignard, et n'étant pas capable de bloquer le mouvement de la vampire sans risque de se briser quelque chose, il se mit alors à tourner sur lui même au dessus de l'épée qui continuait son mouvement. Elle finit par passer totalement en dessous de lui alors que, pour sa part, il était en pleine pirouette dans les airs, la tête en bas, regardant Lara avec un sourire amusé.

Elle avait frappé avec son bras droit, aussi aurait elle du mal à profiter de sa posture totalement sans protection, même en frappant avec son autre bras. C'est pourtant ce qu'elle fit, plus rapidement qu'Albar ne l'aurait cru, et qu'elle l'érafla légèrement le long du flanc gauche, de son aisselle jusqu'à son bassin, faisant ainsi une entaille longue et bien dessinée dans le tissus de sa chemise. Sans doute devra-t-il en changer après le combat. Il se soigna rapidement, se régénérant avant même de toucher le sol, et roulant sur lui même pour éviter une éventuelle contre-attaque de la vampire. Il se releva prestement, se remettant immédiatement en garde. Il n'allait pas lui laisser prendre l'avantage, loin de là, aussi attaqua-t-il immédiatement.

Rien n'est jamais ce qu'il semble être. Un petit détail, une indication discrète, on ne le voit pas forcément, en revanche, c'est cet oublie qui va faire qu'une chose ou une autre se fait. Ceux qui vivent depuis longtemps le comprenne... tente du moins de le percevoir. Lorsque cela s'applique à une façon de se battre, lorsqu'une personne parvient à se jouer de son adversaire grâce à ces détails... Alors là, et seulement là, on peut dire que cette personne excelle dans on art.

Imaginez un peu jusqu'à quel point cette capacité peut être poussée ! Une garde un peu maladroite devient une contre-attaque souple et vicieuse. Un faux pas se termine en une acrobatie, un glissement se transforme en une esquive calculée au millimètre. En face d'un combattant juste bon, c'est ce qui fait la différence, c'est ce qui fait que le temps est là et pas ailleurs, c'est ce qui fait qu'un combat est aussi beau que mortel.

Lara avait toujours aimé jouer avec l'écoulement naturel du temps. Chercher la faille, le moment ce qui lui donnerait l'avantage. Le combat contre Esenheim n'avait rien eut à voir ! L'armure ne pouvait glisser et bouger comme Albar le faisait ! Le maître d'arme lui, pulsait le temps, le vivais dans l'instant quand la vampire tentait de l'anticiper. Ils étaient au même rang, dans le même mouvement... tout n'était que feintes et esquives, tout n'était que danse et acrobaties. La beauté de deux combattants luttant comme si une chorégraphie avait été décidée, comme s'ils ne s'attaquaient pas mais s'amusaient. Chaque pas été deviné, chaque feintes devenaient vaines. De cet affrontement, on ne percevait que le bruissement de leur vêtement, les lames glissaient en de légères étincelles et leur souffle encore régulier pour le moment. Ce combat était en réalité une danse. Un seul mouvement, une seule respiration. Calme, voluptueuse, doucereuse.

Lorsque le daeva bondit au dessus d'elle, la rebelle du se contorsionner en glissant sur ses hanches au sol, puis elle se tendit et un de ses cimeterres déchira en un son feutré la manche du maréchal. Poursuivant son mouvement au sol, elle se releva et se remit face à lui alors que lui-même se replaçait. Ils se figèrent un instant et la manche tomba au sol, découvrant le bras d'Albar. Toujours dans l'optique du jeu, elle eut une moue boudeuse alors que ses yeux étaient gourmands. Elle eut un sourire assez félin en détaillant la chemise... le tissue était fin et ses cimeterres le couperaient facilement... Ce serait... Intéressant d'approfondir cette idée.

Les deux rebelles repartirent immédiatement après cet échange de regard. Faisant tournoyer ses cimeterres, elle sautait, esquivait, attaquait... La rapière d'Albar passait toujours plus près d'elle d'elle mais ne l'effleurait jamais, tout comme elle ne parvenait pas, ne serait-ce qu'à le toucher, alors quand à s'occuper de son vêtement !

Glissant contre lui, elle partie en avant pour envoyer son pied vers sa mâchoire, mais il attrapa sa cheville, l'obligeant à passer sur ses mains et jeter sa jambe libre pour frapper son ventre. Sans lui lâcher sa cheville, il esquiva le coup et commençait à renvoyer sa lame longue en direction du cou de la vampire. Lui crochetant la taille en repliant tant bien que mal ses jambes, elle bascula vers l'avant, lui faisant perdre l'équilibre et alors qu'il passait au dessus d'elle, Lara prit appuie sur lui pour repartir en pont et se redresser à son opposé. Elle n'eut pas le temps de respirer qu'elle entendit la lame du maréchal. Bondissant de sorte à être horizontale, elle passa de justesse au dessus de la lame, et à peine son pied toucha le sol qu'elle exécuta un saut périlleux pour s'éloigner, suivit d'une roulade pour éviter la fente du maréchal.

Décidément, cet homme là ne respirait jamais entre ses attaques ?! Décidant qu'elle avait suffisamment dansé, elle repartir en contre-temps sur son attaque.

Elle tenta de lui faucher les chevilles mais d'un saut souple il évita la manœuvre pendant qu'elle se relevait, mais à peine avait-elle récupéré ses points d'appuie qu'elle bloqua un coup d'estoc du daeva à l'aide d'un de ses cimeterres, et amena l'autre pour lui frapper le poignet avec le plat de sa lame. Le combattant avait la main coincée, mais il tourna son bras, entamant sérieusement son poignet contre le cimeterre de Lara, mais s'en échappa et se régénéra immédiatement. La vampire fixe le sang qui s'écoulait de la blessure, mais releva la tête, pas même touchée par l'odeur de ce fluide vital pourtant parfait pour elle. Non, Lara était au dessus de cette faim, de cette envie. Elle se rendit alors compte que tout deux avaient tenté une ruse et avaient échoué, elle en lui bloquant le poignet à l'aide d'une passe d'arme, et lui en lui exposant volontairement son ichor d'une grande richesse, surtout pour un vampire.

Si la première fois qu'ils s'étaient rencontrés la magie présente dans son sang l'avait repoussé, elle avait finit par reconnaître l'odeur et même la trouver appétissante... Mais depuis que la vampire buvait du sang de dragon en fiole, elle n'avait plus touché un humain !

La vampire eut alors un petit rire :

-C'est tellement bas de tenter de me déconcentrer ainsi... Aller maître d'arme... Faîtes de votre pire !

[HRP : je précise, pour 'arbitre, que chaque mouvement que l'un fait jouer à l'autre, a été convenu. La façon dont je fais agir Lara a été entendue avec elle, ainsi que la façon dont elle me joue moi]

Si les vampires se mettaient à ne plus être attirés par le sang, où allait le monde ? Si seulement elle avait pu avoir les pupilles qui se dilataient avant qu'elle ne lui saute dessus pour tenter de le morde au coup et de lui sucer le sang... Non pas que c'était un fantasme, bien évidemment, mais, comme elle l'avait visiblement deviné, l'excitation que lui aurait causé la vue du sang l'aurait certainement rendue moins prudente. Ou tout du moins, cela l'aurait été si son idée avait marché. Il avait pourtant souvenir que, dans les Glaces, elle ne s'était pas privée de boire du sang humain... Il repensa alors à ce qu'elle lui avait dit juste avant le combat, en rapport avec le sang de dragon. Peut-être était-elle tout simplement repue.

« Alors comme ça on se met au sang de dragon et on en oublie les fondamentaux. Qui aurait cru que le sang d'un lézard vaudrait mieux que celui d'un... D'ailleurs, peut-on considérer les dragons comme des animaux à sang chaud ou a sang froid ? »

Si le sang ne la déstabilisait pas, peut-être qu'une question existentielle sur la nature des dragons le ferait, pensa-t-il avec un petit sourire avant de repasser à l'assaut. Il préférait toujours éviter de lui laisser l'opportunité de l'attaque, car elle était plus forte et plus rapide. Autant que faire se peut, il fallait qu'il la force à suivre ses mouvements, qu'il l'empêche autant que possible de prendre l'initiative. Ainsi seulement il pouvait espérer prendre l'avantage.

Car oui, malgré les dissimilitudes évidentes de capacité, Albar s'estimait capable de gagner, même si il avait rarement mené un combat aussi serré. Il était moins rapide et moins fort, mais il pouvait guérir ses blessures, et surtout, il voyait les choses venir. Si Lara avait autant de maîtrise que lui, il était peu probable qu'elle prévoit ses coups autant à l'avance, qu'elle analyse le combat autant qu'il le faisait lui même. Il avait un don pour ça, une vitesse de réflexion anormalement élevée qui lui permettait de voir l'action comme au ralenti.

Voici par exemple, un instant dans la tête d'Albar : que se passe-t-il véritablement quand il voit le coup venir ? Il est bien commode de dire « sachant qu'il ne pourrait parer, Albar esquiva l'attaque par une manœuvre osée ». Voici néanmoins le compte rendu exact de son raisonnement à la vue du coup de taille, pourtant banal, que la vampire lui opposa, alors qu'ils venaient de s'éloigner l'un de l'autre après un énième assaut.

*Coup de taille latéral. Angle par rapport au sol : approximativement 17° dans le sens normal. La lame vise l'extrémité gauche de mon bassin, et son inclinaison laisse à penser qu'elle sera redressée peu avant de me frapper. Options possibles :
- Parer. Lara est plus forte que moi, le coup à une puissance de 100, unité arbitraire, en y incluant l'élan. Neige ne peut pas supporter plus de 47 de puissance si on la frappe en son centre, mais si elle frappe le bas de la lame pour rencontrer la garde, la résistance sera de 126. Cependant mon bras sera mis à mal par une telle parade, engourdi, peut-être un nerfs froissé. De plus il y a un risque d'égratignure sur les doigts si le cimeterre se faufile dans ma garde. Enfin, je serai dans une posture inconfortable qui me gênera dans mes futurs mouvements, tandis qu'elle aura l'avantage. Inconvénients trop élevés, nécessité de trouver une autre solution.
- Encaisser : même pas en rêve, je serai tranché en deux
- Esquiver : la lame me frappera dans 0,8 secondes approximativement. Temps nécessaire moyen à un mouvement : 0,6. Possibilités : se baisser (0,5 secondes), sauter en arrière (0,7 secondes), rouler de côté (0,8 secondes). Rouler de côté à exclure : temps trop long et possibilité pour Lara de contre-attaquer rapidement. Se baisser à exclure : rapide mais trop prévisible et pas assez d'appui pour endurer une deuxième attaque. Bond en arrière : risqué, mais faisable. Une autre option serait néanmoins préférable.
- Attaquer : cimeterre défenseur inopérant, rejeté en arrière suite à la dernière attaque. Cimeterre attaquant au bout du bras tendu, longueur approximative : 65 cm. Distance entre moi et la vampire : environ 1m10. Distance à partir de laquelle je serai en sécurité : 55 cm. Impossibilité de lever ma rapière cependant : cela ralentirait le mouvement et je serai touché avant de pouvoir être dans la zone de sécurité. Mouvements à réaliser : pas rapide en avant, favorisé par ma posture de garde. Je serai hors de danger en 0,7 secondes. Il m'en faudra 0,9 au total pour entre au contact. Là, ne pas approcher mon visage trop près de sien, et ne pas laisser le corps à corps s'éterniser : elle a ses crocs et, si elle m'enserre dans ses bras, pourrait me briser les os. Une fois au contact, son bras droit, tenant la lame, commencera à m'entourer, s'orientant de façon à ce que la lame me touche. Cela me permettra alors de me retirer de la posture, profitant de l'orientation forcée et fragile de son coude. Possibilité de s'esquiver en tournant sur soi, entaillant ainsi légèrement son flanc gauche. Il y a néanmoins un risque de se faire blesser par le cimeterre de défense. Risque d'estafilade dans le dos, profondeur variant entre 0,1 et 0,6 centimètres : rien qui ne soit impossible à guérir. Cette option est validée. Penser à sortir une réplique moqueuse.*

Il suivit donc cette dernière option, et tout se passa comme prévu, même s'il se permit une petite fantaisie supplémentaire, sachant que cela ne lui ferait pas perde de temps : au moment où il entra en contact avec elle, alors que leurs visages étaient très proches, et juste avant de repartir, il déposa un très rapide baiser sur sa joue. Il s'esquiva de la manière prévue à l'avance, laissant une petite entaille dans le flanc de la vampire, 'appuyant très peu le coup, juste de quoi le marquer légèrement, tandis qu'elle lui érafla le dos sur toute sa longueur, comme prévu. Elle semblait avoir elle aussi un peu retenu son coup.

Refermant ses blessures immédiatement, il se remit face à elle en posture de garde, soutenant son regard amusé mais curieux.

« Vous m'avez déchiré une manche, expliqua-t-il, il fallait bien que je réclame un remboursement. »

Disant cela, sa chemise, coupée en deux dans le dos, glissa de ses épaules et le long de ses bras pour tomber sur le sol, le laissant torse-nu dans cette nuit douce.

« Ça par contre, je ne sais pas combien ça va vous coûter », poursuivit-il avec un grand sourire.

Faisant un pas en avant, il se fendit vers elle à nouveau, lui intimant ainsi que le duel reprenait son cours. Elle n'eut aucune difficulté à esquiver l'attaque, bien entendu, mais, de même qu'il avait choisi une option plus originale pour esquiver son attaque de tout à l'heure, elle en fit de même en sautant au dessus de lui, tournant sur elle même et assénant un coup vers le bas.

Lui même était toujours dans la même position, le corps étiré vers l'avant, ses appuis ne lui permettant pas de se retourner pour parer le coup. Il se laissa tomber sur le sol, esquivant la lame de justesse, puis roula sur le côté pour se relever, et... Ne vit plus Lara. Il l'avait perdue de vue durant un instant et elle en avait profité pour disparaître dans l'ombre. En effet, la nuit était entièrement tombée depuis longtemps, et certaines torches s'étaient éteintes, les enveloppant d'une pénombre assez épaisse. Les yeux d'Albar avaient eu le temps de s'habituer à ce changement, aussi cela ne le gênait-il pas dans le combat. Mais en cet instant, elle avait le dessus.

Elle pouvait surgir de n'importe où, et il ne pouvait espérer la voir venir. Il ferma donc les yeux, et se mit en garde, attentif aux sons qui l'entouraient. La musique de leur duel n'avait pas cessé il ne s'agissait là que d'un court silence après un passage intense et rapide. Déjà il sentait les tambours rouler discrètement, et les cuivres qui commençaient à soupirer. Le son s'élevait doucement, il grimpait, montait en puissance, annonçant la reprise de la symphonie épique qu'ils jouaient tous les deux.

Un bruissement par ci, un cri de grillon par là... Non, Lara ne ferait aucun bruit, et elle ferait attention à ce que rien ne révèle sa présence. Mais la nuit n'est pas silencieuse. Lara le savait, mais peut-être ignorait elle que lui aussi était au courant. Là où elle passerait, les animaux s'écarteraient. Là où elle passerait, on entendrait aucun craquement, aucun froissement.... Il ne fallait pas tendre l'oreille pour entendre un bruit spécial, il fallait le faire pour repérer le silence.

Laissant les secondes s'écouler, il lança soudain, sans prévenir, une attaque en avant, droit devant lui. Lara ne l'aurait pas attaqué dans le dos. Oh, pas pour des raisons morales, non, parce que ça aurait été trop prévisible, voilà tout.

Sa lame fut déviée alors qu'il ouvrit les yeux et se recula prestement : Lara allait relâcher son pouvoir pour apparaître désormais, cela lui coûtait certainement trop d'énergie et de concentration pour mener un duel entier ainsi. Mais, ne sachant pas d'où le prochain coup allait venir, il avait préféré reculer, et grand bien lui en prit, car la lame d'un cimeterre le frôla le torse et l'entailla légèrement. Sur ce coup là, elle avait bien faillit gagner.

Échevelés, tous deux revinrent dans la lumière des torches, maintenant une distance respectueuse entre eux deux. Albar commençait à avoir le souffle court, et la vampire avait dépensé beaucoup l'énergie pour se maintenir dans l'ombre. Cela ne durerait plus longtemps.

« Vous laissez doucement les ombres de côté pour m'affronter, de même que je me débarrasse de mon panache blanc au fil du duel... Plus d'ornement, plus d'illusion : seulement vous et moi, et la musique du monde pour trame de fond. Attention aux fausses notes ! »

Une respiration. Un brin accéléré. Elle n'est pas à bout de souffle mais... Son endurance s'effrite, à lui aussi. Attente. Sourire. Lui faire payer ? Elle n'attend que ça !

Elle s'avance, fait glisser ses lames, crée une étincelle et les relie en épée double, lui conférant une détente plus importante encore, lui permettant aussi d'attaquer plus rapidement. La lame tourne. Il marche en cercle. Elle de même. Elle ne peut plus utiliser sa magie, il ne peut plus tricher. Trop fatigués. La moindre dose d'énergie est d'une importance capitale. Leur mode de combat ne se démarquera pas. Non. Il leur faut ruser. Mais là à nouveau, leur mode de penser est presque identique... presque...

Arrêt.

Elle ne bouge plus, calme sa respiration. Ferme les yeux et attend. Aussitôt une carte auditive se dessine. La musique du lieu. La partition de l'environnement, les notes du combat, les silences des réflexions, les altérations de la danse qu'ils mènent... Dièze ou bémol pour monsieur Tlassin ?

Cette musique... Les battements de son coeur, le frottement de ses vêtements, le brise légère, le bruit de ses pas... Elle s'arrête totalement de bouger, respirant très amplement. Elle baisse sa garde. Laisse l'ouïe et l'odorat prendre totalement le dessus. Il ne lui reste que la perception.

Les odeurs.
Les sons.

Une brise très légère ébouriffe un peu les cheveux d'Albar. Odeur famillière. Un peu sucrée. Le souffle s'éteint. Mouvement.

Elle réagit presque en anticipant. La rapière d'Albar la frôle sans la blesser. Sourire. Elle sent qu'il sourit.

Saut. S'appuyant sur sa lame, elle s'éloigne en jetant un coup de pied retourné vers son torse. Il glisse pour esquiver, elle se rattrape, une jambe repliée sous elle, l'autre tendu sur le côté, sa lame tendu dans l'autre pour lui assurer un équilibre confortable. Il repart à l'attaque.

Elle n'a pas le temps de se relever. Elle exécute une roulade arrière, pousse sur les bras pour monter en homme droit, évitant de ce fait un coup de taille, puis force à nouveau, sa lame entre ses mains pour bondir et se retrouver à nouveau sur ses jambes, sa lame dans le dos qu'elle envoie pour lui faucher les côtes. Il se baisse de justesse, gagnant une griffure le long de sa joue. Alors qu'il tente de lui faucher les jambes, elle saute à nouveau, mais il frappe son talon avec sa rapière, juste assez fort pour entamer le cuir de ses bottes et la déséquilibrer.

Elle sait qu'elle n'aura pas le temps, une fois encore, de se rattraper. Solution intermédiaire... Elle donne à son corps cette inclinaison parfaite qui semble ralentir sa chute. Pas le temps de se rattraper... avec les mains ! Elle le fait avec ses avant-bras en grimaçant avant de se laisser retomber en roulade au sol pour se relever. Ses coudes sont un peu abîmés et la lancent doucement.

Elle a perdu sa lame dans la manoeuvre... Tout deux la regarde sachant très bien que l'issue du combat se rapproche. Si Lara récupère ses cimeterres, elle a encore ses chances... Sans quoi, elle perd. Rien n'est encore joué.

Elle se lance, lui de même. Elle a ses sens pour elle. Elle n'a pas besoin de le regarder. Pas besoin de vérifer. Elle se glisse sous sa rapière, va pour récupérer sa lame. Il l'éloigne d'un coup de pied. Prévisible. Elle bondit en longueur, met la main sur la garde de son épée double en dérapant en partie sur son genou.

Temps d'arrêt. Ils s'observent. Lara au sol. prête à bondir. Albar en garde. Droit. Semblant guerre plus dangereux qu'un noble de pacotille... Oui... Mais il s'agit d'Albar...

Une respiration. Un décompte. Tout est bientôt finit...

La vampire sourit.

Jamais il n'avait été aussi près de remporter le combat qu'à l'instant où Lara avait perdu sa lame, et jamais il n'avait été aussi en danger d'ailleurs. La plupart des duels à l'épée regorgent de paroles agressives ou violentes, voire moqueuses, que ce soit dans les combats de rue ou bien dans les altercations entre deux soldats. Cela faisait partie intégrante de l'art de se battre que de tenter de déstabiliser son adversaire par tous les moyens possibles, c'en est presque instinctif : même une personne n'ayant jamais combattu se lancera immédiatement dans une joute verbale plus ou moins imagée avec son adversaire. Parfois même, les mythiques combats d'insultes supplantent la joute en elle même, et c'est au premier qui craquera que la victoire sera volée.

Entre Albar et Lara, pourtant, ce n'était pas la même chose. Il y avait bel et bien un combat psychologique, mais il ne passait pas par les mots. Ils étaient tout simplement trop forts, trop talentueux et trop expérimentés pour que ce genre de provocation ait eu la moindre raison d'exister. Certes, ils s'étaient échangés quelques répliques joyeuses, mais, du moins de la part d'Albar, cela avait eu lieu sans la moindre arrière pensée de ce genre, bien au contraire : il avait simplement eu envie de le dire à cet instant, sachant que cela ferait certainement sourire la vampire. Non, disais-je, entre eux, le combat mental prenait une autre forme, et c'est justement à cet instant, celui à son adversaire avait laissé choir son arme, qu'il avait été le plus intense.

Pourquoi, me direz vous? C'était une simple erreur de la part de la vampire, ou un bon coup de la part d'Albar. C'est vrai que c'était le cas, mais pas uniquement. C'est juste avant de mourir que l'on se sent le plus en sécurité, comme on dit. Et ici, le maréchal avait entrevu la victoire : tout aurait pu le pousser à un excès de confiance en lui, l'amenant à prendre des risques inconsidérés qui auraient pu le coûter la victoire, car, même désarmée, Lara n'aurait pas laissé passer la moindre erreur. Et de même, après qu'elle eut récupéré son arme, il aurait été facile de se relâcher un instant, sous le coup de la frustration : passer si près du but et échouer ne laisse personne indifférent. A un niveau comme le leur, il ne fallait pas se laisser distraire par la moindre émotion, pas même la joie, et Dieu sait qu'Albar en ressentait en cet instant.

Tout prétentieux que cela puisse être, voilà des années qu'il n'avait mené de combat aussi passionnant que celui ci. Virevoltant, dansant, poétique, tel était le duel qu'il menait avec la vampire. Il n'avait que rarement eu à réfléchir autant, aussi vite, et il n'avait pas souvent eu à pousser son corps dans ses derniers retranchements. Car c'était le cas. Tout entraîné qu'il était, il se sentait faiblir au point d'en avoir mal. Il connaissait les limites de son épuisement à la respiration près, aussi la conclusion s'imposa rapidement : s'il ne remportait pas le prochain enchaînement, il ne serait plus en mesure de suivre le rythme, et, à moins d'une grossière erreur de la part de Lara - chose qui ne risquait pas d'arriver - il perdrait le combat.

Se tenant en garde devant elle, prêt à bondir ou à encaisser, il envisageait toutes les solutions possibles. Généralement, à ce stade du combat, il se mettait en danger, se faisant généralement blesser plus ou moins gravement, frappait d'un coup décisif, et comptait sur son pouvoir de régénération pour compenser sa blessure. Mais en l'occurrence, non seulement son adversaire était une vampire, mais en plus, il avait déjà employé ce genre de tour avec elle une fois. Elle le verrait forcément venir. Comment diable se lancer dans quoi que ce soit qui ait une chance réelle de réussir?

Elle faiblissait, mais avait encore une force et une vitesse supérieure aux siennes. Son seul moyen de la vaincre était de la prendre par surprise, ou bien de la surpasser purement et simplement au niveau technique, chose dont il n'était pas vraiment capable. Si Grawhir, son faucon, avait été là, il lui aurait demandé d'intervenir, juste pour la distraire un seul instant. Inutile cependant de se demander ce qu'il "aurait pu" faire. L'important était de savoir ce qu'il allait faire. Comment surprendre quelqu'un d'aussi doué que Lara, et qui en plus, s'attend sans doute à se faire surprendre.

Il la regardait dans les yeux, ses magnifiques yeux verts. Ils avaient une lueur féline qui pétillait joyeusement, pulsant comme la peau d'un tambour. Elle n'allait pas tarder à bondir sur lui, tel un chat fondant sur un oiseau, il en était certain. Alors que faire? Attendre son attaque et voir comment réagir? Non, trop aléatoire, il n'était pas certain d'avoir assez de force pour lui résister... Il fallait définitivement qu'il attaque, et vite. Ce n'était pas le moment de se jeter à l'eau sans réfléchir, ne vous méprenez pas, c'était le moment de se lancer dans la solution la moins risquée.

Reculant en restant face à elle, Albar donna un temps l'impression de chercher une meilleure position, avant de soudain se retourner et de saisir l'une des torches présentes, faisant à nouveau face à Lara l'instant d'après. Celle ci avait déjà bondit sur lui, comprenant ce qu'il allait faire juste avant qu'il ne le fasse, et tenta de lui asséner un rapide coup d'épée alors qu'il venait de se tourner pour lui faire à nouveau face. Il se recula juste au bon moment, et contre attaqua aussitôt en se fendant vers elle.

Maintenant, il avait une chance de la vaincre. Lara était une vampire, une créature dont les yeux existaient justement pour voir la nuit. Ils seraient sans doute plus sensibles à la lumière de la flamme, ce qui donnerait une petite chance à Albar.

Le feu. Lumière. Elle ferme les yeux, cligne des paupières. Il attaque. Ses pupilles se dilatent, et elle recule de justesse, récupérant un équilibre précaire en un ample mouvement de son épée double. Elle se laisse glisser au sol, effectue une ruade tentant de lui faire lâcher sa source de lumière. Il frappe son talon en esquivant. Lara tourne au sol sur la base de son dos et bondit pour se retrouver sur ses pieds. Il l'attaque, elle évite un coup en partant en pont. Elle doit faire vite. Plus vite... Elle retombe sur ses pieds, esquive difficilement une attaque d'Albar qui a toujours la torche et soudain... Son ombre.

Elle plisse les yeux, réfléchit très vite en se contentant d'esquiver en glissant. Elle a très peu d'énergie... mais ça peut marcher. Mettre un terme à ce combat... Fonce.

Elle attendit que l'ombre du maréchal soit sous ses pieds à nouveau pour l'immobiliser le temps d'attaquer. Problème... Elle avait moins d'énergie qu'elle ne le pensait, et en plus de ça, user de son pouvoir sur quelqu'un en mouvement... en présence d'une zone de chaleur n'est pas des plus... recommandable. Elle le figea le temps d'une seconde, pas suffisant pour qu'elle l'attaque réellement.

Il fut surprit qu'elle ait pu le figer... Après tout, il ne le savait si ses souvenirs étaient bon. Il dévia l'attaque, faisant glisser l'ombre et déséquilibrer la vampire. Lara fit volte-face pour le rattraper sur les mains, mais elle sentit l'arme d'Albar sur son cou. Froide. Mortelle. Elle se retourna doucement pour voir Albar ranger sa lame avec un sourire et lui présenter sa main pour l'aider à se relever. Elle éclata de rire.

Se relevant en applaudissant, elle lui offrit un sourire radieux. Elle avait perdu, mais une grande joie émanait d'elle. Comme si elle était vraiment elle même depuis... longtemps, ce qui était sûrement le cas.

-Bon sang ! S'exclama-t-elle. Tu es impressionnant !

Elle était passée naturellement au tutoiement. Quelque chose avait changé pendant le combat. Elle l'appréciait... vraiment. Lya vint à eux et s'assit derrière Lara en se frottant à elle. La vampire la regarda un instant, et eut une idée pour la lynx. Mais pas pour le moment. Elle avait encore le temps.

-Je me suis jamais autant amusée, souffla-t-elle avec joie. Merci Albar... Merci du fond du cœur !

Elle lui offrit sa main pour qu'il la serre, consciente qu'il n'aimait pas des masses le contact des autres.

Les derniers instants du combat furent de loin les plus intenses : tout aussi effrénés que les tous premiers enchaînements, aussi violents que la plus éreintante des danses mortelles qu'ils avaient entreprises, mais en plus, dans un état de fatigue qui frôlait le malaise. Chacun tirait sur la corde au maximum, chacun donnait le meilleur de ses capacités, tout ce qu'il lui restait : ils lançaient leurs dernières ressources dans cet ultime assaut.

Dès qu'il vit Lara cligner des yeux, il sut alors que c'était sa seule et unique chance. Jusqu'à cet instant elle avait toujours eu tous ses moyens, mais maintenant, à cet instant précis, il avait un avantage. Minuscule, mince comme l'intelligence d'un militaire, mais il en avait un, et il allait l'exploiter, quitte à s'évanouir après !

Il la harcela donc sans relâche, ne laissant de répit à aucun d'eux deux. Rester calme, posé, refréner son ardeur, voilà ce qu'il se répétait en boucle. Ce pouvait bien être un piège de la vampire pour le forcer à commettre une erreur, et il ne tomberai pas dedans : il était surexcité, heureux presque au point d'en pleurer, mais pendant le combat, on maintient ses émotions derrière la froide détermination de celui qui se donne tous les moyens de gagner. Cela dit, jamais ce ne fut aussi dur : il ne se souvenait pas avoir autant apprécié un combat de sa vie. Et il n'en avait oublié que très peu.

Il eut cependant une excellente surprise : la vampire employa une capacité fascinante qu'il ne lui connaissait pas. Le figeant en plein dans son mouvement, il fut bloqué comme lorsque l'on rencontre un mur, le souffle coupé, autant par la sensation d'arrêt que par la surprise sans nom qui l'animait alors. Il ne lui connaissait pas ce pouvoir, et se demandait comment diable elle avait pu faire ça. Un petit duel mental s'engagea l'espace d'un instant, pour savoir s'il devait prendre la peine d'y réfléchir ou non maintenant : le combat était presque fini, et si elle n'employait cette capacité que maintenant, c'est qu'elle ne pourrait plus le refaire après. Mais d'un autre côté : en comprenant comment elle avait fait, il pourrait échapper à son étreinte.

Il n'eut cependant pas à y réfléchir trop longtemps : Lara relâcha son étreinte mystique un instant après, visiblement à bout de force, tentant une attaque désespérée, sachant elle même qu'elle ne réussirait sans doute pas. Il eut tout juste le temps de dévier la lame, et son mouvement, étonnamment, déséquilibra la vampire. En voyant là où regard se posait il eut un début de réponse à la question « comment ? » : avec son ombre. Et elle tenta alors de se ressaisir, tentant le tout pour le tout. C'était le moment où jamais : s'il ne le faisait pas maintenant, il ne le ferait plus.

Se fendant en avant, il lui mit la lame sous la gorge.

Tout s'arrêta alors. Il sentait son coeur battre jusque dans ses oreilles, le sang pulsant dans ses tympans. Il entendait sa propre respiration échevelée comme venant de très loin, et son regard se troublait par instants. Lentement, le bras à peine tremblotant, il rangea sa lame et croisa le regard de la vampire. Sa propre vision se fit plus nette, se concentrant sur le magnifique regard vert brillant de Lara. Il aimait beaucoup ses yeux. Et en cet instant, ils pétillaient d'une joie ni feinte, ni dissimulée. Alors qu'il tendait la main pour l'aider à se relever, avec un immense sourire de bonheur, elle se mit à rire, d'un magnifique rire gai et clair, comme s'il entendait un piano jouer une entraînant mélodie cristalline. Il se mit immédiatement à rire avec elle, et fit une courbette volontairement exagérée quand elle l'applaudit, lui rendant immédiatement après ses ovations.

« Bon sang ! Tu es impressionnant !
- Venant d'une vampire, je considère le « bon sang » comme un compliment de plus, répondit-il, essoufflé.
- Je me suis jamais autant amusée. Merci Albar... Merci du fond du cœur !
- Je te remercie avec au moins autant de profondeur. Tu étais... Tu es, se reprit-il, extraordinaire. »

Elle lui tendit alors la main, le regard éloquent. Il sourit en voyant qu'elle avait remarqué la manque d'entrain qu'il éprouvait au contact des autres. Albar n'était pas quelqu'un de tactile, pas du tout, et bien peu se ceux qui peuvent se vanter d'avoir reçu de lui autre chose qu'une poignée de main ou une bise. Il n'aimait pas quand on le toucher, ni toucher les autres – sauf quelques rares exceptions. Et en cet instant, à ses yeux, Lara faisait figure d'exception.

Avançant doucement, il ouvrit les bras et la pris doucement dans ses bras. Lara s'était révélée être une personne particulièrement fascinante, et, de ce qu'il avait connu d'elle et de ce qu'il en avait vu ce soir, il s'en sentait soudain incroyablement proche. Au delà d'un combat, au delà d'une danse, tous deux s'étaient parlés, ce soir : par les mots ou par leurs gestes, ils avaient longuement conversé. Et il avait aimé leur conversation, du fond du cœur. La famille n'avait jamais rien signifié pour lui – il avait fait enfermé ses parents pour fraude fiscale, sort mérité cela dit, dès qu'il en avait eu le pouvoir, et ni la mort de sa mère en prison, ni le suicide de sa sœur ne l'avait touché – mais, en cet instant, en plongeant son regard dans celui de Lara, il s'en sentait proche comme d'une sœur, une vraie sœur : celle que l'on aime infiniment, pas parce qu'elle est notre sœur, mais parce qu'on aime chacun de ses traits, la moindre composante de sa personne, et que l'on veut menacer de mort le premier homme qui la courtise – le seul véritable intérêt d'être un grand frère, entendons nous bien là dessus.

C'est pour cela qu'en la serrant contre lui, il se mit, sans chercher à s'en cacher, de telle façon que la visage de celle ci se trouvait dans le creux de son cou, à portée de sa gorge. Il lui offrait sa gorge, sa vie, alors qu'elle était exténuée par le combat et que, par la même occasion, une petite rasade de sang lui ferait beaucoup de bien. Il n'avait pas peur, pas la moindre appréhension, et il savait qu'elle le sentirait. C'était sa façon de lui dire : « Je te ferai toujours confiance, et je mettrai ma vie entre tes mains sans jamais hésiter un seul instant. »

Lara fut soufflée. Elle n'osa pas bouger dans un premier temps, puis lorsqu'elle se rendit compte du sang d'Albar qui battait délicieusement sur sa gorge, et eut un sourire et le serra contre elle en souriant. Jamais on ne lui avait montré une telle confiance en elle. Elle était très émue, et en même temps, elle se sentait toute petite. Un peu comme si là, dans les bras d'Albar, elle était... à protéger. Un peu comme... Allons, n'ayons pas peur des mots. Comme s'il était un grand frère qui veillait sur elle.

Voilà quelque chose de nouveau pour elle. Mais Albar et elle n'avait pas besoin de parler, et leur combat le prouvait. Ils s'étaient pratiquement raconté leur vie en dansant de la sorte !

Lara s'écarta de quelques pas, et le dévisagea comme semblant le découvrir. Elle était vraiment sereine, chose rare par les temps qui cours, et elle se sentait bien. Elle songeait à tout ce qui s'offrait à elle.

Libre... Elle avait encore un peu de mal à le réaliser. A aucun moment elle n'aurait besoin de rendre des compte à Zelphos. C'était fini les messes, les discours enflammés d'Archevêque. Non, Lara redevenait une simple mercenaire œuvrant pour les rebelles.

Elle était grisée par ce sentiment, même si elle était inquiète. Allait débuter pour elle un nouveau combat et elle serait seule. Ah oui... Seule... Sans Lya...

-J'ai... Un service à te demander...

Lya s'approcha et s'assit à côté de Lara. La vampire caressa machinalement sa tête. Elle n'avait plus était seule depuis l'arrivée de Lya dans sa vie. C'est à dire un bon moment. Elle avait rencontrée Lya peu après avoir quitté Irinan. La lynx l'avait suivit à chaque fois qu'elle était seule. Un peu comme si elles étaient liées... Mais dès que la vampire été accompagnée, la lynx disparaissait pour réapparaître dès que la solitude pointait son nez... Et voilà qu'elles devaient se séparer.

-C'est trop... risqué pour moi de poursuivre comme je suis. Changer de coupe ou de vêtement ne suffirait pas... Une lynx tel que Lya est très reconnaissable... Mais je ne peux pas me résoudre à l'abandonner... Si... tu acceptais de la prendre avec toi ?

Elle était hésitante. Pas tant sur le fait de quitter Lya. Non, elle savait que c'était nécessaire. Mais ce qui l'embêtait, c'était surtout qu'Albar doivent la supporter... Mais après tout, il aurait une compagnie à l'esprit assez acéré.

-Oui bon ça va, s'exclama Lya, c'est pas comme si j'étais un fardeau non plus ! Je chasserais les souris s'il le faut !

Lara la regarda surprise, puis son regard passa d'Albar à son lynx. Elle hésiter entre éclater de rire ou grommeler.

Elle savait que sans la lynx, elle avait beaucoup plus de chance de paraître incognito. Elle regarda Albar en songeant qu'éventuellement, elle pourrait aller chez lui plus facilement pour se faire oublier. Après tout, il le lui avait proposé... Et puis... Si Lya était là bas, ça ferait une occasion !

Quelque chose se passait en elle, il le voyait. Derrière les vitre teintées de vert que formaient son regard se tramait quelque chose de grand, et de puissant. Il voyait presque les rouages de son esprit se mettre en marche. Ou, pour être tout à fait exact, il voyait autre chose s'activer au fin fond de son esprit, comme si, lentement, un petit orgue de barbarie, ou une boite à musique, se mettait en marche, et que son nouveau fonctionnement entraînait une série de réactions qu'elle même avait du mal à comprendre... C'est fou ce que l'on peut lire dans un regard si on lui prête l'attention nécessaire.

La tenant à bout de bras pendant quelques instants encore, avant de la lâcher, Albar eut un petit sourire, aux dehors tristes, mais plein d'espoir malgré tout. La tristesse qui s'échappait de ses lèvres lui venait alors qu'il pensait à tous les sacrifices qu'elle avait fait, en tant qu'archevêque. Archevêque... La vie religieuse est célèbre pour son manque d'entrain et d'une quelconque forme de bonheur, alors celle d'un archevêque de Zelphos, plus haute instance de la religion la plus malsaine de Terra – ou peu s'en faut – devait être bien pire. Albar ne savait trop depuis combien de temps elle officiait dans ce rôle, ni ce qui l'a poussée à endosser cette vieille bure noire, mais il ne pouvait que se sentir abattu en imaginant tout ce qu'elle avait dû subir. Mais son sourire se voulait optimiste : tout cela était fini, terminé, derrière elle. C'est ce qu'elle était entrain de se dire, il en aurait mis sa main à couper – qu'il puisse la récupérer ou non. Servir Zelphos avait mis sa vie en pause, mais désormais, elle allait la vivre, à pleins crocs.

« J'ai... Un service à te demander.. »

Son visage était immédiatement devenu plus grave. Il ne lisait aucune appréhension dans ses yeux cela dit, juste une certaine mélancolie qui la prenait à l'idée du service qu'elle allait lui demander. Lya, la lynx, qui s'était faite discrète pendant tout l temps du combat, s'approcha alors et se posta à côté de Lara, telle une sentinelle bienveillante.

« C'est trop... risqué pour moi de poursuivre comme je suis. Changer de coupe ou de vêtement ne suffirait pas... Une lynx tel que Lya est très reconnaissable... Mais je ne peux pas me résoudre à l'abandonner... Si... tu acceptais de la prendre avec toi ? »

Albar ne cacha pas sa surprise suite à cette demande dont jamais il n'aurait pu deviner la teneur avant de se l'entendre formulée. Garder Lya ? Il n'y avait jamais pensé et réfléchit immédiatement à la situation, sous tous ses angles. La conclusion, cependant, s'imposa très vite : elle ne le dérangeait nullement, bien au contraire, et cela lui faisait plaisir de pouvoir rendre service à Lara. Qui plus est, il était très flatté de la confiance qu'elle avait en lui. Alors, si ça ne dérangeait pas la lynx, il ne verrait aucun...

« Oui bon ça va, c'est pas comme si j'étais un fardeau non plus ! Je chasserais les souris s'il le faut !
- Ah, répondit Albar, moqueur, si tu chasses les souris alors il n'y a plus à tergiverser, je te ramène chez moi sur le champ, et je te demande même comment cela se fait que tu ne sois pas venue plus tôt. Du reste, reprit-il après avoir eu un feulement pour toute réponse, il ajouta, plus sérieux, si tu n'as rien contre une vie confortable et sédentaire, je serais absolument ravi de t'accueillir chez moi, même si je doute d'être un compère plus intéressant que Lara. »

Un long silence s'installa alors, au cours duquel on entendait plus que leurs respirations, celle d'Albar étant encore la plus forte. Mais ce mutisme n'était ni dérangeant ni pesant, au contraire, il était... Apaisant, détendu, en un mot, il était doux, comme la brise qui les caressait du bout de ses innombrables doigts. Sa chemise entièrement déchirée, Albar frissonna légèrement et alla remettre sa veste, qu'il avait enlevée avant le combat. Une fois cela fait, il se tourna vers Lara.

« Tu es libérée de cette affreuse mission, tu es libre de vivre ta vie comme tu l'entends à présent, et c'est bien la moindre des choses que tu mérites. Je te souhaite tout le bonheur du monde, ajouta-t-il avec sincérité, et j'espère du fond du cœur que l'on se reverra bien vite. Je n'ai pas un réseau ni une fortune immense, loin de là, mais si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, d'une aide matérielle ou d'un quelconque autre acabit, tu pourras toujours me demander. N'aies jamais peur de me demander un service, c'est d'accord ? Ma maison te sera toujours ouverte.

Dis moi... Que vas tu faire maintenant ? »

Lara sourit quand Albar accepta de prendre Lya avec lui. Elle était des plus sereine en ce qui concernait son avenir, et elle profita du court silence qui fut offert à elle pour savourer ce moment qui était un des meilleurs qu'elle ai vécu de ses souvenirs. Et elle les avait en partie tous retrouvé. Seul lui manquait son "réveil" en vampire... Ce qui ne la préoccupait pas tant que ça pour le moment.

-Ce que je compte faire... Hum, tout d'abord rejoindre la meute... Linvala et Grenaack Aruseth m'ont gentiment proposé de m'héberger... Je dois avouer avoir fait grande sensation sur l'ambassadrice. Je pense m'y cacher un peu de temps... Traquer peut être le nouveau chef de la milice si je croise sa route... Je ne sais pas si tu en as entendu parlé... John Dan. C'est un lycan de la meute... Autant en profiter pour faire le ménage... Ensuite, je tenterais de me faire oublier quelque peu... pourquoi pas une petite retraite dans les glaces ?

Elle eut un rire léger.

-J'ai le temps de toute façon, rien ne presse. Mais du coup, toi qui dois être plus en relation avec les rebelles que moi... Si jamais besoin il y a, n'hésite pas ! Je suis sûre que je pourrais t'être utile ! Et... comme de toute façon, je ne vais rien avoir de prévu avant un moment, Je vais... végéter...

Elle caressa la tête de Lya, puis se figea. De nombreux bruits claquèrent à ses oreilles. Des bruits d'armures... d'épée... des odeurs... qu'elle connaissait trop bien. Elle fronça le nez.

-Je penses que le prêtre de Zelphos que j'ai tué n'est pas resté inaperçut bien longtemps... On devrait bouger... Il y a du mouvement qui vient vers l'auberge... Et je ne suis pas sûre que... ce soit bon pour nous deux !

Elle posa deux doigts sur son oreille comme pour la masser alors que les sons amplifiés doucement. Ils n'étaient pas encore près d'eux... Mais il ne valait mieux pas traîner.

Albar avait un petit sourire réjoui aux lèvres. La Lara qu'il avait connu dans les Glaces, et qui pourtant lui avait déjà fait forte impression, s'avérait en vérité n'avoir été que le bouton d'une fleur, un bouton grossier et grotesque, renfermé et comme honteux de sa propre apparence, comparé à celle qu'il voyait sous ses yeux maintenant. La fleur était encore un peu froissée, venant juste de s'extirper de son cocon de solitude, mais elle était bel et bien là : ouverte sur le monde, sans pourtant se départir de ses épines. Resplendissante et plus colorée qu'il n'y paraissait au premier regard, elle se laissait déjà aller à diffuser un parfum délicieusement printanier : une odeur de renouveau flottait alors, de renaissance pour être tout à fait exact.

"Oh, fais bien attention à ce que tu dis vampirette : ne me demande jamais de te trouver du travail, sinon, crois moi, je vais t'en trouver, et tu n'as pas envie que ça arrive, répondit-il avec un petit rire, sa terreur du travail se montrant ainsi au grand jour. Je saurais où te faire parvenir mes lettres néanmoins, et tu en recevras très bientôt, je puis te l'assurer, ne serait-ce que pour t'envoyer la facture, concernant ma chemise."

Il s'apprêta à ajouter quelque chose quand, soudain, il vit son regard se durcir. Il n'était pas tourné vers lui, non, mais vers la nuit, et soudain, elle avait l'air alerte. Tendant l'oreille à son tour, Albar n'entendit rien, mais ne fut pas étonné : si la vampire venait tout juste d'entendre quelque chose, il faudrait attendre encore de nombreuses secondes pour parvenir à saisir le quart de la moité du commencement d'un. Attendant donc sa conclusion, il lui jeta un regard interrogatif, en finissant de rajuster sa veste.

Sa réponse fut sans appel, et, en un sens, cela leur simplifiait la vie : après tout ce qu'ils venaient de partager, se dire au revoir d'une manière conventionnelle aurait été une épreuve difficile, même pour Albar le Beau Parleur. Aussi, devoir le faire en étant pris dans le feu de l'action aurait au moins le mérite de les pousser à faire ça vite. Et pourtant, il n'avait pas envie de quitter la vampire aussi vite.

S'arrachant un tantinet à ces questions, il se mit alors à décamper à ses côtés, suivis tous deux - ou plutôt, précédés de - Lya, la lynx. La nuit couvrait leur fuite, et, après avoir couru sans forcer sur quelques kilomètres, ils se posèrent tous les trois, Lara et Albar ayant le souffle court, spécialement le maréchal, qui n'avait pas eu le temps de récupérer et était moins endurant que l'ex archevêque.

Contrairement à ce qu'il avait pensé, ils allaient bien devoir passer par la case "au revoir". C'était très dérangeant, surtout pour un homme comme lui, de ne pas trouver quoi dire.

"Bien. Je suppose que c'est ici que nos routes se séparent. J'ai à la fois des tonnes de choses à dire et aucun mot qui ne sort de ma bouche, alors je vais devoir faire avec le peur qui daigne s'en échapper. Te revoir, ou devrais-je dire, te redécouvrir ici a fait de cette soirée l'un des meilleurs moments de ma longue vie. J'espère sincèrement que nous nous reverrons bientôt, ce dont je ne doute pas en mon for intérieur.

Bonne chance dans tout ce que tu entreprendras. Je dirais bien "que les dieux veillent sur toi", mais je ne suis pas homme a me parjurer de la sorte, dit-il avec un rire léger, empreint de gêne et de tristesse. Je veillerai bien sur Lya, ajouta-t-il après un court silence, tu as ma parole"

Il reste face à elle, ne sachant pas exactement quoi faire ou dire de plus. Tout était dit en vérité. Il hésita à tendre les bras et à la serrer contre lui une nouvelle fois, n'étant pas coutumier de ce genre d'élan.

La vampire resta un peu surprise de la tirade de celui qu'elle considérait comme un membre de sa famille plus que comme un ami. Elle l'avait réellement découvert ce soir, tel que lui avait vu qui elle était vraiment. Elle voulait partir avec lui et ne pas aller à la meute, mais elle avait encore des choses à accomplir malgré son envie si forte de s'allonger et de ne plus bouger. Elle essaya de sourire, mais ne parvint qu'à aborder un sourire triste. Elle voyait bien qu'Albar ne voulait pas partir non plus.

Non, ils avaient encore des tas de choses à découvrir, tant de choses à se dire, la vampire baissa les yeux, chatouillant sa nuque par ses cheveux désormais court. Ça lui semblait étrange d'avoir les cheveux court, mais ça la changeait, et elle aimait bien sa nouvelle coupe. Lara releva la tête et pu sourire plus sereinement. Elle perçut qu'Albar s'arrêta en plein mouvement, et elle le finit pour lui en se glissant dans ses bras. Elle qui était forte et loin d'être fragile de part sa condition de vampire, elle avait l'impression d'être un petit chaton qui venait de trouver un abri confortable et accueillant. Elle posa sa tête sur son épaule, et soupira doucement.

-Merci pour tout. Tu n'as pas conscience d'à quel point tes mots me touchent et vont me permettre d'avancer... Merci aussi pour Lya. J'attends d'ors et déjà ta lettre !

Elle se figea pour écouter les environs. Ils ne les trouveraient pas, mais elle savait qu'il lui fallait partir. Elle caressa Lya une dernière fois et embrassa rapidement Albar sur la joue avant de courir à petites foulées vers le point de départ de sa nouvelle vie.

-Et on va dire que ta chemise, c'est mon cadeau parce que tu m'as battu, rit-elle avant de se retourner définitivement.

Elle avança rapidement, sans se retourner, sachant que de toute façon elle le reverrait. Ne serait-ce que pour lui dire ce qu'elle pensait si fort sans même oser le dire tout bas. Elle l'aimait comme un grand frère, malgré son jeune âge, malgré lui tout simplement. Elle eut un sourire un brin nostalgique, et leva les yeux vers le ciel, heureuse de cette rencontre.