Nelhen est, de nature, plutôt réservée, préférant le langage du regard aux longues tirades, se contentant de l'essentiel, si bien que, trop souvent à court de mots, faisant à terme le choix du silence, elle frôle la timidité. Ceci survient surtout avec les personnes qu'elle connaît peu ou pas, où elle a donc de la peine avec les relations sociales, qu'elle entretient peu, se limitant au minimum nécessaire. Elle montre alors une certaine froideur vis-à-vis de son interlocuteur inconnu ou mal connu, démontrant, plutôt qu'une réelle aversion à l'encontre de celui-ci, une certaine frustration interne, et un mal à l'aise certain, et ces sentiments allant crescendo selon l'intensité d'insistance de l'interlocuteur pour la forcer à parler, et à l'écouter avec attention. Pourtant, avec les personnes qu'elle connaît bien, même si elle demeure quelqu'un d'assez discret, elle devient plus ouverte et présente un caractère joyeux, prompt à rire (elle rit facilement), bien qu'elle même peu douée en matière d'humour, et chaleureux. Digne de confiance, elle est aussi une véritable gardienne du silence et ne trahira jamais un secret.
Elle en fait d'ailleurs une fierté personnelle, proche de l'orgueil. En effet, elle a beau être discrète, silencieuse, et même réservée, cela n'empêche nullement qu'elle est orgueilleuse. et cela, envers la culture de son silence, mené au rang de qualité de par sa finesse, sa capacité à respecter les secrets des autres, et les gardant, ou en les ignorant. Car Nelhen n'est pas du genre, sauf exception, à insister pour tout connaître de la vie et des problèmes d'autrui, elle respecte en effet leur propre silence.
Revenons à sa fierté. Nelhen est également quelqu'un de perfectionniste et minutieux, elle ne tolère pas le "vite fait mal fait". Si elle prône l'économie de temps (et d'argent au passage, Madame (faut plus dire Mademoiselle) est à moitié radine, disons plutôt que sa générosité est limité à la probabilité de retour de ses dons), elle ne peut envisager consciemment de faire un travail médiocre. Si elle n’exige pas la perfection, elle veut au moins des efforts. Nelhen est quelqu'un d'assez cultivé aussi. D'ailleurs, sur son travail, qu'elle considère évidemment du mieux qu'elle a pu, elle se vexe très facilement, et se renferme alors complètement pendant un certain temps, dépendant du sujet, mais n'excédant jamais une journée (sauf exception bien sûr). Elle n'est, étrangement, pas particulièrement fière de sa condition de dragon, car, submergée de clichés sur la force qu'elle devrait avoir et sur un caractère plus fort, elle préfère caché sa nature et se prétendre humaine.
Néanmoins, il arrive que la calme se rompe, pour faire place à la tempête. Évènement très rare, et de grande ampleur, la mettre en colère est proche de l'exploit...et peut se transformer en désastre (du point de vue d'une pièce), s'il s'agit de quelque chose d'important (à ses yeux). Enfin, elle préfèrera, si c'est moindre, dégager sa colère dans des larmes, mais peut révéler une puissance de voix impressionnante, et des aigus encore inexplorés dans la plupart des cas, suivit de quelques coups, jetés au hasard, touchant plus souvent les meubles ou le vide que la véritable cible. La manifestation la plus importante est probablement un énervement tel, ou plutôt une haine, telle que, perdant la raison (pas au sens 'elle devient folle', au sens 'elle n'a plus conscience d'où elle est"), elle se transforme, revêtant sa véritable forme de dragon, elle se met à tout saccager en mouvements désordonnés. La solution miracle pour la calmer est l'eau, véritable tranquillisant pour elle.
Enfin, très curieuse de nature, son regard se pose partout, analyse tout, les moindres détails, et même si elle ne le montre pas toujours, elle s'intéresse à tout ce qui sort de son quotidien aquatique, qu'elle aime malgré tout par dessus tout.

~ Premier Souffle ~

Sous l'astre d'argent, les flots sombres déchaînés s'écorchaient à nouveaux sur ces flancs pointus, craquelés par tant d'années à supporter les assauts furieux de l'Océan belliqueux. Le venin sombre s'engouffrait encore dans la fine blessure de sa peau, devenue trou béant, dévoilant ses profondeurs. Les vagues léchaient les parois de la cavité, déposaient leur larcin, toujours. Et, à chaque fois que les astres brisent la sérénité de ces eaux, alors, dans un recoin ténébreux du cœur de la pierre, les flots viennent s'écraser sur cette surface si lisse, si brillante quand les rayons la frappent, si bleue, si bien que, calmés par cette beauté défunte, quand enfin, ils arrivent au fond de la cavité, ce n'est plus que d'une douce caresse qu'ils frôlent une étrange pierre bleue, qui, lentement, commence à frémir.

Mellinià, an 50

D'abord une perfection, ovale, bleue, lisse, immuable, protégée par une carcasse terrifiante, dans cet endroit si sombre, si humide, si dangereusement exposé aux caprices de l'océan, au milieu des larcins des vagues, babioles perdues, acheminées ici par un autre caprice. Mais en ces temps reculés, sous l'épaisse carcasse gardienne, la perfection s’effritait. Quelques jours à peine, des fissures apparaissaient, d'abord petites puis s'allongeaient, en formait d'autres, se craquelait, en un concert de déchirures sinistres.
Le temps passait, lentement, alors que tout se passait si vite, arriva le 3 de Mellinià. Un liquide jaunâtre commença à suinter des écorchures qui le recouvraient tout entier, se répandait doucement le long de ces parois tantôt si lisses, coulait jusqu'à terre, et de plus en plus fort ; se vidait. Les craquelures frémirent, les fissures devinrent failles, s’arrachait, en bruits sinistres, quand un cri strident résonna dans la caverne à peine éclairée par les timides rayons du matin. Une patte écailleuse, bleue, terminée par de courtes griffes, s'accrocha à l'un des rebords de l’œuf brisé, tandis qu'un nouveau cri se faisait entendre, plus fort.

Elle observait la scène, abasourdie, ravie, consciente d'observer un évènement rare, précieux : une naissance, attendrissante, malgré son aspect terrifiant. Une naissance de dragon n'est jamais belle à voir, mais il est rarement donné à quelqu'un d'en voir une. Elle avait la chance d'être là, au bon moment. Elle l'avait découverte, cette grotte, quelques jours plus tôt, y avait trouvé un cadavre, le cadavre d'un dragon, protégeant un œuf, un œuf couvert de fissures, un œuf prêt à éclore, ou mort depuis longtemps. Elle était revenu le lendemain, c'était aujourd'hui, et sous ses yeux fascinés, le jeune dragon se débattait, se débarrassant de son œuf émietté. Une tête sortit finalement, bleue, des yeux endormis encore aveugles, des gestes maladroits perdus, et des cris.
Elle s'approcha, doucement, et le toucha. Il était encore couvert de ce liquide jaunâtre, se débattait faiblement, mais, à l'instant où sa peau rencontra les écailles lisses et encore fragiles, il se tut. Souriante, elle le pris dans ses bras, se recouvrant elle aussi de cette substance visqueuse, sans y prêter attention, l'arrachant définitivement à son œuf. S'attendrissant devant cet être fragile, elle décida de le garder et de l'élever, consciente que le dragon mort qui veillait, n'était autre que sa mère...

~ Enfance ~