Comme convenu, je retrouvais Silvius le matin alors que le soleil commençait à peine à se lever, couvrant le ciel d’un doux dégradé, passant d’un léger lavande à un orangé de plus en plus intense. Après l’avoir quitté la veille, je m’étais dirigée vers une auberge à peine éloignée de la taverne afin d’être au plus proche le lendemain. Lorsque j’arrivais, je remarquais qu’il n’était pas encore là. Il ne devrait pas tarder, il était encore tôt. Et effectivement, il me rejoint une dizaine de minutes plus tard, et avait apporté avec lui de quoi voyager de toute évidence. Moi ? Je n’avais que pour seul bagage mon propre corps, mes trois dagues rangées et dissimulées sur ma cuisse et prête à être utilisées si nécessaire, et enfin même si c’était évident, mon bracelet qui lui ne me quittait jamais.

Pourquoi n’avais-je pas emmené de quoi survivre durant plusieurs jours en cas de problèmes ? Non pas que je sois trop sûre de moi et que je le juge inutile, mais je vous le donne en mille c’est bien trop encombrant ! Je ne voulais pas être ralentie. J’avais besoin de garder une totale liberté de mes mouvements. Devoir déposer un sac ou même le lancer à plusieurs mètres pour pouvoir me battre. Et s’il contient des documents ou objets importants, prendre le risque de se les faire dérober par l’ennemi ? Non. Je ne disais pas que c’était inutile, au contraire. Prudence est mère de sûreté. Toutefois, je préférais l’éviter au possible. C’est ainsi que je suis.

- Oui, allons-y. La journée risque d’être longue.

Voici comment nous quittions le confort de Saline afin de nous rendre en territoire plus hostile. Ce désert glacé qu’était La Toundra. Le voyage en lui-même avant d’atteindre ces terres nous prenaient déjà une bonne partie de la journée. Cela faisait déjà deux heures que nous devions avoir quitté Saline qui devenait de plus en plus petite. Le soleil était entièrement levé à présent et brillait pour le moment. Oui, dans ce genre de lieu, il fallait également surveiller le temps qu’il faisait. Bien que je doute que ça nous soir très utile arrivé à la Toundra. Il paraît que là-bas, même si le soleil brillait, vous pouviez vous retrouver en pleine tempête de neige quelques minutes plus tard. Des conditions météorologiques imprévisibles, était l’une des difficultés de vie là-bas. Je dis bien l’une car il est à n’en pas douté que ce ne n’était sûrement pas la seule.

Je me concentrais sur les différentes odeurs, essayant de voir si je commençais déjà à repérer quelque chose qui pourrait nous aider, même si nous n’étions pas encore arrivés. Ou alors, l’odeur d’un ennemi qui nous épierait dissimuler quelque part. Dans un même temps, je tournais la tête vers Silvius. Il serait mon compagnon de voyage durant quelques temps et nous allions affronter ce mage ensemble. Il serait peut-être bien de faire un peu connaissance. Et puis, ça ferait passer le temps, parce que franchement, deux personnes qui voyage et restent muettes, ce n’est pas très joyeux.
Enfin, il y avait aussi la possibilité qu’il ne soit pas très bavard. Moi-même je ne le suis pas avec les gens que je ne connais pas ou depuis peu. En revanche, si c’est avec un ami, quelqu’un que je connais bien, je peux me montrer très bavarde. Une vraie pipelette, parfois. Tout ça pour dire que je devrais peut-être essayer d’entamer la conversation. Oui, mais pour parler de quoi. Je restais songeuse quelques minutes toujours occupé avec mes odeurs tandis que nous poursuivions notre chemin. Finalement, je me décidais et prit la parole.

- Au fait Silvius. Vous m’aviez demandé hier pourquoi je m’intéressais au mage. Et en vous répondant, vous aviez dit avoir le même but et avoir des affaires à régler avec lui. Je me demandais de quoi vous parliez. Auriez-vous déjà rencontré le mage ?

Puis, ne voulant pas paraître impolie, je rajoutais.

- Vous n’êtes pas obligé de répondre si vous ne le souhaitez pas. C’était juste une simple question et je m’étais dit que le voyage serait peut-être plus agréable si nous parlions.

[veuillez excuser l'attente que je vous ai infligé ]

- Leyna...

A son murmure, la buée se forma de ses lèvres pour disparaître au dessus de lui. Ce qui l'entourait n'était qu'un désert. Un lieu de mort, figé par la glace et le froid. Il retint un cri de rage bourré d'insultes bien pensées à faire pâlir les taverniers les plus expérimentés. Il haïssait ce paysage glacial qui n'avait de familier que de très mauvais souvenirs. Mourir ici... était une idée plutôt sinistre. Comme si il pouvait se le permettre.

Devant lui, avançant comme si la neige n'était qu'un territoire comme un autre, Griev, lui lançait parfois des regards inquiet tout au long de la marche, auquel il répondait en levant les yeux au ciel, excédé. Il n'était plus un gamin dont l'animal devait sans cesse s'occuper. Il était déterminé et savait où aller. La magie n'était plus très loin à présent. Il pouvait la reconnaître entre toutes pour l'avoir porté depuis... aussi loin que remontait ses souvenirs.

Ses yeux passèrent sur les quelques troncs qui l'entouraient puis sur la neige plate et lisse devant lui, cherchant une trace du passage de la pourchassée. Inutile. Elle n'avait pas pris la même route. Mais il se plaisait à toujours vérifier son environnement, même ainsi tremblant.

Leyna... L'être qui avait fait de sa vie un enfer durant le dernier mois. Depuis sa capture, en faite. Si elle semblait rechigner à utiliser les termes "captif" et "prisonnier", il ne voyait pas exactement comme il était possible de considérer sa position autrement.
Elle-même n'avait pas vraiment réussi à le lui expliquer... Car les chaînes qu'elle avait utilisé pour le maintenir dans le relais de la rébellion ne mentait pas, elles...
Il sonda les brûlures sur son mollet, là où le fer le retenait prisonnier quelques jours plus tôt. Elle était parti avec sa pierre, certaine que c'était de là que venait tout son pouvoir. Étrange conviction mais l'objet avait eu de quoi impressionner. Luisant, brillant d'un éclat étrange et sombre, lisant jusque dans les tréfonds de votre âme... Et réagissant parfois d'étrange manière sans raison apparente.
Malheureusement pour elle, l’artéfact n'avait pas du se montrer très bavard. Il avait choisit son possesseur et, jusqu'à sa mort ou son don, il ne réagirait pas. Et puis, il y avait ce serrement aussi. Il sourit de ses lèvres bleuit. Ses yeux un peu trop secs pleuraient à cause du froid.

Battant des paupières, il observa le vide devant lui, à quelques pas. "Vide" n'était pas le meilleur terme pour quelques mètres de hauteur. Mais il venait de manquer une mauvaise chute de peu. Très peu. Trop peu.
Se perdre dans ses pensées était encore une gymnastique dangereuse.
Il serra les doigts et regarda en contrebas. Deux personnes marchaient le long de la falaise. Mais surtout... Il connaissait l'une d'elle.
Son regard se durcit et il chercha son compagnon du regard. Ce dernier était déjà en train de se frayer un chemin sur des plateformes naturelles pas toujours très stables. Mais l'animal excellait.
Elio entreprit la descente en vitesse, lui aussi. Lorsqu'il fut certain d'être à porté de voix malgré le vent qui lui fouettait le visage avec une violence toujours plus intense, il hurla :

- LEYNA ! JE VIENS CHERCHER MON DÛ !

[HRP: Je crois que pour ce qui est du retard, je vais battre un record. ^^' Désolée de vous avoir fait attendre. J'étais absente car en voyage. >.<]

Alors que nous poursuivions notre route, Silvius répondit à ma question. C'était par le biais d'un ami qu'il connaissait le mage. Oui, je voulais bien le croire. Après tout, il n'aurait pas vraiment eu d'intérêt à me mentir. Je peux me tromper, mais je décidais de le croire. Il me demanda également des précisions sur la raison que je lui avais moi-même fourni à la taverne hier soir. Encore une fois, ne voyant pas pourquoi je devrais lui mentir, je décidais de lui dire la vérité.

– J'ai pris connaissance dans les livres, d'une certaine prophétie dite il y a de cela quelque temps déjà et d'après cette dernière, il serait possible de vaincre Aile Ténébreuse. Pour cela, des sceaux serait répartit dans tout Terra. Après avoir fais des recherches, je pense qu'il est fort possible que l'un d'entre eux soit d'éliminer ce mage. N'ayant pas... une profonde sympathie pour Aile Ténébreuse, s'il existe un moyen de le vaincre, je ferais tout ce que je peux pour y aider. Et je sais que je ne suis pas la seule à me battre. Je le sais en connaissance de cause car étant moi-même une rebelle.

Je me demandais si cette dernière précision n'était pas de trop. Il est vrai que nous avions le même but, mais rien ne me dit qu'il soit forcément de nôtre côté. Il n'est pas obligé qu'il soit aussi du camp ennemi. Je voulus observer sa réaction lorsque je m'arrêtais net. J'avais l'impression d'avoir oublié quelque chose. Ca m'était revenu quand j'avais parlé d'Aile Ténébreuse et de la Rebellion. Et pourtant, je n'arrivais pas à m'en souvenir. Ce n'est pas possible !

Je repris ma marche, tandis que mon compagnon de voyage m'interrogeait cette fois sur le peu de bagage que j'avais. Tandis que ce sentiment d'avoir oublié une chose importante me tiraillait, je lui répondis.

– Ah oui. Tu dois me trouver plutôt inconsciente ou folle. Eh bien, en ce qui concerne le froid, disons que cette veste me suffit. Je suis une kitsune qui se sert de la magie de feu, et pour le moment, je dois dire que ça va. Je ne souffre pas trop du froid. Mais sachant que nous sommes dans la Toundra, il est possible que la température chute encore et là, je ne garantis rien. En ce qui concerne ma nourriture, je pensais au besoin la chasser, car même dans ces terres de glace, il y a de très bonnes viandes. Après, c'est plus par préférence que je n'ai pas emporté de sac. Je n'aime pas être encombrée surtout si j'ai besoin de me battre.

Nous continuions à discuter lorsque cette fois-ci, je m'arrêtais pour ne pas reprendre la marche tout de suite. Le vent avait porté à mon nez, une odeur que je connaissais. Et je me souvenais de ce que j'avais oublié.

– Oh non..

- LEYNA ! JE VIENS CHERCHER MON DÛ !

Je levais la tête vers l'endroit d'où provenait la voix. Nom d'un kitsune ! Comment j'avais pu l'oublier. Leyna, espèce de tête de linotte ! Effectivement, Elio qui accompagné de Griev se dirigeait vers nous, ne semblait pas vraiment de bonne humeur. Depuis que je l'avais rencontré, lui et par la même occasion Shinku avec qui je devais faire équipe, j'avais l'impression qu'il m'aimait de moins en moins. Nous avions avec Shinku pour mission de le surveiller et d'empêcher Aile Ténébreuse de le récupérer. Malheureusement, ce jeune homme n'a pas été très coopératif avec nous. Et qu'il le veuille ou non, nous ne l'avons plus lâché. J'ai dû le forcer un peu à m'accompagner, mais pour faire mes recherches tranquillement, je savais que je devrais le laisser quelque part. Evidemment, je doute qu'il m'aurait attendu bien sagement si je le lui avait demandé. J'ai donc été dans l'obligation de l'attacher quelque part avant de l'enfermer avec Griev. Et par précaution, j'ai gardé avec moi son collier. Je ne voulais vraiment pas en arriver là, mais je n'avais pas le choix.

J'avais repassé en quelque seconde la scène dans ma tête en comprenant la gravité de l'oubli que je venais d'avoir et de ses conséquences. Je me hâtais de prendre le collier que j'avais gardé en sécurité, car il était précieux pour lui et le lui tendis.

– Ecoute Elio... Je suis vraiment vraiment désolée. J'avais complètement oublié de venir te chercher. Tu dois sans doute m'en vouloir et tu m'en voudras sûrement jusqu'à la fin de ta vie, mais je te jure que je ne voulais pas te voler ton collier. Je voulais juste que tu restes calmement quelque part le temps que j'aille chercher des informations à la bibliothèque. Si tu avais bien voulu m'écouter et m'attendre, je n'aurais pas été obligé de faire tout ça !

Sur ce coup, je m'en voulais vraiment de l'avoir oublié. J'étais tellement concentrée par ce que je venais de trouver... Mais qu'importe, je n'étais vraiment pas fière de moi. J'avais fais une belle bêtise sur ce coup qui aurait pu avoir de lourdes conséquences. Car non seulement, ça aurait été entièrement de ma faute si les démons étaient venus l'attaquer d'autant plus qu'il n'était pas en position de se battre... mais en plus, s'il n'avait pas réussi à se libérer, il aurait pu rester longtemps enfermé alors que je ne m'en serait peut-être toujours pas souvenu. Je n'aime pas l'avouer, et même si ça me rend malade de le penser, je ne valais pas mieux que les démons.

– Je sais que peu importe la raison, je n'ai pas d'excuse... mais sache que je m'en veux sincèrement. Je te demande pardon...

Et maintenant qu'est-ce que j'étais censé lui dire. Je devais continuer le voyage avec Silvius à la rencontre du mage, mais je ne pouvais pas en plus demander à Elio de venir avec nous. Après ce qui s'était passé, ce serait un comble. Mais d'un autre côté avais-je vraiment le choix... ? Qu'il m'en veuille à jamais, je le comprends, toutefois je ne peux pas le laisser seul. Il faut que je continue à le protéger des démons. Et dans le cas où, ô grand miracle, il acceptait de venir, ce serait trop dangereux. Déjà, je ne savais pas si Silvius et moi réussirions à vaincre le mage, alors si en plus je devais lui demander ça, sûrement pas ! Belle façon de protéger quelqu'un que de l'entraîner avec soi dans une quête dangereuse où l'on peut risquer de mourir ! Je soupirais, me demandant dans quels problèmes je m'étais mise.