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 Epreuve de Dorona

 
Epreuve de Dorona Sand-g10Mar 24 Jan - 15:12
Citation :
Pourquoi a t elle du renouer avec sa hache? Raconte nous ce qui lui a ouvert les yeux sur la nécessité de se défendre

Penser que le travail de la forge se borne à la création, ou l'entretien, des armes serait fort restrictif... Il y aussi une grande part de travail destiné au monde paysan. Socs de charrue, outils, fers pour les chevaux, c'était une grande part des commandes de la forge de Dorona. Mais cela ne la dérangeait pas, cela faisait partie du charme de son travail et elle ne manquait jamais de chercher à améliorer le difficile quotidien de ces personnes. Et puis la plupart du temps il s'agissait de clients plutôt sympathiques qui ne manquaient jamais d’égayer sa journée... Il n'était pas rare qu'ils aient une tranche de vie bien épicée à raconter. Ce qui changeait de ceux qui venaient pour les armes, bien plus fanfarons...

Si certains venaient chercher leurs commandes à la forge, elle avait souvent à livrer son travail. Cela lui permettait de sortir un peu et d'améliorer son boulot. Si elle avait largement l'occasion de tester l'équilibre de ses armes dans l'arrière cours, elle n'avait pas de champ à labourer sous la main. L'occasion faisait donc le larron. Juchée sur la carriole qui lui permettait d'effectuer ses livraisons, Dorona arriva enfin en vue de la ferme de son client. C'était un petit coin calme, à la fois proche de la ville tout en étant un peu isolé. Un véritable petit paradis loin de pas mal de soucis. Ici on se contentait de s'occuper de la terre. Un peu dans la même optique que la naine et sa forge, en ignorant le reste du monde.

Il lui fallut encore quelques mètres pour comprendre que quelque chose clochait. Une ferme est rarement un endroit calme. Si on ne travaille pas aux champs, on a toujours quelque chose à faire, ne serait-ce qu'avec les animaux... Or, là, elle ne voyait aucune activité. La naine freina sa carriole, se relevant pour avoir une meilleure vue. Rien... Elle ne voyait aucun des quatre enfants, les plus jeunes jouaient souvent dans la grande cours, ni les animaux... Le chien qui venait habituellement aboyer et pincer les jarrets du cheval n'était pas là non plus. Seul un silence oppressant s'offrait à elle. Et elle n'aimait pas ça. Chaque fibre de son être était en train de se tendre, retrouvant des réflexes, des sensations, qu'elle avait jusqu'alors cherché à oublier. Son instinct de combattante se réveillait et commençait à lui chuchoter qu'une menace planait dans l'air. Bientôt il le hurlerait...

Sa main glissa tout naturellement vers le manche de sa hache, le contact se révélant rassurant. Elle ne pouvait pas non plus rester plantée là à s'imaginer le pire sur quelques ressentis... Il fallait qu'elle pousse sa route jusqu'au bout afin de vérifier si elle était juste paranoïaque. Puis cette famille était sympathique, si elle avait besoin d'aide, elle pouvait leur en apporter. Décidant de laisser son attelage là où elle s'était arrêtée, elle sauta au sol, attrapant sa targe au passage. Elle referma fermement sa main sur la poignée mais conserva une attitude relativement décontractée. Sûre de rien, elle n'allait pas non plus avancer en position de défense comme si elle montait à l’assaut...

Il n'y avait que quelques mètres à parcourir mais elle eut l'impression qu'il y avait des kilomètres. Bien qu'elle chercha à avancer à un rythme normal, elle restait extrêmement attentive à ce qui l'entourait, cherchant le moindre signe d'une menace. Ou d'une présence rassurante... Mais elle ne parvenait à ne voir que le coté de l'étable, la cours et l'avant de la maison principale. Le tout étant particulièrement calme. Trop calme. Elle dut avancer encore un peu pour parvenir à voir la partie de la cours que lui masquait l'étable... Et ce qu'elle vit confirma douloureusement ses craintes. Le chien de la maison gisait dans la poussière, dans une flaque de sang. Visiblement quelqu'un armé d'une arme blanche avait du se débarrasser rapidement de lui...

Au delà du pathos et des sentiments que cette découverte pouvait faire naître chez elle, son esprit reprit une vieille habitude. Elle retrouva une logique froide, celle des combattants qui permettait d'analyser une situation pour survivre avant toute autre considération. Que le chien ait été tué par une arme blanche était bon signe. La ou les personnes qui s'en était pris à la ferme n'avait pas d'armes à distance. Sinon, ce serait l'empennage d'une flèche qu'elle verrait saillir d'un flanc. Et s'ils étaient encore sur place, elle aurait certainement eut à subir une attaque avant même de réaliser que personne ne pouvait plus l'accueillir... La naine se rapprocha instinctivement de l'étable, se plaquant presque au mur. Pour l'instant le calme régnait encore... Soit ils étaient déjà partis. Soit ils étaient assez peu expérimentés et avaient estimés qu'un guetteur ne serait pas nécessaire tant les lieux étaient isolés... Dans tous les cas, maintenant qu'il y avait preuve d'agression, la jeune femme n'avait plus le luxe de la nonchalance, elle devait rester sur ses gardes.

Dos plaqué au mur de bois, la naine essaya d'écouter au maximum les bruits qui l'entouraient. elle n'avait pas l'ouïe affutée des pointus et elle devait se concentrer pour isoler les sons mais elle finit par récolter quelques informations... L'étable était visiblement occupée. Elle entendait des bruits mais pas de voix humaines. Le bétail devait donc encore être parqué à l'intérieur... Et l'attaque n'avait pas du se dérouler dans la nuit ou à l'aube, sans cela les vaches s'en donneraient à coeur joie pour réclamer leur traite. Si les agresseurs étaient encore là, ils seraient plutôt dans la maison. De toute façon cette famille n'était pas "importante", la seule chose justifiant une attaque serait une rapine. La maison était donc la cible privilégiée. Pour plus de prudence elle devait contourner les lieux afin d'accéder à la porte de derrière, sans cela elle serait beaucoup trop à découvert. S'ils n'avaient potentiellement pas d'archers, cela lui enlevait tout de même l'effet de surprise...

Resserrant sa prise sur le manche de sa hache, la jeune femme commença à longer l'étable pour la contourner afin d'avoir un angle d'approche par l'arrière. Elle en profita pour jeter un coup d'oeil à l'intérieur, profitant de la porte légèrement entrouverte. Il était assez difficile de voir avec le peu de luminosité mais elle ne tarda pas à distinguer l'essentiel. Il n'y avait aucun mouvement hormis celui, moindre, des bêtes dans leurs box. Il y avait aussi une forme allongée au sol. Forme qui ne bougeait absolument pas et était de bonne taille. Un parent ou l'aîné... Elle s'assurerait de tout cela une fois qu'elle saurait les lieux sûrs aussi finit-elle par continuer sa route. La manoeuvre ne lui posa aucun soucis mais en se rapprochant ainsi elle commença à discerner des voix. Deux. Indéniablement masculines et provenant bien de l'intérieur de la maison. Si les agresseurs n'avaient été que deux, les hommes de la famille auraient du pouvoir s'occuper d'eux... Ils avaient du se débarrasser de l'un d'entre eux dans l'étable, facilitant ainsi le reste de l'opération...

Elle acheva d'atteindre l'arrière de la maison aussi silencieusement qu'elle le put. Probablement avec efficacité puisque personne ne sortit pour l'attaquer. Les rires gras qu'elle entendit commencèrent à véritablement l'inquiéter et elle profita d'une fenêtre pour essayer d'avoir une vue d'ensemble de l'intérieur. La maison était dans un état indescriptible. Les malandrins avaient du chercher tout ce qui avait de la valeur, saccageant le reste. Deux hommes étaient assis à la table, mangeant assez salement, la nourriture se trouvant devant eux. Les deux enfants les plus jeunes étaient accroupis dans un coin, pleurant en silence alors que leur mère, les yeux rougies et surtout tuméfiés, faisait office de servante en essayant d'esquiver les mains baladeuses des deux malotrus. Il manquait les plus âgés, le fils pour qui elle avait peu d'espoir et la fille. La mère ne pouvait pas vraiment agir à cause des deux petits mais si elle parvenait à redonner un peu d'équilibre...

Et pour cela elle n'avait pas une multitudes de possibilités... Alors que la mère se retournait pour poser sur la table une marmite, la naine lui fit discrètement signe depuis la fenêtre. Elle put lire dans son regard un mélange d'espoir et de détermination. Elle était assurée d'avoir de l'aide ou, du moins, une diversion. Ensuite... Il fallait prier pour que cela fonctionne et qu'elle n'ait pas oublié comment on faisait en sorte de rapidement mettre quelqu'un au tapis. Pour de vrai, en faisant vraiment mal. Voir en tuant. La naine prit une ou deux courtes inspirations, comme si elle s'apprêtait à plonger, et ouvrit brusquement la porte d'un solide coup de pieds. Inutile de dire qu'il y eut une multitude d'actions simultanée dans la pièce suite à cette entrée fracassante...

Attendant une telle action, la mère utilisa la seule chose qu'elle avait à disposition et envoya la marmite de ragoût brûlant en plein dans la tête du malandrin le plus proche. Les malandrins, eux, sursautèrent et se levèrent à moitié alors qu'ils s’empêtraient en dégainant leurs armes. Les enfants hurlèrent de concert en se serrant un peu plus l'un contre l'autre. Dorona chargea l'agresseur inoccupé, targe en avant, la hache légèrement en arrière. L'homme n'eut pas spécialement le loisir d'esquiver quoi que ce soit et il se prit la charge de plein fouet. Souffle coupé, il fut proprement plaqué contre le mur par un peu moins d'un quintal de muscles en pleine vitesse. Sa tête rebondit contre le mortier avec un claquement sec et il glissa au sol, sonné pour le compte. La naine fit volte-face pour volte-face pour constater que le second homme était moitié sonné, moitié ébouillanté, complètement déboussolé et que la mère était allée se placer devant ses enfants pour faire rempart de son corps. Se portant en avant, il suffit d'un pas pour qu'il soit à portée avec l'allonge de son arme. La combattante propulsa sa hache droit sur le torse de son ennemi. La distance n'était pas spécialement grande, tout au plus la largeur d'une table, il y avait donc peu de chances qu'elle rate sa cible. Le ragoût aidant aussi...

La lame de l'arme se planta au tiers dans le sternum du malandrin avec un bruit peu ragoutant, le faisant tomber en arrière. Et cet instant précis, la porte de la chambre, derrière le mort, s'ouvrit à la volée, dévoilant le dernier homme. Un peu plus âgé que ses confrères, il devait en être le chef. Torse nu, il ne portait que ses chausses qu'il essayait de remonter pour se rhabiller. Le juron qu'il allait proférer mourut sur ses lèvres alors qu'il découvrait la scène, assez rocambolesque qui s'offrait à lui. Tout se figea une fraction de seconde alors que ses yeux finissaient par tomber sur la naine, bouclier en avant, encore dans sa position d'attaque. Mais Dorona n'eut pas à faire le moindre mouvement. La pointe d'une épée apparue brusquement au beau milieu du ventre de l'homme. Il porta ses mains à sa blessure et tomba en avant dans un râle de douleur, dévoilant derrière lui la fille aînée, à moitié nue, couverte d'ecchymoses, les cheveux en bataille et de grosses larmes coulant sur ses joues.

Il y eut un moment de flottement, le temps que tout le monde réalise que la menace était passée, ceux étant encore en vie ne représentant plus une réelle menace... La mère tendit une main vers sa fille alors qu'elle se mettait elle aussi à pleurer et la jeune demoiselle alla retrouver le cocon protecteur des bras de sa génitrice. Tout ce qui restait de la famille se terrait dans le coin, essayant de faire abstraction des cadavres et des lambeaux de la vie que l'on venait de briser. Les laissant à leur chagrin, à leur choc, Dorona para au plus pressé. Leur sécurité... Alors qu'elle s’affairait à s'assurer qu'aucun de ces trois là ne viendrait plus représenter une menace, la jeune femme eut une sinistre révélation. Même ces "innocents", ces personnes dont le mode de vie faisait échos chez elle, avaient du perdre cette naïveté, cette innocence, se forcer à devenir féroce pour se protéger. Sa vie actuelle, la vie de ces fermiers, en essayant d'ignorer les temps sombres qui avaient cours, était pure utopie. Même si on n'avait pas envie de faire couler le sang, ils vivaient désormais dans une époque où un tel choix était un luxe que peu pouvait s'offrir.

Et ils n'en faisaient pas partie...

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