Il était une heure assez avancée dans la nuit et je venais de fermer les portes de mon domaine. Bien souvent je me retrouve seule après cela. Bien que mon bâtiment servent à soigner, je dois rester sur mes gardes en tout temps si les partisans de Zelphos viennent à apprendre qu'il reste une héritière, une noble de la famille Malakhya de retour en son domaine. Tricher sur mon identité n'avait pas été une mince affaire depuis onze ans environ. M'attacher les cheveux, m'isoler un instant quand je ne peux plus retenir mes rémiges, ces grandes plumes immaculées, de cacher mon grand bâton de métal angélique. Bref à tout instant, le moindre faux pas peut encore faire la lumière sur ma véritable identité.

Cette nuit, au détour du Temple des Mille Plumes, je me fait interpeller par mon rang, mon nom de famille et ma profession. Interloquée et curieuse, je m'approche vers un homme assez âgé. Il me faut du temps pour le reconnaître. Sans retenue, je lui saute au cou.

Uriel ! murmure-je me souvenant que cet homme était le meilleur ami de feu mon père.

Ma petite damoiselle a bien changé. Vois-tu je ne me bats plus et suis devenu un errant, un mendiant.

Je ne peux le laiser ainsi et lui propose de rentrer dans la demeure et d'en devenir mon gardien, mon majordome. Certes il n'a plus la prestance d'autrefois. Nous rentrons ensemble dans ma demeure et je viens de prendre la décision de partir.

Je reviens. J'ai vaguement entendu parler d'un forgeron de qualité. Je veux au moins te faire ce cadeau en souvenir de mon père. dis-je simplement.

Oui, je décide de reprendre ma longue robe à capuche, faite de soie blanche, réhaussée par ma ceinture brodée d'argent. J'y coince mon grand bâton, défait mes cheveux et mets ma capuche. Un regard vers mon unique majordome et digne de confiance.

A très bientôt.

Et me voilà partie vers les Terres de Montagne, où dit-on que le meilleur et le plus habile des forgerons s'y trouve. Le voyage n'est pas de tout repos et je n'ai pas pris le temps de prendre des provisions. J'en trouverai bien là-bas. Non ? Est-ce encore plus désert que les Terres de glace ?

Alors que j'arrive sur la terre "promise", un vent fort souffle et me force à me poser entre Tilamus et les Jardins Suspendus. Ces jardins immenses et resplendissants dit-on par chez moi. A bout de force et de souffle, je réabsorbe mes ailes puis me plaque contre un mur. Cependant, ce n'est pas suffisant que je chois au sol.

Si certains pourraient crier à l’intervention divine, les plus raisonnables se contenteraient de dire que la chance souriait à Aniel Malakhya. Elle était à la recherche d’un habile forgeron, et dans sa recherche, elle finit par chuter, épuisée, sur les terres du Conglomérat Minier de Kael Modan.

Contrairement aux idées reçues, les Nains ne travaillent que très peu individuellement. Les artisans émérites sont soit recrutés par de grandes compagnies des Montagnes, soient partent ouvrir de petites forges et échoppes dans les autres territoires du monde. Le CMKM faisait partie de la première catégorie, bien qu’il fasse passer la qualité des produits avant les économies d’échelle et la production de masse.

Il fallut plusieurs heures avant qu’une patrouille de miliciens Nains du Conglomérat passe par là. En cette heure avancée de la nuit, si loin des mines d’argent, la surveillance n’était pas parfaite. L’ange était frigorifiée, ce qui n’était pas étonnant, si on jugeait la température –dont le vent faisait qu’on la ressentait bien en-dessous de zéro-.

En temps normal, ils auraient simplement déplacé la malheureuse dans un centre pour sans-abri dans la capitale. Ou à la Garde de Tilamus, eut-elle l’air louche. Mais depuis l’assaut des Rebelles sur une mine, il n’y avait pas si longtemps, les mesures de sécurité avaient été renforcées. Aniel fut transportée jusqu’au siège du CMKM, où elle serait soignée et mise en détention.

Installée près d’un feu de cheminée, elle n’en était pas moins gardée par une escouade complète. Elle reprit conscience en face du feu, allongée sur une peau d’ours. Autour d’elle les Miliciens, bien que souriants et amicaux, n’en étaient pas moins en armure lourde. Les dix Nains se doutaient qu’une humaine ne pouvaient pas représenter une menace, mais le monde était plein de surprises, et on ne pouvait être sûr qu’il ne s’agissait pas d’une magicienne ou assassine Rebelle ou Impériale. A sa désagréable surprise, Aniel constata que ses mains étaient liées dans son dos par une épaisse corde.

Quelques instants à peine après son réveil, la porte du grand salon où se trouvait l’ange s’ouvrit. Entra alors Alaric, en armure de guerre, escorté par deux Nains d’élite. Là encore, on n’était jamais trop prudents. Et le Marquis-Directeur du CMKM était de nature prudente, voire peureuse diraient ses détracteurs.

Le Nain, bien que plus petit que ses subordonnés, donnaient clairement l’impression que c’était lui qui commandait par ici. Commençant par s’incliner légèrement en signe de respect –comme c’est la coutume chez les Nains-, il s’informa tout d’abord de l’état de la jeune femme auprès d’un des miliciens.

- Nous l’avons retrouvé au sud-ouest de la mine de, sur le chemin qui mène à la capitale. Elle était allongée contre un mur, complètement gelée. Si nous étions arrivés une heure plus tard, elle ne s’en serait pas remise. Avec de la chance, elle s’en tirera avec un sale rhume. Sinon, elle peut craindre une pneumonie.

Alaric acquiesça de la tête, jetant un coup d’œil rapide à une carte qu’on lui tendait. Dessus se trouvait l’endroit exact où l’humaine avait été récupérée. Effectivement, elle était encore assez loin des installations du Conglomérat, mais peut-être s’était-elle perdue. Ou peut-être désirait-elle être capturée. Cette dernière hypothèse était la plus effrayante, mais avec tous les soldats dans la salle, elle ne tenterait certainement rien d’idiot. Le Directeur commença donc à poser ses questions :

- Vous vous êtes perdue, humaine ? Vous n’êtes clairement pas équipée pour affronter le froid des Montagnes. Et mes gardes n’ont trouvé presque rien à manger dans vos sacs. Vous vous prépariez à un voyage sans retour ? Un assassinat, peut-être ?

Le manque de tact était caractéristique d’Alaric durant ses interrogations. Autant pouvait-il être aimable et cordial durant des négociations commerciales, qu’il détestait perdre du temps avec des prisonniers et de possibles assassins.

- Nous n’avons pas trouvé d’armes, cela joue en votre faveur. A moins que vous n’usiez de magie. Je me demande malgré tout ce que vous espériez accomplir. Vous vous dirigiez vers la capitale, Tilamus ? Peut-être perpétrer un attentat. Peut-être assassiner un Représentant. Vous étiez encore loin de nos mines, mais si jamais je remets aux autorités un assassin, j’en obtiendrais or et prestige. Mais avant, répondez à cette simple question : Êtes-vous du côté de l’Empire ou des Rebelles ?

Avant qu’elle ne puisse répondre, Alaric continua tout en se caressant sa longue barbe blanche. Un léger sourire apparut sur son visage. Après avoir mis un peu de pression sur l’humaine, il fallait lui laisser voir une lueur d’espoir. Après tout, peut-être était-elle innocente ? Une simple réfugiée ? C’était une possibilité envisageable.

- Et si jamais vous n’êtes pas là pour causer du tort, que venez-vous faire ici ? Les Montagnes sont assiégées. Pas militairement, certes, mais l’Empire grignote nos terres petit à petit, et les Rebelles seraient prêts à organiser un coup d’Etat pour s’assurer du soutien de l’Armée Naine et des forces de la Montagne. Comprenez-moi, je ne demande qu’à vous croire, mais j’ai du mal à comprendre ce que vous faites seule. D’ordinaire, ceux qui viennent jusqu’à Tilamus la rejoignent dans de grandes caravanes, où ils peuvent bénéficier d’une escorte et –surtout- d’un guide.

Je me souviens de cette sensation de froid mordant hors que sur Sylfiria je n'y suis pas habituée. Je me souviens avoir ressenti comme étant transporté. Et cette sensation de douceur peu épaisse sur le dos si bien que cela donne l'impression d'être au sol. Puis cette chaleur, celle qui vous décontracte petit à petit qui fait penser à un endroit douillet. Ce qui d'ailleurs me réveille et c'est sans compter sur un bruit de conversation. J'ai envie de passer mes mains sur mon visage pour finir de me réveiller et d'ôter les quelques cheveux qui me gênent devant les yeux.
Mais... mais attendez un instant... Quoi ? Je suis attachée ? Quelle chose étrange. Non pas que je panique mais j'avoue que cela est bien la première fois que cela m'arrive depuis mes deux siècles d'existence. Non... je serai arrivée à destination ? Mais comment ? Ce sont eux qui sont venus à moi ou l'inverse ? Je sais plus. Et un Maître Nain vu son apparence s'incline ? Lentement je lui rend son salue puis je pose mon regard sur mes mains en les écoutant.

Un sourire s'étire. Malade avec un rhume ou avoir une pneumonie ? Cette maladie qui fait tousser et cracher du sang ? Il y a donc un médecin parmi eux ? Je ne me lèverai pas par respect envers cette noble race et je me dois de répondre à celui qui me parle enfin.

Non Seigneur Noble Nain. Je ne me suis point perdue et je ne pensais pas que la nuit tombait aussi vite par chez vous. Et je compte bien rentrer chez moi par la suite. dis-je sans mal prendre le ton légèrement bourru de mon interlocuteur.

Il n'a pas l'air si méchant au fond. N'est-ce pas le propre d'un nain d'agir ainsi ? Se caresser la barbe quand il parle pour tenter d'impressioner les gens ? Cet être de petite taille me fait légèrement sourire. Pas pour me moquer, bien au contraire, mais j'aime sa simplicité apparente.
Puisqu'il évoque des armes, je ne peux m'empêcher d'essayer de toucher ma hanche où se trouvait mon grand bâton faisant la même taille que moi.

Maître Nain, je ne suis pas du tout une faiseuse de magie. Je ne suis que moi. Enfin une soigneuse venan de Sylfiria. Je ne cherche pas à assassiner quiconque. Je ne fais que chercher non pas un bon mais le meilleur forgeron qu'il soit. Comme je viens de dire je vient des nations de Ciel. Je viens incognito.

Je vais prendre le temps qu'il faudra pour leur prouver ma bonne foi. J'attends donc qu'il me détache les mains et je lui expliquerai le reste après.

La femme semblait sincère. Sans se douter de l'origine angélique de son interlocutrice, Alaric considéra la raison de sa venue. Ainsi, elle était venue chercher les meilleurs forgerons Nains ? Ces derniers lui seraient très certainement inaccessibles.

Les meilleurs des meilleurs forgeaient jour et nuit pour les troupes d'élite de l'Armée Naine, et la Garde de Pierre des Représentants. Les armes et armures ainsi produites étaient d'une qualité inimaginable pour le commun des mortels. La Garde de Pierre, en plus d'être une protection pour les Représentants, était également une troupe de choc quasi-indestructible sur le champs-de-bataille. Ces soldats d'élites ont encore aujourd'hui une place non négligeable dans le potentiel de dissuasion militaire de la Montagne, retenant les armées impériales de se jeter à l'assaut.

Les forgerons ouvert à tous étaient bien plus nombreux. Et les meilleurs de ceux-là avaient été recrutés par le Conglomérat, dans une stratégie de montée de gamme datant de plusieurs décennies. Là où les autres compagnies naines s'étaient concentrées sur la production de masse, le Conglomérat de Kael Modan avait préféré produire des armures et des armes de très grande qualité, quitte à devoir imposer des délais importants à ses clients. Cette stratégie s'était révélée gagnante.

- Si vous cherchez les meilleurs, vous avez frappé à la bonne porte, ma p'tite dame. Nous sommes plutôt orientés vers la production de séries de plusieurs dizaines d'unités, mais si votre bourse est assez bien remplie, le CMKM peut vous produire un équipement unique.La jeune femme ne semblait pas particulièrement riche. En dehors de son bâton, son équipement était des plus quelconques. Elle ne risquait pas de pouvoir se payer un équipement congloméré. Et Alaric ne faisait jamais dans la charité. En revanche...

- Vous dites être une soigneuse, fille du Ciel ? Je dois avouer qu'on ne voit pas beaucoup d'entre vous par ici. Plus depuis... Eh bien, vous savez, l'invasion. On a bien quelques réfugiés installés à la capitale, ou dans quelques villages aux alentours, mais rien de plus. Je me rappelle qu'autrefois, votre peuple était grand demandeur d'armures cérémonielles. Après réflexion, peut-être aurait-il mieux fallut vous livrer en armures de guerre...Le Nain retira son casque, et le posa doucement sur une table non loin. Pour les Nains, c'était un signe de confiance. Pour une raison qu'il ne saurait s'expliquer, cette femme lui inspirait confiance. Comme si une aura de bienveillance l'entourait.

- Sachez que votre identité restera secrète si vous le souhaitez. Tout comme celle de tous nos clients qui en font la demande. J'ai cru voir que votre pécule n'était pas très conséquent. Je ne peux vous offrir ce que vous demandez, mais... Il se trouve que j'aurais un travail pour vous. Vous pouvez soigner, si j'ai bien compris ?

Cela était cohérent. Les soigneurs étaient nombreux, en Ciel, et ce depuis toujours. Dans les souvenirs d'Alaric, seule l'Eau disposait d'un aussi grand potentiel de soin. Si la magie curative aquatique prenait du temps, la magie céleste était bien plus prompte à rétablir les blessés sur leurs peids.

- Je n'ai pas besoin d'un soigneur à temps plein. Le travail de mineur ou de forgeron n'est pas si dangereux que cela, et mes miliciens sont bien entraînés et -forcément- bien équipés. En revanche, il se trouve que j'ai eu quelques... Troubles, récemment. Des Rebelles renégats qui se sont lancés à l'assaut d'une de mes mines.

Quelques Nains lâchèrent une poignée de jurons. Il y avait eut plusieurs morts. De bons Nains, innocents, assassinés sans avoir la chance de pouvoir se défendre. Si le gouvernement Rebelle avait été responsable, Alaric aurait déjà rejoint l'Empire. Mais ce n'étaient que quelques chiens errants, pas de quoi prendre des mesures démesurées.

- Beaucoup ont été blessés. Les Nains sont robustes, nombreux sont ceux à avoir déjà récupéré. Cependant, j'ai deux cas particulièrement préoccupants. Deux miliciens. Le premier a été entaillé au niveau du cou. Il a perdu beaucoup de sang, et est toujours dans un état instable. Le second a reçu un coup de poignard dans la hanche. Problème, l'arme rebelle était rouillée, et la plaie s'est infectée. Si vous les soignez, je vous préparerai une arme et une armure de très bonne facture. Vous vous sentez à la hauteur de la tâche ?

Une dizaine d'unités? Je n'ai besoin que d'une unité mais de très délicat. Je vous sais nobles forgerons naniques de très haute efficacité. J'ai besoin d'une arme, qui ne le soit pas en apparence. Encore plus complexe qu'une canne épée. lui donne-je ainsi la raison de ma venue dans les Terres de Montagne.

Même les mains encore liées, je ressents comme une sorte de climat de fierté qui ne me déplaît pas pour autant. Oui, j'ai l'audace de dire que je les comprends, voir même de commencer à les apprécier. Oh ! Le Noble Seigneur Nain retire son casque ?! Puisqu'il en est ainsi, je vais être totalement honnête avec lui.

La fille du Ciel que vous avez devant vous est originaire de Sylfiria. Je suis une archange. Seigneure Aniel Malakhya, déchue par l'invasion d'Aile Ténébreuse.

Je dois avouer que cela me fait étrange de décliner mon identité devant tant de Maîtres Nains puisque mon interlocuteur n'était pas seul. Désormais, je risque à tout moment de me faire arrêter par ceux que l'on appelle les bleus, ou les démons, ou bien encore les Pros d'Aile Ténébreuse.

Je vous remercie chacun pour ce que vous faites déjà. dis-je d'une voix douce et naturellement posée.

Je ne peux qu'écouter ce que le Noble Nain à barbe blanche veut bien m'expliquer. De voir les siens râler, manifester leur mécontentement, leur total désaccord me fendille le coeur. Quant à la requête de soins envers eux, je ne peux pas, je me dois d'accepter sans détour. Non je ne peux pas me permettre de perdre plus de temps. Je dois m'y mettre dès que possible. Un peu plus je dirai bien "mes amis".

Si vous avez la bonté de me détacher les mains, puis de me mener vers vos blessés, je me ferai un honneur de faire tout ce qui m'est possible. réponds-je le plus humblement de tout Terra Mystica.

- Ouaip, c'est exact ma p'tite dame. Mais n'ayez crainte, même si nous sommes spécialisés dans la production d'armures en nombre pour des groupes d'élite, je vous assure qu'on vous fera une arme splendide. Vous dites ne pas vouloir de canne-épée... Vous avez une idée en tête, ou vous me laissez complètement libre de ce que je vais vous préparer ?

L'assurance évidente d'Alaric s'estompa quelques peu lorsqu'il apprit l'identité de la femme que ses nains venaient de recueillir. Un archange ? Le Directeur n'était pas expert dans la hiérarchie du Ciel, mais cela semblait être extrêmement haut-placé. Raison de plus pour lui faire une arme à la mesure de son rang. Et... Eviter toute indiscrétion. Mais alors qu'il inclinait cérémonieusement la tête en signe de respect, l'un de ses gardes s'approcha timidement :

- Marquis-Directeur, je me dis que peut-être... Il nous faudrait envisager l'éventualité... Elle représente certainement un sacré paquet d'or pour les autorités impériales, et cela pourrait nous mettre dans leur bonne grâce pour négoci...

L'impudent n'eût pas le temps de finir sa phrase qu'Alaric lui décocha sans coup férir un violent coup de poing dans la mâchoire. Le garde retomba sur le dos, sonné. Tous restèrent stupéfaits un instant, mais nombreux étaient ceux à avoir déjà compris que l'avenir du pauvre garde n'était pas brillant.

- Comment OSES-TU parler de TRAHISON... Sous MON PROPRE TOIT ?! Alors maintenant, tu me dis qu'on devrait revendre cette pauvre jeune femme que nous venons de secourir pour un coffre d'or ? Pourquoi n'apportes-tu pas ta propre mère à Aile Ténébreuse, chien galeux ?!

Il n'y avait pas pire acte dans la culture naine que la trahison. Et la maison des Alaric était très à cheval sur ce genre de principe. Le Conglomérat était expert dans la désinformation commerciale, mais jamais au grand jamais n'avait-il trahit quiconque. Le Directeur n'en tirait pas vraiment de fierté personnelle. Cela lui semblait tellement évident qu'il s'offusquait à chaque fois qu'il voyait les humains se vendre l'un l'autre pour une bouchée de pain. Alors entendre une telle proposition de la bouche d'un de ses propres miliciens...

- En plus, tu voudrais vendre un client, n'est-ce pas ? Allons-y, commençons à capturer les Rebelles qui viennent nous acheter des armes, et revendons-les aux Impériaux. Et capturons les Impériaux qui viennent nous apporter la récompense, pour ensuite les revendre aux Rebelles. Je suis sûr que tu serais un Directeur bien avisé.

Le nain commençait à reprendre ses esprits, et sa tête était rougie par la honte. Il savait pertinemment qu'aucun de ses camarades ne viendrait à son secours. Il était allé trop loin. Trop jeune qu'il était.

- Mais Directeur, ce n'est même pas une cliente.. Elle ne nous octroiera aucune pièce d'or...

C'était le mot de trop. Alaric lui écrasa sa botte d'argent en pleine figure. Le Garde perdit quelques dents au passage, mais il pouvait s'estimer heureux de ne pas avoir été exécuté sommairement. Tout cela devait sembler étrange aux yeux de l'Ange, mais l'affront était aussi grand que si un Impérial demandait à un lieutenant d'Aile-Ténébreuse s'il pouvait lui arranger une soirée coquine avec l'Ange Noir.

- Encore une phrase, un mot, et c'est toi que je vais offrir aux Impériaux, en leur expliquant gentiment que tu préparais un attentat avec d'autres Rebelles contre Aile-Ténébreuse. Je me demande combien de temps tu tiendrais face à leur torture avant de leur donner des noms imaginaires. Et encore plus curieux de voir leur réaction une fois qu'ils réaliseront que tu t'es joué d'eux.

Alaric claqua des doigts, et deux autres miliciens vinrent relever l'impudent nain. Ils l'escortèrent doucement en dehors de la salle tandis que le Marquis prononçait sa sentence finale.

- Tu aimes donc tant l'or ? Eh bien, je vais satisfaire ton envie de voir des choses qui brillent. Tu seras de travaux de lustrage, sur toutes nos armures, quatorze heures par jour, tous les jours, pendant trois ans. J'espère que cela te remettra les idées en place. Et soit heureux de ta sanction.

Une fois ce petit interlude effectué, Alaric reconcentra son attention sur l’Archange. Il lui offrit un sourire navré, en guise de consolation pour ce regrettable incident. En aucun cas un client potentiel ne devait se sentir effrayé, et cela avait failli être le cas ici à cause du jeune milicien. En plus de la sympathie évidente qu’Alaric éprouvait pour la jeune femme -à cause de son aura angélique ?-, une archange qui retrouverait ses terres et ses sujets pourrait être une source de contrats particulièrement intéressante.

- Ne vous en faites pas, M’dame, il ne vous sera fait aucun mal. Je vais affecter deux gardes d’élites, des nains de confiance, à votre protection permanente. Plus par mesure symbolique que par réel danger. Et que quelqu’un la détache ! Ce n’est pas ainsi qu’on traite un client, par ma barbe.

Sitôt libérée, Aniel fut escortée jusqu’à une infirmerie, qui se trouvait non loin. En une poignée de minutes, elle pénétra dans la petite salle, où se trouvait une douzaine de lits. Vu que les Nains l’appelaient « l’infirmerie », elle en déduit qu’il n’y en avait qu’une seule. Sa petitesse reflétait le fait que les Nains du Conglomérat n’étaient pas prêts à faire la guerre. Ils souhaitaient simplement commercer, et assurer la protection de leurs terres. Ainsi, des centres de soins trop importants n’auraient été qu’une dépense inutile.

Deux nains étaient allongés, tous deux conscients, mais bien mal en point. Tout comme Alaric –qui accompagnait toujours l’Archange- avait prévenu, l’un d’entre eux avait reçu une blessure qui s’était infectée, tandis que la pâleur de la peau du second confirmait qu’il avait perdu bien trop de sang.

- Je vous laisse faire, M’dame. Comme promis, si vous arrivez à les soigner, vous aurez votre arme. Faites de votre mieux, mais n’insistez pas, si vous sentez que vous ne pouvez rien faire. Nous ne vous en tiendrons pas rigueur. Le plus important étant de ne pas faire s’empirer leur état… Ce sont de braves et loyaux nains. Je ne veux pas les perdre.

Avant toute chose, comme mon interlocuteur avait ôté son casque, par politesse et surtout respect, je passe mes mains encore liées sur mon visage et ma tête pour ôter ma capuche laissant ainsi mes cheveux dorés apparaître jusque sous mes omoplates.

Je m'apprête à répondre à la question sur les détails voulus de la fameuse arme tandis qu'un de ses gardes intervient. Ce qui fait, naturellement que j'entrouve mes lèvres. Ce que je craignais tout à l'heure arrive donc. Un hoquet puis reculer en restant assise, sous l'effet de surprise est ma réaction. Bien qu eje me reprenne vite afin d'écouter chacun et de me préparer à l'éventualité à être livrée. Après tout, dans un sens j'en étais consciente quand j'avais pris le départ de ma demeure pour pouvoir armer Uriel en toute discrétion. Uriel... cet ange, le meilleur ami de feu mon père. Cet être qui avait toujours pris la défense de mon père et qui l'avait aidé à sauvé une grande partie des habitants lors de l'invasion de l'Ange Noir. Ce fameux ami qui m'a reconnu, celui-ci qui n'a pas eu honte de demander l'aumône ayant tout perdu. Lui qui désormais est un être capable de voler mais boîtant.
Oui, pour lui je vais garder mon honneur et mon respect. Pour lui je ne dois pas avoir peur et dois reprendre confiance.

Mais voici que mon interlocuter, Marquis-Directeur, comme les siens l'appelle, se fâche et frappe l'imprudent. Néanmoins je les comprends tous les deux dans un sens.Bien sûr que cela serait intéressant pour Aile Ténébreuse de savoir que l'apparente jeune femme qui a "pris" un domaine ravagé, qui s'en sert comme un petit hospice, n'est pas si humaine que ça, qu'en plus elle est l'héritière légale du domaine, et qu'en plus c'est une archange.Non mais il a raison le petit jeune. Quoi de mieux de me livrer pour avoir encore plus de considération que la Conglomération a déjà ? Oui je me retiens d'intervenir et je les laisse agir attendant qu'ils terminent et que je puisse répondre au plus sage.

Voilà... le temps de répondre est venu. Voyant la mine désolée du Noble Maître Nain, comme j'aime à respecter, je ne peux que lui rendre un sourire compatissant et bienveillant. Non je ne pporte pas le moindre jugement.

Marquis-Directeur, je me fie à votre savoir et je vous laisse entièrement libre à votre imagination quant à la fabrication de cette arme. Je ne veux pas la guerre mais je n'ai que de coeur à protéger les êtres blessés. commence-je àdire pour établir la situation une bonne fois pour toute.

Alors que les siens viennent me détacher les mains, je les frotte un peu puis les regarde à nouveau en leur adressant un "Merci." Je dois avouer que cela me fait étrange de me faire escorter car cela me fait replonger tout de même deux siècles en arrière quand je voulais sortir acheter des pâtisseries pour les gens du domaine pour les remercier. Et cela, c'était avant. Avant que nous devions prendre la fuite et retrouver le domaine détruit.
L'escorte est tout de même agréable que je me laisse guider en regardant le moindre détail, les moindres nains qui se trouvaient sur notre passage. Je ne perds pas le sourire et je suis même entrain de me dire que je leur rendrai bien une nouvelle visite un jour, peut-être.
Arrivée dans leur pièce de soins, leur infirmerie, je fais bien attention de ne pas déranger afin de mieux observer. Je me rends à chaque lit pour pouvoir établir un ordre de priorité. Je recule dans le coin le plus espacé et le plus grand sans matériel, libre de tout afin de faire apparaître mes ailes. Je les laisse repliées dans mon dos pour ne pas déranger.
Je m'approche en douceur du nain qui avait une pâleur à faire peur un non averti, une de ces pâleurs à faire croire qu'il était devenu un vampire. Mon aura blanc/argenté devient parme puisque je m'apprête à user de mes capacités pour soigner.

Bonjour. Je me nomme Aniel. Je vous demande non pas de ne pas avoir peur mais de me faire confiance. Je vais essayer de vous soigner. dis-je avec douceur tout en les regardant tour à tour, y compris Maître Nain.

Vous pouvez rester Maître Nain si vous voulez observer comment une archange soigne. Vous ne verrez pas cela tous les jours. l'invite-je par bienveillance et respect. Il verra ainsi que je ne leur veux aucun mal.

Je m'agenouille alors que j'entame mon "Chant des Chérubins" préférant par commencer par l'âme avant les blessures. Pour cela je ne fais que chanter près du blessé.

Spoiler:

Puis par la suite, sachant que le nain blessé n'était pas encore tout-à-fait sur le point de passer de vie à trépas, je peux essayer de le garder en vie. Avec douceur et lenteur et précision je pose mes mains sur lui. Ma "Lueur Séraphine" fait qu'une lumière et une chaleur douces se dégagent afin de passer dans tout le corps de l'alité.

C'est une blessure de niveau trois pour moi. Quand je em serais occupée de lui, j'aurai besoin de vous pour m'allonger un peu dans un espace aéré. J'aurai besoin d'un peu de repos avant de m'occuper de votre autre travailleur. m'explique-je.

Puis, je me remets à ma capacité afin de soigner. Je ferme les yeux pour pouvoir me concentrer. Environ deux minutes de soin. Mais je ne connais pas le temps qui passe. Je ressens que la guérison du nain se fait et qu'il aura besoin d'encore un peu de repos. Quant à moi, je ressens l'énergie me quitter peu à peu que je suis sur le point de perdre connaissance, ma première tâche accomplie.

La capacité de soin de l’archange était proprement stupéfiante. Elle ne travaillait pas du tout comme les alchimistes Nains, qui usaient de nombreuses potions pour guérir les blessés. Cette femme, quant à elle, semblait user de magie pure et de chants ancestraux, qui semblaient faire partis du rituel. Lorsqu’enfin la lueur céleste s’éteint, de nombreux nains restent bouche bée. Presqu’aucun n’avait encore vu d’archange en action.

Sitôt la séance de soin terminée, plusieurs alchimistes entrèrent pour examiner le premier nain blessé. Il ne leur fallut que quelques secondes avant de rendre leur verdict : La guérison était presque totale. Un « véritable miracle ». Autant dire que le directeur était plus que satisfait.

- M’dame, je vous avoue que j’avais quelques doutes. Non pas quant à votre bonne foi, si vous me permettez, mais concernant votre capacité à soigner mes nains. Maintenant, je ne peux plus que m’incliner. Vous avez sauvé ce nain. Et pour cela, je vous suis grandement reconnaissant.

Tandis que la jeune femme s’effondrait sur une chaise, Alaric claqua des doigts. Quelques instants plus tard, un serveur portant plusieurs rafraichissements entra en trombe. Il jeta plusieurs longs coups d’œil au nain anciennement blessé, et qui avait déjà retrouvé quelques couleurs, avant de présenter une chopine de bière à Aniel.

- Buvez, m’dame. Vous avez bien travaillé, vous avez besoin de force. Je vais demander à ce qu’on commence à préparer votre arme. J’ai déjà ma petite idée. Une arme en argent vous conviendra, je présume ?

A nouveau escortée, Aniel fut emmenée jusqu’à une chambre à taille humaine, préparée à la base pour accueillir les négociants venant de Terre. Une bonne nuit de sommeil plus tard, un petit déjeuner copieux à base de viande de porc fumée et de bière, typique de la Montagne.

Alaric se présenta à elle, les yeux cernés par la fatigue. Il avait passé la majeure partie de la nuit à s’occuper d’affaires administratives, et à négocier un contrat d’approvisionnement avec une mine près de la frontière sud de Montagne.

- J’espère que vous avez récupéré, m’dame. Votre arme est cours de production, à la forge. Est-ce que vous vous sentez prête à soigner l’autre nain ? Son état est relativement stable, si vous souhaitez rester une journée supplémentaire, vous serez mon invitée. Je ne pourrai vous faire visiter personnellement, mais si vous avez besoin de temps, n’hésitez pas.

- M’dame, je vous avoue que j’avais quelques doutes. Non pas quant à votre bonne foi, si vous me permettez, mais concernant votre capacité à soigner mes nains. Maintenant, je ne peux plus que m’incliner. Vous avez sauvé ce nain. Et pour cela, je vous suis grandement reconnaissant.

Ce digne et noble Seigneur Nain me fait sourire avec sincérité et reconnaissance lors de ce compliment. Mais je ne peux plus tenir que je tombe sur la chaise. Un des leurs m'apporte une boisson bien fraîche. A en juger par l'odeur c'est de la... bière. Oui je vais la boire en douceur car je ne veux en aucun cas blesser leur fierté. Paraît-il que ce sont les meilleurs et de fins connaisseurs en ce qui concerne la bière.

Oui pour l'arme. Je vous laisse entièrement libre choix. dis-je avec douceur et fatigue.

Je dois tenir néanmoins je n'y parviens pas. Tant et si bien que l'escorte, comme demandé avant le soin, m'emmène dans une bien agréablement aérée au gré du vent. Un bien fait de la nature. Aussitôt allongée que mes ailes répondent d'elles-mêmes pour m'envelopper et que mon aura se pare de parme foncée signalant que je récupère lentement mon énergie. Pour que vous puissiez comprendre, cela me fait comme un courant d'une multitude de petits frissons électriques se dirigeant paresseusement vers une chute d'onde moins importante que celles du Niagara. Mon réveil est des plus agréables. Certes pas de senteur douce, suave, sucrée, fleurie, fruitée mais épicée, moyennement forte. Quelqu'un avait cuisiné plus tôt et je ne m'en suis pas rendue compte.
Je me fais escortée jusqu'à la salle où je me plie un peu tant pour leur respect mais la hauteur de la pièce également. Pour être présentable, je leur parais telle une humaine. Le repas est pour le moins étrange mais goûtu.
Voici que rentre mon "bienfaiteur", les yeux cernés de fatigue. Par respect, je me lève et attends qu'il s'assied.

Je suis prête à soigner votre second blessé. Néanmoins, vous allez me faire le plaisir de vous reposer ne serait-ce qu'un peu. Imaginez si vos confrères et employés vous voient vous effondrer. Laissez-moi vous aider pour votre âme. Ce serait un honneur. fais-je sereinement en m'approchant de lui lentement.

Bien que le Seigneur Directeur n'est pas blessé physiquement, je me demande si l'apaisement de son âme pourrait l'aider. Non je ne veux pas faire de teste sur lui, simplement l'aider. Avec douceur, je pose mes mains sur ses épaules et m'agenouille pour être à sa hauteur. J'hoche la tête puis déploie mes ailes pour nous envelopper tous les deux. Alors s'entame mon "Chant des Chérubins". Au bout d'une petite minute je lui dépose un baiser de respect sur le front, me relève, réabsorbe mes ailes, afin de me diriger vers mon dernier patient. Bien sûr, je n'attends pas la réaction de leur supérieur en chef.

Déjà, les blessures de cet alité sont en voie de guérison. A part, une plaie infectée près de l'artère fémorale.

Pourrais-je obtenir des linges propres, une sorte de scalpel, de l'eau chaude et de l'alcool ? m'enquis-je aussitôt car en frôlant simplement l'endroit, il y avait comme une... non incroyable, pas ça... une sorte de petite chose qui bouge. Cela devient urgent, et mon intervention céleste pourrait affoler cet être plutôt qu'autre chose.

Dernière chose... Où votre employé s'est-il rendu avant cet état ? demande-je en attendant que l'on m'apporte ce que l'on me demande.

La jeune ange était volontaire, et cela, Alaric ne pouvait que le respecter. Elle mangeait et buvait ce qu'on lui donnait, bien qu'il fût aisé de lire sur son visage que ce n'était pas ce à quoi elle était habituée.

Le premier nain soigné était déjà debout, par on ne sait quel miracle. La magie céleste était décidément plus qu'impressionnante. Les potions de soin des alchimistes nains étaient certes sans égales, mais pouvoir faire revenir de la frontière des morts un nain en si peu de temps...

Tout en considérant les possibilités économiques, Alaric se rappela qu'il parlait avant tout à une cliente. Elle était venue jusqu'ici en bravant le vent mordant, et peu importait qu'elle paie en nature, il fallait surtout honorer sa commande. Une paire d'habiles forgerons étaient déjà sur le coup, pour construire cette arme pour le moins inhabituelle.

L'ange s'intéressa à la condition du Directeur, s'inquiétant de sa fatigue. Il n'eut pas le temps de pouvoir se défendre qu'elle entama sa bénédiction. Nul ne l'interrompit, et aussi étrange que cela puisse paraître, Alaric se sentit revigoré. Comme après une bonne nuit de sommeil. Ou plutôt comme après une nuit de sommeil après une semaine de vacances au Festival de la Bière Naine.

- Sachez qu'il faut plus qu'une simple veillée pour mettre à terre un Alaric, m'dame. Nous autres Nains ne tombons pas aussi facilement que des humains. Mais ce que vous venez de faire... Par ma barbe, si vous cherchez du travail, je veux bien vous employer à temps plein pour que vous revigoriez mon mental, et celui de mes subordonnés !

Après un rire franc de la part du Directeur et de l'assemblée des Nains qui finissaient de petit-déjeuner vint le temps de s'occuper du second blessé. Après avoir terminé de manger, tous se dirigèrent vers la salle de soin. Tous restèrent poliment devant l’entrée, à l’exception d’Ariel et d’Alaric. Deux alchimistes et autant d’assistants étaient déjà à l’œuvre. L’état du blessé s’était aggravé depuis une poignée d’heures.

- Que se passe-t-il ? Je suis passé le voir il n’y a pas si longtemps, et il était encore stable. Qu’est-ce qui lui arrive ?

Les alchimistes ne purent donner d’autres réponses que de hausser simultanément les épaules, exprimant ainsi clairement leur incompréhension. Le Marquis se tourna alors vers Ariel, qui s’y connaissait sans doute davantage en soin que les alchimistes, plus habitués à préparer des potions et des onguents qu’à les utiliser.

L’ange demanda ensuite plusieurs affaires, qui semblaient être la base. Le scalpel était déjà là, de même que le linge propre. Un Nain s’avança avec une bière à moitié entamée, qu’Alaric refusa d’un geste agacé de la main.

- Allez chercher de l’alcool à brûler, plutôt. Si vous n’en trouvez pas, prenez la Cuvée Spéciale. Et de l’eau chaude. Allez prendre l’eau filtrée des forges, elles sont pures et presque à ébullition.

Une petite troupe de Nains se dispersa, allant chercher les liquides demandés. Alaric se demanda pourquoi est-ce que quelque chose d’aussi élémentaire que de l’alcool désinfectant n’était pas à portée de main dans sa salle de soin, mais il aurait le temps de s’en occuper plus tard. Peu après, Ariel posa une question qui piqua la curiosité du Nain. Savait-elle quelque chose ?

- Eh bien, il était en garnison dans notre mine d’argent depuis trois semaines. Avant cela, il avait été mobilisé pour escorter un convoi jusqu’à la frontière impériale. Et avant cela, il était en poste ici, au QG du CMKM. Pourquoi demandez-vous cela ? Est-ce que quelque chose ne va pas ?

J'étais ravie de voir le nain que j'avais soigné la veille en si bonne santé. Contente de voir qu'il était déjà debout, et j'espérais qu'il n'en fasse pas trop par fierté.

Non, non, non et non. Je ne peux décemment pas laisser cet être noble de petite taille, le second, souffrir en attendant que ses collègues apportent ce dont j'ai besoin. Tant pis, je tente le tout pour le tout. J'entame mon chant pour apaiser l'âme néanmoins encore plus en murmure que d'habitude. Mes craintes, sont donc fondées. Je vais donc avoir besoin d'un coussin pour le coincer sous mes genoux car je me tiendrais à leur hauteur pour ôter cette bête encore plus terrifiante qu'une vermine. Le xylantias. Je vais passer quelques heures à l'extraire le plus lentement possible. Si je leur explique, peut-être que quelques-uns des alchimistes souhaiteraient m'aider. Mais voici que ce cher haut dignitaire nain me pose la question.

Noble Directeur... Votre blessé abrite un... un xylantias. dis-je avec calme. Cette chose est une sorte de vers gris qui devient blanc au fur et à mesure qu'il se nourrit. Celui-ci mesure aussi long que votre doigt et aussi fin que le mien. Je ne veux pas vous faire peur mais je me dois de vous avertir qu'aucune magie n'est efficace contre lui. Votre alité ne sent rien du tout car lorsque le vers mord c'est comme s'il injecte une sorte d'anesthésiant. Il n'a qu'un objectif, celui de rentrer dans une veine. Inutile de vous expliquer la suite ? m'enquis-je cachant mon inquiétude quant au sujet du malade.

Bien, tout ce dont j'avais besoin arrivait et me dois de commencer de suite.

Faites-le boire et mordre un bâton si vous craignez pour lui. demande-je avec douceur.

Je me saisis du scalpel que l'on me tend puis le pose sur la cuisse. Je ne peux m'empêcher de les regarder car il s'avère que c'est ma première "chirurgie" de cette importance. Il va leur falloir tenir fortement le futur opéré. L'incision est faite, mais le vers vient de monter un peu plus haut. Espérons qu'un des alchimistes a une sorte de pince longue et fine. Pour le moment, pas trop de sueur froide.

Les yeux du seigneur Nain s'écarquillèrent lorsqu'Aniel commença à décrire le parasite. Tous les Nains présents en restèrent bouche bée, et plusieurs chuchotements incessants se répandirent en dehors de la salle. La première réaction d'Alaric fut de se retourner vers ses Nains.

- Que tous ceux qui ne sont pas essentiels aux soins ou à la défense retournent travailler. La situation est plus complexe que prévu. Allons, faites place. Maintenant !

La plupart des Nains repartirent, certains en traînant des pieds et se retournant régulièrement vers leur ami, d'autres en courant franchement par peur de ce "Xylantias". D'autres gardes arrivèrent, s'enquérant des instructions d'Alaric.

- Je veux que la zone soit bouclée, par mesure de précaution. Trois gardes par porte. Et j'en veux cinq devant la salle de soin. Et tout de suite, pas pour le souper !

Pendant que le Marquis donnait ses instructions, un alchimiste donnait de l'eau au blessé, conformément à la demande d'Aniel. En guise de bâton, en revanche, le "médecin" donna un grand coup de chope sur la tête du blessé, le plongeant dans l'inconscience. Pour l' "endormir". Ce qui provoqua la surprise d'Alaric, mais pas sa colère.

- Tu aurais pût lui donner ta potion de somnolence, s'eût été moins radical. Ah, elle était bien loin ? Bon sang, pourquoi n'avons-nous rien dans cette salle de soin... L'UNIQUE salle de soin du QG. Enfin... M'dame Aniel, je vous fait confiance. Mais au moindre problème, on l'ampute. C'est un bon Nain, mieux vaut pour lui perdre une jambe que la vie. Au fait, est-ce que ce parasite est contagieux ? Peut-il s'attaquer au personnel médical ?

Un alchimiste repartit sitôt en dehors, accompagné d'un garde, pour chercher du matériel en prévision de l'amputation. Pas pour couper, non. Une hache de guerre Naine était largement suffisante. Mais pour stopper l'hémorragie. Encore une fois, Alaric se demanda qui avait bien pût s'occuper de cette salle de soin pour la remplir de bière et de viande, en oubliant les éléments basiques.

- Et que quelqu'un aille chercher une torche ! Si jamais ce ver sort, je veux qu'on le brûle. Ce sera encore le plus simple. Maintenant, Aniel, c'est à vous. Faîtes votre possible. Et si jamais il faut... Prévenez-moi.

Le Directeur sortit sa hache tout en prononçant cette dernière phrase. Il était on ne peut plus sérieux quant à l'amputation. Pour lui, la priorité restait la survie de ses hommes, et, évidemment, empêcher une infestation de ces créatures dans son propre QG.

Plus le temps s'égraine, plus je ne peux qu'approuver la perspicacité et vivacité d'esprit de mon hôte. Un peu encore et nous pourrions presque travailler de concert sans beaucoup communiquer. Oui, nous pouvons dire que nous nous comprenons un peu. Un petit hoquet de surprise s'empare de moi. Mais cela vient de leurs us et coutumes je suppose, que très vite je retrouve un léger sourire sans signification particulière. Ce n'est pas qu'ils me donnent envie de rire dans leur manière d'agir mais pas loin.

Il me donne sa confiance et je vais l'honorer du mieux que je peux. Pour l'en remercier, j'hoche la tête en douceur.

Lentement, après avoir plonger la pince fine dans une solution d'alcool fort, je l'insère dans l'ouverture que j'avais précédemment faite. Je n'aimerais pas être à la place de l'opéré, bien qu'il dorme, son esprit et sa chair en sont abîmés, torturés, et l'âme doit tourner en rond attendant de réintégrer son corps lorsque la "vermine" sera extirpée. Une réparation, une purification sera nécessaire dans l'absolu. Je n'ose penser à sa panique lorsqu'il sera réveillé. Car cette chose innommable lorsque l'être est endormi cause les pires cauchemars provocant ainsi des réactions musculaires.

Ah ça y est, j'arrive enfin à avoir le bout du xylantia, espérant que j'ai sa petite gueule et non pas la queue. Car si c'est ce que je crains, le nain s'en sortira avec un déchirement musculaire, puis mon travail sera plus long encore. Posément je tire le vers. De fines gouttelettes de sueur froide me perlent le front, et je ne peux faire d'autres gestes, au risque de déchirer la chose en deux. Faites qu'un nain m'éponge un peu, cela risque de tomber sur le blessé et je ne me le permettrai pas.

J'y suis presque. Pas de flammes, il risque de doubler de volume, je vous prie. ne puis-je m'empêcher de murmurer.

J'ose penser que cette vermine n'est pas le fruit de Yehadiel. Cette petite chose ignoble qu'est le Xylantia non seulement est agressif à la magie mais en plus double de volume quand on tente de le tuer par le feu. C'est tout ce dont je me souviens de mes études sur lui.

Pour le moment tout va bien, la moitié de ce truc est tiré du corps. A moitié. Et oui je l'ai eu par la tête. Un miracle. Je prie les êtres célestes pour qu'il n'y ait pas de soucis de dernier instant.

L'opération se déroulait doucement, dans un silence assourdissant. Les Nains présent n'osaient pour la plupart même plus respirer, retenant leur souffle de peur que celui-ci ne perturbe l'opération de précision qui avait lieu là. Alaric observait à une distance respectueuse.

Il aurait voulu lui demander si tout allait bien, si elle avait besoin d'aide, ou d'équipement... Ou que les Nains quittent la salle. Mais plus personne n'osait faire le moindre geste. Le Directeur laissa l'Ange s'occuper du patient sans dire mot, et sans bouger un muscle. Même lorsque les gouttes de sueurs se mirent à perler, il n'osa intervenir pour l'éponger, de peur que cela la déconcentre de son travail.

Finalement, petit à petit, l'infâme parasite arrive à la surface. Il ne fallait donc pas le brûler ? C'est pourtant ce qu'aurait mérité cette ignoble créature. Alaric, comme l'immense majorité des êtres pensants, avait en horreur toute forme de vie parasitique, et notamment les vers. Il se surprit à devoir réprimer un haut le cœur en apercevant le "xylanthia" émerger.

La tension était à son comble. Alaric attendait juste que l'ange sorte le parasite du corps de son employé pour couper le monstre en deux d'un coup de hache. Suite à quoi il le recouperait encore, et encore, pour finir par le brûler quand même. Et pourquoi pas finir en le jetant dans la lave de la Grande Forge. Alors seulement, il pourrait considérer l'opération comme véritablement terminée.

En tout cas, il se félicita d'avoir une soigneuse émérite comme elle. Si elle n'avait pas été là, le Nain serait mort, et le parasite festoierais sur son cadavre. Mais tandis qu'Aniel se préparait aux dernières phases de l'extraction, il ne pouvait s'empêcher de réfléchir à toute allure quant à où ce malheureux Nain avait bien pût attraper une telle monstruosité.

Aidez-moi un instant. demande-je alors que personne n'ose m'essuyer le front.

Mine de rien, ce xylantia n'est pas un poids plume. Non seulement je ne vois presque plus ce que je fais, mais je commence à faiblir au niveau des bras. Je résiste et prie mentalement Yehadiel qu'il me permette de ne pas faiblir tant que cette chose n'est pas totalement sortie. De plus, je ne peux pas faire le geste de m'essuyer au risque de déchirer la vermine et de devoir recommencer.

Je dois assumer mon rôle d'archange de soins jusqu'au bout. Je ne peux pas faire revenir un mort mais si je peux sauver les êtres de cette "erreur", cette "chose", cette vie sans souffle, alors je dois le faire ! Quoiqu'il arrive.

Les trois quart du ver sont retirés et rien d'important ne se passe à part le silence pesant et pour le moins nécessaire.

Compresse d'alcool. m'enquis-je rapidement.

La partie n'est pas gagnée. Le plus dur reste à venir car le ver ne peut pas se retenir avec ses espèces de micro-dents mais sa queue est toute aussi forte. Malheureusement, celui-ci se met à bouger avec vigueur. je ne lutte pas et suis le mouvement de cette chose pour éviter de le fragmenter. Mais c'est pourtant ce qu'il veut.

Qu'un des vôtres m'aide. Je ne tiendrai pas longtemps. supplie-je presque en regardant le Seigneur Noble Nain Alaric.

Comme je suis à genou, cela est chose aisée pour eux qu'ils viennent poser leurs mains sur les miennes. Ensemble, nous y parviendront peut-être plus facilement. Oui ce mot m'est cher. ENSEMBLE.

Tandis que l'opération poursuivait son cours, l'angoisse montait dans la gorge de tous les Nains présents. Rares étaient ceux à vouloir voir l'immonde parasite, bien que quelques-uns gardaient leurs armes dégainées, prêts à massacrer l'intrus sitôt extrait.

Seul Alaric et un alchimiste restaient aux côtés de l'Ange pour la soutenir. La plupart des autres assistants couraient en tous sens dans le QG, en quête de ressources médicales. Certains gardes, alertés par l'activité, commençaient à se diriger vers le centre de soin.

- Tenez bon, m'dame, vous allez l'avoir !

Ils étaient allés trop loin pour abandonner maintenant. La réussite était trop proche pour envisager l'échec. Il fallait juste faire un dernier effort. Lorsqu'Aniel réclama sa compresse d'alcool, l'alchimiste-assistant se jeta dessus, prêt à la mettre lui-même en place si la femme ne pouvait pas le faire elle-même.

- Enfin, je le vois ! On va l'avoir ! Tenez le coup, Aniel !

La céleste était sur le point de défaillir. Sans elle, le garde Nain n'avait plus d'espoir de survie, avec une telle créature dans son corps. Alaric empoigna l'avant-bras de l'Ange, et soutint son effort de toute ses forces. Ce n'était pas une montagne de muscle, mais comme tous les Nains, il était trapu et particulièrement robuste. Nul doute qu'à eux deux, ils pourraient y arriver...

- On va réussir ! On arrache cette saleté à ton signal !

J'avais tellement l'habitude de soigner seule que je ne voyais pas la besoin de soigner en équipe parfois. C'est ma présence près de la population nanesque qui me fait prendre conscience de cette nécessité. Je me délecte un peu de cet apport. Un nain a enfin osé m'essuyer un peu le front et malheureusement il se serait fait mordre si je n'avais pas lâché une main pour le repousser in-extremis.

Merci beaucoup pour votre aide. réponds-je calmement. Excusez-moi de vous avoir poussé. termine-je en reprenant mon soin.

J'aimerai tant chanter dans ma langue maternelle pour tout le monde mais je sais pertinemment que je risque d'exciter le ver. Je me dois de me concentrer à nouveau. Le fait que le Seigneur Alaric prenne la parole, me conforte. Je vois l'alchimiste-assistant tenir une compresse imbibée d'alcool comme j'avais demandé quelques instants auparavant. La tension est à son comble.

A mon signal...Yeux et gueule. dis-je en regardant tour à tour l'assistant face à moi et le xylantia.

J'espère qu'il brûlera la vue au point d'assommer, de calmer, d'apaiser un peu la vermine que je puisse tirer un grand et unique violent coup pour l'extraire de l'alité une bonne fois pour toute. Mais voici que je suis surprise, agréablement, respectueusement que le maître et seigneur noble nain me tutoie et pose ses mains expertes sur mon avant-bras. Sentir son assurance, sa robustesse au travers de ses mains, je pouvais sentir la vie de la Montagne au travers.

Alors dans un souci de dernier effort, nous tirons un grand coup sec, qui me fait perdre l'équilibre au point de me retrouver sur le dos, la bestiole sur moi. Je ne peux pas bouger, à eux de jouer.

Dans la précipitation et la frénésie de l’opération, Alaric se laissa surprendre comme le premier courte-barbe venu. Il s’attendait à de la résistance de la part du parasite, aussi, lorsque le Nain tira un coup sec en arrière, il mit tout le poids de son corps dans la manœuvre. La créature, sentant sa dernière chance venue, se laissa glisser sans tenter de rester dans son hôte.

La stupeur frappa les Nains présents. Le parasite au nom étrange se retrouva sur le torse de l’ange, tandis que les quelques gardes à l’entrée dégainèrent, plus par réflexe que par véritable volonté d’intervenir. Alaric se retrouva lui aussi assis sur le sol, incapable de sortir son arme. Tout ce qu’il put faire pour empêcher le xylantia de déchiqueter la gorge d’Aniel fut de se jeter sur la créature bras en avant, et de la saisir par la tête.

Le parasite fit preuve d’une force proprement stupéfiante compte tenu de sa taille. Il se débattit si fort qu’Alaric tout entier fut propulsé sur le côté, semblant combattre contre un ennemi invisible. Le souffle coupé par la surprise et la violence de cette lutte aussi soudaine qu’inattendue, le Directeur ne pût même pas appeler ses miliciens à son secours. La scène dura quelques secondes avant d’enfin connaître sa conclusion.

Ce fut Algrim, frère cadet d’Alaric, qui apporta l’épilogue à l’histoire. Tandis que le Marquis luttait pour maintenir au sol le xylantia, le petit frère se jeta dans la mêlée armée d’une petite hachette, et fit pression de son poids pour empêcher encore davantage le parasite de bouger. Le premier coup de hachette ne suffit pas à couper le ver, dont la peau était étonnamment résistante. Un second fit l’affaire, et la tête du xylantia tomba au sol.

Le silence plana pendant plusieurs secondes, puis la foule de Nains se déversa à l’intérieur. Plusieurs entourèrent le parasite, arme en main, au cas où la créature surréaliste se remettrait à bouger. D’autres se mirent au chevet du blessé, soignant l’hémorragie, et d’autres encore aidèrent Alaric, Algrim et Aniel à se relever. Le Directeur n’eut pour un temps qu’une seule réponse aux événements.

« Merci… Merci, mon frère. »

Une fois la situation stabilisée, et après avoir fait sortir l’essentiel des curieux, le Nain se tourna vers l’Ange. Celle-ci avait parfaitement remplie son travail. Sans elle, il ne faisait aucun doute que le milicien aurait succombé au parasite. Et qui sait si le QG du CMKM n’aurait pas été victime d’une infestation parasitique ?

« M’dame. Je ne saurai que trop vous remercier. Vous avez mérité votre arme, et plus encore. Je pense que je trouverai bien quelque chose en plus de l’équipement pour vous prouver ma gratitude, et celle de tout le Conglomérat. Mais avant toute chose… Pouvez-vous vous occuper de mon Nain ? Vérifier que son état est stable. Une fois qu’il sera hors de danger, nous pourrons reprendre notre discussion. »

Paralysée un peu par la peur et l'inquiétude, que je suis prise de petits spasmes qui m'empêchent de faire partir le Xylantia de sur mon buste. Encore de la sueur froide me coule sur le front. Cependant, de voir le noble nain directeur se sacrifier en mettant son bras devant ma gorge juste avant que le vers ne se jette sur moi m'ôte un cri, un seul, à syllabe unique :

Noooooooooooon !

Pour la première fois de ma vie, depuis la dévastation de notre domaine familial par Aile Ténébreuse, je connais la peur. Non je me refuse qu'Alaric prenne à ma place. J'étais prête à donner ma vie pour eux même si je ne les connais pas assez dans le fond. De voir cette communauté agir ensemble, de se soutenir les uns les autres, de prendre des initiatives sans toutefois offusquer leur supérieur, et qu'en plus ils viennent m'aider à me relever me touche profondément. Oui, au point d'en avoir des petites perles salées me glisser le long des joues sans pouvoir exprimer un mot à part incliner respectueusement la tête à la place.

Je peux enfin souffler un peu, mais juste un peu car je tremble encore un peu sous les dernières actions. Cependant, pour l'honneur que je leur porte, je ne peux que me reprendre et faire comme si de rien n'était si aucun des hommes de petite taille n'ont pas vu mes larmes.

Cela est sans compter sur le Directeur qui revient me parler alors que je m'incline en mettant un genou à terre et tendant la main vers lui.

Maître Nain... c'est un réel honneur que d'avoir pu vous aider. Je ne vous demande que le gîte et le couvert, le temps de pouvoir récupérer un peu car je n'aurai pas assez de force si je me devais de partir tout de suite.

C'est lentement que je me relève et me dirige vers le blessé. Je prends quelques instants en passant mes mains en tâtant de temps à autre par endroit et regarde la blessure. Les nains sont tout aussi rapide quand il s'agit de refermer une blessure car l'alchimiste était entrain de refermer totalement l'incision que nous avions faite plus tôt.

Votre noble nain alité est désormais hors de danger. Néanmoins un cycle de lune lui sera bénéfique pour retrouver une vie énergique. rassure-je en me retournant face à la petite assemblée. Il est temps pour nous autres de laisser le blessé se reposer seul et à nous de nous rafraîchir un peu. Nous discuterons de nos arrangements l'esprit une fois apaisé.

Il allait sans dire qu’Alaric était plus que ravi par la performance sans commune mesure de l’Ange. Ses talents de guérisseuses étaient incontestables. Le Nain infecté n’aurait eu strictement aucune chance sans elle. Aussi toute une troupe de Nain s’empressa de l’aider à sortir de la salle, et l’accompagna jusqu’à une chambre princière où elle pût se reposer.

Le lendemain, un grand banquet fut organisé en l’honneur Aniel. La bière coula à flot, et de grands sangliers fraîchement abattus furent servis après avoir été préparés par le meilleur cuisinier du CMKM. Un barde lança même quelques vers d’un récit qu’il était en train de composer, contant l’arrivée d’un Ange descendu du Ciel pour se poser sur la Montagne.

Pendant ce temps, les forgerons et ingénieurs du Conglomérat préparèrent une arme d’une élégance et d’une discrétion impressionnante. Idéal pour passer inaperçu, mais aussi pour tuer un homme à coup sûr, et sans trop de risque. Pas forcément l’arme la plus noble, mais passons.

Il s’agissait d’un petit anneau en acier, gravé de runes naines. Cette magie runique servirait de propulseur, afin d’imiter l’effet d’un pistolet dans l’anneau. Certes, la portée serait limitée à quatre ou cinq mètres, mais les six billes d’argent placées à l’intérieur feraient d’assez gros dégâts si pointées vers une zone sensibles.

L’avantage, c’est qu’Alaric en personne offrit un sac entier de billes en argent (valant une coquette somme), et que l’anneau-pistolet –n’utilisant pas de poudre- pourrait tirer aussi longtemps que son porteur le souhaiterait, tant qu’on le rechargeait. Bref, une arme unique, facile à utiliser, digne d’un roi. Ou plutôt d’un maître-assassin.

A nouveau, le Marquis-Directeur offrit à Aniel de rester un peu, en tant qu’invité du Conglomérat, et pourquoi pas d’en devenir la soigneuse attitrée. Mais, bien qu’Alaric tente de formuler l’offre de façon aussi séduisante que possible –notamment sur la paie-, il avait appris à connaitre un minimum l’Ange. Elle voulait aider les autres, et ce n’était pas au CMKM qu’elle verrait le plus d’action, ou qu’elle serait le plus utile.

Aussi n’essaierait-il pas de l’arrêter si jamais elle décidait de partir. Mais si jamais elle s’en allait, il lui assurerait une dernière fois la gratitude éternelle des Nains, et qu’elle et ses amis seraient toujours les bienvenus dans les Monts d’Ungrid. Pour sûr, Aniel venait de se faire des alliés puissants. Et elle avait désormais en ce monde un endroit sûr où venir se reposer et être en sécurité, si jamais elle venait à se mettre en danger.

Je voulais protester lorsque je vis la troupe de nains se portant à ma rencontre pour m'aider à sortir de la salle afin de m'amener dans une autre toute aussi grande. Une de ces chambres où tout être de marque, aussi important soit-il, est amené à se reposer. Un peu plus j'aurai pensé que c'était celle de Seigneur Alaric. Le repos d'ailleurs était fort bienvenue. Le lit était d'une robustesse à toute épreuve mais tout aussi moelleux et doux que des fleurs de coton à peine écloses. Ces gens m'ont tellement porté honneur et respect que j'ai envie de rester encore un peu, puis de leur rendre la pareille à mon tour. C'est important pour moi.

Nous voici au jour présent. A mon réveil, sans que j'ai à demander quoique ce soit, les meilleurs mineurs de tout Terra viennent m'apporter une bassine d'eau fraîche, suffisante à mon goût pour rafraîchir toute ma peau. C'est en me retournant que j'observe avec étonnement que ma robe à capuche est déposée propre sur le lit. Je n'aime pas faire attendre mon hôte, alors je me dépêche de finir de me préparer.
Pour faire plaisir au Marquis-Directeur, je goûte à chaque plat que l'on me présente, puis, je vais même boire la pinte de bière fraîche que l'on me tend. Tout cela en prenant mon temps, les écoutant les uns les autres. Ils réussissent même à me faire un peu rougir à cause des vers du barde. Oui, plus ça va, plus j'apprécie d'être auprès d'eux.

Quelle n'est pas ma surprise de voir autant de savoir faire dans un si petit objet. Oui pour un œil aguerri, il serait simple de voir que c'est une arme. Et encore.... Je n'en suis pas certaine. Je ne sais pas du tout comment je peux les remercier. Je leur dois bien plus que eux me le doivent. Même la proposition du noble Maître Nain me touche profondément. Rester un peu, devenir leur soigneuse, me réfugier chez eux en cas de problèmes. J'en suis tellement émue, que je me déplace jusqu'au centre de la salle de réception, m'agenouille et déploie mes ailes. Mes larmes coulent.

Marquis-Directeur.... Voici un immense honneur que vous me faites là. J'accepte de revenir aussi souvent que vous le voudrez, de soigner les vôtres lorsqu'ils auront besoin. Mais faites-moi honneur une dernière fois... Venez vous-même retirer une de mes plus longues plumes et protégez-la de tout regard des troupes d'Aile Ténébreuse. Serrez-la contre vous si vous avez besoin de mes services. parle-je le plus calmement possible tentant d'essuyer discrètement mes perles d'eau salées qui glissaient silencieusement sur mes joues.

Oui, j'attends patiemment qu'Alaric vienne prendre cette fameuse plume. Par réflexe, je serre doucement la mâchoire car je sais que je ne serais pas insensible quand il la retirera. Une fois fait, je reste encore à genou pour être un peu plus à leur hauteur.

Je vous promets de revenir vous rendre visite une fois que j'aurai offert ce présent à celui qui protège mon domaine. puis prenant une voix un peu plus forte pour que tout le monde m'entende. Que toute naine, ou nain me rencontrant sur leur passage durant leur vie, n'ait peur de m'approcher et de me demander de l'aide.

Il est dur pour moi de prendre le départ. Je n'ai pas envie. Juste envie de rester encore un peu...

L'aventure touchait à sa fin. L'Ange avait décidément un charisme presque surnaturel, et tous les Nains autour d'elle se pressaient pour écouter sa douce voix. Alaric ne pouvait les blâmer, car en plus de la gratitude qu'il éprouvait pour Aniel, il ne pouvait s'empêcher de ressentir un sentiment de bienveillance à l'égard de la Céleste.

L'arme runique serait très certainement utile à l'ami de l'Ange, surtout si -comme la plupart des Anges- il risquait tôt ou tard d'avoir des ennuis avec l'Empire. Cependant, la complexité du mécanisme et le coût prohibitif empêchait tout espoir de production à moyenne-échelle. Qu'importait, même du point de vue rationnel, Alaric avait raison. Avoir une amie Ange de la voie de la Guérison, cela ne pouvait présenter que des avantages.

Dans un dernier geste cérémoniel, le Marquis-Directeur récupéra une plume des ailes d'Aniel. Apparemment, cela lui serait utile s'il avait besoin de son aide. Le Nain ne comprenait pas vraiment comment cela fonctionnerait -sans doute un lien magique naturel-, mais il ne fit pas l'affront de demander à l'Ange de répéter. D'un coup sec pour écourter la douleur, il arracha une des plumes d'Aniel.

- Revenez quand vous le souhaitez, amie de la Montagne. Si vous avez besoin de moi, vous n'aurez qu'à me le faire savoir, quelque soit le moyen. Je trouverai toujours un moyen de vous venir en aide. Maintenant... Je ne voudrais pas vous retarder. Vraiment, n'hésitez pas à revenir nous donner de vos nouvelles, vous serez accueillie royalement, vous et vos amis. Et vous trouverez ici protection et soutien. Sur ce, faites bonne route, et que Cyri veille sur vous par le biais de votre anneau.

Le banquet de départ se poursuivit encore une heure, et Aniel partie. Alaric ne pouvait désormais que faire une prière rapide à Cyri -chose qu'il ne faisait que rarement- pour la bonne fortune d'Aniel. Si le Destin le voulait, le Nain et l'Ange seraient appelés à se revoir rapidement.