Terra Mystica

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 [Fic] Le titre n'est pas encore trouvé

 
[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Mar 22 Nov - 19:26
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Chapitre I : l'homme en costume



« Il y a une histoire ancestrale, racontée par les peuples oubliés de l'Est sauvage d'Imbroli. Dans cette période faite de métal, de foi destructrice, et de course après le temps que l'on juge toujours trop court, cette légende philosophique doit être réhabilitée, et c'est ce que je m'en vais vous conter. La scène se déroule dans le grand Fleuve Amedis, et dans lequel baignent et boivent moult animaux, mais ceux qui nous intéressent ici sont deux hippopotames, remontant lentement à la surface après un long bain qui avait pour effet de les soustraire à cette chaleur lourde et intenable qui assiège le centre du continent et la savane à cette époque. L'un des deux mastodontes ouvrir alors la gueule et poussa un bâillement gargantuesque, tant et si bien qu'à lui seul, il sembla se répercuter dans toutes les terres alentours. Alors, le second hippopotame se tourna vers l'autre et lui tint ce langage : « C'est marrant, j'arrive pas à me faire à l'idée qu'on est déjà jeudi »

Voilà mesdames et messieurs, voilà le genre d'ineptie qu'un conteur peut vous raconter, vantant une culture passée n'existant pas et n'ayant jamais existé, et si ma morale eut été moins absurde, vous seriez vous empressé de la retenir et de l'appliquer car vous pensez presque tous que ce que le passé à formulé comme parole est immuable et est l'expression de la vérité. Si vous croyez ainsi, avec tant de facilité, les paroles d'un inconnu qui, soit dit en passant, n'est pas conteur, même si il est extrêmement doué pour à peu près tout, si vous me croyez ainsi disais-je, qu'en sera-t-il du prêtre de votre village qui a endoctriné vous parents et vos grands parents avant vous ? Mon faux conte avait bel et bien une morale et la voici : gens du peuple ou fils de roi, apprenez à vous méfier des porteurs de masque, qui, sous couvert d'une soutane ou d'un talent, vous ferons croire que vous n'êtes pas capable de penser par vous même. »

L'individu moralisateur fit la révérence et s'éloigna du public, attroupé autour d'un immense feu de camp. Il avait intégré une caravane de marchands en leur proposant ses services pour... Ce qu'il savait faire de mieux. Qui aurait pu croire que ce village était sa cible ? Sans doute pas ces commerçants et c'est tant mieux. Nul ne devait savoir qu'il était sur l'affaire. En tout cas ils avaient été une vraie aubaine pour lui : ce genre de caravane passait très rarement dans ce genre de coin paumé, et ainsi, à chacun de leur passage presque tout le village et les habitants des fermes alentours se rassemblait autour du feu de camp pour entendre les différents troubadours, chanteurs et conteurs en tout genre qui parasitaient les vendeurs comme les mouches encombre les yeux et l'arrière train des vaches (à vous de décider quelle partie représente les marchands).

Le faux conteur avait pu jeter un œil sur presque tout le village. Et il avait trouvé celui qu'il cherchait.

Le soir, après avoir évité de traîner avec les villageois, il fit mine de s'alcooliser fortement avec ses « amis » vendeurs, et ainsi, quand tout le monde fut endormi, abruti par la boisson, il se releva et alla à la pêche aux informations, si tard que ce soit. En effet, il y a toujours une personne dehors du moment que l'on est avant minuit, et elle est toujours plus ou moins loquace. Il descendit donc entre les habitations, rodant autour de la taverne, encore bien agitée et facile à trouver. Après plusieurs dizaines de minutes, un homme âgé sorti enfin, titubant franchement. L'homme entendit bien vite une personne, restant dans son dos, lui demander si il savait où habitant un homme aux yeux bleus, avec une balafre en travers du visage, et une longue barbe grise. L'homme, ayant beaucoup bu, ne chercha pas à comprendre le pourquoi du comment et lui indiqua immédiatement la direction de « la maison de vieux Jack », située juste au coin de la rue. Lorsque l'ivrogne se retourna, il n'y avait plus personne derrière lui.

D'un pas vif, le faux conteur marcha vers cette maison. Elle était semblable à toutes les autres, petite, insignifiante, impossible à distinguer des autres. Cela ne le surpris pas, et, après avoir posé un piège à loup tout simple non loin de la porte de derrière, il frappa franchement à l'entrée principale. Le vieux Jack, pas encore endormi, installé devant sa cheminée avec une bouteille de rhum à la main, vint ouvrir à l'inconnu, sur ses gardes malgré l'heure. Il avait dans sa main une épée d'ancienne facture, courte et à la lame en forme de feuille, sur laquelle était gravé un symbole à moitié effacé : une feuille d'érable percée de deux épées semblables à la sienne. Il ouvrit la porte d'un geste vif, faisant un bond en arrière, pour faire face au faux conteur. Ce dernier était de taille moyenne, et sa musculature, bien que présente, n'avait rien de remarquable. Il était vêtu d'un costume noir d'excellente facture, fait sur mesure, visiblement un modèle unique : la veste de celui ci avait un pan droit qui descendait assez bas sur sa cuisse alors que le pan gauche s'arrêtait au niveau de son bassin, car à cet endroit se trouvait l'étui d'une rapière, vide de son arme, car l'homme la tenait dans la main. Il avait les cheveux assez mal coiffés, un peu hirsutes, et une barbe de plusieurs jours. Son visage était celui d'un homme d'une bonne trentaine d'année, et ses yeux vert/gris glacèrent le sang du « vieux Jack ».

Celui ci tenta immédiatement un assaut sur l'homme, assaut qu'il n'eut visiblement aucun mal à parer, et par un moulinet de poignet compliqué, il désarma le vieil homme qui tomba à genoux par terre. L'homme en costume ferma alors la porte et alla s'asseoir nonchalamment sur le fauteuil que le vieillard avait quitté il y a peu.

« Cela faisait une éternité qu'on ne s'était vu, Jack. Enfin, sans vouloir te vexer, ton véritable nom est bien plus mélodieux, Bald.
- Que viens tu faire ici ?
- Tu le sais parfaitement.
- Je ne sais pas où est l'enfant.
- Oh que si tu le sais.
- Non, je n'ai pas accès à ce genre d'informations, aucun des veilleurs n'en a le droit et tu le sais très bien, tu l'as été toi aussi ! Même si tu sembles l'avoir oublié.
- J'ai un nouveau point de vue, sur certains veilleurs, notamment sur toi. Et crois moi, je n'oublie jamais rien.
- Je ne sais pas où il est !
- Je vais te dire ce que moi je pense : je pense que tu as l'information que je veux, malgré tout ce que tu dis. Et ce que je sais, c'est que tu vas me la donner. Tu n'as pas vraiment le choix après tout.
- Plutôt mourir que de trahir nos maîtres !
- Tes maîtres, Bald, tes maîtres. Cela fait bien longtemps qu'ils ne sont plus les miens. »

Le lendemain matin, après le départ de la caravane, on constata deux disparitions : celle du vieux Jack, qui a visiblement quitté sa maison en emportant presque rien, juste le minimum vital, et celle d'Herberth, l'homme qui avait été engagé par les marchands pour les défendre des brigands et qui a officié comme conteur ce soir là.

Albar

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Mar 22 Nov - 19:28
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Chapitre II : Efir



Le réveil fut difficile pour le jeune garçon. Toute la nuit il avait été poursuivi par des dragons affamés et plus coriaces que tous, et, allez savoir pourquoi, il semblait l'être l'élément indispensable à je ne sais quelle recette sordide et les lézards volants ne voulaient pas le lâcher. La course poursuite pris finalement une tournure tragique lorsqu'il ressentit une intense brûlure au visage. Il s'était alors réveillé d'un bond pour se retrouver dans son lit, ce dernier étant dans un piteux état. Encore étourdi de son cauchemar, il chercha autour de lui d'où venait ce sentiment de chaleur pourtant bien réel. Certes il ne savait ni lire ni écrire, mais il était tout de même assez intelligent pour remarquer, malgré sa gueule de bois, que c'était sans doute un rayon de soleil qui lui avait fait cet effet.

Avec un grognement dont personne, pas même le jeune homme, ne put conjecturer le sens véritable (satisfaction ou souffrance?), il s'assit sur le bords du lit pour reprendre ses esprits, et là, il était facile de voir qu'ils étaient embrumés, et que le brouillard avait une odeur de houblon fermenté. Il avait passé la soirée avec les rares autres jeunes de son âge présents dans le village. Il avait déménagé il y a de nombreux mois déjà, et il était à présent totalement intégré. Son père continuait à officier ce noble et dur métier de forgeron. C'est justement pour ce travail que la famille avait changé de lieu d'habitat : il n'y en avait aucun ici, alors qu'à Glasc, le village précédent, un ancien apprenti de son père allait ouvrir la sienne, au terme de toute une vie d'économie. Sa mère, quant à elle, n'avait pas de métier véritable, et se contentait, comme la grande majorité des femmes de l'époque, de tenir la maison et de coudre des vêtements pour la famille. Le jeune homme était fils unique, et était plutôt agréable à regarder : grand, fin, aux cheveux blonds comme les blés, il se déplaçait avec une certaine grâce, certes masculine, mais nullement empreinte d'une puissante virilité comme on aurait pu l'attendre de la part d'un fils de forgeron. Ses yeux, d'une marron noisette profond, étaient assez doux, et surtout rêveurs. Il était conscient de son charme, et un tantinet imbu de lui même, mais ça ne l'empêchait pas d'être agréable et généreux. Il aime se donner des allures de séducteur d'antan, de chevalier romantique, mais tout cela a uniquement pour but de cacher sa timidité qui, jusque là, l'a toujours empêché ne serais-ce que de prendre la main d'une autre fille. Lui même ne sait trop ce qu'il attends : le grand amour ? Une petite aventure sans conséquence ? Allez savoir.

Ce qui est sûr c'est que le jeune blondinet, âgé de 17 ans, était bien entouré, la soirée de la veille en était la preuve. Tant au niveau féminin que masculin d'ailleurs, mais j'ai déjà parlé de ce dernier point, et vous aurez donc compris que ce détail insignifiant n'avait pas la moindre espèce d'importance pour l'histoire qui va suivre, si ce n'est de me faire gagner des lignes. Pour en revenir au jeune homme, si il avait l'air assez – n'ayons pas peur des mots – coincé (vous vous attendiez à pire, n'est-il pas?), il n'en était rien : la moindre occasion d'aller se saouler était la bienvenue, et si il trouvait que le repas manquait de viande (ce qui était presque tous les jours) il était largement capable de partir quelques jours chasser dans les bois alentours, même si ce n'était pas un traqueur émérite. Pour simplifier, nous dirons qu'il était capable de se débrouiller sel dans une certaine mesure, mais le mot débrouiller était ici à prendre à son premier sens, à savoir celui de se sortir des mauvaises situations, et non pas d'avoir une vraie belle vie. Après avoir ainsi simplifier il ne me reste qu'à conclure en disant qu'au fond, il n'était pas bien différent des autres.

Il menait sa petite vie tranquille, et rien ne laissait supposer que ce jour ci serait différent des autres, bien au contraire. Il s'ennuyait un peu d'ailleurs, le jeune homme en question. Il avait l'impression que ce n'est pas ici que devait être sa vie – comme à peu près tous les jeunes gens de ce genre de bourgade. Mais quand on est fils de forgeron, on a rarement tendance à entrer dans ce genre de considération philosophique, et ainsi il n'y pensa bientôt plus et commença sa journée comme toutes les autres : en allant mordre un bon coup dans une miche de pain. Sa mère se trouvait dans le salon, au coin du feu qui venait visiblement d'être allumé. La pièce était petite, très peu meublée, mais chaleureuse et douillette. Comme toujours, il alla embrasser sa mère sur les deux joues, tandis que celle ci tricotait ce qui ressemblait pour le moment à un costume de méduse trop petit pour lui, mais qui, espérons le, allait devenir un vêtement mettable, sinon il était franchement temps qu'elle change d'orientation.

« Bonjour maman.
- Bonjour Efir, tu es debout bien tard. Tu as encore passé ta soirée avec tes amis ?
- C'est mal ?
- Non, pas du tout, mais tu devrai éviter de boire autant pendant ces soirées, l'alcool peut tuer...
- L'alcool peut tuer un homme plus sûrement qu'une épée, je le sais maman. Ne t'en fait donc pas pour moi.
- Si je ne m'en faisais pas pour toi, je ne serais pas une mère digne de ce nom tu sais.
- Et le rôle d'un fils est de donner du soucis à ses parents, non ?
- C'est surtout d'être en sécurité.
- Maman, franchement, ce petit discours de morale m'embête. Je vais aller voir Erika. A plus tard ! »

Il était parti avant qu'elle ai pu répondre. Car c'est bien cela le problème de ce jeune homme : non pas qu'il avait un rapport compliqué à l'autorité, mais c'est juste qu'il en supportait pas les leçons de bonne conduite comme celles là. Il était persuadé qu'il était au dessus de tout ça, qu'il n'avait pas besoin de conseil, et ma foi, peut-être étais-ce vrai, du moins pour les conseils donnés par ses parents et proches en tout genre.

Après s'être ainsi exprimé sans une moindre once de tact, il sorti de la maison assez rapidement, ne prenant évidemment aucune affaire, tout juste sa veste, détail qui va avoir son importance par la suite. Si à l'époque où vous, lecteurs, pensez qu'un adolescent sur 2 a toujours un canif sur lui, sachez que dans le monde d'Efir, tous les jeunes gens en ont un sur eux. Sauf Efir. Il a une peur bleue des armes, et ne comprends tout simplement pas comment certaines personnes peuvent leur trouver beauté ou élégance. Pour lui, une arme quelle qu'elle soit, c'est la mort, et, et je pense que vous serez stupéfaits par la morale qui va suivre, la mort, c'est pas bien ! Mais Erika, elle, semblait être l'incarnation du bien aux yeux du jeune homme. Elle était l'une des fille les plus courtisées – même si j'ai bien peur que ce terme soit un peu trop raffiné pour la situation – par environ une bonne moitié des individus hétérosexuels masculins (ou homosexuels féminins d'ailleurs) non impuissants de la bourgade. Mais elle semblait avoir une certaine attirance pour lui, le trouvant plus évolué que les autres, ce qui n'était d'ailleurs qu'à moitié vrai : si certes il avait connaissances des manières polies, son mental était celui de n'importe quel adolescent.

Il traversa le village de part en part (ce qui ma foi ne lui pris pas beaucoup de temps) pour frapper bientôt à la porte de la jeune fille. Ce fut elle, cette jolie nymphe d'environ 16 ans, aux longs cheveux noirs et au visage souriant qui lui ouvrit. Il n'avait pas anticipé qu'en venant si tôt (le soleil venait tout juste de prendre une place décente dans le ciel) elle ne serait pas encore habillée. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, elle était vêtue, mais uniquement d'une espèce de robe blanche s'arrêtant au niveau des genoux, et un tantinet plus décolleté que les vêtements qu'elle avait l'habitude de porter – ce qu'Efir ne put, malgré lui ou non, s'empêcher de remarquer. Lequel fut le plus gêné ? Lui, assurément, car elle riait trop de son teint visiblement bouillant pour se sentir gênée.

Après qu'il se soit confondu en excuses, de plus en plus rouge, il l'attendit sur le palier pendant une bonne demie heure, avant qu'elle ne reparaisse, cette fois habillée décemment. Ils partirent donc ensemble faire un tour dans la vallée. Il y avait un endroit où ils allaient souvent, romantique et cliché à souhait : dans le creux d'un méandre de la rivière Pilk, là où se trouvait un imposant saule pleureur. L'été touchait à sa fin mais le monde était encore plein de vie et cet endroit plus magnifique que jamais. Ainsi ils s'y rendirent, et s'assirent au bord de l'eau, leurs pieds délestés de leurs chausses trempant dans l'eau délicieusement fraîche. Ils restèrent ainsi, sans rien se dire, pendant plusieurs minutes, tandis que leurs mains restaient proches sans jamais ce toucher. Que voulez vous, jeunesse rime avec stupidité. Au bout de ces minutes savoureusement longues, elle prit la parole, d'une voix douce comme l'eau qui clapotait à leurs pieds :

« Est-ce que tu sais ce que tu deviendras, plus tard ? »

Voilà une question qu'il s'était très souvent posée... Que faire plus tard ? Ma foi il n'avait pas vraiment beaucoup de choix : devenir forgeron comme son père, ce qui, au grand dam de ce dernier, ne le tentait pas trop. Il pouvait aussi devenir apprenti fermier, ou meunier, ou n'importe quoi du même acabit. Enfin, une chose qui était du domaine du possible mais que jamais il ne réaliserait : s'engager dans l'armée. De toute façon, même sans sa peur des armes, il ne l'aurait pas fait : il n'avait pas la moindre espèce de connaissance en histoire, et il n'avait pas la moindre idée de qui il devrait combattre et pourquoi. On ne risque pas sa vie pour des raisons ou des gens inconnus, à moins d'être stupide.

« Pour être franc, je n'en sais rien. J'imagine que je devrai reprendre la forge de mon père, mais... Ce n'est pas ce que je veux.
- Tu serais pourtant l'une des personnes les plus importantes du village, tu gagnerais bien ta vie.
- Oui, c'est sûr...
- Et tu pourrais rendre très heureuse ta future femme... »

Il leva les yeux vers elle, ne sachant quel air adopter, et il fut encore plus déboussolé quand il la vit baisser les yeux et rougir un peu. Il resta tout immobile et silencieux quelques instants avant qu'elle ne se décide à prendre sa main. Il ne fallut pas très longtemps pour qu'elle approche ses lèvres des siennes.

Pendant ce temps, dans le village, les habitants constatèrent que la forge ne tournait pas aujourd'hui, et que Baldur, père d'Efir, n'avait été vu nulle part. Ils ne pouvait soupçonner que l'étranger pour le moins, pardonnez la répétition, étrange, qui était passé dans les rues ce matin, vêtu d'un costume blanc à la coupe très particulière et portant une rapière à son côté gauche se dirigeait vers la maison de Baldur...

Au bord de la rivière, les deux jeunes gens étaient doucement endormis, dans les bras l'un de l'autre. Enfin, endormi, disons que le jeune Efir, lui, somnolait, heureux d'avoir réussi à surmonter sa timidité, même si il se disait que l'interdis de relation sexuelle avant le mariage était bien pratique pour lui : il n'aurait pas eu le courage de le faire, même si l'envie (et le vit également, pardonnez le jeune de mot) était fort grandie à cet instant. Le réveil fut pour le moins difficile : un homme au visage caché par d'épais bandeaux, ne laissant voir que ses yeux gris/verts qui vous pointe une lame sur la gorge n'est pas le meilleur moyen de se réveiller.

Il mit, évidemment, quelques instants à comprendre ce qui se passait, quelle était cette chose froide et pointue juste au dessus de sa pomme d'Adam, mais quand il eut compris, il fut littéralement tétanisé. Son corps se trouvait incapable de bouger, il n'arrivait même plus à respirer, alors que son cœur, lui, sentant sa fin prochaine, se mit rapidement à battre comme il n'avait jamais battu. Il sentit le sang quitter son visage pour se retrouver dans ses bras et ses jambes, un mécanisme utile pour combattre ou prendre la fuite. Mais il n'en fit rien, et resta ainsi cloué au sol, tandis qu'Erika ouvrait les yeux, et voulu crier de frayeur. Fort heureusement elle eut la présence d'esprit de ne rien faire, et ce fut sans doute ce qui lui sauva la vie. Efir, quant à lui, vécu alors les 2 plus longues secondes de toute sa vie, qu'il vit d'ailleurs entièrement repasser devant ses yeux.

« Debout, ou elle meurt », le somma l'inconnu d'une voix ferme.

Il aurait bien voulu se lever, mais il en était incapable. Et l'effort qu'il faisait pour tenter de délier ses muscles apparemment noués ne réussi qu'à le faire trembler de tout son corps, ce qui eut pour effet de lui faire légèrement s'entailler la gorge sur la lame effilée qui menaçait sa vie, et également celle de la belle Erika. Il aurait voulu se lever, il aurait tout donné pour cela, mais il n'y parvint pas, et les yeux terrifiés de la jeune fille s'agrandir encore d'horreur à la vue de la pointe se tournant lentement vers elle. C'est alors qu'une voix étonnamment proche retentit soudain, masculine et assuré.

« Et les Justes furent amenés au Ciel, tandis que les profanes, les athées et les adorateurs du diable furent jugés et tous condamnés aux Enfers. »

Une pierre frappa alors le visage de l'homme aux bandelettes qui recula d'un pas, tandis qu'un individu vêtu d'un costume blanc et armé d'une rapière s'interposait entre les jeunes gens et l'assassin.

« Je vois dans ces paroles une certaine contradiction : n'y a-t-il donc aucun athée qui soit juste ? Ne serais-ce point justice que de t'ouvrir la gorge ?
- Albar ! Que fais tu ici ?!
- Bald est devenu à la fois loquace et incompétent avec l'âge. Comme tu t'en doutes, il accumulait les défauts face à moi.
- Ce qui n'est pas mon cas.
- Allons allons, cela fait quoi, dix-sept ans qu'on ne s'était pas vu ? Tu perdais déjà contre moi à l'époque, lors des entraînements, et regarde toi aujourd'hui : tu as affreusement vieillit, Diz.
- L'âge n'est pas un problème.
- Je le sais très bien, mais vois tu, moi je n'ai pas vieillit,, comme tu devrais le voir si seulement tu n'étais pas ainsi à côté de la plaque.
- Puisque tu en es si convaincu, tues moi !
- Ma foi c'est une idée fort plaisante. »

Albar

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Mer 23 Nov - 14:23
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Ma fois le titre est original XD L'histoire elle aussi est intéressante ! Inattendu et très bien écrite^^ J'ai hâte de connaitre la suite

PS : Albar ne pas ma soudoyé je le jure!

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Mer 23 Nov - 16:11
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Je te crois Ayael. ^^ Quand c'est bien, il faut le dire. Moi aussi j'adore l'histoire. Tu as un style vraiment agréable à lire. Même si quelqu'un n'aime pas lire (ce qui n'est pas mon cas ^^) la façon que tu as de raconter peut donner envie à tout le monde de lire, même les plus réticents. J'espère avoir l'occasion de lire la suite. Bon courage!

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Mer 23 Nov - 17:16
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Merci à vous deux, ça me fait vraiment très plaisir ^^. Je poste la suite le plus vite possible

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Jeu 24 Nov - 19:22
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Chapitre III : la fuite



Le dénommé Albar se mit en garde, après avoir salué son adversaire de sa lame, en une position assez peu répandue, la garde basse : son épée et son bras étaient droits, raides et pointés vers le sol avec un angle de faible amplitude. Ses genoux étaient légèrement fléchis, et sa main gauche étais mise dans son dos. Quant à l'homme aux bandelettes, Diz, armé de ce qu'Efir ne savait pas être une épée bâtarde, il se mit en une position des plus classique, car offrant la meilleure protection pour un minimum d'effort : une garde moyenne, l'épée en hauteur, pointant vers le haut, tenue par des bras fléchis, des jambes arquées et elles aussi bien fléchies. Tous deux restèrent ainsi quelques instants à se regarder en chien de faïence, Diz arborant ce qui semblait être un visage grave (il a des bandelettes, je vous le rappelle, ignares) tandis qu'Albar arborait une espèce de demi-sourire confiant.

Le combat commença quand Diz fit un pas en avant, avant même de pouvoir frapper. Albar fit alors une fente avant rapide, que Diz para sans démontrer ni une certaine aisance, ni une grande difficulté : sur ce premier coup, tous deux se valaient. Diz voulu contrer, mais l'arme et le bras d'Albar furent plus rapide, et il tenta un léger coup de taille sur les jambes de son adversaire, que celui ci esquiva en sauta en l'air. Il put enfin placer une attaque, vive et puissante vers la nuque d'Albar. Celui-ci fit alors un bond de côté, enfin, un mélange de bond et de roulade, et se redressa bien vite, enlevant les bouts d'herbe accrochés à son costume.

« Je t'avais connu plus fringant que cela vieux lion.
- Tu juges mon niveau après que j'ai tenté de te toucher une seule fois ?
- Je propose d'égayer un peu ce morne combat. Amateurs de poésie, accrochez vous. Je ne vous garanti guère d'Alexandrins, mais rimes et talent seront de la fête ! »

Il se mit ainsi à nouveau en garde et attaque, multipliant les coup d'estoc et de taille, esquivant plutôt que parant avec sa frêle lame, et tout en combattant, il déclamait ces vers.

«  Sauras-tu à la fois combattre et admirer, Diz ?
Car c'est à coups de vers que je te tuerai,
Et bien que je ne veuilles que ce combat s'éternise,
Je compte néanmoins en profiter.
Je propose donc une trêve, mais seulement de préambules,
Et c'est en parant ton coup latéral,
Que je te tourne en ridicule,
Tout en jouant avec ce mortel métal.

Homme prétentieux au visage caché,
Saches ce que tu as fait en lançant ce combat,
Ce que tu as fait quand tu as tenu à me défier :
Tu as renoncé à tous tes droits.
C'est une partie de carte que nous jouons,
Le vainqueur sera celui qui a la meilleure main,
Qui sait faire étalage de ses dons,
Et récupérera les droits qui sont siens.

Apprends aussi que ta fente,
Certes bien exécutée,
Quoiqu'un tantinet lente,
Ne t'empêchera de passer de l'autre côté.
Ne désespère pas,
Je suis sûr que les ténèbres te siéront à merveille.
Il est temps d'aller là bas,
Laisse donc couler le liquide vermeil.

Ainsi tu recules camarade ?
Observe donc la vraie manœuvre,
Celle qui consiste à rompre devant une estocade
Pour ensuite, par un pas en avant, reprendre son œuvre.
Un pas en arrière, deux pas en avant,
Blesser votre partenaire,
D'une estafilade vive comme le vent,
Bientôt tu seras à terre.

C'est là le dernier couplet,
Saches que le dernier mot sera ton sort.
Cherche donc comment cela va arriver,
Mais la conclusion sera ta mort.
Je ne sais quelles balafres cachent ton masque,
Mais je sais que la peur y est aussi cachée.
C'est donc là la fin de mes frasques.
Ami, te voici défait ! »

A ce dernier mot, il entailla profondément le poignet de Diz qui lâcha son arme. Faisant un tour sur lui même, Albar taillada ses jambes, et son adversaire tomba à genoux devant lui, la douleur visible dans ses yeux. Tout sembla se figer quelques instants, Albar se redressant infiniment lentement. Diz, immobile, baissa alors la tête devant lui, jusqu'à ce qu'elle touche le sol, et dit :

« Tu m'as vaincu à la loyale. Tues moi maintenant.
- Comment cette noble âme a-t-elle pu ainsi s'égarer?
- Ton épée m'a vaincue, c'est désormais à elle de s'exprimer.
- Aujourd'hui elle sera miséricordieuse.
- La conclusion devait être ma mort.
- Il en est de même pour moi, et pour tous ici. La conclusion de toute chose est la mort, mais la tienne n'est pas pour tout de suite.
- T'attends tu à une quelconque gratitude de ma part ?
- Je parlais de justice au début, et amputer les terres d'Imbroli d'un si noble combattant serait un crime. »

Diz ne répondis pas, et ne saisit pas non plus la main qu'Albar lui tendit pour l'inviter à se relever. Il siffla d'une façon très aiguë, et quelques instants plus tard, un bel et grand étalon blanc arriva près de lui. Celui ci sembla comprendre le problème de son maître au premier coup d'oeil, et se baissa, que dis-je, se coucha par terre pour l'aider à monter en selle. Une fois Diz installé, il se redressa péniblement, et Diz lui ordonna de partir au loin, sans adresser ni regard ni parole à Albar ou aux deux jeunes gens. Ces deux derniers, terrifiés par ce qu'ils venaient de voir, ne se rendirent même pas compte de son mutisme. Il est toutefois à noter que tous deux ne purent s'empêcher de noter le charisme du nommé Albar, mais leur sentiment profond étaient différents : Efir éprouvait une espèce de sentiment étrange, mi dégoût mi peur, à l'encontre d'un habile combattant. Les yeux d'Erika, eux, ne semblèrent pas trop éprouver de dégoût, bien au contraire (même si, je le rassure à l'attention des romantiques qui me lisent par milliers, elle restait cramponnée au bras du jeune homme).

Albar, lui, regarda son adversaire partir au loin jusqu'à ce qu'il disparaisse, puis il se tourna vers les deux adolescents, et alla promptement vers Erika. Il s'inclina en lui prenant la main pour l'aider à se relever. D'ailleurs, alors qu'il l'aidait à se maintenir debout, il lui baisa délicatement la main.

« Jeune demoiselle, je n'ai certes pas l'honneur de connaître votre nom mais les dieux m'ont tout de même offert un cadeau des plus merveilleux : celui de connaître votre visage. Ne dites rien, je sais que vous êtes en état de choc, et pardonnez la maladresse de mes paroles. »

Une fois qu'elle fut debout, son équilibre fut précaire, et se genoux fléchirent, tant et si bien qu'elle sembla tomber en avant. Ce fut bien entendu sans compter sur la promptitude du guerrier qui la rattrapa sans lui lâcher la main. Elle fut donc appuyée contre lui, et il mettait sa main dans son dos pour l'aider à se relever.

« Y a-t-il jamais eu à la fois homme pour comblé et plus attristé que moi en cet instant ? Je suis comblé de vous avoir ainsi près de moi, comme ci nous nous apprêtions à valser, ou comme ci nous étions deux amants célébrant leur retrouvailles. Mais je suis attristé de vous voir dans cet état, et j'aimerai pouvoir vous insuffler la force capable de vous faire maintenir debout, dit-il en approchant ses lèvres des siennes, tandis qu'elle semblait subjuguée. Le voulez vous ?
- Eh ! Je sais pas qui tu es mais arrête », retenti la voix du jeune garçon dont le visage reprenait lentement des couleurs.

Cela eut pour effet de faire sortir le jeune Erika de l'espèce de transe dans laquelle elle était plongée, et elle sembla se rendre compte qu'elle était dans les bras d'un inconnu ayant au moins quinze ans de plus qu'elle. Elle se retira vivement pour revenir dans les bras d'Efir, confuse. Ce dernier commençait à se remettre de ses émotions, et même si il était encore terrifié, la colère l'aidait à garder contenance. Albar s'inclina alors vers eux.

« Pardonne moi si c'est à ta dulcinée que j'ai fait du charme Efir.
- Comment connaissez vous mon nom ?
- La première question à poser est plutôt, « qui êtes vous », vu que je n'ai pas eu la politesse de me présenter, trop occuper que j'étais à vous sauver la vie. D'ailleurs j'attends toujours un merci de votre part.
- Je... Merci. Qui êtes vous ?
- Appelez moi Albar.
- Pourquoi nous avoir sauvé la vie ? Et pourquoi avez vous ainsi abordé Erika ?
- Parce qu'elle est belle comme le jour et fraîche comme les embruns de l'océan, évidemment.
- Vous avez au moins le double de son âge !
- Ce qui me permet d'apprécier la beauté bien mieux qu'à ton âge.
- Oui, mais vous...
- Est-ce vraiment le plus important ?
- Eh bien...
- C'est en soi une réponse. Je n'ai pas le temps de te dire le pourquoi.
- Pourquoi ?
- Il faudra que je t'apprenne à être plus éloquent que ça... Parce que ta vie est encore en danger, et le village aussi.
- Qu'est ce que vous racontez.
- Regarde derrière toi. »

Efir, ne comprenant pas, se retourna immédiatement, et vit alors quelque chose qui lui glaça le sang, déjà bien froid : un épais panache de fumée s'élevait du village, une fumée bien bien noire.

« Viens avec moi si tu veux vivre.
- Mais, le village est en danger !
- Il ne l'est que parce que tu t'y trouves.
- Mais mon père, et ma mère...
- Ils sont déjà morts ou alors ils le seront sous peu. Tu ne peux rien faire à part mettre ta vie en danger.
- Il faut que j'aille les sauver !
- Par tous les chiens de l'enfer tu ne peux rien faire, imbécile ! »

Avant que sa phrase ne fut achevée, le garçon se mit à courir vers le village, ignorant les avertissements d'Albar et le danger qui le guettait. Le combattant, lui, intima à Erika de rester là où elle se trouvait et de ne retourner au village que dans plusieurs heures, puis il courut à la poursuite d'Efir, qui courait bougrement vite. Ce dernier, une fois au village, eut ce qu'il est commun d'appeler une vision d'horreur : de nombreuses maisons étaient en feu, les habitants fuyaient ou se battaient contre des individus aux tenues éparses mais qui semblaient tous appartenir au même groupe, car leurs efforts semblaient coordonnés. Rien de visible ne permettait de savoir qui ils étaient : ni armoiries, ni armes particulière, rien. Mais ils semblaient sans pitié. C'était là leur dénominateur commun, et un autre apparut bientôt : l'envie de trancher la chair de notre jeune héros. En effet, dès qu'ils l'aperçurent, ils foncèrent vers lui, l'épée brandie, arrêtant ainsi tout massacre, ce qui en soi n'était pas une si mauvaise chose. A nouveau, le jeune Efir fut tétanisé. Et à nouveau, ce fut l'intervention d'Albar qui lui sauva la vie : il se plaça devant lui et lui colla une gigantesque baffe, qui le fit tomber par terre, en lui disant : « reprends tes esprits et cours ! ». Efir resta un instant sur le sol, puis, enfin, il parvint à bouger, et c'est comme ci tous les mouvements qu'il avait contenu en lui se trouvaient soudainement libérés : il fila comme le vent, sans se retourner, n'entendant pas le bruits des armes qui s'entrechoquaient, les hurlements de douleur, le crépitement sauvage des feux qui dévoraient les maisons. Il courut comme jamais il n'avait couru, et fonça vers sa maison. Il la trouva elle aussi en proie aux flammes. Mais le pire n'était pas là. Rapidement, ses yeux se posèrent sur le corps de son père, mort sur le sol, transpercé par de multiples coups d'épées. Il courut vers lui, mais s'interrompit presque aussitôt car sa mère gisait là elle aussi, le corps atrocement brûlé, mais elle était vivante. Il l'entendait gémir. Tremblant de tout son corps, il tomba à genoux devant elle.

« Maman !
- Efir...
- Maman, qu'est... Qu'est ce qui s'est passé ?
- Efir... Pars... Avec... Lui.
- Avec qui ?
- Avec moi, retentit une voix dans son dos, celle d'Albar, blessé au visage mais apparemment victorieux.
- Pars... Avec... Albar...
- Maman... Maman ne pars pas !!
- Je t'aime...
- Fermez les yeux Isabella, le repos éternel vous attends.
- Dieu... Je viens à vous...
- Gardez vos derniers mots pour votre fils.
- Maman...
- Je t'aime mon fils... »

Sa tête qu'elle tentait de maintenir relevée tomba sur le sol violemment. Efir l'appela, encore et encore pendant plusieurs minutes, avant de fondre en larmes sur le corps brûlé de sa mère morte, tandis qu'Albar semblait compter les secondes. Il serait impossible de vous décrire ce que ressentait Efir. N'ayant moi même jamais perdu d'être cher, je ne connais ni e peux imaginer ce sentiment. Je peux au mieux vous parler d'une infinie tristesse, mais ce serai insultant que de me penser capable de parler de cela. Il pleurait tant qu'il en avait du mal à respirer, et voilà ce que je peux vous dire. Rien d'autre.

Tout cela dura de très longues minutes, jusqu'à ce qu'Albar perde patience, inquiet que d'autres adversaires puissent arriver. Il jugeait d'ailleurs que c'était un miracle que personne ne leur soit déjà tombé dessus vu le boucan que faisait le garçon. Il le redressa alors promptement, et l'empêcha de retourner vers le corps de sa mère, employant toute sa force pour l'éloigner.

« Ne restons pas là, on devrait déjà être loin !
- Lâchez moi, lâchez moi !
- Libre à toi de vouloir vivre dans le chagrin, mais il faut encore rester en vie pour cela !
- Je n'ai plus envie de vivre !
- Elle, elle en avait envie, sacrebleu. Parmi ses derniers mots il y avait « pars avec Albar ». veux tu vraiment la rejoindre aussi vite ? Veux tu décevoir ses dernières volontés, faites alors qu'elle était aux portes de la mort, entrain d'entrevoir le créateur ?
- Je ne veux pas l'abandonner comme ça...
- Il le faut mon garçon. Si tu restes, tu vas mourir ici, et tu m'emmèneras avec toi, chose que je ne souhaite nullement.
- Au revoir maman. »

Il cessa enfin de résister, et suivi Albar. Tous deux couraient vers les bois alentour, le plus vite possible. Efir sentait ses jambes le faire souffrir, ses poumons le brûler à chaque bouffée d'air, mais ce n'était pas ça le pire, le pire était ce qu'il y avait à l'intérieur de lui. Il était encore sous le choc, mais commençait à se poser d'affreuses questions : qu'est ce qu'il allait devenir ? Sa mère et son père avaient-ils beaucoup souffert ? Pourquoi diable avait-il été si froid avec elle ce matin ? Qu'allait devenir le village ? Et Erika ? Et ses amis ? Qui était Albar ? Pourquoi est-ce qu'on lui en voulait à lui ? Des dizaines et des dizaines de questions de ce genre. Aurait-il les réponses un jour ?

Ils arrivèrent en forêt, là où un cheval à la robe dite palomino. Pour la majorité des personnes ayant pour centre d'intérêt des choses intéressantes, et qui donc ne connaissent rien au chevaux, un cheval à la robe (ou au pelage) palomino à une crinière et une queue aux crins blancs/argentés, le reste des poils étant généralement couleur fauve clair, plus ou moins doré. Ses yeux sont généralement foncés (et jamais bleus, au passage). Celui ci avec le crin blanc comme la neige, une bande blanche le long du museau, et des poils couleur fauve dorés. Ses yeux étaient d'un marron profond, et semblaient briller d'intelligence. Il était sellé du minimum pour un cheval, de quoi installer son cavalier confortablement et transporter des affaires en toute facilité. Il eut un léger mouvement de recul en les voyant arriver aussi vite, mais il se calma bien rapidement en voyant Albar. Celui ci alla vers lui et lui caressa le museau en lui parlant, des mots qu'Efir n'entendit pas tant sa respiration était difficile.

Là encore les minutes passèrent tandis qu'il réapprenait doucement comment respirer et qu'Albar, ayant repris son souffle étrangement vite, préparait le cheval pour un départ qui semblait être imminent. Quelques minutes après il posa sa main sur l'épaule d'Efir :

« Ça va aller ?
- Bien sûr que non ça ne va pas aller ! Mes parents sont...
- Attends le chapitre suivant pour te répandre en plaintes, là ce que je te demande c'est si tu es capable de respirer comme un mammifère digne de ce nom.
- Oui, je le suis, mais...
- Tu sais monter à cheval ?
- Non, mais...
- Bon, eh bien il va falloir t'accrocher un peu alors. Ithaq, c'est le moment, dit-il au cheval qui s'avança alors vers eux. Grimpe dessus.
- Pardon ? Je...
- Grimpe sur ce cheval.
- Laissez moi parler !!
- On a pas le temps.
- Je n'irais nulle part tant que vous n'aurez pas répondu à mes questions !
- C'est fort dommage. »

Sans avoir le temps de se faire quoi que ce soit, le jeune homme pris un coup de poing violent sur la tempe gauche, ce qui l'assomma sur le coup. Lorsqu'il se réveilla, il était dans une sorte de clairière. Le ciel était déjà sombre, et il était seul, à l'exception du cheval, Ithaq, qui buvait goulûment l'eau de la rivière passant à côté. Regardant encore autour de lui, il vit que l'endroit était entouré d'arbres fortement resserrés, et il se demandait comment diable le cheval avait-il pu l'amener ici : jamais il n'aurait pu passer entre les arbres. Ce n'est que lorsqu'il se rendit compte que son pantalon était trempé qu'il compris : Ithaq avait nagé, avec lui sur son dos, jusqu'ici. Ou peut être que la rivière n'était pas profonde, qui sait. Assez soudainement, tout les événements de la journée lui revinrent en tête de façon violente : Diz, Albar, le village attaqué, sa vie et celle d'Erika constamment en danger, et ses parents... A cette dernière pensée, il ne put que fondre en larmes, pendant un temps qui lui parut une éternité. D'autres questions vinrent alors s'insinuer dans son esprit, déjà surchargé, mais le plus importante était : pourquoi était-il seul ? Albar n'était-il pas venu avec lui ? Qu'est ce qui avait bien pu se passer ? Il ne devait pas être loin de midi quand Albar l'avait assommé, et là le soir tombait, alors que l'été était juste sur le point de ce finir. Il avait du passer au moins sept heures inconscient. Qu'est ce qui avait bien pu se passer ?

Il se leva doucement, pour se diriger vers le cheval, en espérant qu'Albar lui ai laissé un petit quelque chose pour lui indiquer ce qui s'était passé. Il eut d'abord du mal à tenir debout, puis il se rendit vite compte qu'il mourrait de faim. Mais l'important était déjà de savoir ce qui lui arrivait. Il s'approcha avec une espèce de crainte d'Ithaq qui sembla à peine le remarquer. Et là, malheureusement, Albar lui avait laissé un mot. Je dis malheureusement car, si vous avez suivi, vous savez qu'il ne sait pas lire : lui laisser un mot pour lui expliquer la situation, c'était comme laisser un marteau et un burin à un peintre (ce qui a donné de nos jour l'art moderne, dit aussi « art moche »). Mais quand bien même il ne savait pas lire, il se dit que si un mot était là, c'est que son absence était normale, ou du moins prévue. Sachant cela, il se mit en tête de chercher de la nourriture, et ne mis pas longtemps à comprendre que dans les escarcelles accrochées à la selle du cheval, il y avait de la viande séchée. Il se servi alors une bonne part et n'eut aucune hésitation à manger sans aucune observation des habituelles règles de bienséance. Une voix retentit dans son dos après qu'il ai déjà ingurgité pas mal de nourriture.

« J'aurais du m'en douter : tu ne sais pas lire, pas vrai ? »

Je jeune homme, surpris, fit un bond et se tourna vers l'endroit d'où venait la voix : c'était bien évidemment Albar, tenant deux lapins morts dans ses mains.

« J'avais écrit qu'il faudrait attendre mon retour pour manger. Mais bon, peu importe, après ce qui t'es arrivé, tu auras encore bien assez d'appétit pour un lapin.
- Je suis désolé monsieur.
- Appelle moi Albar.
- Qui êtes vous ?, demanda Efir après un long silence. Je ne connais que votre nom.
- Attends, on est encore dans le chapitre de la fuite. Il faut qu'il se termine pour que l'on puisse aborder tout cela. »

Albar

Albar


Daeva

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Jeu 24 Nov - 19:51
Que dire de plus que tu ne sais point?
Encore une fois je suis épatée. Et le mot est faible... J'avais les larmes aux yeux lorsque [Fic] Le titre n'est pas encore trouvé 3351807551 (pas spoiler c'est mal) et puis j'ai fini par un bon fou rire.
Qu'une seule chose à rajouter, vivement la suite!! =)

Invité

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Jeu 24 Nov - 20:07
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Franchement c'est génial ! Et que dire du poème....... OUAW Tu es vraiment doué ! Bravooo ♥

Ayael

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Jeu 24 Nov - 23:08
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Chapitre IV : Et maintenant ?



« Bien, parlons donc !, dit Albar en tout en préparant un feu. Pose des questions, tu n'attends que ça.
- Qui êtes vous ?
- Je me nomme Albar Tlassin, je suis comte d'une province qui n'existe plus et qui s'appelait Monulia.
- Pourquoi on veut me tuer ?
- Ça, c'est une chose que je ne peux te révéler maintenant. Mais laisse moi donc anticiper tes questions en te racontant tout ce que je sais, ça t'évitera de faux espoirs si tu me demandes une chose à laquelle je ne pourrais répondre, veux tu ?
- D'accord...
- Installe toi bien, mon récit va être long, très long. En effet il commence il y a environ 80 ans. Comme aujourd'hui je venais d'avoir 34 ans, et...
- Vous avez plus de 80 ans ?
- Par les dieux ne m'interrompt pas. Je disais donc que tout cela commence il y a 80. Le roi Raminas mourut de vieillesse sans laisser d'héritiers, et c'est son jeune frère, déjà âgé d'une belle quarantaine d'année, Alezin le Grand, qui pris les reines du royaume. Et étrangement il est encore aux reines du pays aujourd'hui, âgé uniquement d'une cinquantaine encore fringante. Son règne s'est traduit par une large avancée culturelle et économique, mais aussi une dette financière se creusant de plus en plus, et surtout, un effort de guerre accru, et une volonté expansionniste vers les terres de l'est accrue. Notre royaume, l'Imbroli, est plus que vaste, mais partout il y avait des obstacles qui nous empêchaient d'avoir un quelconque rapport avec les peuples autour de nous, si toutefois il y en avait, chose que nous savons aujourd'hui. Au nord, il y a la mer, et nous sommes de piètres marins, c'est bien connu. Au sud, le désert, et nous sommes de grands buveurs, c'est tout aussi connu, alors pas question de mourir de soif, par les dieux ! A l'ouest, il y a rien, mais dans tous les sens du terme : ni peuple ni obstacle, rien de bien intéressant à moins de financier une expédition de plusieurs années. Enfin, si, après avoir traversé un territoire vide à peu près deux fois plus grand que l'Imbroli, on trouve des montagnes Et enfin, la forêt au nord-est qui lentement se décompose en une savane encore dense. Si il fallait s'étendre, ce serait en premier lieu par l'est. On voulu d'abord contourner la forêt, mais la temps et l'argent que cela nécessiterai avaient tôt fait de convaincre les ministres et le roi de couper par la forêt. Ils se sont alors heurté au peuple de la forêt, dont on ne sait rien, ou presque. Ce que l'on sait c'est que les relations sont loin d'être amicales, et que nos troupes ne gagnent pas un pouce de terrain. Voilà où nous en sommes aujourd'hui, ce petit rappel historique devait t'être nécessaire.
- Je ne vois pas le rapport avec moi.
- Je t'avoue ne pas le connaître non plus mais je sais de source sûre qu'il y en a un. Mais venons en justement à toi : pourquoi c'est sur toi que tout cela est tombé ? Parce que tu es lié à tout ça. Je ne sais pas encore comment, mais d'autres le savent, et certains veulent te tuer pour ça, et d'autres veulent te protéger. Tout un ordre a été fondé à ta naissance, pour la garder le plus secrète possible, et pour te protéger jusqu'à ce que le jour venu, ton rôle soit réalisé.
- Et ce jour est arrivé ?
- Malheureusement non. L'organisation, nommée « Les veilleurs », t'a protégé toute ta vie et aujourd'hui encore, elle le fait. Je suis le premier des veilleurs qui a veillé sur toi, de ta naissance jusqu'à tes trois ans. Puis tu as déménagé je ne savais où, car je n'avais pas le droit d'avoir cette information, au risque qu'on me retrouve moi et qu'on tente de me faire parler. Qu'est ce que tu étais moche étant bébé ! Mais je m'égare ! Toujours est-il qu'il y a trois ans, j'ai appris d'un membre qui t'avait protégé qu'un autre membre, celui qui te surveillait à cette période, était entré en contact avec la personne précédente, ce qui était formellement interdis, l'identité même des veilleurs étant confidentielle.
- Comment connaissiez vous l'autre alors ?
- Je me suis mal exprimé : la plupart d'entre nous se connaissent, mais nous ne savons pas à qui tu allais être confié plus tard.
- Je vois... »

Toute sa vie repassa devant ses yeux (ça fait désormais deux fois aujourd'hui), et cette fois, il vit chacun des nombreux déménagements qui l'avaient rythmée, les excuses avancées par ses parents qui semblaient ridicules maintenant qu'il y réfléchissait. Il eut même l'impression de revoir le visage d'Albar, remonter d'un lointain souvenir, mais sans doute étais-ce son imagination.

« Cette histoire a éveillé ma curiosité, et je me suis mis à soupçonner une possible dissidence d'un ou de plusieurs des membres. En tout cas tu étais merveilleusement bien protégé : même moi, avec toute mes capacités et mes talents, il m'a fallu trois ans pour te retrouver. La dernière personne à trouver fut la plus dure : Bald, que tu as connu sous le nom de Jack.
- Le vieux Jack ? Je le voyais tous les jours !
- Je le sais. Ce fut un calvaire pour lui mettre la main dessus, mais le faire parler ne fut pas dur, et, bien que je n'avais plus de doutes, il a confirmé tout cela : certains des membres avaient retourné leur veste, achetés ou tout simplement ayant changé de point de vue sur leur mission et son utilité. En bref, te livrer à la horde leur semblait une meilleure idée.
- La horde ? Qu'est-ce ?
- J'y viens j'y viens. Il me faut d'abord te dire que Bald savait où tu étais caché, et qu'il t'avait vendu à un bon prix, dit Albar en lui tendant une bourse pleine de diamants. En passant chez lui j'ai récupéré ça, pour nos faux frais. Prends donc, ça t’appartient. je dirais même qu'aux yeux de certain, c'est ton être qui est dans cette bourse. Il m'a tout raconté, et maintenant il est mort. J'ai failli arriver trop tard. Une fois en ville, tu n'étais pas chez tes parents, et je n'ai que très peu parlé avec eux. J'aurais du leur dire de fuir, mais j'étais trop pressé pour y perdre ce temps là, et je n'ai pu que leur dire que tu étais en danger.
- Vous voulez dire que... C'est de votre faute ?
- C'est de ma faute si ils ne se sont pas enfuis, oui. Mais je ne suis pas responsable de leur mort. L'homme qui a voulu te tuer, Diz, est un ancien veilleur, et les hommes qui ont attaqué ton village et tué tes parents, ce sont eux qui constituent la horde. Si les veilleurs ont pour but de te protéger, la Horde, elle, a pour but de te tuer coûte que coûte. Ils doivent leur nom à leur extrême disparité, ce qui les rends non identifiable tant qu'ils ne te mettent pas le couteau sous la gorge. Les veilleurs, eux, se reconnaissent entre eux par cet emblème, poursuivi-il en lui tendant une épée courte à la lame feuilletée, sur laquelle était représentée une feuille d'érable transpercée par deux épées. Lorsqu'il la tendit vers Efir, il eut un mouvement de recul.
- N'approchez pas ça de moi !
- Je vois, tu as peur des armes... C'est un problème... On réglera ça plus tard. Saches que cette épée est un xiphos, quoique dans une version plus longue et un tantinet plus épaisse. C'est l'arme officielle des veilleurs, ou du moins l'étais-ce au début, car les membres ont vite tenu à garder leurs propres armes, moi le premier.
- Comment puis-je reconnaître un veilleur alors ?
- La première question à se poser est, est-ce que rencontrer un veilleur ne serait pas trop dangereux ?
- C'est moins dangereux que la horde.
- Statistiquement exact, tu raisonnes bien mon petit, tout n'est pas perdu. Dans le doute, méfie toi, mais même si c'est là que tu risques de rencontrer les plus dangereux de tes ennemis, c'est aussi là que tu pourrais y trouver tes plus puissants alliés.
- Alors comment m'y prendre ?
- Chaque veilleur a accepté de se faire marquer au fer rouge dans la région du sus-tentaculum thalique.
- Où ça ?
- La partie de ton pied située sous l'articulation, dans la partie qui regarde vers l'intérieur.
- Quel est ce tatouage ?
- Un « V » majuscule, tout simplement. Vérifie par toi même, termina-t-il en enlevant sa botte droite et en lui montrant son pied : la lettre « V » y était en effet.
- Je vois... Et, une question qui n'a rien à voir : comment vous avez fait pour Erika ? Si je ne vous avait pas interrompu elle vous aurait embrassé.
- Ah, ça... Elle était en état de choc, et extrêmement vulnérable. Au delà de la fragilité psychologique qu'elle ressentait à cet instant précis, il est ma foi possible que je l'ai malgré moi un petit peu hypnotisée.
- Hypnotisée ? Comme les artistes de rue ?
- Non, nouille, comme les vrais hypnotiseurs. Ces bouffons de rues ne font que donner du spectacle aux ignares, mais personne ne peut pousser quiconque a faire quelque chose qu'il ne veut pas. La vraie hypnose est l'art de profiter d'une faille chez une personne, momentanée ou non, et d'y cultiver une idée déjà présente. Navré pour toi mais il est clair que mon petit numéro lors du combat l'a impressionné, et sans doute m'a-t-elle trouvé à son goût, même si, je te rassure, tu restes celui vers qui elle a été pour être protégée. En temps normal elle ne se serait pas approchée de moi à moins de 30 centimètres, mais en l'occurrence, j'ai attaqué alors qu'elle était en état de choc, la soustrayant à ton contact qui était hésitant à cet instant pour la placer dans mes bras, plus adultes, plus sûrs d'eux, et plus charismatiques.
- Eh, non mais oh !
- Cesse ! Je disais donc, a cet instant précis, je l'ai soustraite à un réconfort tremblant pour la placer dans un réconfort assuré et entreprenant. Elle était alors dans le cadre parfait pour être « séduite » si j'ose m'exprimer ainsi, et c'est là que, après avoir agrandi la faille, je me suis lancé. J'ajoute que son jeune âge et son manque d'expérience ont joué à mon avantage.
- Et si je n'avais pas été là ?!, dit Efir, rouge de colère.
- Tout doux colosse. Si tu n'avais pas été là il aurait été probable que je l'aurais longuement embrassé, mais je n'aurais pu aller plus loin, le temps était dans tous les cas compté.
- Comment ça plus loin ?!
- Ça me paraît évident non ?
- Ce genre de chose est clairement interdis avant le mariage !, cria Efir, se levant à moitié. De plus vous avez le double de son âge ! Comment osez vous ne serais-ce qu'imaginer...
- On se calme mère supérieure, dit Albar en posant deux doigts entre les deux yeux d'Efir pour le forcer à se rasseoir. Je n'ai pas l'intention de désacraliser un couvent tout entier, du moins pas aujourd'hui.
- Vous êtes un dépravé, et un blasphémateur !
- Pour le blasphème je plaide coupable, mais en ce qui concerne la dépravation... Je suis propre, bien plus que toi, je suis cultivé, je connais les bonnes manières, je suis intelligent, talentueux, mathématicien, philosophe, médecin, mais il est vrai que j'aime m'adonner à tous les plaisirs de la chair, autant ceux de la bonne chair que ceux réprouvés hors des liens sacrés du mariage.
- C'est de la dépravation, il n'y a pas d'autre mots.
- Tu as ton avis Joséphine, je ne peux pas te l'enlever au cours d'une discussion, mais laisse moi t'énoncer certains principes de ta religion que tu sembles avoir oublié : Dieu a créé l'homme et la femme pour qu'ils peuplent la terre, non ? Sur ce point, je pense accomplir Son dessein. De même, juger ainsi les actes de son prochain, athée ou non, n'est-il pas répréhensible ?
- Elle n'a que 17 ans...
- Et il ne s'est rien passé, alors arrête de tenter de pondre un œuf, tu n'y parviendras pas. Je t'ai sauvé la vie aujourd'hui, je lui ai sans doute aussi sauvé la sienne, tout cela sans rien demander en échange. Je te trouve particulièrement ingrat.
- Je... Je suis navré.
- Laisse donc, c'est un comportement courant chez les gens, et pas seulement les croyants. Tu es libres de ta foi, mais fait en sorte qu'elle ne nuise pas aux autres.
- Pardonnez moi
- La seule chose que je me demande c'est ce que tu attends pour poser la vraie question, celle que tu as en tête depuis le tout début.
- Je... Eh bien... Qu'allons nous faire ?
- Poser cette question signifie tirer un trait sur ton passer et accepter de quitter ton monde pour voyager vers l'inconnu à mes côtés. La poser est une preuve de discernement et de courage. Là encore je te félicite. Et ce que nous allons faire... Ils nous faut découvrir ton importance. Il me faut retrouver les bras de la princesse, et il te faut te venger.
- La prin... Me venger ?
- N'est ce pas ce que tu as à cœur ? Ne veux tu pas que justice soit rendue ?
- Eh bien... Si, mais la vengeance n'est pas la justice.
- C'est à toi qu'il convient d'en décider. Mais pour accomplir l'une ou l'autre il faut découvrir qui est derrière tout ça.
- Où devons nous aller alors ?
- Je ne vois qu'un seul endroit pour satisfaire tous nos besoins : la capitale. Là on y trouvera des veilleurs qui pourront peut-être nous aider, et ce sera le meilleur des points de départ.
- Vous parliez de la princesse...
- Tu tiens vraiment à le savoir ?
- … Quand partons nous ?
- Dès demain. Mais je tenais à te dire une dernière chose, avant de clore cette longue soirée.
- Quoi donc ?
- Les jours, les semaines, les mois, voire même les années à venir seront extrêmement dures pour toi. Toute ta vie va dépendre de tes choix, mais il y a une chose qu'il faut que tu saches : ça se finira sans doute bien pour toi.
- Pardon ?
- Tu n'a jamais lu, mais ta mère te racontais des histoires le soir, non ? Eh bien désormais, c'est toi le héros d'une de ces histoires. Toi et moi en sommes les deux principaux : toi, le jeune héros au destin exceptionnel qui est brutalement sorti de sa vie médiocre, et moi, celui qui va te guider à travers tout ton périple. Tu es n personnage stéréotypé pour le moment, car c'est la façon dont cette histoire va te transformer qui compte, c'est celui que tu vas devenir qui est important, car là encore, ce qui t'a arraché à ta petite vie tranquille, c'est ton hypothétique destin. C'est sur tes épaules que tout repose. Moi je suis plus original, plus libre, mais moins intéressant, car j'ai déjà eu ma vie, j'appartiens à une autre époque, et il y a fort à parier que je meure sans voir ta réussite. Si toi tu vas devenir quelqu'un d'exceptionnel, moi je suis déjà quelqu'un de grand, mais je ne changerai pas, et ne t'arriverai pas à la cheville plus tard. C'est ainsi que se passent toutes les histoires. Ma conclusion est que si jamais je meures à cause de toi, je te jure que je reviendrai te hanter en te répétant constamment « je te l'avais dit, je te l'avais dit, je te l'avais dit ». Tu es l'aboutissement de 147 ans de vie, Efir. Ne me déçois pas, fils, c'est tout ce que je te demande. »

Il attendit une réponse, qui ne vint pas. Il se pencha vers le jeune homme : il était endormi. Albar eut un sourire et se coucha lui aussi, roulé en boule contre le flanc d'Ithaq, venu les rejoindre entre-temps.

Albar

Albar


Daeva

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Ven 25 Nov - 18:47
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Enfin un peu d'éclaircissement! Très beau chapitre!!!

Ayael

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Humain

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Sam 26 Nov - 19:52
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Chapitre V : Des débuts difficiles



Efir dormi mal, très mal. Son sommeil était peuplé de cauchemars dans lesquels ils voyaient ses parents mourir, de façons multiples, horribles, et même horriblement multiples si j'ose m'appesantir ainsi. Il se réveilla de nombreuses fois, s'attendant toujours à rencontrer des hommes armés de couteau autour de lui, mais il ne voyait que le feu crépitant mollement et les silhouettes d'Albar et d'Ithaq, endormis profondément. Il aurait voulu se rendormir, mais il bouillonnait encore de questions. Hésitant, il appela alors Albar, qui grommela peu après.

« Désolé de te réveiller, mais je me demande... Qu'est ce qui est arrivé à mon village ?
- La même chose qui t'arrivera si jamais tu recommences ça.
- Je suis sérieux.
- Moi aussi, tu n'imagines pas à quel point.
- J'ai besoin de savoir.
- Soit... Je ne te garanti rien, mais je pense qu'ils n'ont pas fait beaucoup plus de dégâts. Vyra, ton village, a été saigné à blanc par la horde, mais ils ne le détruiront sans doute pas. Depuis que tu t'es enfui ils nous poursuivent.
- Mais alors ils pourrait arriver ici d'un instant à l'autre.
- Si j'ai laissé Ithaq t'amener seul ici, c'est parce que j'étais resté en arrière pour effacer nos traces. Ils ne nous retrouverons pas de sitôt.
- Oh... Je vois.
- Parmi les premières choses que je devrais t'apprendre, il y aura la lecture, l'écriture, et le respect de la personne humaine qui dors.
- M'apprendre ?
- Tu croyais qu'on allait voyager en se contentant d'admirer le paysage ? Saches que cela sera la plus fatigante des choses de te vie : se maintenir en selle toute une journée, et réfléchir constamment. L'activité actuelle de ton cerveau est... Comment dire ? Un peu comme ci un bateau à voile ne sortait pas ses voiles pour avancer. Tu as la voilure, mais chaque fois que tu tentes de la déplier c'est un massacre.
- Et qu'est ce que je vais apprendre ?
- Ça ne peut pas attendre demain ?
- S'il vous plaît.
- L'une des premières choses que tu vas devoir apprendre sera comment éviter une botte en pleine figure. Quelque chose me dit que ça te sera utile. Et pour répondre à ta question : tout, tout ce que je sais sur tout ce qu'il y a à savoir. Maintenant, dors, ou au moins tais toi.
- Une dernière quest..., commença-t-il avant d'être interrompu par une botte qui l'assomma à moitié. Albar !
- Il me reste encore une botte et les quatre fers d'Ithaq.
- Bonne nuit. »

Cela ne calma pas vraiment son sommeil, toujours tourmenté, mais après plusieurs heures il réussit à véritablement s'endormir, enfin abandonné par ses monstrueuses pensées pour se laisser aller au vide total et salutaire. Il eut l'impression de se réveiller quelques secondes après s'être endormi seulement. Il aurait aimé que ce soit un rêve, il aurait tout donné pour ça. Il n'y cru pas longtemps, et même si il répugnait à ouvrir les yeux, le sol dur et froid lui avait déjà ôté tout espoir. Ainsi, il se mit à entendre le bruit de l'eau qui coulait, et les affairements d'Albar non loin de lui. Toutes ces choses qu'il avait voulu ignorer.

La première chose qu'il vit était le feu, qui était bien plus énergique que cette nuit. Ses yeux clignotant, pardonnez l'anachronisme, comme des... Pardonnez la répétition aussi pendant que vous y êtes, car ils clignotaient comme des clignotants. Bref ! Il regarda lentement autour de lui, voyant le beau cheval Ithaq entrain de s'abreuver goulûment dans la rivière, puis Albar. Il avait les cheveux trempés, il venait sans doute de se laver dans la rivière. Conclusion appuyée par le fait qu'il était presque nu, portant seulement un caleçon long plutôt court justement comparé à ce à quoi il était habitué pour lui même. Il était musclé et bien constitué, chose peu étonnante pour un combattant, mais, et c'était là quelque chose de bien plus étonnant, il n'avait pas la moindre cicatrice. Même le meilleur des guerriers en avait au moins une ou deux. Même Efir en avait, à cause des menus travaux qu'il devait accomplir chaque jours. Voir ainsi un corps fait pour et par le combat sans la moindre séquelle était tout à fait surprenant.

« Ton regard oscille entre le lubrique et le curieux Efir.
- Quoi ? Mais... Mais pas du tout, je...
- Tranquillise toi donc, je me moque de toi. Mais en quoi me voir ainsi t'arrache cet air intrigué ?
- Je... Je trouve étonnant que vous n'ayez aucune cicatrice Albar.
- Les femmes n'aiment pas les corps balafrés, ni les moustachus et barbus d'ailleurs, mais ça n'a rien à voir.
- Comment ça se fait ?
- C'était le jour où j'avais souhaité savoir voler. Faut croire que Dieu est stupide, sourd, ou qu'il aime se foutre de moi.
- Non, sérieusement, comment se fait-il que vous n'ayez aucune cicatrice ?
- Je n'ai pas envie de te répondre maintenant, tout simplement. Laisse donc cela à d'autres discussions, et va te laver, tu empestes. Tu as l'odeur que devrai avoir Ithaq si je ne l'avait pas récuré ce matin. Oui, ajouta-t-il visiblement à l'attention du cheval qui, croyez le ou non, avait émis un petit hennissement vexé, oui Ithaq, je m'excuse, mais les effluves émanant de ton corps étant pour ainsi dire immonde jusqu'à ce que je me décide à changer ça. Tien, Efir, une question : quel genre d'individu as tu toujours rêvé d'être ?
- Euh... Je ne sais pas trop en réalité... Je me suis toujours demandé ce que j'allais faire, pas ce que j'allais être.
- Quelle est la toute première chose qui te sois passée par l'esprit quand je t'ai posé la question ? - La toute première chose à laquelle tu ai pensée.
- Eh bien... La toute première c'était de... Devenir un roi.
- J'aurais souhaité une réponse plus originale.
- Je veux dire, pas pour dominer le monde, ou même le royaume, si je rêve d'être roi c'est pour améliorer le monde, le rendre plus juste, un monde où il fait bon vivre !
- Pourquoi, il ne te convient pas tel qu'il est ?
- Le monde est... Pourri.
- Efir, Efir, Efir... Pourquoi, par les dieux, tous les adolescents ayant un peu de jugeote se revendiquent tous philosophes idéalistes ? « Le monde est nul mais je le changerai ! ». Sur le fait que le monde soit pourri, même si tu n'as jamais vu le monde, j'imagine que tu as raison. Enfin, pour moi il est ce qu'il est, et il fonctionne très bien, mais sans doute certains pourraient le trouver « pourri ». Le jour de la mort de tes parents est aussi, pour beaucoup de personnes, le plus beau jour de leur vie pour je ne sais quelle raison, et de même, le jour le plus heureux de ta vie aura été celui de la mort horrible de centaines voire de milliers de personnes dans le monde. C'est ainsi. On a des hauts des bas, du blanc du noir, du jus de pomme et du jus de pamplemousse etc... Tu ne changeras pas le monde petit, et tous tes efforts pour le faire contribueront à t'anéantir. Entre dans la danse, ou sort de la piste, mais n'espère pas imposer un tango aux valseurs.
- Ce que tu dis est d'une tristesse...
- Crois tu ? Je ne me sens guère attristé pourtant.
- Je suis sûr que vous vous trompez.
- J'ai de longues années d'expérience devant moi tu sais.
- C'est vrai ça !, s'exclama Efir, venant soudain de se souvenir de quelque chose. Vous disiez hier, avoir plus de 80 ans ! Est-ce que c'est vrai ?
- J'en ai peur. Je suis un vieil homme tu sais.
- Comment est-ce possible ? Je veux dire, ce n'est pas naturel.
- Nullement, et d'ailleurs ça a donné lieu à une belle plaisanterie me concernant, il y a quelques années, alors que j'avais été quelque peu hautain avec le ministre des armées de Alezin qui avait tout simplement lancé une amende sur mes biens. Or j'en avais hérité à mes 50 ans, et cette amende a été faite plus de 70 ans après l'héritage. Confus, il n'avait pas remarqué que sur les affiches placardées pour me retrouver, j'avais fait inscrire (en soudoyant ceux qui étaient responsables des affiches) : « recherché mort et vif ». Cette histoire s'est d'ailleurs très bien fini.
- Vous avez quel âge en vérité ?
- 147 ans. Et des poussières.
- C'est une blague ?
- On ne se connaît pas encore mais suis-je le genre d'individu à blaguer ?
- Je...
- Va donc entretenir ce corps d'asperge, nous avons bien assez traîné ici, et il nous reste pourtant une chose importante à faire. »

Efir ne protesta pas, ni ne posa de question : il avait déjà commencé à comprendre que ce serait inutile, avec cette tête de mule. Il s'éloigna donc pudiquement d'Albar, et même du cheval – il lui paraissait trop intelligent pour ne pas s'en sentir gêné. Une fois à bonne distance, il enleva uns à uns ses habits usagés et les posa sur le sol, avant de tout doucement se glisser dans l'eau froide, se mouillant la nuque avant, comme on lui avait appris. Il fut incapable de dire si ce qu'il ressentait était agréable ou désagréable : se sentir devenir propre est agréable, mais être nu dans l'eau froide d'une rivière... Moins. Ce qui fut encore moins agréable, c'est quand Albar, vêtu ce jour là d'un costume noir, déjà équipé de pied en cap, vint près de lui et emporta ses vêtements avec lui, en en sortant la bourse de diamants.

« Eh mais, vous faites quoi là ?
- Je m'apprête à affreusement ternir la pureté de l'air.
- Qu'est ce que tu veux dire ?
- Tu vas remettre ces haillons crasseux après t'être enfin rendu présentable et « sentable » ? Je ne pense pas, dit-il en jetant manu militari dans le feu qui sembla en exploser de joie et qui, contrairement à ce qu'Albar laissait supposer, ne dégagea pas une épaisse fumée brune mais une fumée grise certes un tantinet épaisse.
- Vous êtes cinglé ! Je vais porter quoi moi maintenant ?!
- Cesse ! Il est assez horripilant de toujours t'entendre me parler comme ci j'étais incapable de mesurer les conséquences de mes actes. Tu porteras ceci », conclut-il en lança près de la berge un petit sac contenant sans doute des vêtements propres.

Bougon, Efir fini par sortir de l'eau. Il n'aimait pas qu'on touche à ses affaires, et cet Albar, au delà de ses aspects raffinés, de son côté mystérieux et de son numéro d'homme providentiel, eh bien, au delà de tout cela, il lui apparaissait comme une simple brute. Certes il lui sauvait la vie et il présentait bien, mais pourquoi voulait-il toujours absolument lui imposer ses règles, et contredire, voire même ridiculiser, tout ce en quoi il croyait ? Il s'était attaqué à sa religion, à ses principes, à sa vision du monde, etc... Il voulait toujours avoir raison, et du fait de son prétendu grand âge, il ne se sentait pas obligé d'argumenter, et lui balançait à la figure purement et simplement des vérités qu'il disait absolues.

Il sorti enfin de l'eau, ruminant toujours sa colère, et découvrit les vêtements qu'Albar lui avaient laissé, et ne pu s'empêcher de les apprécier : ils étaient d'excellente facture, fait dans une matière rappelant immédiatement la soie. Oscillants entre les tons bruns clair et noir, leur coupe était classique, les rendant bien plus discrets que les costumes d'Albar. Une fois qu'il les eut mis, et qu'il en ai apprécié le confort exceptionnel, un bâton long, droit, et épais tomba à ses pieds. Il se tourna vers Albar qui avait le même.

« Qu'est ce que c'est que ça encore ?
- Tu as peur des armes, alors pour te tester je propose de commencer par des bâtons, tout simplement.
- Vous voulez que je me batte contre vous ? Hors de question, je suis non violent.
- Ce qui dans ton cas te rapproche de l'état du « non vivant ». Tu as oublié que ta vie était en danger à chaque instant ?
- Je ne vais pas me battre !
- Tu étais entrain de faire bouillir la rivière de rage il y a quelques instants, et même cette colère ne peux pas te pousser à me combattre ?
- Rien ne peux me pousser à me battre !
- Ce ne sont que des bâtons.
- Peu importe, ce qui compte c'est ce qu'ils représentent. Si j'apprends à me servir d'un bâton, je saurais me servir d'une arme, et je ne veux pas.
- Est-ce possible d'être à la fois aussi borné et aussi peu capable d'argumenter ?
- Et c'est vous qui dites ça ? Vous qui éprouvez un malin plaisir à démonter tout ce que je dis ?
- Bien clarifions ce point jeune insolent : plutôt que de voir en moi une volonté mesquine et qui ne m’apporterais absolument rien, n'as tu pas envisage que ce soit toi qui te trompes sur toute la ligne ? A choisir entre un adolescent vivant dans un petit village et baignant dans es superstitions, et un noble éduqué, cultivé, qui a eu 130 années de plus que toi pour découvrir le monde et la vie en général, je crois que, sans vouloir vexer ton énorme ego, ce n'est pas sur toi que se porterai mon choix. »

Efir ne répondis pas, mais sa colère n'était pas calmée pour autant, et il était toujours convaincu d'avoir raison, même si son opinion à l'encontre d'Albar était un peu moins braquée. Il jeta néanmoins l'épée dans le feu, devant le regard consterné de son sauveur, qui grommelait quelque chose du genre « oh, pourquoi ce n'est pas la fille que je devais sauver... ». Mais il sembla se résigner, et s'occupa plutôt d'apprendre les bases de l'équitation à Efir. Ce fut assez facile pour lui, ou du moins, pour relativiser, pas trop compliqué : c'est un fils de forgeron, un manuel, et contrairement aux choses de l'esprit, on lui avait appris a vite s'accommoder de tout ce qui était concret. Il n'entendait rien à la réflexion philosophique, et aux calculs mathématiques, mais les choses physiques s'imprimaient assez vite. Ainsi, maintenir son assiette fut assez aisé, du moins pour les premiers moments. Alors qu'il se demandait comment Albar allait faire, ce dernier lui dit qu'il allait tout simplement marcher à côté d'Ithaq jusqu'à ce qu'ils arrivent au prochain village, dans quelques jours, où ils achèteraient un cheval.

Le voyage commença vraiment lorsqu'Ithaq eu descendu le cours de la rivière sur quelques centaines de mètres le temps de s'extirper de cette clairière inaccessible. Une fois que ce fut fait, ils quittèrent bien rapidement le petit bois, qui bien vite se changea en une grande plaine. Pour Efir, il était impossible de savoir dans quelle direction aller, mais en revanche, Albar, lui, semblait savoir parfaitement. Efir avait donc tout le loisir de se poser des questions, et malgré l'immense tristesse qui restait enfouie en lui, il percevait une certaine excitation, à l'idée de parcourir l'Imbroli, et de voir une vraie ville, la capitale en plus. Toutefois ses pensées ne purent vagabonder longtemps, car après une petite heure de cheval, Albar lui posa une question qui allait en entraîner de nombreuses autres.

« Dis moi Efir, toi qui n'aime pas les armes et qui est non violent, combien de temps espères tu survivre dans ta situation ?
- Je... Je ne sais pas trop en fait.
- Imagine que je ne suis pas là. Comment tu fais ?
- Je... J'improviserai.
- Tu aurais eu l'air plus intelligent en répondant que tu ne savais pas.
- Qu'est ce que j'y peux moi, hein ?
- Cesse de toujours être sr la défensive quand on te fait des critiques. J'ai une autre question à te poser : le talent n'a pas l'air d'être la chose la plus importante pour rester en vie et pour réussir, selon toi, et tu as raison. Mais dis moi ce que c'est.
- Eh bien... C'est une sacré colle ça... Je... Je n'en ai aucune idée.
- Oh, pitié... Tu es consternant. Tente au moins quelque chose.
- Eh bien... Je dirai que c'est... La persévérance ?
- Faux. Persévérer dans une mauvaise voie peut te tuer avec une facilité déconcertante. Non, ce qui compte, c'est l'intelligence, la faculté de raisonnement. Et c'est là dessus que je vais te faire travailler en premier. Je vais t'apprendre les bases de la logique rationnelle, et ce ne sera pas une mince affaire. Première question : est-ce que ta religion est la bonne ?
- Pourquoi vous parlez toujours de ça ?
- Réponds à mes questions en premier, je répondrais aux tiennes ensuite.
- Eh bien... Oui, c'est évident
- Pourquoi ?
- Parce que ça ne peut être que cela, sinon comment expliquer le monde aujourd'hui tel qu'il est ?
- Certes certes, il est vrai qu'on ne sait comment le monde a été créé, et je eux comprendre que l'hypothèse de Dieu soit séduisante car facile. Mais dis moi, il existe plusieurs religions en Imbroli, qui ont la même base : il y a un être tout puissant qui a créé l'univers et tout ce qu'il contient. Pourquoi est-ce la tienne qui est la bonne ?
- Eh bien, il ne faut pas chercher le pourquoi, je veux dire, ça n'a pas sa place ici, il est évident que Dieu est meilleur qu'Ivar, par exemple.
- Pourquoi on ne met pas sa main dans un feu ?
- Euh, dit Efir, troublé par cette étrange question, parce que ça brûle, c'est...
- Évident. Les évidences ne sont pas les choses qui ne nécessitent aucune explication, les évidences sont les choses que n'importe quel abruti peut expliquer. Les choses qui se disent ne nécessiter aucune explication sont des conjectures, des postulats, des hypothèses à la limite, et bien souvent des absurdités, mais certainement pas des vérités ou des évidences. Tient, regarde, moi je dis que le monde a été créé par un morceau de viande géant et immatériel. - -- Qu'as tu à répondre à ça ?
- Que c'est stupide, c'est totalement faux.
- Prouve le moi.
- Bah... Il n'y a pas besoin de preuves ! Vous affirmez ça maintenant, sans preuves aucune, sans avoir réfléchis plus de quelques secondes. Si vous voulez prétendre que ce soit vrai, fournissez vous même les preuves, c'est à vous de prouver la véracité de votre... Postulat, comme vous dites.
- Voilà, c'est exactement là où je voulais en venir ! Heureusement que tu es assez jeune pour être juste stupide et pas de mauvaise foi ! Car ce que tu reproches à mon allégation est exactement du même acabit que ce qui est reprochable à la tienne, à ta religion.
- Mais... Ce n'est pas la même chose enfin !
- Je ne pourrais pas te convaincre en une discussion alors je laisse cette partie de la discussion en suspens, afin que tu la rumines et que tu en tires les conclusions qui s'imposent. J'ai une autre question maintenant : est-il normal de haïr ceux qui se trompent mais sont convaincus d'avoir raison ?
- Eh bien... Je suppose que non, si ils ne font pas le mal autour d'eux.
- Exactement, et j'en viens à une chose des plus importantes que je souhaite te faire comprendre : sois tolérant. Les religions aiment se taper dessus pour des histoires de vérité divine, pensant que les autres ont tort. Mais hormi ces combats, elles ne font pas plus de mal qu'une autre, n'est ce pas ?
- Je suppose que oui...
- Alors quand bien même chacune pense que l'autre est dans l'erreur, il n'est nulle raison de s'entre-déchirer ainsi que diable, n'ai-je pas raison ?
- Je... Je ne sais pas trop.
- Bah, réfléchis-y là aussi. Une autre question...
- Vous deviez répondre à la mienne, et je sens que vous n'arrêterez jamais de m'en poser !
- C'est certes vrai, tu n'as pas tort. Quelle était ta question ?
- Pourquoi parlez vous toujours de religion ?
- Parce qu'elle est pour moi le plus grand fléau de ce monde, et que la foi aveugle en quelque chose n'a jamais rien entraîné de bon. La croyance est une chose, qui me semble certes stupide, mais tolérable, alors que les religions font le mal partout autour d'elle, en disant accomplir l’œuvre de Dieu. L'enfer est pavé de bonnes intentions comme on dit.
- Vous exagérez, elle vient en aide au pauvres aussi !
- Chose que n'importe qui peut faire avec de la volonté et l'envie de faire le bien. Tout le bien occasionné par les religions peut être fait par autre chose, mais jamais on ne s’entre-tuera pour des raisons aussi stupides et sans fondements que la religion.
- Vous êtes bien obtus.
- Certes certes, il est vrai que je ne suis pas moi même un modèle de patience ou de tolérance, mais ma longue vie m'a rendu plus lucide vois tu. Enfin qu'importe, tu as eu a réponse, à mon tour : mentir est-il une bonne chose ?
- Non.
- Faux ! Il y a peu de choses qui sont aussi utiles que le mensonge. Saches que je te mentirai souvent si j'y trouve de l'intérêt. Tu ne veux pas manier une arme ? Apprends à manier des mots, et le mensonge est la meilleure des armes.
- C'est... Un peu immoral tout de même.
- Mais par les entrailles des anges quand vas-tu cesser de me parler de ta moralité ? Enlèves tes œillères, cheval fou, ou tu vas droit dans le mur ! Il faut que tu apprennes à te sortir de ta petite conception étroite de la vie et de ses principes. Sois libre, mais juste !
- C'est ce que je tente d'être.
- Bien... Ta morale te dis que forniquer hors des liens du mariage ou sans but de copuler est mal, n'est ce pas ? Elle te dis aussi que certaines positions sont interdites car trop « animales », n'est ce pas ?
- Oui.
- Eh bien moi je peux te dire je me sens, physiquement et mentalement, beaucoup mieux depuis que je couches avec des femmes parfois mariées à d'autres hommes, promises à d'autres, ou que je ne connais tout simplement guère, et cela dans des postures souvent prohibées. Et je ne souhaites bien entendu aucun enfant. Fais-je du mal à quiconque ? J'aurais plutôt tendance à dire le contraire. Au final je ne fais de tort à personne en ce bas monde, alors en quoi serais-ce interdis ?
- Je... Je ne sais pas trop, mais si ça l'est depuis des siècles ce n'est pas pour rien.
- C'est là que tu fais erreur petit. Mais arrêtons là la discussion, c'en est trop pour toi pour le moment. Si tu réfléchis sérieusement à mes paroles je n'aurais pas perdu ma journée. »

Albar

Albar


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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Dim 27 Nov - 17:33
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Chapitre VI : Arrêt à Diepr



La journée entière se passa assez silencieusement, et, comme l'avait visiblement escompté Albar, Efir réfléchis beaucoup à tout ce qui avait été dit, et du faire de grands efforts pour ne pas balancer tout ça au motif du fait que c'était absurde. Cette réflexion semblait être importante aux yeux d'Albar, il avait même l'air de trouver ça capital même. Efir, lui, si il voyait l'utilité d'être intelligent, évidemment, mais avait du mal à intégrer le fait que ce soit si important.

Alors que le soir tombait, ils étaient en rase plaine, sans rien autour, et Albar ne voulait s'arrêter ici : il expliqua à Efir que c'était à cause des multiples risques que ça occasionnait : aucune cachette naturelle, ils seraient à la vue et à la merci de n'importe qui, surtout si ils allumaient un feu, et enfin ils risqueraient d'être à la merci du vent. Malgré l'obscurité et le froid qui commençaient à poindre, ils ne s'arrêtèrent que deux heures plus tard, environ, quand ils eurent trouvé une formation rocheuse assez particulière qui semblait former un tipi géant. Efir fut chargé d'enlever la selle d'Ithaq et de nettoyer l'endroit, tandis qu'Albar irait chercher le bois et des branchages. Il fallu attendre encore une petite heure pour que les trois compagnons (dont un, certes, est peu loquace mais henni beaucoup) soient réunis et que le feu soit allumé. Albar avait ramener énormément de branchages, trouvés assez loin, pour couvrir les entrées du tipi de roche, afin de dissimuler la lueur du feu, de conserver la chaleur, et de les protéger du vent. N'ayant pu trouver de gibier, ils mangèrent la viande séchée, qui sembla tout de même absolument délicieuse à leurs papilles. Albar jeta alors un livre aux pieds d'Efir qui lui rétorqua presque aussitôt :

« Vous savez bien que je ne sais pas lire.
- C'est justement pour t'apprendre. Là dedans il y a toutes les lettres représentées en grand format, les diphtongues, et à peu près tout ce qu'il y a à savoir sur les bases de l'orthographe. Je me doutais que tu serais analphabète, alors j'avais prévu le coup.
- Est-ce vraiment si important de savoir lire et écrire ?
- Tu n'imagines pas à quel point. Si tout le monde savait lire écrire, et avait accès aux livres, la tyrannie disparaîtrait, l'ignorance aussi, tout le monde, même si bien entendu il y aura toujours des idiots, tout le monde disais-je, aura son propre destin en main, car la connaissance, la culture, l'intelligence ne peuvent être atteintes sans livres.
- Je vois, dit Efir, plutôt convaincu, avant d'ouvrir le livre et d'être immédiatement intrigué par la première lettre. Quelle lettre c'est ça ?
- C'est la lettre « A », c'est une voyelle. Comme tu l'as deviné, c'est elle qui fait le son « a » dans « la », « alphabet », etc... »

L'apprentissage dura plusieurs dizaines de minutes, avant qu'Efir ne se sente trop exténué pour continuer. Ses fesses lui faisaient un mal de chien, ainsi que son dos : le cheval est toujours dur les premières semaines, avait dit Albar. Enfin, c'était surtout la selle, qui était dure, pas le cheval ! Toujours est-il que trouver une position confortable pour dormir était assez difficile, mais il finit par y parvenir, et lorsqu'il ferma les yeux, il vit des lettres danser devant, ainsi que les réflexions semi-philosophiques d'Albar qui raisonnaient dans ses oreilles. Il s’endormit plutôt vite, dans son coin, alors que son mentor, comme la nui dernière, dormait contre le flanc d'Itahq.

Cette nuit là ne fut pas exempte de cauchemars, qui le réveillèrent plus d'une fois. Ses parents morts continuaient de hanter ses pensées, et plus d'une fois il se réveilla en larmes. Albar ne sembla jamais être réveillé par les sanglots du jeune homme, ou peut-être faisait-il semblant de ne pas les entendre. Toujours est-il que le lendemain matin aucun des deux ne parla de ça. N'ayant pas d'eau à proximité, ils partirent assez vite, et tout le voyage fut passé à l'apprentissage de l'alphabet par Efir, que cela intéressait moyennement, mais bon, il le fallait bien. Il fut assez surpris de voir qu'il assimilait tout ça plutôt vite et facilement. Il appris cela pratiquement sans interruption pendant toute la journée : Albar avait un rythme d'enfer et il était d'une grande sévérité, attendant le meilleur de sa part et rien de moins. A la fin de la journée, il fut aussi fatigué qu'après un jour de dur labeur à la forge de son père.

La journée suivante fut exactement la même, tant et si bien qu'il n'y a rien d'intéressant à dire sur elle. Le lendemain, par contre, fut plus intéressant : vers le midi, à peu près, ils aperçurent des habitations au loin. Il s'agissait de Diepr, le village dont Albar parlait. Efir, un peu excité se dit qu'il allait avoir son premier cheval. Au fur et à mesure qu'ils approchaient, Albar lui donna des consignes :

« Si on nous pose une question, tu me laisses parler sauf si tu ne peux pas faire autrement. - Dans ce cas là, nous sommes des marchands qui allons de villages en villages pour savoir ce dont les gens ont besoin afin de leur vendre plus tard. Je suis Herberth, et toi tu es Nimal, mon neveu. Tes parents sont morts récemment et c'est désormais moi qui m'occupe de toi.
- J'ai peur d'être un peu trop... Émotif, sur ce dernier point.
- Je sais, ça aidera les gens à te croire. Les meilleurs mensonges ont une part de vérité. »

Efir appris donc bien sa leçon, toutes ses recommandations rébarbatives qui lui semblaient être exagérées pour la situation, mais il ne dit rien : il commençait à savoir que contredire Albar équivalait à une longue explication sur « pourquoi tu es une nouille ». Ils arrivèrent devant une espèce de palissade improvisée, gardée par un homme qui visiblement n'aimait pas rester là. Il ne leur posa même pas de questions et les laissa entrer car ils présentaient plutôt bien, surtout Albar. Une fois entré, Efir vit très bien que les gens le regardaient fixement, mais il en avait l'habitude : il avait du changer de village plusieurs fois, et ce sentiment était encore pire quand c'est avec des bagages que vous arrivez.

Ils passèrent devant une taverne dans laquelle il semblait y avoir pas mal d'ambiance, mais, alors qu'Efir ne put s'empêcher de jeter un œil à l'intérieur (pour n'y rien apercevoir, évidemment) Albar, lui, ne s'y intéressa pas un seul instant, chose qui, la suite nous le dira, fut une erreur. Toujours est-il qu'il parvinrent à ce qui semblait bien être un corral, à moins que les vaches ne ressemblent franchement à des cheveux dans cette ville. Albar demanda alors à Efir de regarder les chevaux dans leur enclos, et de lui dire lequel il souhaitait.

Bien entendu, le jeune homme ne connaissait pas grand chose aux chevaux. Il aurait voulu monter un étalon noir, ou au contraire un beau cheval blanc chevaleresque. Mais force était de constater qu'il n'y avait aucune de ces bêtes ici. Il les regarda alors tous, et son dévolu se porta un jeune cheval à la robe aux poils jaunâtres, au crin noir, et ayant les yeux noirs ou marrons, il ne le voyait pas très bien à cette distance. Albar lui appris qu'il s'agissait d'un cheval à la robe dite Isabelle. Il lui demanda de rester à l'extérieur avec Ithaq pendant qu'il irait s'occuper de la transaction, et surtout, qu'il ne devait pas bouger. Il pris la bourse de pièces d'or avec lui et parti rapidement, visiblement inquiet de laisser Efir seul.

Et forcément, ce fut après quelques instants qu'il lui arriva quelque chose. Une jeune femme courait vers lui, apparemment apeurée. Malgré cette espèce de peur qui se lisait sur son visage, Efir la trouva tout simplement magnifique : elle était jeune, environ 20, peut-être 25 ans au grand maximum. Elle était bien habillée, d'une robe noire plutôt courte, ce qui aurait été mal vu dans son village. Elle semblait aussi un peu échevelée, et elle accourut vers lui en le suppliant de l'aider.

« Que se passe-t-il mademoiselle ?
- S'il vous plaît, descendez de votre cheval, que je puisse me cacher derrière.
- Je...
- Je vous en prie !
- Eh bien... D'accord, dit-il en s'exécutant alors que la dame passait à toute vitesse derrière lui. Pourquoi est-ce que vous...
- Chut, regardez, ils passent ! »

En effet, un groupe de cinq hommes visiblement avinés semblait à la recherche de quelque chose dans la rue. Ils se tournèrent vers lui, au loin, et lui dirent :

« Hep, gamin, t'aurais pas vu passer une donzelle qui a l'air de vouloir de la compagnie par hasard ?
- Répondez non, pitié, dit la jeune femme derrière lui.
- Oui, elle est partie par là, dit-il en pointant une direction au hasard, et loin d'eux.
- Merci bien le gosse ! »

Il les regarda partir pendant quelques instants, puis, quand ils furent loin, il alla voir la jeune femme, qui reprenait lentement son souffle. Elle était encore plus belle et attirante vue de près.

« Tout va bien mademoiselle ?
- Oui, grâce à vous !
- Qu'est ce qu'ils vous voulaient ?
- Ça me semble assez évident... J'ai eu le malheur de passer par la taverne alors qu'ils étaient entrain de s'enivrer, et ils ont fait un raffut énorme, en voulant que je... M'occupe d'eux. Si vous n'étiez pas là, je me demande si j'aurais réussi à les distancer.
- Oh, vous savez, je n'ai pas fait grand chose...
- Vous êtes tout de même mon héros. Merci infiniment !
- Oh, mais... Mais de rien, vous n'avez pas à me remercier.
- Je confirme, on ne remercie jamais le poulet qu'on vient de plumer, pas vrai Ayael ?, dit la voix d'Albar qui semblait avoir surgi de nulle part, et qui avait saisi le bras de la jeune femme. Efir été trop subjugué par elle pour l'avoir vu arriver.
- Oh, Albar, dit la jeune femme, Ayael. J'ai bien peur que ce ne soit pas vraiment un plaisir.
- S'en est un pour moi, dit Albar en lui baisant la main, sans lâcher son bras.
- Eh mais vous faites quoi là ?, dit Efir avec fureur ?
- Oh, rien, rien, je t'empêche juste de te faire avoir comme un enfant, répondit-il en mettant la main dans une des poches d'Ayael pour en retirer un petit sac qu'Efir reconnu tout de suite : c'était celui où il y avait les diamants.
- Quoi ? Mais, comment, quand ? Quand vous vous êtes cachée derrière le cheval ?
- Je ne vois pas du tout d'où ça vient, dit Ayael avec un ton et un sourire qui dirent exactement le contraire. Que vas-tu me faire maintenant qu'enfin tu m'as sous ton emprise Albar ?
- Vérifier si je ne me suis pas fait avoir », dit-il en tentant difficilement d'ouvrir le sac.

Profitant de ce moment d'inattention, Ayael se dégagea de son étreinte par un mouvement tournant pas si facile que ça, et glissa en un éclair sous le cheval pour venir mettre une dague sous la gorge d'Efir. Albar, lui dégaina sa rapière en laissant tomber le sac par terre, sac qui ne contenait que des cailloux, comme il 'lavait imaginé : elle avait eu le temps de vider le contenu du sac quelque part dans une de ses poches et avait remplacé les diamants par de vulgaires cailloux. Albar ne put rien faire, et Efir se senti à la fois trahi, en danger, et idiot. Mais surtout, il avait à nouveau peur, il était tétanisé. Les lames, très peu pour lui.

« Tu te rends compte que si ton poulain n'avait pas été là, tu m'aurais sans doute attrapé ? - C'est terriblement dommage, n'est ce pas ?
- Nimal... Toi et moi on aura à se parler quand cette histoire sera terminée.
- Et comment crois tu qu'elle se terminera, beau guerrier ?
- Comme elle se termine toujours : tu vas t'enfuir les mains pleines.
- Ça c'est une réponse intelligente. Alors voilà comment ça va se passer : je vais descendre avec – comment s'appelle-t-il déjà ? Nimal, ah oui, c'est ça ! - je entrer avec Nimal rejoindre mon cheval, toi tu vas nous attendre ici, et je te le rendrait en partant, d'accord ?
- C'est d'accord Ayael. »

Efir eu bien du mal à se mettre en mouvement, mais il y parvint, et avança aux côtés d'Ayael, bras dessus bras dessous, posture qu'elle l'avait forcé à adopter pour pouvoir garder son couteau dans sa manche, tout en le gardant très près de lui. A l'intérieur du corral, il vit qu'il y avait bien, dans un box, un étalon noir, et il semblait bien que ce soit celui d'Ayael. Elle paya à l'éleveur ce qu'elle lui devait, présentant Efir comme un charmant jeune homme rencontré ici qui lui tenait compagnie. Son charme opéra immédiatement sur l'homme qui ne posa aucune question. Tous deux montèrent alors sur la jument noire. Efir songea un instant à s'enfuir en courant, mais il avait le sentiment qu'en faisant ça, il ne ferai que mettre sa vie en danger. Ainsi, elle fit partir sa jument au galop, et le poussa sans ménagements de cheval, sans même ralentir, alors qu'ils passèrent près d'un cheval. Elle pris néanmoins la peine de leur envoyer un baiser, qu'Albar attrapa tout de même.

Efir, au sol, avait mal un peu partout, son menton était ouvert, et il se sentait vraiment ridicule de s'être ainsi fait piéger. Albar en l'aida pas à se relever et partit pour le corral, laissant Efir se redresser doucement, précautionneusement. Il n'osait pas lever les yeux, de peur de croiser le regard d'Albar quand il reviendrait. Il se sentait plus que ridicule, s'être ainsi fait piéger par une inconnue, sans même avoir eu le moindre petit doute. Albar revint, accompagné des pas d'un cheval. Les yeux baissés, Efir dit :

« Je suis déso...
- Désolé, je le sais. Tu es un jeune homme sans éducation qui a toujours vécu dans un monde candide, qui jamais n'a rencontré une femme pareille, d'autant plus que cette femme est sans doute la voleuse, tueuse, espionne la plus douée de notre époque malgré son jeune âge. Si ça ne n'est pas une pléiade de circonstances atténuantes, ce mot n'existe pas. Tu t'es planté, mais ce qui compte c'est que tu ne te refasses pas rouler comme ça une deuxième fois. Voilà ton cheval, incommensurable nouille, dit-il en lui tendant le licol. Comment vas tu l'appeler ? C'est une femelle.
- Eh bien... Elle a une robe Isabelle, c'est ça ?
- Exact.
- J'aimerai l'appeler Isabella alors, comme ma mère...
- Évidemment... Aller, en route, on a encore pas mal de chemin à parcourir. Mais j'ai une chose à te dire avant.
- Quoi ?
- Ta vie n'a pas été un seul instant en danger tout à l'heure, mais imagine un peu si elle avait voulu te tuer ? Comment aurais tu fait ?
- Je... Je ne sais pas...
- Il va falloir que tu surmontes ta peur, et j'ai une idée, un traitement de choc. Approche toi de moi. »

Il eut du mal à ne pas crier quand il lui attacha une corde au poignet qu'il entoura autour d'un court poignard.

« Tu porteras ça jour et nuit, sans jamais t'en départir. Tout cela jusqu'à ce que tu acceptes enfin cette présence. Et pas de protestation, ni d'arrêt cardiaque. Et cesse d'être aussi pâle, tu vas faire peur aux enfants. »

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Dim 27 Nov - 20:08
J'ai donc pris le temps de lire les deux premiers chapitres, en guise de pause au milieu de ma dissert' de philo :p Voici ce que j'en dirais :

- J'aime bien l'histoire pour l'instant, longue à démarrer, enfin à nous faire rentrer dans le bon contexte, mais le début éveille la curiosité ! Des personnages ayant un potentiel de développement plutôt intéressant...

- Un style très fluide, ni trop rapide, ni trop lent, dans les descriptions. Elles sont très agréable à lire, aucun soucis pour ça, alors que certains auteurs ont le pouvoir de te faire t'endormir avec une simple description d'une... %*#&@ de porte (Victor Hugo is so powerfull !).

- Tes chapitres ont beau être un peu courts, ils sont à peu près égaux à vue de scrolling :p

- Quelques fautes de frappes qui prouvent que tu ne t'es pas relus jeune voyous ! Dès le premier paragraphe en plus ("L'un des deux mastodontes ouvrir alors la gueule et poussa un bâillement gargantuesque, tant et si bien qu'à lui seul, il sembla se répercuter dans toutes les terres alentours"), j'te dit pas comme ça donne envie de poursuivre -_-"(heureusement ce genre de fautes se rarifient au fur et à mesure). Sans compter ce défaut plus qu'évitable, il y a quand même très peu de fautes d'orthographes, je te félicite pour ça !

- Quelques phrases un peu trop longues, si bien qu'on s'y perd des fois O.o ! Il m'est arrivé à deux reprises (oui, c'est pas si récurrent que ça tkt xD) de ne plus savoir qui était le sujet de quel verbe, tellement tu incises, commentes, paraphrases. Ca oblige à relire les dites phrases à plusieurs reprises, c'est pas une torture mais bon :/... ça peut être lourd.

- Les dialogues sont riches, bien menés, avec un côté humoristique bien sympathique, mais (oui il y a un "mais" T.T) il n'y a aucune narration qui tranche ceux-ci. Pas de "dit-il avec un sourire moqueur", ni de " gémit-il" ni même de "lui lança-t-il" !! Certes, au moins, les dialogues gagnent en dynamisme, mais ça donne un peu de mal au lecteur à cerner le caractère de tes personnages, leur toc, leur intonation... C'est pour moi le seul vrai point noir de ta fic' ( les autres ça se corrige facilement, et c'est plus dû à un manque de relecture je pense ^^), car on dirait que c'est un sorte de convention dans ton style, t'interdisant de rajouter de la narration dans les dialogues. Je crois que j'vais pleurer !

Bref, en espérant t'avoir aidé un minimum, bien que tu n'es besoin d'aide que sur peu de points visiblement ^^" !

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Dim 27 Nov - 21:09
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Ça c'est un commentaire constructif ^^, Je te remercie ^^. pour répondre à tout ce que tu as dit, je ne répondrais qu'à la fin (ça vaut quoi de dire "en effet, je fais des fautes de frappe"? Lapalisse en aurait dit autant), c'est à dire, les dialogues (quoique, j'aurais pu toucher un mot sur les longues phrases en disant qu'en effet, j'aime faire des phrases interminable, mais que, par rapport à mes rp, je me retient là dessus ^^) en disant qu'en effet, j'aime beaucoup insister sur les dialogues, et que je trouve que les phrases narratives en gâchent tout le rythme. Mais si a pose des problèmes de compréhension, j'imagine qu'il faudra que je corrige ça ^^

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Jeu 12 Jan - 18:57
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Chapitre VII : Une lettre d'amour



Si je vous annonce que les jours qui suivirent furent durs pour Efir, me croiriez vous ? Si oui, vous avez tort : ils étaient bien plus que durs ! Combien de fois avait-il tenté de l'enlever, la nuit, sans qu'Albar ne s'en rende compte, avant, à chaque fois, de se faire avoir avant qu'il n'ait délacé le premier nœud. Il se demanda d'ailleurs si Albar n'avait pas été marin dans le passé, car ses nœuds étaient horriblement complexes à défaire. En y réfléchissant, vu la montagne de culture, de savoir et de talents qu'il semblait représenter (ou tout au moins étais-ce là l'image qu'il voulait donner de lui à Efir, et force est de constater que cela marchait très bien), le jeune homme se demandait si il n'avait pas à peu près tout fait dans sa vie. Il dégageait tant d'assurance qu'Efir commençait à se demander qui il était, à se poser des questions sur lui, son passé, etc... Jusqu'ici, il s'était contenté de le suivre et de lui être reconnaissant pour tout ce qu'il avait fait, et ce qu'il faisait encore, mais maintenant, il commençait à se demander qui était « l'homme », et non pas l'espèce de demi-dieu qu'il semblait prendre plaisir à incarner. Il avait sans doute ses faiblesses, mais le garçon avait beau se creuser la tête, l'image de cet Albar invincible et sûr de lui était trop ancrée en lui pour qu'il l'imagine flancher d'une quelconque façon que ce soit. Et de plus, lui qui était si âgé, il avait sans doute eu le temps de régler tout ses problèmes.

C'est d'ailleurs une autre question qu'il se posait, à propos du chevalier blanc, comme il avait pris l'habitude de le nommer de façon moqueuse (mais seulement en pensée, il hésitait encore à lui dire) : comment pouvait-il vivre aussi vieux ? La magie existait donc vraiment ? Et si c'était bien le cas, comment est-ce qu'il pourrait faire pour acquérir ce pouvoir ? Tant de questions sans réponse. Il ne les avait pas posées à celui qui désormais était son mentor : il était persuadé qu'il n'aurait pas de réponse. Albar ne semblait pas être du genre à lui mentir (même si il n'était pas totalement certain de cette allégation : le noble ne se privait jamais de lui vanter l'utilité du mensonge et de la manipulation), mais il avait de très grandes chances, selon lui, d'essuyer un simple refus.

En effet, plus le temps passait, et plus sa vision d'Albar changeait. Il restait bien entendu l'homme de confiance qu'il concevait, le guerrier courageux aux allures de surhomme, un charmeur invétéré, d'une élégance incontestable mais terriblement démodée qui semblait plaire beaucoup aux femmes (cependant, il comprenait cela : lui même, à l'époque récente, mais bien trop lointaine à ses yeux, où il flirtait avec la belle Erika, il jouait aussi e genre de personnage. Sauf que pour Albar, ça n'était pas un personnage, il était constamment ainsi), mais, disais-je, si il restait tout cela à ses yeux, il prenait de plus en plus l'aspect d'un homme très secret, qui ne parlait jamais de lui, contrairement à l'impression qu'il donnait lors d'une conversation. En plusieurs jours, Efir n'avait rien appris de plus que le premier soir, à savoir son nom, son titre, son âge, et son vague passé chez les Veilleurs. Plus le temps passait, plus il pensait qu'Albar lui cachait des choses. Un soir, il décida de se jeter à l'eau : ils étaient tous d'eaux d'un côté du feu, Albar à moitié allongé, se servant d'Ithaq comme oreiller (ou dossier, je ne saurais le dire, vu que, je le répète, il n'est qu'à moitié allongé. On pourrait, à la limite, dire que les flancs du cheval faisaient office de dosseillers, ou d'oreissiers, c'est celon – pardon, « selon », excusez moi, mais écrire n'importe quoi est une chose à ne jamais commencer, sinon on ne s'arrête plus, et je dis ceci à tous les compositeurs de chansons françaises ou aux scénaristes des films catastrophes – c'est selon, disais-je, votre point de vue). Efir, lui, était assis, sa jument n'étant pas assez habituée à sa présence pour le laisser s'installer ainsi (vous remarquerez allitération en « s »), bien droit, et avec sa main droite dans son dos, pour qu'il ne puisse voir la lame, qui le rendait pâle à chaque fois.

« Dis, Albar, j'ai une question...
- Un jour, peut-être, tu cesseras de dire « j'ai une question », car enfin tu auras les réponses.
- Je prends ça comment ?
- Vas-y donc, soumet moi tes interrogations.
- J'ai... Comment dire ? J'ai parfois l'impression que tu me caches certaines choses, me concernant.
- Évidemment que je t'en cache.
- Ah..., répondit-il, désarçonné par cette réponse franche faite sur un ton des plus neutres. Et heu... Ce sont des choses importantes ?
- Seules les choses importantes méritent d'être cachées.
- J'imagine que tu ne tiens pas à me tenir au courant, pas vrai ?
- Non, pas encore, dit Albar avec nonchalance, tu n'es pas encore prêt à le savoir.
- C'est toi qui le dit. Moi je pense que je suis prêt !
- Ma foi j'en suis fort aise si tu te fais confiance. Pourrais tu regarder ta main droite et me redire ça sans que ta voix ne tremble ?
- Ça n'a aucun rapport !
- Évidemment que si. Tu as les prétentions d'un cheval de course, mais tu n'es qu'un âne, et le seul moyen de faire avancer un âne est d'utiliser une carotte. Quand tu seras capable de regarder ta main sans frémir ou pâlir, quand les armes ne t'inspirerons pas plus de terreur qu'elles ne doivent le faire, eh bien je te révélerai certaines choses.
- Tu as donc une si faible estime de moi ?, rétorqua Efir, outré.
- J'ai l'opinion de toi que tu me veux bien me donner. Je crois que c'est l'heure pour un nouveau cours pseudo-philosophique.
- Pourquoi tu dis toujours « pseudo-philosophique », et non pas simplement « philosophique » ?
- Parce que j'entends bien t'apprendre des choses de qualité, ce que la philosophie ne peut t'apporter. Vois tu, j'aime à dire que le philosophe est celui qui se plaît à ne jamais ô grand jamais considérer le bon sens comme une réponse à une question stupide. La réflexion philosophique est une bonne chose, mais bon nombre d'imbéciles aujourd'hui ont employé leur esprit à se poser des questions inutiles. Certains ont tout de même été jusqu'à se poser la question : « est-ce que j'existe ? Et est-ce que l'autre existe ? » et on mis plusieurs dizaines de pages à prouver que « oui, j'existe, et les autres aussi ». C'est là mon exemple préféré. Alors voici mon conseil : j'ai bien l'intention de faire de toi l'une des personnes les plus intelligentes sur cette terre, et bientôt tu seras capable de raisonner comme le plus doué des philosophes, alors, je t'en prie, ne te gargarise jamais de mots pompeux afin de donner à poids à tes phrases fumeuses, qui répondent à une question à laquelle n'importe quel inculte pourrait répondre.
- La leçon est-elle terminée ?, dit le jeune homme, encore irrité.
- Par l'enfer, non, elle n'a même pas commencé, ce n'était qu'un préambule. Je voulais te dire ceci, car tu sembles avoir encore du mal à l'intégrer : tu ne sais rien, ou presque. Et celui qui ne sait rien, ne peut rien comprendre. Je me suis fixé la tâche de te transformer, de te faire passer de l'imbécile heureux à l'érudit heureux. Te braquer ainsi ne me facilite pas la tâche, alors écoute moi donc, continua-t-il d'une voix dont le ton n'avait pas monté d'un cran, toujours calme et sûr de lui, de nous deux, je suis, et de loin, le plus intelligent, je ne pense pas que tu me contrediras. Alors, si je juge que tu n'es pas encore prêt, c'est que tu n'es pas encore prêt. Saches que la plus petites des vérités que je te cache aurait le pouvoir de t'anéantir totalement si j'en pipait mot. Quand tu n'auras plus peur des couteaux à beurre, c'est que tu auras fait un énorme travail sur toi. Si tu y parviens, peut-être que j'envisagerai de te révéler certaines choses. Pour l'instant, tu en sais juste assez.
- Les armes sont dangereuses !, rétorqua Efir, changeant visiblement de sujet, à court de mots.
- Tu as décidément tout pour devenir un philosophe renommé, dit Albar avec un sourire ironique. Un cheval aussi est dangereux, mais en vérité, les armes, c'est une question d'intelligence, comme tout le reste. Un individu qui n'a pas d'arme entre en conflit avec quelqu'un qui en a une, que fait-il ?
- Il tente de le raisonner ?
- Précisément. Maintenant, pense comme l'individu armé, et demande toi ce qu'il va faire.
- Eh bien... Je suppose qu'il va se servir de son arme, ça lui donne un avantage.
- Tu y es ! Voilà pourquoi il faut savoir trouver la bonne mesure, la juste proportion : régler un problème uniquement par les mots, sans plan de secours, est un très grand risque et une erreur, car il y aura toujours des gens qui refuserons d'écouter tes mots. Mais tout régler dans la violence n'est évidemment pas une solution, et un individu armé aura toujours envie de se servir de son arme, c'est inévitable. C'est pour ça que savoir parler et savoir se battre sont deux savoirs qui ne devraient jamais être dissociés : sert toi des mots jusqu'à ce que sois contraint de sortir le métal.
- Et enlever une vie ?
- Exactement.
- Mais... Tu dis qu'il n'y a ni paradis ni enfer... Pour ceux qui croivent...
- Qui « croient », par tous les chiens de l'enfer ! Je ne veux plus jamais entendre une telle faute !
- Pardon. Pour ceux qui croient à l'au delà, la mort est déjà un affreux pêché, mais on se dit que la victime aura la vie éternelle.
- Ou qu'elle passera l'éternité dans une souffrance indicible.
- Un punissions de ses pêchés.
- Quelle faute mériterai pareil châtiment ? Quel préjudice accompli dans une vie pourrait valoir à son auteur une éternité de souffrances ?
- Les lois de la Terre et de Dieu sont différentes.
- Ce n'est pas ce que j'appelle une argumentation cela : que puis-je y répondre ? « Non c'est pas vrai » ? Allons, un peu de logique que diable !
- Il n'y a pas d'explications à fournir, ces lois sont ainsi !
- Tu noteras tout de même que toute discussion est impossible avec toi sur ce point là, mais reprenons là où nous en étions : tu disais que pour ceux qui pensent que l'au delà existe, la mort d'un être était déjà une pensée affreuse.
- Oui. Mais de ton point de vue, si leur vie s'arrête une bonne fois pour toute, alors leur ôter est un crime bien plus horrible.
- Les gens sont responsables de leur vie. Certains meurent avant d'être nés, d'autre dans un accident stupide, d'autres d'une longue maladie, etc... Ôter une vie est une chose regrettable mais parfois nécessaire.
- Ôter une vie pour sauver la sienne... Vaut-elle tant que cela ?
- Ce n'est pas une question de valeur de la vie. Nous sommes impliqués toi et moi dans quelque chose de bien plus grand que nous, quelque chose qui a un rapport avec d'immenses puissances. Notre mort signifierai la fin de ce futur hypothétique, alors que, même si ce terme est affreusement niais, c'est pour le bien que nous agissons, le bien de tous.
- Tu es entrain de me dire que, parce qu'on veut faire de bonnes choses, il est nécessaire d'en faire de mauvaises ?
- Cesse donc de tout voir en noir et blanc, en la notion de bien et de mal. Le mal absolu n'existe pas, pas plus que le bien sans défauts. Le monde n'est qu'une nuance de gris plus ou moins foncé. Je navigue dans un gris sombre, et toi tu es proche de la blancheur, mais ce qui compte, c'est ce qu'on fait, et ce que nous, nous tentons de faire, c'est œuvrer pour l'intérêt général, et il l'emporte sur celui d'un seul, ou de plusieurs.
- L'intérêt général ? Mais je ne sais même pas ce que j'ai à voir là dedans !
- Il faudra te contenter de ce que je t'ai dit jusque là, Efir.
- Et tu arrives à dormir la nuit avec cette excuse ? En te disant que ce que tu as fait était pour le bien ?
- Le bien, je ne sais pas, ce terme est trop abstrait, mais c'est dans l'intérêt de milliers, voire de millions de gens que je le fait. Quelques cadavres par ci par là ne me posent aucun problème de conscience.
- L'enfer est pavé de bonnes intentions...
- Certes, mais le paradis alors ? De mauvaises ?
- Je..., commença Efir, sans terminer.
- Les « arguments » religieux sont toujours à double tranchant, et quelqu'un pourra toujours leur faire dire n'importe quoi.
- Ne change pas de sujet !
- Pour avoir une assise dans une discussion, et à plus forte raison lors d'un débat, ce que nous vivons en ce moment même, il est impératif de savoir garder son calme.
- Albar ! Arrête de me prendre de haut comme ça ! Tu crois quoi ? Que j'ai huit ans ?
- Ta réaction tendrait bien à me donner cette impression. Je t'ai appris à réfléchir à ce que l'on te dis. C'est ce que tu devrais être entrain de faire.
- J'en ai marre de tes règles, de tes conseils, de tes leçons de philosophie à la...
- Pseudo-philosophie.
- Je m'en moque ! Pour moi tout ça c'est pareil, et je n'en ai absolument rien à faire !
- Ce ne sont pas les paroles d'un être raisonnable.
- Eh bien je ne veux pas être raisonnable ! Je ne veux pas être un puits de culture comme toi, et devenir pompeux et moralisateur ! Je veux retourner à ma vie toute simple où tout ce que tu m'as appris, je l'oublierai rapidement !
- Eh bien pars.
- Pardon ?, demanda Efir, les yeux écarquillés, sa colère un instant oubliée, sous le coup de la surprise.
- Voici ce que j'ai en l'esprit, jeune homme, dit Albar d'un ton plus que glacial, en se levant et en lui faisant face. Tu te trouves être dans ce qui est sans nul doute, à ton regard tout du moins, un colère folle, mais permet moi, en guise de préambule, de te dire que ce n'est rien, cela n'a nulle équivalence avec celle qui m'étreint en cet instant présent. Je t'ai déjà dit que te former est comme une conclusion à l'entièreté de ma longue vie, vie que j'ai risqué pour la tienne plus d'une fois. As-tu idée de ce que j'ai laissé derrière moi, pour toi ? As tu idée de ce qu'a été mon passé, ou de ce qu'il en subsiste encore aujourd'hui ? Non, tu ne sais rien de tout cela, car je ne t'en ai pipé mot, et je n'ai guère l'intention de le faire. Mais de la part d'une personne telle que toi, j'aurais apprécié un peu plus de respect, et de gratitude.
- Je...
- Je n'ai pas terminé. Tu as un destin exceptionnel qui t'attends, et cela, tu l'avais compris il y a des lunes, n'est-il pas ? Mais j'escompte que tu ai un regard de toi même un tantinet objectif, et que tu te rendes compte que toi, en ce moment même, tu n'as rien d'exceptionnel. Tu es comme tous les enfants des villages perdus d'Imbroli : tu es croyant, travailleur mais uniquement quand ce sont tes membres qui sont mis en jeu, tu aspires à autre chose que cette vie, tout en ne t'imaginant guère entreprendre autre chose, à moins de devenir militaire, pour te sortir de cette misère dans laquelle tu vis. Ce que tu as de différent, c'est que tu as une phobie des armes, mais les traits principaux de ta personnalité sont des plus banals.
- Tu n'as pas le droit de..., commença Efir, la colère montant à nouveau en lui.
- Cesse !, le coupa sèchement Albar. Tu es ainsi, et n'importe quel lecteur aurait pu prévoir la moindre de tes réactions, tant tu es banal et prévisible. Et pourtant, tu as un destin incroyable, tu vas accomplir des choses bien plus grandes que je n'ai jamais pu en accomplir. Alors moi, j'essaie de te rendre meilleur que tu ne l'es, car tu es quelqu'un de bien, mais de stupide. Tu as enchaîné les erreurs depuis que je t'ai rencontré, et je ne tiens pas à ce que tu en fasses une le jour où ton destin s'accomplira. Là encore, quand je te sermonne, t'apprends des choses que tu sembles trouver inutiles, j'agis dans l'intérêt général. Maintenant dis moi : est-ce cette volonté, celle d'améliorer les choses, qui t'a fait dire ce que tu m'as dit il y a quelques minutes ? As tu jamais eu cette volonté ?
- Eh bien, je... Je... Non, admis Efir, sentant la honte monter en lui.
- Bien... Ce soir tu m'as beaucoup déçu, alors tâches de faire mieux demain. »

Sans rien ajouter, Albar se tourna, afin de s'endormir, laissant le pauvre Efir en proie à une grande honte. Avait-il vraiment tort ? Avait-il vraiment été un ingrat ? A bien y repenser, il n'avait jamais rien fait pour Albar depuis que ce dernier lui avait sauvé la vie, et, alors qu'il lui dispensait ses enseignements, jamais il ne lui avait dit merci, et s'était contenté soit d'apprendre tout simplement, soit de se plaindre. Albar, lui, ne s'était jamais plaint, sauf ce soir, ces derniers instants. Il faut croire qu'il a vraiment été injuste avec lui, et qu'il n'a pas agis comme une personne reconnaissante. Mais, la question que le jeune homme se posait était : lui était-il reconnaissant ? On lui avait toujours appris à remercier les gens qui lui rendaient service, à être aimable avec les gens, etc... Ce serait tout de même étrange qu'il ne lui soit pas reconnaissant, mais peut-être étais-ce cela... La voix d'Albar, beaucoup plus ensommeillée qu'il y a quelques minutes, s'éleva alors.

« Le rasoir d'Ockham.
- Hein ?
- On dit « pardon ».
- Pardon ?
- Le principe du rasoir d'Ockham, « Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité », ou, plus simplement, « la solution la plus simple est souvent la plus probable ».
- Et alors ?
- J'entends les rouages de ton cerveau fonctionner d'ici ! Cesse de te poser des questions aussi abstraites, la réponse est plus simple : tu es dépassé par tout ça, tu as peur, et en plus, tu es en deuil. Alors forcément, tu deviens impulsif et irritable. Tu arriveras à contrôler tout ça, un jour.
- Merci Albar.
- Ne te méprends pas, dit-il en se redressant et en sortant un papier, une plaque de bois, une plume et un encrier des sacoches d'Ithaq. Je ne t'ai pas pardonné, je dis juste que je te comprends, dans une certaine mesure.
- Albar, est-ce que je peux te poser une question malgré tout ?
- Ça, tu peux toujours le faire. Plus tu en poses, mieux c'est.
- Qu'est ce que tu écris sur cette feuille tous les soirs ? »

Albar sembla hésiter à répondre pendant un temps. Le silence s'était installé, qui n'était pas le silence habituel qui précédait les réponses de celui qui était désormais le mentor d'Efir. En temps normal, il prenait tout son temps, par flegme, et cela se ressentait dans l'atmosphère du court silence instauré, mais cette fois ci, ce que le jeune homme ressentait était différent. Si il devait donner un nom à cette chose, le premier qui lui serait venu à l'esprit serait : « gêne ». Cette lettre était sans doute quelque chose de personnel. Mais Efir, même si il s'en doutait, était très curieux. En effet, comme il venait de le dire, chaque soir, Albar en rédigeait quelques mots, utilisant beaucoup e brouillon qui finissaient dans le eu à chaque fois, tout cela pour seulement trois ou quatre lignes d'écrites. Mais alors que le garçon s'apprêtait, finalement, à laisser tomber, Albar finit par lui répondre.

« C'est un poème.
- Il est pour qui ?
- Pour l'élue de mon cœur.
- Laquelle ?, demanda Efir avec un brin d'ironie.
- La seule.
- Je ne comprends pas.
- Mon corps aime toutes les belles femmes, mon esprit n'en aime que très peu, mais mon cœur, lui, n'en aime qu'une. Plus royale qu'une reine, plus belle d'un coucher de soleil, plus cultivée que les archivistes les plus méticuleux, plus habile de ses mains que les meilleurs orfèvres, plus intelligente que tous les savants du royaume, mais tout cela, ce n'est rien... Car elle a une chose que mes mots ne parviennent à trouver, un petit quelque chose que les autres n'ont pas. Je ne saurais trouver de nom à cette chose, mais quoi que ce soit, ça m'a touché en plein cœur, et, comme une fleur, l'a envahi pour y prospérer, et répandre son parfum dans tout mon être.
- Eh bien...
- Merci pour cette réponse constructive, répliqua Albar avec un sourire, puis, après une nouvelle hésitation, et lui tendit le parchemin. Tu veux le lire ?
- J'aimerai bien, oui », répondit Efir en prenant timidement la feuille.

Il commençait certes seulement à savoir lire, mais ne s'en sortait pas trop mal. La calligraphie était tout simplement magnifique. Efir avait plusieurs fois pu contempler l'écriture naturelle d'Albar, et la conclusion qu'il en avait immédiatement tirée était que son écriture était tout simplement affreuse, en pattes de mouches, presque illisible. Mais ici, ce qu'il voyait ressemblait plus à une œuvre d'art qu'à de l'écriture : d'immenses lettrines, de magnifiques enluminures, de celles qui auraient rendu jaloux les meilleurs moines copistes. Albar ne s'était pas appliqué pour écrire cela : il s'était surpassé. Toutefois, il ne parvenait pas à comprendre certains mots, et finit par demander à Albar de le lui lire à voix haute, chose à laquelle ce dernier consentit. Il se leva, pris la feuille dans une main, et tourna doucement en rond autour du feu en déclamant les quelques vers qu'il avait écrit.

« Oserais-je ? Oserais-je terminer ce vers ?
Et de même vais-je entreprendre le suivant ?
Cela fait, je ne peux guère plus faire marche arrière.
Ainsi vais-je vous dévoiler mes sentiments.

Vous ai-je déjà véritablement parlé ?
Jusqu'ici je ne vous ai pas ouvert mon cœur,
Je n'ai fait que timidement vous admirer,
Vous cachant tout : mon amour, ma joie, ou ma peur.

Voici, par Dieu, que je ne trouve plus mes mots.
Le cours de mon éloquence n'est point tari,
Il est devenu puissant torrent, coule à flot,
Et ainsi, mes mots, bien trop vifs, m'échappent, me fuient.

Que vais-je faire ? Vous parler de votre beauté ?
Celle qui a fait s'agenouiller tous les hommes,
Ceux qui ont eu la chance de vous admirer ?
Pour vos beaux yeux, ils auraient croqué la pomme.

Mais ce que mes yeux voient en vous, vous le savez.
Je veux vous dire tout ce que mon cœur ressent.
Vous êtes la plus belle femme qui eut été,
Mais pourtant cela est réducteur, affligeant.

Vous êtes la déesse de mon âme et cœur,
Éblouissant tout mon être de lumière,
Enchaîné à vous, par malheur ou par bonheur,
Comme la fleur ne peux vivre hors de la terre.

Votre sourire fera flancher le plus fort,
Vos yeux sont deux soleils chauds et éblouissants,
Qui régissent les règles du monde : la vie, la mort,
Le bonheur, le malheur, et même l'espace-temps.

Ce que vous avez de plus superbe, de plus beau »

Le poème d'Albar s'arrêtait là. Il n'avait visiblement pas encore terminé. Efir n'y connaissait rien en poésie, il n'en avait jamais lue, ni encore moins écrite, et ainsi, cette lettre 'amour fut le premier poème qu'il découvrit. Comme un enfant qui trouve merveilleux tout ce qu'il observe pour la première fois et qui lui semble hors de portée, Efir était fasciné par la façon dont son mentor maniait les mots. Dans son esprit, écrire de telles choses relevait d'une immense difficulté, et pourtant, les mots lui semblaient fluides et allant merveilleusement bien ensemble, tant il s'était habitué au langage soutenu de l'ancien comte. Il avait d'abord eu quelques doutes sur la sincérité des paroles d'Albar à l'encontre de cette mystérieuse demoiselle, mais après avoir entendu un texte pareil, dicté par une voix aussi passionnée, il n'en pouvait plus douter.

« Albar, c'est superbe !
- C'est tout bonnement ridicule. Jamais je n'ai écrit quoi que ce soit de plus basique. Comment pourrait-elle aimer ?
- Tu es peut-être un peu blasé par tout ce que tu vois.
- C'est fort possible, mais il y a de grandes chances qu'elle aussi, et elle mérite mieux que ça. J'ai déjà réécrit ce poème des dizaines de fois.
- Qui est elle ?
- On va faire un jeu : je te donne deux semaines pour me poser une question plus stupide que celle là. Si tu y parviens, tu gagnera le droit de me demander tout ce que tu veux du moment que je suis d'accord.
- Euh... »

Albar

Albar


Daeva

Partie IRL
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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Dim 15 Jan - 10:52
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Chapitre VIII : Céphocus et Lu-Ann



La course du temps garda son beau rythme, et les jours passèrent les uns après les autres, tandis qu'au fur et à mesure de leur périple, nos deux pauvres hères constataient que ce n'étaient plus de territoires sauvages qu'ils arpentaient, mais des sentiers, puis des routes, et enfin d'immenses voies. Efir l'avait deviné avant qu'Albar ne le lui dise : ils s'approchaient d'une grande ville, sans nul doute la capitale. Si n'importe qui pourrait constater que le jeune homme faisait d'immenses progrès dans la lecture, et de part le fait dans l'écriture – et le résultat sautait aux yeux : si ses lettres étaient encore hésitantes, son écriture était bien plus appliquée que celle d'Albar – si, disais-je, dans ces domaines, il faisait des progrès fulgurant, le jeune Efir n'en faisait pourtant aucun pour ce qui était de gérer le stress causé par les armes. Le poignard qui ne le quittait jamais, eh bien, ne le quittait véritablement jamais, pas même dans ses pensées. Parfois, parfois, il parvenait à ne plus y penser – dis-je en me contredisant sans vergogne – mais ces moments étaient rares et courts, cela sans compter sur le fait que, par le fait même, ne pas y penser l'empêchait de savourer ce moment libéré de sa peur, ou pour être exact, de cet horrible fardeau. Quant à tout le reste de ses journées, voire de ses nuits, il avait cet espèce de sentiment de malaise que l'on ressent lorsque l'on est enfermé quelque part, en sachant que quelqu'un vous cherche, qu'il n'est pas animé de bonnes intentions, et que les toilettes sont au bout du couloir, ce qui vous obligerai à sortir de là où vous êtes caché – vous ne demandez que ça – mais par là même de vous exposer à un danger mortel – vous préféreriez éviter. Tout cela pour vous dire qu'il n'y a rien de plaisant dans cette histoire, ni d'enrichissant, contrairement à ce qu'Albar se plaisait à lui dire. La majorité des lecteurs trouveront sans doute que j'exagère, mais ceux qui ont une vraie phobie comprendrons sûrement l'horreur que cela représente pour le jeune homme. Imaginez vous être obligé de vous promener avec une araignée attachée au poignet, ou un rat, ou un serpent, que sais-je... Notez que pour les agoraphobe ou les claustrophobes, il est plus difficile de se représenter la chose : je ne vois décidément pas comment ils pourraient avoir respectivement une foule ou un espace clos et étroit accroché à leur poignet. Blague – si on peut appeler ça ainsi – mise à part, il convient de dire que le pauvre Efir en était arrivé à faire des cauchemars. Plus il y pensait, cependant, plus il se disait qu'il valait mieux cela plutôt que de continuer à voir ses rêves hantés par sa mère entrain de mourir de mille façons différentes.

La délivrance se fit soudain, alors qu'il ne s'y attendait pas. Un jour, alors qu'il se réveillait, il constata que sa main était plus légère, et qu'Albar, déjà debout, était entrain de jouer avec ce couteau. Il resta bouche bée quelques instants, se demandant pourquoi il lui avait retiré, si c'était parce qu'il avait compris que ça ne servait à rien, ou alors par empathie, ou pour un autre test tordu. Toutes ses interrogations, il les formula ainsi à Albar :

« Qu'est ce que quoi comm... Génial mais....'omprends pas !
- Tu as l'air tellement soulagé que je suis surpris que des petites ailes blanches ne te poussent pas dans le dos et que tu t'amuse à voler au dessus des passant en piaillant.
- Pourquoi tu l'as enlevé ?
- Ah, et tes yeux débordent tellement de reconnaissance que j'ai peur que tu n'inonde le campement.
- Je ne l'aurais plus ?
- Si.
- Mais, je comprends pas.
- Retourne toi donc. »

Efir s'exécuta, et soudain il se rappela : la capitale était en vue depuis hier soir, mais ils avaient préféré attendre le matin, ce serait plus sûr. Et il était évident qu'il ne pouvait pas se balader avec une arme dans la plus grande ville du royaume.

« Tu sais, repris Albar, qu'il serait tout simplement stupide de te promener dans les rues avec ceci qui te pends du bras. Mais il n'y a pas que ça. Je veux que tu sois le plus alerte possible, et que ton esprit soit bien concentré. On ne sera jamais autant en danger qu'en arpentant ces rues. Tu te souviens des faux noms qu'on avait employé, à Diepr ?
- J'étais Nimal et tu es Herberth.
- Excellent. Nous allons encore une fois employer ces noms là, avec le maximum de prudence.
- Comment allons nous faire pour entrer en contact avec un veilleur ?
- La première des choses à faire est d'abord de nous trouver une bonne auberge pour y séjourner une ou deux soirées. Puis nous en changerons souvent, à intervalles irréguliers.
- Pourquoi toutes ces précautions ? Ils ne savent pas à quoi je ressemble après tout ? Ou alors on peut me déguiser.
- Tout ça sera fait, mais ce n'est pas toi qui va amener les plus gros dangers, c'est moi.
- Toi ?
- Que t'imaginais tu donc ? Que ma vie à commencé quand je t'ai rencontré, et qu'en 147 ans je ne me suis fait aucun ennemi ? Crois moi, j'ai à mes trousses bien pire que la horde, mais généralement, tant que je ne suis pas dans une grande ville, je ne risque que peu de choses. Cependant, ici... Ce ne sera guère facile.
- Je vois..., se contenta de dire le jeune homme, pas du tout rassuré.
- Tien, poursuivi Albar en lui jetant un tas de vêtements. Comme tu l'as dit toi même, c'est de déguisement dont nous aurons besoin en premier lieu ! »

Parmi ce qu'Albar lui avait donné se trouvait des vêtements simples et très basiques, passe-partout comme on dit, ainsi qu'une espèce de glaise d'un noir d'onyx dans une gourde. Alors qu'il se demandait ce à quoi cela allait lui servir, Albar finissait de se vêtir. Efir n'eut pas ce que l'on pourrait appeler un choc, mais tout de même, la vision de son mentor était bien différente désormais : plus aucune trace de costume ni de quoi que ce soit qui y ressemblait. Il avait un pantalon de cuir noir usagé mais très présentable, et sa chemise à jabot blanche était désormais remplacée par un haut de tissus d'une beige presque blanc. Il était entrain d'enfiler une longue cape marron à capuchon. A son côté ne pendait plus sa rapière mais le xiphos des veilleurs, qui, ainsi ans son fourreau, ressemblait à une arme quelconque.

« Albar, c'est quoi ça ?, demanda Efir en lui montrant l'étrange produit.
- C'est pour te teindre le cheveux.
- Pardon ?
- Tu es blond, ce qui est suffisamment rare pour qu'on se permette de le cacher. Va passer tes cheveux à l'eau, et ensuite étale toit tout ça sur le cuir chevelu. Surtout ne les rince pas et laisse ce mélange s'imprégner, durant environ une demie heure. Après seulement tu pourras les essuyer, ça ne devrait plus s'en aller. Pense à t'en mettre un petit peu sur les sourcils également. »

Efir n'ajouta rien, et alla donc faire ce qu'on lui avait demandé. Après s'être mouillé les cheveux, il se contempla quelques instants dans l'eau, comme pour graver dans son esprit une image de celui qu'il était. L'apparence physique est souvent très liée à la conception que l'on a de soi même, et ainsi, alors qu'il va changer, pour une durée indéterminée, de couleur de cheveux, de nom, et même d'histoire, il avait l'impression de devenir quelqu'un d'autre. A ses yeux, c'est sa personnalité qui se noircissait, car il est bien vrai que sa vie était désormais bien plus sombre. Les yeux fixés sur son reflet, il observait sa transformation alors qu'il étalait le produit sur ses cheveux. Avait-il changé ? Certes, il savait désormais presque parfaitement lire et écrire, mais ce ne sont pas ces choses là qui changent un homme. Son moi intérieur, comme on le dit souvent, avait logiquement été influencé par toute ces horribles choses qui lui étaient arrivées, mais à quel point ? Est-ce que ça se résumait à son tempérament un peu plus colérique et mélancolique, ou bien avait-il changé plus profondément ? Il était incapable de répondre à cette question, mais il savait également que personne d'autre ne le pourrait.

Plutôt que de rejoindre Albar, il laissa s'écouler les minutes nécessaires pour que la mixture noire partage sa couleur avec ses cheveux. Restant assis près de l'eau, il leva les yeux au ciel. Il faisait un temps superbe, et en cet automne débutant, c'était la plus belle chose qu'il pouvait voir ; Les arbres et les plantes étaient entrain de mourir doucement, et les animaux commençaient aux aussi à se retirer, accumulant les réserves pour l'hiver. Il vit quelques oiseaux passer, dont un rapace avec une lettre accrochée à l'une de ses pattes. Ma fois, si près d'une grande ville, ce n'était pas étonnant, il devait y avoir une correspondance soutenue.

Après avoir patienté une demie heure environ, Efir alla se rincer les cheveux, ainsi que le visage, et constata qu'Albar avait raison : ses cheveux étaient désormais d'un noir de jais. Ce nouvel aspect ne lui allait pas si mal, même si il préférait tout de même sa couleur naturelle.

« Par l'enfer joli cœur, vas tu cesser de t'admirer ?, tonna au loin la voix d'Albar.
- J'arrive ! »

Albar était déjà à cheval. Il s'était occupé de ranger toutes leurs affaires dans les sacoches de leurs montures, et Efir n'avait plus qu'à se mettre en selle. Ils avancèrent en silence vers la grande Beladime, la capitale du royaume, la plus belle d'entre toutes les villes. De loin, le jeune homme arrivait à voir les jardins de la ville, qui débordait de verdure et de couleur. Mais cette vision n'arrivait pas à le calmer, bien au contraire. C'est la première fois de sa vie qu'il allait pénétrer dans autre chose qu'un minuscule village, et il n'était guère rassuré. Il fallait néanmoins le comprendre : depuis sa plus tendre enfance, on lui a dit que les villes étaient un endroit dangereux, qui abritaient les pires malfrats, et depuis quelques semaines, sa vie était directement menacée, et Albar lui avait dit qu'il ne serait sans doute jamais plus en danger que dans Beladime. Comprenez donc un peu son inquiétude.

Aucun mot ne fut prononcé. Efir n'était absolument pas rassuré, et cela se ressentait. Il se tenait très droit sur son cheval, était raide comme une épée. Il tenait les rênes avec beaucoup trop de fermeté, et commençait à transpirer. Heureusement qu'Albar lui avait enlevé le poignard du poignet. Efir senti une main se poser sur son épaule, et ne put s'empêcher de sursauter. Bien sûr, ce n'était qu'Albar. Mais c'était la première fois qu'il le touchait, autrement que pour l'assommer. Efir en fut très troublé. Son mentor n'était nullement démonstratif, ni même affectueux, alors si il se permettait ce genre de fantaisie, c'est que le jeune homme devait avoir l'air encore plus mal en point qu'il ne le pensait lui même.

« Respire, et détends toi. Tout ira bien.
- Tu ne le penses même pas.
- Si. Ici le verbe « ira » avait une valeur de futur proche, et j'ai donc dit la vérité. On ne risque absolument rien pour aujourd'hui, et demain ne sera pas plus dangereux. C'est quand on commencera à se faire remarquer – ce qui sera nécessaire pour obtenir des informations – c'est là que ce sera dangereux. Pour l'instant, tu ne risques rien.
- C'est fort rassurant...
- Plus que tu ne le crois. Il est encore tôt, alors voici ce que nous allons faire aujourd'hui : nous allons passer ces portes, nous trouver une auberge, et nous reposer. Après le repas, je te ferai visiter la ville, du moins ses quartiers intéressants. Demain, tu auras une bonne bourse à ta disposition, et tu sera libre de ce que tu veux, qu'en dis tu ?
- Tu es sûr que c'est une bonne idée de me laisser comme ça dans une ville ?
- Ai confiance en toi, surtout en sachant que tu ne risques rien.
- On verra demain, d'accord ?
- Si tel est ton désir. »

Ils étaient arrivés à la porte. Contrairement à celle de Diepr, le passage n'y était pas contrôlé. Il était impossible de le faire, tant la foule était dense. Ainsi, ils passèrent sans autre problème que la foule qui les gênait. Efir se détendit un peu, mais resta sur ses gardes. Il n'était pas en confiance, et l'air grave qu'affichait Albar ne le rassurait pas. Mais tout cela ne l'empêcha pas d'admirer les rues. On ne lui avait décidément pas menti : la capitale était magnifique. La végétation était partout : les arbres bordaient des rues immenses, et les fleurs étaient visible où que se pose le regard. Leur parfum, pourtant déclinant en cette période de l'année, emplissait les rues d'une fraîcheur bien nécessaire, car sinon, les miasmes infâmes de la foule et autres choses moins ragoûtantes se répandraient dans l'air et rendraient la respiration difficile. Levant les yeux au ciel, il vit une flopée d'oiseau voler au dessus de lui, nombreux transportant des messages à leur pattes. Puis, presque à l'instant précis où il posa son regard sur eux, ils s'enfuirent. Ne comprenant pas pourquoi, il continua de regarder autour de lui, pour apercevoir un petit point dans le ciel s'approcher. La distance s'amenuisant, le jeune homme distingua que le point était en fait un rapace. C'est pour cela que les oiseaux s'étaient enfuis. Alors qu'il était de plus en plus proche, il compris que l'oiseau en question était bien celui qu'il avait vu tout à l'heure, et qu'il tenait un message à la patte. Sans doute la personne a qui était destiné le premier qui répondait.

Quelle ne fut pas sa surprise quand il vit l'animal descendre droit vers eux, pour finalement se poser sur l'épaule d'Albar, et lui tendre tout naturellement la patte à laquelle était accroché le mot. Sous le regard éberlué d'Efir, il détacha le mot, donna une petite friandise au brave animal, qui décolla alors qu'Albar déplia la lettre. Il était trop loin pour lire, mais d'après ce qu'Efir en vit, elle était très bien écrite, avec une finesse et une élégance qui lui sautait aux yeux.

« Euh, Albar...
- Plaît-il ?
- Qu'est ce que c'est que ça ?
- Ceci est un parchemin sur lequel on a appliqué de l'encre dans le but avoué de former des lettres, qui, réunies, forment des mots dont le...
- Tu sais ce que je veux dire !
- La conclusion à tout cela étant : c'est une lettre, ô génie merveilleux. Et par là même, c'est personnel. La conclusion de cette conclusion est donc que, si tu tiens à savoir ce qu'il y a sur ce parchemin, je te prierai de... Eh bien je ne sais pas, disons : tenir debout sur une jambe sur la tête de ton cheval en jonglant avec des fioles enduites de graisse en chantant à tue tête « je ne me mêlerai pas de ce qui ne me regarde pas ».
- D'accord, d'accord, pas besoin de me faire toute une histoire pour ça.
- Ah, tu ne sais décidément pas apprécier l'humour absurde... »

Ils continuèrent à avancer dans les rues, Albar connaissant bien l'endroit, et s'arrêtèrent dans une auberge assez rapidement, dans la première qu'ils purent trouver et qui leur semblait agréable : « L'étalon assoiffé »... Je ne suis pas responsable des noms que diable !

Albar ordonna au jeune homme de rester à cheval tandis qu'il allait négocier avec le tenancier. Ainsi Efir attendit, jetant des regards partout autour de lui, autant par curiosité que par crainte. Heureusement, Albar ne fut pas long, et revint deux minutes après. Ils avaient une chambre, il ne leur restait plus qu'à conduire leurs montures aux écuries. Une fois cela fait, ils rentrèrent rapidement monter leurs affaire dans la chambre qui était désormais la leur. Elle n'était pas spécialement grande, mais ses deux lits signifiaient un confort bien meilleur que celui du voyage, et peut-être même meilleur à celui qu'offrait la maison d'Efir, bien modeste. Chacun posa ses affaires à côté du lit qu'il s'était choisi (enfin, ce fut Efir qui choisi en premier : celui près de la fenêtre. Albar avait donc logiquement eu celui qui restait), et se laissa tranquillement tomber dans les draps. Il était un peu plus de midi.

« Eh bien nous y voilà, dit Albar. Combien de fois t'as-t-on agressé jusqu'ici ?
- Aucune, mais c'est toi qui as dit que, pour le moment, je ne risquais rien.
- C'est bien pour cela qu'il faut en tirer profit. J'ai payé pour deux nuits, chambre et repas compris. Ce soir, avant le dîner, je devrais partir, alors ainsi, tu n'aura aucun problème d'argent pour manger.
- Tu vas partir ?, dit Efir en se redressant. Où ça ? Ça a un rapport avec ta lettre ?
- C'est exact.
- Et tu vas partir comme ça ?
- Non, bien sûr que non : je vais me préparer avant.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire...
- Je le sais bien Efir, mais tranquillise toi donc, il en t'arrivera rien, surtout pas le premier soir. Aller, descendons manger, ça nous fera du bien.
- Il y a des moments où je te trouve irresponsable tu sais !
- Le génie échappe toujours à la compréhension des néophytes. »

Sans l'attendre, Albar descendit. Le jeune homme ne mis pas longtemps à lui emboîter le pas, et le repas n'a nul intérêt à être évoqué. Et il se trouve qu'une immense flemme l’envahi, alors c'est une raison supplémentaire de ne pas nous étendre sur des passages inutiles, n'est-il pas ? Qu'importe donc, et venons en au moment où Albar entrepris de faire visiter la ville au jeune homme. Il le promena dans tous les quartiers proches : le quartier commerçant, avant toute chose, car c'est là qu'Efir passerait sans doute toute sa journée du lendemain. Il était grand, rempli de boutique de tout et n'importe toi, autant des magasins d'un immense standing que des camelots miteux, et surtout, surtout : ce quartier était surpeuplé ! Le nombre de gens qui s'y trouvait était tout bonnement immense. Du moins, c'est ce que pensais Efir avant d'aboutir au marché... A la réflexion, et en comparant les deux zones marchandes, les commerces jouissait d'un calme presque religieux. Efir n'était pas agoraphobe, mais tout de même, tout ce monde, c'était oppressant.

Albar continua de l'emmener partout, en lui disant de ne pas s'approcher des casernes, ni de sortir lorsque le soleil était couché. Il le conduisit dans les immenses jardins de la ville, et lui montra au loin le palais, magnifique entre tous. Il était construit, non pas en hauteur, comme les châteaux forts, mais au contraire semblait prêt à engloutir la ville de part sa magnificence. Point de créneaux, ni de formes aux arrêtes tranchantes, mais des arrondis et des coupoles où que se pose le regard. Cette bâtisse incroyable, d'un blanc éclatant, aux innombrables fenêtre était si belle que le jeune homme ne pouvait en détacher les yeux. Il la contempla ainsi de loin durant de longues minutes, avant de réussir enfin à arracher ses yeux de ce palais angélique.

La visite était terminée, et le soir tombai déjà. Comme il lui avait dit, Albar ramena Efir à l'auberge, et alla se préparer dans la chambre, tandis qu'en bas, le jeune homme commandait à manger. Lorsque son mentor descendit les escaliers, et était rasé de près, coiffé, et Efir devinait son costume blanc sous le grand manteau noir qu'il portait. Chose surprenante, il n'avait pas d'épée. Efir avait bien une idée de ce qu'il avait à faire ce soir : un rendez vous galant. Il ne dit cependant rien, et le regarda partir en se demandant qui donc était la personne qu'il allait voir. S'il faisait tant d'effort, allant jusqu'à le laisser seul toute une soirée, c'est qu'elle lui plaisait. Étais-ce celle pour qui il écrivait le poème ? Non, il ne pensait pas : il avait l'air d'hésiter quant à cette mystérieuse femme, alors que, pour son rendez vous de ce soir, il semblait avoir son assurance habituelle.

Se substituant à ces questions, Efir se contenta de finir son repas. Et pendant qu'il y était, il se permit de se commander une bière. C'était la première fois qu'il y goûtait, et même si il trouvait que la sensation était assez désagréable – cela lui brûlait la gorge – il finit largement sa chope et en but une autre. Allez comprendre, il n'arrivait pas à s'arrêter. Mais voyez vous, et tous ceux ayant déjà bu de la bière médiévale dans de grandes chopes alors que c'était la première fois qu'ils buvaient me comprendrons, voyez vous disais-je, une bien étrange torpeur s'empara bien vite de ses membres, et il s'endormit juste après être entré dans la chambre – je vous ai volontairement épargné le passage où il devait monter les escaliers.

Ses rêves lui semblèrent un peu plus étrange que d'habitude, mais c'est clairement le réveil qui lui fit regretter sa soirée. En effet, quelqu'un s'amusa )à taper dans ses mains très fort juste à côté de sa tête. Pour être exact, il ne compris cela que quelques instants plus tard, lorsqu'il vit Albar penché au dessus de lui avec un sourire malicieux et les bras tendus, car au moment précis du bruit, il eut l'impression toute simple que quelque chose d'au moins aussi gros qu'une maison tombait juste à côté de lui. Sa tête lui faisait souffrir le martyre !

« Debout sac à vin, il est neuf heures !
- Albar... Pourquoi tu cries comme ça ?
- Je ne crie pas, jeune homme, mais toi en revanche, je te félicites.
- Pour quoi ?
- Pour ta première expérience post-alcoolique, appelée aussi « gueule de bois ».
- Je n'étais pas saoul...
- Tu n'étais pas bien frais non plus.
- Oh mon Dieu, comme je me sens mal...
- Tien, dit Albar en lui tendant un sceau. Reste au lit ce matin et garde ça près de toi.
- Tu n'aurais pas un remède pour ça ?
- Oh que si, mais je préfère te laisser la vivre pleinement, tu y réfléchiras à deux fois avant de recommencer.
- C'est cruel.
- C'est un point de vue intéressant. Je vais te laisser, je dois aller à la recherche d'informations, et je ne peux pas me permettre d'attendre. Je t'ai laissé de l'argent sur la table de chevet. Quand tu auras dégrisé, va te promener : tu auras besoin d'air frais.
- C'est quoi ça ?, demanda Efir en voyant une tâche rougeâtre sur le cou d'Albar.
- Un suçon, ignare. Il y a vraiment des choses que tu devras apprendre. »

Il l'abandonna ainsi une nouvelle fois de la plus cavalière des façons, laissant le pauvre garçon vomir et se sentir mal pendant toute la matinée. Enfin, le temps passant, après qu'il ai terminer de maudire Albar de tous les noms possibles et qu'il ai commencé à se arrêter d'avoir l'impression de tomber dans les pommes à chaque instant, et il décida de suivre les conseils avisés du détestable individu qui l'avait abandonné à son sort : prendre l'air. La bourse en poche, et le ventre vide – il ne se sentait pas la force de manger quoi que ce soit ce midi là – il partit donc faire un tour dans le quartier des commerces.

Être ainsi totalement libre le surprenait beaucoup, et il n'y était pas habitué. C'était à la fois grisant de se dire qu'il pouvait tout faire, mais aussi intimidant de savoir que personne n'était là pour rattraper ses potentielles bêtises, que personne ne veillait sur lui. D'ailleurs, en parlant de sentiment de malaise, il me faut vous évoquer celui qu'il ressentit quand il croisa des mendiants. Jamais encore il n'en avait vu. Dans le jour de petit village où il vivait, tout le monde était pauvre, mais tout le monde se connaissait, et avait un toit pour vivre, ou, dans les pires des cas, quelqu'un sur qui compter. Mais apparemment, ici, certains individus n'avaient rien pour eux, ni argent ni amis, et vivaient dans une affreuse misère. Le jeune homme ne sut quelle attitude observer... Personne ne leur donnait de l'argent, personne même ne semblait les remarquer. Étais-ce donc si courant que cela ? Personne donc ne voyait la misère de ces gens ? Ou bien tous étaient-ils des monstres d’insensibilité ? Efir chercha à relativiser, se disant que tous n'avaient pas les moyens de les aider financièrement, que certains se méfiaient peut-être, mais que personne, pas un seul individu ne soit charitable envers eux, cela le dépassait. Ainsi, il se dit qu'il ne pouvait pas simplement passer outre, comme tout le monde, sans les regarder. Il n'avait pas envie de s'acheter quoi que ce soit de toute façon...

Ils étaient quatre, assis au bord de la route, tendant leurs mains aux gens. Ils avaient le teint pâle, étaient très sales, et leurs vêtements semblaient souffrir le martyr. Il y avait deux hommes, une femme, et un garçon d'une petite dizaine d'année tout au plus. Peut-être toute une famille. Efir regarda ce qu'il y avait dans sa bourse : quatre pièces d'or, cinq d'argent, et une douzaine de bronze. Cela représentait une somme assez conséquente, de quoi s'acheter au moins deux semaines de repas si ils ne forçaient pas trop. Albar risquait de le gronder si il leur donnait tout... Mais il trouverait bien le moyen de lui faire comprendre son point de vue. Ainsi, hésitant, il avança vers la petite famille infortunée, en sortant sa bourse. Il les vit lever les yeux vers lui, avec une lueur d'espoir qui grandissait. Ce fut l'enfant qui vint à sa rencontre. Efir, peu sûr de lui, posa doucement la bourse entière dans ses mains tendues en disant :

« Prenez tout, je n'en ai pas vraiment besoin. Prenez, et j'espère que ça vous aidera. »

Aucun ne répondit, ils avaient l'air tout simplement sous le coup de la surprise, mais, quelques instants plus tard, l'enfant couru vers celle qui était sûrement sa mère pour la serrer dans ses bras en riant de bon cœur. Celle ci leva vers Efir un visage éclairé d'un immense sourire, ainsi que l'un des deux hommes. Le plus âgé, après avoir regardé ce que la bourse contenait, regarda le jeune garçon avec un regard empli de larmes et de reconnaissance, lui remerciant chaleureusement, lui disant que Dieu lui rendrait, et que jamais personne n'avait été si généreux avec lui et sa famille. Le jeune homme vit d'ailleurs, derrière lui, une très jolie jeune fille le regarder fixement, avec un air circonspect, comme ci c'était la première fois qu'elle voyait quelqu'un donner de l'argent aux malheureux.

Éminemment gêné, mais aussi fier de lui, Efir se retira rapidement, avec un but tout trouvé. Les paroles de l'homme lui avait rappelé qu'il n'avait pas été prier depuis des semaines entières ! Quoi qu'en dise Albar, c'était important pour lui, et il était convaincu que quelqu'un entendait ses prières, et les exaucerai tôt ou tard. Dans la visite d'hier, Albar lui avait montré une immense cathédrale, qui contrastait nettement avec la petite chapelle de son village. Que cet édifice était immense et magnifique ! Sa construction avait du coûter des fortunes, et prendre des années ! Avec un étrange pincement au cœur, il pensa alors que l'argent employé pour cette construction aurait pu être donné aux pauvres... Mais plus il y pensait, plus il se disait que ce bâtiment permettait d'une façon ou d'une autre de répandre le bien avec plus d'efficacité que de simplement donner de l'argent.

Lorsqu'il entra, il n'y avait presque personne. Cela n'avait rien d'étonnant : ils étaient au beau milieu d'une journée en semaine, alors les gens n'avaient pas grand chose à faire. Nul prêtre n'était en vue, mais de légers chuchotements indistincts se faisaient entendre, provenant du confessionnal. Efir s'agenouilla alors, et pensa à tout ce qu'il lui était arrivé depuis des semaines. Il pria pour l'âme de sa mère, de son père, et de tous les gens qui avaient souffert à cause de lui. Il pria pour le repos de leurs âmes, et pour que tout cela s'arrête, que les souffrances qu'il endurait se terminent. Une voix retenti alors derrière lui :

« C'est un vrai miracle que l'on se retrouve ici, non ? »

C'était bien la voix d'Albar. Quand Efir se retourna, c'est bien lui qu'il vit, habillé comme ce matin, de ces vêtements qu'il mettait pour se faire discret. Que faisait-il donc dans une église ?

« Al... je veux dire, Herberth ? Qu'est ce que tu fais ici ?
- Je te dirai ça plus tard, quand nous serons à l'abri des oreilles indiscrètes.
- Il n'y a personne ici.
- Si, il y a au moins Dieu.
- Ne blasphème pas dans une église, chuchota le garçon d'un air courroucé.
- Tu préfères que je le fasses dans Son dos ?
- S'il te plait, ne...
- Albar, tonna une voix au loin, Ulysse Irzal Tlassin, Comte de Monulia, le Corbeau Blanc, l'Immortel de l'Eau en personne, et dans une église. »

Albar pâlit et serra les dents pendant un court instant. Son visage fut déformé par une espèce de colère nimbée de surprise. Efir lui, avait du mal à comprendre. On lui aurait déjà mis la main dessus ? Pourtant il était loin d'être stupide !

« Au risque, répondit Albar, son flegme retrouvé, au risque de paraître ridicule, je n'ai que deux noms et titres à énoncer en réponse : Céphocus, l'Immortel du feu. Cela faisait combien de temps ? 5 ans ?
- 6 ans, 3 mois et 24 jours si ma mémoire est bonne. »

L'homme sortit enfin de sa cachette. Il était grand, vraiment très grand. Albar n'avait rien de petit, mais en comparaison, il était ridicule. Le dénommé Céphocus faisait au moins deux mètres de haut, et avait une carrure plus imposante que celle d'Albar. La peau terne, ayant un aspect presque gris à cause du peu de lumière qu'il y avait dans l'église. Il était vêtu entièrement de noir, ce qui n'aidait pas à lui donner un aspect plus joyeux. Ce qu'il portait était une espèce de toge, sous laquelle il portait apparemment autre chose, comme une tenue d'entraînement de cuir, à bien y regarder. Ses yeux marrons étaient pourtant plus froids que ceux verts/gris d'Albar, et pour finir, il était totalement chauve.

« T'ai-je déjà dit, répondit Albar, que tu étais un peu obsessionnel ?
- Eh eh, que veux tu, j'y peux rien, c'est toi qui semble te mettre constamment en travers de mon chemin. » Son rythme de parole était impressionnant de vitesse.
- « Je n'étais en rien sur ton chemin, je menais tranquillement mes petites affaires sans embêter les tiennes.
- Je sais je sais, mais bon, j'ai toujours cette petite envie voix tu de, je sais pas moi, je dis ça à tout hasard, mais disons, de te supprimer à chaque fois que je suis au courant de ta présence.
- Alors ne te renseignes pas, et cette envie ne te taraudera plus ! Par l'enfer, je n'ai même pas pu vaquer une journée à mes occupations !
- Eh oui, je suis au courant figure toi, vu que justement, eh eh, j'ai tout fait en sorte pour que, le jour où tu remettes les pieds ici, même avec la discrétion d'un rat, tu ne puisses te mouvoir sans que je le saches.
- Efir, chuchota Albar pendant le discours de Céphocus, fuit.
- Pardon ?, répondit le jeune homme à mi-voix.
- Fuit j'ai dit, et ne te retourne pas.
- Mais...
- Maintenant.
- Il faudrait écouter ce que te dis Albar mon jeune ami, parce que là vois tu, à attendre, tu viens d'annihiler toutes tes chances.
- Sois fair-play Céphocus, il n'a rien à voir avec ça.
- Raah, oui je sais tout ça, mais justement, le fait que tu veuilles le protéger m'intéresse, alors il reste ici jusqu'à ce que je l'ai autorisé à partir. D'ailleurs tout le monde va rester ici, je ne veux pas être ennuyé par des gardes ! »

L'intérieur de l'église fut alors immédiatement cerclé de feu, empêchant la fuite, à moins bien sûr de s'envoler et de passer par les vitraux. Certes, cette dernière phrase est inutile, il eut été plus simple de dire tout simplement que toute fuite était impossible. Mais pour être honnête, ce n'est pas à la recherche d'une échappatoire que le cerveau d'Efir travaillait. Il cherchait à comprendre comment cet homme avait fait ça. Jamais il n'avait entendu parler de gens capables de faire ce genre de chose, sauf dans les contes de son enfance, et cette capacité avait un nom : la magie. Mais il avait toujours considéré ça comme irréel, et de même, si de tels pouvoirs existaient, pourquoi Albar ne lui avait pas dit ?

« Messieurs !, cria le prêtre. Je vous en prie arrêtez, vous êtes dans une église !
- Et alors ?, répondit Céphocus.
- Pour une fois je suis bien d'accord avec toi, renchérit Albar. Que tout le monde s'éloigne du centre du bâtiment ! »

Il fut obéis dans l'instant, Efir ne sachant quoi faire. Aucun d'eux n'avait sorti d'armes pour l'instant, et cela lui permit de rester maître de lui même, bien que la vue de l'énorme épée de Céphocus, encore dans son fourreau, attachée dans son dos, ne le rassurait pas. Qui était donc cet homme ? Et d'où connaissait-il Albar ? Et enfin, qu'est ce qu'il avait contre lui ? Albar ne lui répondrai sans doute pas de toute façon... Il cessa de se poser ces questions quand les deux hommes se mirent à bouger. Le géant vêtu de noir leva les deux mains, et en fit jaillir des flammes. Albar, lui, leva un bras, élevant sa main non loin de son visage, sans que rien ne se passe.

« Tu permets que je vérifie si tout est toujours pareil Albar ?
- J'allais te le proposer mon ami. »

Céphocus tendis alors ses bras devant lui, projetant une gigantesque langue de flamme vers Albar, qui ne bougea pas. Mais si cela était absolument effrayant, ce n'était pas le plus impressionnant : avant que son mentor ne soit touché, Efir avait clairement distingué de l'eau, remontant du sol pour former une boule dans le creux de sa main. Et juste avant que les flammes ne l'atteignent, il avait tourné la main, des trombes d'eau en jaillissant pour contourner l'attaque de feu de Céphocus pour finalement s'écraser sur ce dernier. Quelle ne fut pas sa surprise quand il vit qu'après ce déchaînement de puissance, tous deux étaient indemnes.

Albar était un magicien ? Pourquoi ne lui avait-il rien dit ?

« Dommage.
- Tu n'y croyais même pas, dit Albar, presque moqueur.
- Que serait la vie sans espoir ? Enfin qu'importe, poursuivit Céphocus en sortant son immense épée, à la grande terreur d'Efir. Nous nous battrons comme nous l'avons toujours fait.
- J'espère que tu t'es amélioré, notre dernier combat était lassant.
- Vois par toi même ! »

Sans plus de préambules, il lui sauta dessus, l'épée brandie, pour lui asséner un coup vertical d'une grande puissance. Albar, armé non pas de sa rapière mais du xiphos des Veilleurs, préféra visiblement esquiver le coup plutôt que de le parer. Vu la dégât que l'impact fit sur le sol, il avait bien fait : il se serait brisé les bras en tentant de stopper une attaque d'une pareille puissance. Connaissant Albar, Efir se dit que le combat était gagné : il allait profiter de sa position pour donner un coup rapide que l'autre, trop lent, ne pourrait parer. Mais ce ne fut pas ainsi que cela se passa : Céphocus était bien plus rapide qu'il n'en avait l'air, et para l'attaque bien avant qu'elle ne le touche. Albar, cependant, ne s'arrêta pas là : il enchaîna les coups, rapides et bien placés, des coups d'estoc comme on dit – ce qu'Efir ne savait pas. A de rares occasions, le géant sembla être en mauvaise posture, mais jamais il ne fut ne serais-ce qu'égratigné, juste frôlé dans le pire des cas. Le mentor d'Efir ne mit pas fin à ses assauts, et continua ainsi, sans doute pour épuiser son adversaire. Ce dernier savait indubitablement bien se battre, et avait compris le but d'Albar. Ainsi, dès qu'il en eut l'occasion, il plaça un coup puissant et large, balayant l'espace devant lui – ceci est appelé un coup de taille – et voulant forcer Albar à interrompre ses mouvements pour devoir s'esquiver. Il n'en fut rien, car il s'abaissa immédiatement, faisant presque un grand écart, afin de passer sous la lame, et il en profita pour donner un coup dans les jambes de son adversaire, maintenant à découvert. Il ne réussit cependant qu'à y faire une entaille, car Céphocus fit en bond en arrière, en profitant pour asséner son arme sur le dos d'Albar, sans protection. Ce dernier roula sur le côté, mais ne pu éviter de se faire toucher à l'épaule gauche. Il se releva prestement et fit un bon de plusieurs mètres en arrière. Les deux adversaires se regardèrent alors en chien de faïence pendant de longs instants. Albar se baissa pour prendre une pierre et la lança contre le vitrail le moins haut.

« Nimal ! Sauve toi ! »

Efir mit un certain temps pour reconnaître son faux nom, mais même lorsque cela fut fait, il ne put se mouvoir. Comme de nombreuses fois, sa peur le paralysait complètement. Son cerveau, lui, tournait à plein régime, et il luttait de toutes ses forces pour fuir, mais il en était totalement incapable. Céphocus, comprenant la situation, éclata de rire.

« C'est ça ton protégé ? Ma foi, tu en as du travail à faire avec lui. Et d'ailleurs, je vais t'épargner cette peine.
- Ne fais pas ça ! »

Comme il l'avait fait contre Albar juste avant, il lança une langue de flamme vers Efir, qui ne pouvait toujours pas bouger. Albar non plus ne pouvait rien faire : il aurait fallu empêcher Céphocus de lancer son attaque, mais maintenant, il ne pouvait l'annuler. Et il n'avait pas assez de temps pour utiliser la magie. Tétanisé, le jeune homme ne put que voir les flammes foncer vers lui. Il commençait à sentir leur chaleur, et pourtant, cela lui glaçait le sang.

Soudain, il se sentit comme arraché de terre, soulevé du sol, et emporté au loin, vers un autre vitrail. Alors qu'il parvenait enfin à bouger le regard, il vit qu'il était dans les bras d'une jeune fille, dont il était convaincu d'avoir déjà vu le visage quelque part. Elle avait lancé une corde au plafond, et elle se balançait à celle ci en le tenant dans ses bras, s'apprêtant à passer par le vitrail devant elle. Celui ci se brisa avant l'impact, et avant de sortir, Efir entendit la voix d'Albar.

« On se retrouve à l'auberge, prépare nos affaires ! »

Ne se faisant pas prier, Efir, ayant retrouvé le contrôle de ses jambes, s'enfuit vers la taverne, accompagné de cette étrange jeune fille qui ne pipait mot. Où donc l'avait-il déjà vu ?

Pendant ce temps, toujours à l'église, Céphocus ne contenait pas sa rage, et les flammes jaillissaient de façon anarchique de son corps, dont certaines qui restaient sur son crâne chauve. Albar eut un sourire, accentué encore quand il vit la porte être défoncés par des soldats en armure qui passèrent les flammes sans hésitations. Ils posèrent alors leurs yeux sur Céphocus.

« Capitaine ? Qu'est ce que vous faites là ?
- Fichez moi le camp !
- Tu as perdu, Céphocus. »

Albar avait rangé son arme, et ses yeux étaient fermés. Il levait doucement les bras, quand soudain, un énorme grondement et des cris de stupeur se firent entendre au loin. Il continua à élever les bras jusqu'à ce qu'ils soient tendus au dessus de lui, puis, ouvrant les yeux, il les abaissa brusquement. La lumière du soleil fut alors étrangement déformée, et des reflets étranges parurent sur le sol. Céphocus comprit ce qui se passait avant même d'avoir vu l'immense vague leur tomber dessus. Il n'eut le temps de dire qu'un seul mot :

« L'aqueduc... »

D'énormes trombes d'eau firent alors irruption dans l'église, balayant tout sur leur passage, et Céphocus fut alors heurté par l'un des deux battant de la porte, qui s'était décroché du mur. Albar avait tout simplement manipulé d'eau de l'aqueduc tout proche pour la faire venir s'écraser ici. Nullement affecté par l'eau, il se tint debout dessus, et s'enfuit sans rien dire de plus, courant vers l'auberge.

De son côté, Efir s'activait à ranger toutes leurs affaires et alla seller les chevaux. La jeune fille inconnue lui fut d'une aide précieuse, mais jamais elle ne parla. Il faut dire qu'Efir n'avait posé aucune question. Alors que les préparatifs n'étaient pas terminés, Albar fit irruption dans les écuries.

« Efir, où as tu mis mon parchemin et mon encrier ?
- Euh, je ne l'ai pas encore rangé, il est là, mais pourquoi est-ce que...
- Merci, dit-il en se jetant sur les éléments susnommés pour écrire frénétiquement une lettre.
- En quoi est-ce que..., commença Efir avant d'être interrompu par un geste vif de la main d'Albar.
- Voilà, dit celui ci, quelques instants après. Falcus, dépêche toi ! »

Quelques instants après, le faucon qu'Efir avait vu plusieurs fois apparut, et tendit immédiatement la patte à Albar, comme conscient de la situation. Albar lui attacha vivement.

« Va vite porter ça à Charla !
- Qui est-ce ?, demanda Efir tandis que l'oiseau s'envolait.
- La seule personne qui peut nous aider.
- Dites, commença alors la jeune fille, jusqu'ici muette. Charla, ce n'est pas le nom de la princesse ?
- Tu es perspicace toi, dit Albar. Comment t'appelles-tu ?
- Lu-Ann, monsieur. Et vous ?
- Attends un peu Albar, dit Efir, tu veux dire que, ton rendez vous galant d'hier soir...
- C'était bien elle. Et, reprit-il à l'attention de Lu-Ann, je me nomme Albar, et lui Efir.
- Mais Albar, ce n'est pas toi qui a dit que..., commença Efir.
- Je sais, mais elle t'a sauvé la vie et a daigné nous donner son nom. Il convenait donc de lui donner le notre.
- Mais...
- Pourquoi, continua Albar sans prêter attention à Efir, l'as tu sauvé ?
- Je l'ai vu donner tout ce qu'il avait comme argent, à des mendiants. Cela m'a beaucoup intrigué : personne ne fait jamais ça. Alors, par curiosité, je l'ai suivi, puis j'ai vu ce qui se passait dans cette église. Vous vous battiez contre le capitaine Céphocus, vous ne pouviez donc pas être une mauvaise personne.
- Aussi candide et innocente qu'Efir... Ma parole vous vous entendrez bien. Et félicitations jeune homme : tu as défié toute les lois de la probabilité en rencontrant un personnage majeur de l'histoire juste en donnant de l'argent à des mendiants. »

Albar

Albar


Daeva

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Lun 30 Jan - 1:47
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Chapitre IX : Magie, mode d'emploi


Ils avançaient sur leurs chevaux à allure normale, Albar ayant gardé son déguisement, à l'inverse d'Efir, bien que ce dernier ai toujours les cheveux noirs. Ils évitèrent les rues les plus bondées, mais restèrent en compagnie de la foule. Albar leur avait expliqué que si ils se mettaient à galoper comme des fous jusqu'au palais, ils se feraient immédiatement repérer. De même, Céphocus connaissait Albar, et s'attendait à ce que celui ci se soit changé et ai remis un de ses éternels costumes. Efir, en revanche, ne faisait pas partie des connaissance de l'homme, et ainsi, se changer augmentait ses chances de se faire discret. Quant à la dénommée Lu-Ann, assise derrière Efir, sur sa jument, et qui avait tenu à les accompagner avec l'accord d'Albar (à la grande surprise d'Efir d'ailleurs), elle n'avait rien pour se changer, et de toute façon, Céphocus l'avait à peine aperçue. Et c'est bien dommage, pensa Efir, car elle était vraiment très belle. Plutôt petite, elle avait le corps d'une jeune adolescente, sans formes véritables, contrairement, par exemple, à Ayael, qui en avait et les mettait clairement en avant. Elle semblait frêle et menue, mais la façon dont elle avait sauvé Efir ne laissait pas de doutes sur ses capacités : elle n'était pas aussi fragile qu'elle en avait l'air.

Elle était vêtue comme un garçon, avec un simple pantalon et des chaussure usagées, au dessus desquels se trouvait une vieille chemise dont on aurait pu soupçonner qu'avant d'être ainsi délavée, elle avait été blanche, visiblement trop grande pour elle, bien que cela ne la dérange pas. Sa silhouette ainsi que ses vêtements laissaient augurer qu'elle ai vécu jusqu'ici dans une certaine pauvreté. Mais son visage n'avait pour le moment jamais été triste. Il y avait une petite lueur de joie qui pétillait dans ses grands yeux marrons. Ses cheveux châtains clair, tirant sur le blond et coupés court, un peu plus haut que les épaules, lui donnaient également un petit air enjoué. Visiblement, se dit Efir, elle ne semblait pas du tout se rendre compte de ce dans quoi elle venait de s'embarquer. Albar avait du culot de ne pas lui avoir dit de s'en aller : il la conduisait droit vers une ligne qu'elle ne pourrait sans doute jamais refranchir si jamais elle le faisait dans un sens !

Efir était sur le point de lui dire, quand des dizaines de questions se firent jour dans sa tête : pourquoi Albar ne lui avait-il rien dit sur la magie ? Qui était cet homme ? Pourquoi avait il appelé Albar « l'immortel de l'eau » ? Pourquoi Albar laissait-il Lu-Ann avec eux ? Et d'ailleurs, comment savait-il qu'il l'avait vue pour la première fois après avoir donné de l'argent à des mendiants ? Il les repoussa toutes, et préféra prévenir Lu-Ann.

« Euh, Lu-Ann...
- Oui ? »

Ce n'était que la deuxième fois qu'elle parlait, mais elle avait une très belle voix.

« Est-ce que tu es sûre de bien vouloir venir avec nous ? Tu ne pourras plus faire marche arrière tu sais, et je ne crois pas que tu pourrais trouver pire.
- J'avais remarqué. Mais j'ai mes raisons.
- Je comprends, dit Efir, qui ne comprenais évidemment pas, mais tu n'imagines pas les risques.
- Peu importe, répondit elle sans brusquerie, c'est mon choix.
- Mais enfin..., commença le jeune homme, étonné par le peu de loquacité de sa sauveuse.
- Efir, le coupa Albar, elle a fait son choix, que te faut-il de plus ?
- Mais enfin, elle n'a aucune idée de ce que...
- Moi je crois qu'elle se l'imagine très bien. Cesse donc de la harceler et pose tes questions, tu ne sais faire que ça, et j'aime t'apprendre des choses. Saches cependant que je ne pourrais tout te dire ici, en plein milieu de la rue
- Mais enfin...
- Proteste encore une fois et tu n'auras aucune réponse.
- Je... D'accord, soupira Efir, cédant à le menace. Il aurait juré voir un petit sourire se dessiner sur les lèvres de Lu-Ann. Je... Ce que tu as fait ? C'était de la...
- Oui, le coupa encore Albar, précipitamment, mais évite de prononcer ce mot. J'aimerai que nous parlions de tout ce qui a trait à cette chose plus tard, y compris pour mon adversaire et pourquoi j'ai si rapidement accepté Lu-Ann.
- En gros tu ne répondras à aucune question.
- Si, bien entendu, si tu en as d'autres.
- Il se trouve que j'en ai une.
- Joker.
- Tu l'as utilisé il y a quatre jours.
- Fichtre ! Bon, vas-y.
- Comment tu as su que j'avais croisé Lu-Ann après avoir donné mon argent à ces mendiants ?
- Oh, répondit la jeune fille avant Albar, je croyais que vous étiez ensemble à ce moment là moi.
- Pardon ?, demanda Efir, ne comprenant pas.
- Tu as raison jeune fille, nous étions bien ensemble, mais il ne le savait pas. Tu croyais vraiment, ajouta Albar à l'attention d'Efir, que j'allais te laisser passer ta toute première journée de liberté sans surveillance ?
- Tu me suivais ?
- Exactement. Le matin et la veille au soir, j'étais effectivement parti à la pêche aux nouvelles, mais j'ai veillé sur toi de loin dès le midi. D'ailleurs, pour ta donation si généreuse, tu ne m'as pas surpris. Je ne suis pas fier de toi, mais je ne t'en veux pas non plus.
- Comment ça, pas fier de moi ?
- Ce que tu as fait était très généreux, mais d'une totale stupidité.
- J'ai du mal à te suivre.
- Que crois tu qu'ils vont faire de tout cet argent ?
- Acheter à manger, évidemment.
- Non, pas évidemment, tu ne sais pas ce qu'ils vont en faire. Il se peut qu'ils dépensent tout en alcool fort à la taverne la plus proche.
- Ça n'aurait aucun sens de faire ça.
- Je ne dis pas le contraire, mais c'est possible, c'est même courant.
- Tu te trompes, ils n'étaient pas comme ça, tu n'as pas vu leurs yeux.
- Si. Et certes, leur bonheur était sincère, mais j'ai déjà vu le même sentiment dans les yeux d'un meurtrier après un crime.
- Alors il aurait fallu faire quoi ? Dans le doute, ne rien leur donner, au risque de les laisser mourir de faim.
- Dans le doute, garder ton argent pour le donner à d'autres, si c'est là ton envie. Jouer les grands princes en lançant une bourse à des inconnus est un geste généreux mais qui dénote un manque de rationalité, et un profond sentiment de supériorité face à ces gens là. Quitte à donner, donne à ceux que tu as pris le temps de connaître, à ceux dont le besoin est pressant et bien réel.
- Je ne suis pas d'accord, et quand bien même je l'étais, que puis-je faire ? Je ne connais personne dans le besoin, et nous n'avons pas le temps de nous attarder assez dans les villes pour que je puisse faire connaissance avec quelqu'un.
- La fin est juste, mais le début est erroné : tu connais quelqu'un.
- Ah ? Qui donc.
- Toi. Nous. On ne travaille pas, et nos réserves ne sont pas inépuisables. Cette somme nous aurait fourni à manger bien assez longtemps pour ne pas avoir à s'en inquiéter. Je ne t'en veux pas, j'étais comme toi étant jeune, je veux juste que tu retiennes. Je sais que tu brûles de me lancer une réponse enflammée – applaudissez pour le jeu de mot je vous prie – mais nous sommes presque arrivés. Vous deux, écoutez moi : je parle, et vous ne le faites que si on vous le demande expressément, est-ce clair ? Et vous faites preuve de politesse face à la princesse.
- D'accord ! », répondirent-ils en même temps.

Le palais, étrangement, n'était pas juste devant eux, mais Efir comprenais pourquoi ils ne s'y rendaient pas : il était sans nul doute cerné par des soldats. Mais en ce cas, où allaient-ils ? Regardant autour de lui, il vit que les casernes n'étaient pas très loin, alors qu'Albar lui avait interdis de s'en approcher. Visiblement, ils s'approchaient du danger, et il commença à s'inquiéter sérieusement pour la suite des événements. Si jamais on les trouvait, que se passerait-il ? Il tenta néanmoins de se contrôler, et de retrouver son calme : Albar avait sans doute un plan. Et cette fameuse princesse – il continuait d'ailleurs à espérer que le terme « princesse » n'était qu'une exagération d'Albar, un petit compliment affectif plutôt que la véritable princesse – avait sans nul doute tout prévue elle aussi. Ainsi se refréna-t-il jusqu'à ce qu'au loin il aperçu une silhouette fine et encapuchonnée qui disparu entre deux maisons dès qu'ils furent suffisamment proches. Il vit Albar sourire. Il les conduisit ainsi à l'endroit où l'inconnu se trouvait quelques instants plus tôt, et leur ordonna de s'arrêter, et d'attendre. Sans doute, pensa le jeune homme, l'inconnu était une personne de confiance envoyé par la princesse Charla. L'individu en question apparu derrière eux, surgissant à nouveau d'une minuscule allée, et s'avança doucement vers eux. Albar descendit de cheval, avança vers celui qui était sans doute leur sauveur, et, à la grande surprise d'Efir, et sans doute également celle de Lu-Ann, s'inclina avant de lui faire un baise main. Sans donner aux jeunes gens le temps de se poser des questions, la silhouette encapuchonnée se jeta dans les bras l'Albar, avec une promptitude qui fit basculer son capuchon.

D'un point de vue technique, Efir n'avait pas eu tort. La princesse avait bel et bien envoyé une personne de confiance. A supposer, bien entendu, qu'elle ai eu confiance en elle. Car elle s'était présentée en personne devant eux. Le visage que cachait la capuche était jeune, et très beau. De longs cheveux bruns, tressés avec ce que nous appellerions des anglaises, encadraient un visage à la peau pâle, et à la douceur infinie. Tout dans son visage était harmonieux, mais ses yeux d'un bleu profond étaient animé d'une grande détermination. On y discernait pas la puissance et l'incroyable force mentale qu'il avait entrevu dans ceux de Lu-Ann, ou même d'Ayael, mais en cet instant, elle avait plus l'air d'une belle guerrière que d'une frêle princesse. Étais-ce Albar qui la rendait ainsi ? Après tout, elle avait quitté son palais pour lui venir en aide, pour leur venir en aide à tous, suite à une simple lettre d'Albar. Quand elle pris la parole, sa voix n'était celle d'une très jeune fille, ce qui était certes un tantinet surprenant, mais lui donnait un côté... Mignon. Presque enfantin en vérité.

« Dieu merci tu n'as rien... Ta lettre m'a fait si peur.
- Aussi ai-je longtemps hésité à te demander ton aide. Je suis sincèrement navré de te mettre dans cette situation. Je sais que tu vas dire aimer l'aventure, mais tu risques gros, et j'en suis conscient. Pourras tu me pardonner ?
- Tu l'es déjà, idiot, dit-elle en un petit rire sincère mais un peu crispé.
- Je suis aussi navré de devoir quitter la ville aussi rapidement, en n'ayant pu te voir une seule fois uniquement, mais la tournure que les événements ont pris est...
- Catastrophique, je le sais Albar... Partout où tu passes il se produit des catastrophes, quand bien même tu veux y apporter la paix. Peut-être, continua-t-elle avec un léger rire, devrait-on te surnommer « Colombe de mauvais augure ».
- C'est une idée comme une autre, mais le terme de colombe te va mieux qu'à moi.
- Je ne sais jamais si tu me flatte ou si tu te moques.
- Excusez moi, commença Efir, pourriez vous vous dépêcher.
- Ah, oui, c'est vrai, j'avais oublié que nos vie étaient en jeu, répondit Albar d'un ton ironique. Je te présente, poursuivit-il à l'attention de Charla, Lu-Ann, la jeune fille qui semble muette, et Efir, dont je t'ai parlé hier soir.
- Enchanté, dit gauchement Efir, de vous connaître... Majetsé.
- C'est un honneur, ajouta Lu-Ann, de pouvoir enfin vous rencontrer, belle princesse.
- Merci charmants jeunes gens, je...
- Le protocole est-il véritablement de mise ?, la coupa Albar, le ton moqueur mais également impatient.
- Tu as raison, suivez moi tous ! »

Elle saisit la main d'Albar, à la fois pour les guider mais aussi sans doute pour se sentir rassurée. Efir devait reconnaître ce point là : Albar avait véritablement le don d'apaiser la plupart des angoisses par sa seule présence. Le trio nouvellement formé la suivit donc, jusqu'à une maison, entourée d'autres, n'ayant aucun signe distinctif. Sans hésitations, la princesse ouvrit la porte, et leur demanda de descendre de cheval.

« On doit les laisser derrière nous ?, demanda Efir, à qui cette idée ne plaisait pas du tout.
- Oui, j'en suis profondément navrée, mais ils ne pourraient rentrer dans la maison, et encore moins dans le tunnel.
- Mais, et pour nos affaires ?
- Nous prendrons, répondit Albar à la place de la jeune femme, le nécessaire avec nous, le strict nécessaire : armes, vêtements, et un peu de nourriture. Le reste des habits, de l'équipement, et des vivres restera avec nos chevaux.
- Mais...
- Ne vous en faites pas, dit Charla, ils seront bien traités, dans les écuries royales. Ensuite, dès demain, nous les ferons sortir de la ville, et Ithaq saura vous rejoindre. Ta jument le suivra. Il a le même effet qu'Albar sur les femmes.
- Allons princesse, s'esclaffa Albar, je vous en prie, vous pourriez le faire rougir.
- Pourquoi alors, dit Efir, insensible à la plaisanterie, ne sortons nous pas par les portes ?
- Eh bien, lui répondit, à la surprise générale, Lu-Ann, parce que l'homme que monsieur Albar a combattu est le capitaine de la garde de la ville, il dirige tout les soldats tant que le général ne lui donne aucun contre ordre. Il a sans doute fait garder toutes les issues.
- Toutes sauf celles ci, termina Albar. Notre charmante guide, en tant que membre de la famille royale, est l'une des rares personnes à connaître l'existence de ce tunnel. Elle m'en avait parlé plus d'une fois, sans pour autant me le montrer. J'étais donc obligé de lui demander son aide.
- Cette dernière phrase sonne comme une excuse Albar... Encore une.
- Je le sais princesse, c'est précisément sa vocation.
- Cesses donc de t'excuser pour cela, je ne t'en veux absolument pas tu sais.
- Tu devrais pourtant mon amie... »

Efir fut très étonné par l'emploi du terme « amie ». Étais-ce là la conception d'Albar de l'amitié ? Ou peut-être n'étais qu'une autre de ces « licences poétiques » qu'il disait souvent employer. Ne cessant ses réflexions, il aida, après la courte conversation, à décharger tout l'équipement qui leur était strictement nécessaire, et à dire au revoir à sa jument, Isabella. Il avait eu le temps de s'attacher à elle, et il se pouvait s'empêcher d'être inquiet à son sujet. Lorsque tout fut prêt, ils entrèrent dans la maison, les chevaux sanglés dehors, et Charla tendit une bouse pleine à Albar, qui la repoussa prestement.

« Je ne peux pas accepter, je t'en ai déjà trop demandé.
- Vous en aurez tous besoin. Avec quoi tu comptes les nourrir tous les deux ? Seulement la bourse minuscule et à moitié vide qui pend tristement à ton côté ?
- C'est bien la première fois qu'on me dit qu'une bourse peut avoir un air triste.
- Albar, s'il te plaît...
- Nous nous en sortirons admirablement bien.
- Prends la pour moi, pour me faire plaisir...
- Euh, dit Efir, si je peux me permettre, ça nous serait très utile Albar.
- Tu manques, lui répondit ce dernier avec un soupir fatigué, cruellement de savoir vivre mon garçon...
- Albar, continua Charla, jouant avec sa voix enfantine en lui faisant prendre une tournure presque suppliante. S'il te plaît...
- Bon, d'accord !, cracha Albar en prenant la bourse. Mais saches que quand je le pourrai, je te rembourserai le double !
- Si ça te fait plaisir, dit la princesse avec un grand sourire de triomphe. »

Ils avancèrent dans la cave, qui déboucha alors sur un tunnel très haut, plus grand qu'un cheval, mais étroit, tout juste suffisant pour les laisser passer à la queue-leu-leu. Le regard un peu triste, surtout quand elle regardait Albar, la princesse leur annonça que c'était ici qu'ils se séparaient.

« Pardonne moi encore, commença Albar.
- Oh, tait toi !, répondit Charla en lui sautant au cou pour l'embrasser. »

C'est dans ses moments là qu'on a l'impression de s'éloigner de certaines personnes, et de se rapprocher d'autres. En cet instant, Efir avait l'impression, et l'envie, de se cacher dans un trou de souris, mais, ne pouvant le faire, pour des raisons d'ordre purement physiques, il se contenta d'échanger un regard gêné avec Lu-Ann. Bien évidemment, tous deux n'étaient plus des enfants, mais, pour des raisons qu'ils ignoraient, ce qui se passait là était véritablement gênant pour eux. Et ce moment dura un temps qui leur sembla une petite éternité – à une ou deux vaches près – avant qu'enfin les deux amants ne se séparent. Enfin, en repensant à « mon amie », Efir se redemanda si on pouvait véritablement les qualifier d'amants au sens conventionnel du terme.

« Tu reviendras vite ?
- Je ne sais rien... J'essaierai, mais la situation aura peut-être alors changé.
- Pourquoi crois tu que je t'embrasses comme ci c'était la dernière fois à chaque fois ?
- Tu ne cesseras jamais de me surprendre, dit-il en lui caressant la joue avec un sourire.
- Aller, vil charmeur, pars donc vers d'autres conquêtes.
- Oh, dit Albar d'une voix faussement outrée, crois tu que ce soit vraiment mon...
- Tes blagues, la coupa Charla, sont devenues prévisibles.
- On s'en va ! »

Il embrassa à nouveau Charla, avant de s'engouffrer dans le tunnel en premier. Les longs adieux n'étaient apparemment pas sa tasse de thé. Ne sachant que faire, Efir eu un moment de battement, avant de reprendre ses esprits, ou plutôt d'y être contraint : dans un même geste, la princesse et Lu-Ann le poussèrent vers le tunnel. La jeune fille s'engagea à sa suite, tandis que Charla ferma la maison derrière eux. Efir ne pouvait s'empêcher d'être un peu triste pour elle : elle semblait tenir à Albar plus qu'il ne tient à elle, et elle le savait qui plus est. Dans la catégorie « relation bizarre », ils étaient bien placés.

Le tunnel était longiligne, descendant en une pente extrêmement douce, tant et si bien qu'Efir mit un certain temps à s'en rendre compte. Personne ne parla pendant un moment, se contentant d'avancer entre les murs lisses, dans une obscurité relative. En effet, Albar tenait dans une de ses mains une petite boule de flammes qui les éclairai... Et qui réveilla un panel de questions dans l'esprit d'Efir par la même occasion ! Si Albar ne lui répondait pas maintenant, il y a fort à parier qu'il ne le ferai jamais.

« Euh, Albar ?
- Qu'y a-t-il ?
- J'ai plusieurs questions à te poser.
- Allons bon, comme c'est original. Commence par les plus superficielles, il s'agit de faire monter le suspens.
- Le quoi ?
- Laisse tomber.
- Euh, d'accord... Alors, parmi les plus superficielles... C'est quoi cette relation étrange que tu entretiens avec la princesse ?
- Ah, ça... J'ai plusieurs amantes dans le royaume, des femmes que mon corps et mon esprit aiment, mais malheureusement, que mon cœur ne parvient à aimer. La princesse est sans nulle doute celle qui compte le plus pour moi. C'est l'amie la plus proche et la plus sincère que j'ai jamais eu. Elle est parfaitement au courant de la situation, y compris du fait que j'aime une seule femme, et que ce n'est pas elle.
- Je ne comprends plus... Je croyais que vous deux vous... Enfin, tu vois ce que je veux dire.
- Qu'on couchait ensemble ? C'est le cas. Disons que notre relation est une amitié en tout point, avec quelques petits ajouts un peu plus intimes.
- Mais, dit Lu-Ann, employant pour la première fois le ton dubitatif, ce n'est pas un crime ce que vous faites ? Elle n'est pas encore mariée, et toute femme est sensée rester pure avant le mariage, et la princesse d'un royaume a plus forte raison !
- Je commence à regretter de t'avoir prise avec nous... Mais oui, tu as parfaitement raison, si nous faisions prendre, ce serait la mort pour moi.
- Albar... Je ne dirais rien sur ce que je pense de ça, mais justement, j'ai une autre question : pourquoi avoir accepté que Lu-Ann vienne avec nous ?
- Elle t'a sauvé, nous avons donc une dette envers elle. De plus, sa vie est devenue extrêmement risquée depuis qu'elle s'est montrée à Céphocus. Même si il ne l'a pas bien vue, le risque était trop grand, et si il la recherche, elle ne tiendrait pas une semaine avant qu'il ne la trouve. Et la dernière raison, est une raison magique.
- Pardon ?, dit Efir, surpris, voyant que Lu-Ann avait baissé la tête comme un enfant pris en faute. Que veut-il dire, Lu-Ann ?
- Elle ne veut pas répondre pour le moment, et tu ne comprendrais pas. Laisse moi te parler de la magie.
- D'accord...
- Saches avant toute chose que n'importe quel être, humain ou animal, à un potentiel magique en lui, plus ou moins développé, mais bel et bien présent. Veux tu une preuve ?
- Pourquoi pas, oui. »

Il regretta avoir dit ça dans l'instant qui suivit. Albar le fit se retourner calmement, puis, alors qu'il ne s'y attendait pas du tout, le frappa, à l'aide de deux doigts, à un endroit précis du crâne que lui même eut du mal à identifier précisément. La douleur fut plus cuisante que tout ce qu'il avait connu jusque là, comme ci on lui enfonçait un tison chauffé au fer rouge dans la tête, mais il se passa autre chose. Une étrange aura jaune sembla sortir de son corps, propulsant Albar et Lu-Ann en arrière, à plus d'un mètre chacun. Il senti cette décharge d'énergie qui voulait sortir de lui avant même de la voir. Albar avait provoqué une sorte de décharge électrique qui avait parcouru tout son cerveau avant de descendre se répandre dans tous ses membres, puis de tourner en rond dans son corps, cherchant un moyen de partir, jusqu'à ce que la puissance accumulée soit si grande que l'énergie put s'évacuer tout simplement en suintant à travers tous les pores de sa peau, et tous les orifices disponibles. Ainsi, des espèces de rayons jaunes jaillirent de ses yeux, ses narines, ses oreilles, sa bouche, et... Et caetera !

Le choc le plus violent était un titre difficile à donner : serait-il distribué à la sensation physique, ou à la surprise qu'il ressentait ? Car il s'écroula juste après, au bord de l'évanouissement, mais c'est la surprise qui le maintint éveillé. Le jury est encore entrai de délibérer.

Quand il retrouva enfin la force de parler, Efir dit :

« Comment... Tu as... Fait ?
- La magie est une partie inhérente de ton être, de ton corps. On la retrouve partout en tout, dans ton sang, dans tes os, tes organes, etc... Mais plus l'endroit brasse de l'énergie, plus la magie est facile d'accès. Il y a plusieurs endroits ainsi, dans un corps, les deux plus importants étant le foie et le cerveau : le foie fabrique énormément d'énergie, mais à moins facile d'accès que le cerveau, qui lui, en brasse dans le sens de la consommation. Pour la petite histoire, il n'en consomme pas tant que ça, mais c'est son activité électrique qui en fait une zone très réceptive. Bref ! Ces zones sont comme des poches de magie, et si on les stimule violemment, elles libèrent violemment cette énergie. S'en suit alors une puissante réaction en chaîne, si on est pas préparé, qui libère tout ce qu'il es possible de libérer. Tien, ajouta-t-il en lui lançant du pain et du lard. On va faire un pause, tu as besoin de reconstituer tes réserves.
- C'est compliqué la magie...
Je ne t'ai pas encore parlé de magie jeune homme, mais juste de la base. Je t'expliquerai les détails en allant, là je vais te donner de larges notions. D'abord, saches une chose : ce potentiel est assez puissant en toi, mais pas exceptionnel. En vérité, tout est une question d'utilisation. Car oui, comme tu t'en doutes, tu ne peux pas laisser ça sortir de cette façon là. La contrôler est un art, qui exige une complète droiture d'esprit, et une grande volonté. Si il n'y a aucun mage alcoolique, c'est qu'il y a bien une raison ! Le pouvoir peut être modulé si on a parfaitement conscience de ses limites, d'où il se trouve, et de comment l'acheminer là où on veut. Ensuite, il faut savoir l'exprimer. Saches qu'il y a trois façons majeures de l'exprimer, toutes incompatibles entre elles.
- Que veux tu dire ?
- Il y a trois types de magie, et si tu te focalises sur un d'entre eux, les autres te serons inaccessibles. Généralement, tu n'as pas le choix : chaque corps a une affinité particulière pour un type en priorité, et ainsi il se tourne naturellement vers un type, et devient hermétique aux autres. On pense que c'est un blocage cérébral, vu que de rares personnes sont parvenues à le surmonter, mais dans des proportions que l'on peut qualifier de minables.
- Explique toi ! Quels sont ces types ?
- Il y en a un que tu as déjà pu rencontrer : la magie élémentaire. Elle repose sur le contrôle des quatre éléments hippocratiques : le feu, l'eau, la terre, et enfin, l'air. Le mage a un contrôle partiel sur tous ces éléments, avec une affinité moyenne, reposant sur son caractère.
- Son caractère ?
- Oui. Si étonnant que ça puisse paraître, ces éléments ont été mis en relations avec des caractères humains, il y a plusieurs siècles. On croyait à tort que cela avait un rapport avec la médecine, ou la conception des choses, et on a attribué ainsi certaines maladies à un excès de tel ou tel élément. Les magiciens savent aujourd'hui que ces éléments n'ont d'importance que dans l'art magique. On a établis une liste de quatre « qualités » fondamentales de ces éléments, fondamentales et antagonistes par ailleurs : chaud et froid, sec et humide. Chaque élément avait donc deux de ces qualités, et certaines n'ont apparemment leur place ici que parce qu'il en a fallait deux – c'était l'époque où l'on croyait dur comme fer à la dualité de toute chose. Ainsi, on a décrit le feu comme ayant pour qualité d'être chaud et sec, l'air d'être humide et chaud, l'eau d'être froid et humide, et enfin, la terre, d'être froide et sèche. De cela a découlé l'association à certains organes, et des caractères.
- J'ai du mal à te suivre... Et aussi à comprendre la logique de ceux qui ont attribué ces qualités.
- Moi aussi, si ça peut te rassurer. Et saches que les organes auxquels sont associés les éléments ont leur importance : le pouvoir magique est contenu un peu partout, mais celui le plus facilement associé à un de ces éléments se trouve dans l'organe évoqué. Ainsi, le feu est associé à vésicule biliaire, l'eau au cerveau, l'air au foie, et enfin, la terre, à la rate. Regarde un peu les murs, Efir. Ils étaient secs tout à l'heure, non ? »

En y jetant un œil, le jeune homme vit qu'ils étaient désormais constellés de petites perles d'eau. Ce serait lui qui avait fait ça ?

« En stimulant ton cerveau j'ai stimulé le pouvoir magique dans son ensemble, mais celui qui s'est exprimé plus que les autres, c'est celui de l'eau.
- Et le cœur dans tout ça ?
- Il ne correspond à aucun des éléments, mais j'y reviendrai. Parlons des tempéraments associés, des caractères. A l'air est associé le tempérament sanguin, impulsif si je puis dire. A la terre, on associe le tempérament mélancolique. Pour le feu, c'est le tempérament colérique qui est à la place d'honneur. Et pour l'eau, c'est le tempérament flegmatique.
- Je vois... Tu est décidément un mage de l'eau alors !
- Je l'ai sentie arriver à des kilomètres celle là !
- Dis... Pourquoi Céphocus t'a appelé l'Immortel de l'Eau ? Et toi tu l'as appelé l'Immortel du Feu ?
- Ah, ça, c'est le plus grand mystère de la magie élémentaire... Il y a toujours eu, peu importe les époque, quatre mages des éléments plus puissants que tous les autres. Ils ne sont pas immortels, mais peuvent se régénérer, jusqu'à un certain point, si ils sont en contact avec leur élément, et ils vivent bien plus longtemps que les gens normaux. Si l'un d'eux meure, un nouveau naît avec des dons tout aussi extraordinaires. Ils maîtrisent tous les éléments, trois d'entre eux avec un assez bon niveau, mais il y a un élément pour lequel leur maîtrise est inégalable, et qui les rendent incroyablement dangereux. Ce qui est étrange, c'est qu'ils ne peuvent se blesser entre eux en utilisant la magie : cela est sans effet sur un autre Immortel.
- Et, ce Céphocus est...
- L'Immortel du Feu, oui. Crois moi, ce que tu as vu n'était rien. Plus il est proche de son élément, plus il est dangereux. Si tu le croises près d'un volcan, ne soit pas surpris si il en crée un autre.
- Mon Dieu, soupira Lu-Ann, visiblement effarée. Et dire que, pendant tout ce temps...
- Et toi Albar ? Tu es celui de l'eau ?
- Pourquoi crois tu que je n'ai aucune cicatrice ? La marque que j'ai sur la jambe me demande de constants efforts pour ne pas se résorber, et j'ai déjà du me la refaire trois fois.
- Tu dis que si un Immortel est en contact avec son élément il est plus fort... Tu serais capable de faire quoi, dans la mer ?
- Crois moi fiston, j'espère que tu n'auras jamais à voir ça.
- Dis le moi, s'il te plait !
- L'autre type de magie maintenant !
- Tu n'es pas sympa...
- Est-ce que l'auteur à mis « à l'allure sympathique et avenante » quand il m'a décrit ? Il ne me semble guère avoir lu ça, alors à quoi t'attendais tu ? Bien, je disais donc, le deuxième type de magie, très répandu aussi : la magie d'invocation. Si elle est plus complexe à apprendre et à maîtriser que la magie élémentaire, elle nécessite pourtant moins d'explication pour être comprise. Il s'agit d'utiliser la magie pour transporter à tes côtés une créature qui n'est pas sensée y être, la faire venir de loin. Saches avant tout que la distance n'affecte en aucun cas le principe le sort : ce qu'il faut, c'est réussir à ouvrir le portail. Une fois cela fait, ta créature peut se trouver à dix mètres de toi, ou alors à l'autre bout du monde, l'énergie dépensée ne variera pas. A noter que le portail que tu ouvres est temporaire, et qu'il ne fonctionne que dans un seul sens. Tu ne peux l'emprunter pour fuir là où se trouve ta créature. Pour en revenir à la magie dépensée, si elle ne dépends pas de la distance, de quoi dépend elle ? C'est là toute la complexité, si complexité il y a : elle dépends de la masse de la créature invoquée – jusque là, rien de bien extraordinaire – de son potentiel magique, et de la façon dont tu l'as enchaînée.
- J'ai pas compris les deux derniers points.
- C'est normal. Je vais les expliquer. Le potentiel magique est une chose éminemment simple. C'est exactement ce que tu as libéré tout à l'heure. On considère généralement que c'est l'énergie émise après une stimulation éclair sur un corps au repos. On n'a pas d'unités pour la quantifier, c'est uniquement au jugé que cela se joue. Toujours est-il que plus le potentiel magique n'est pas important pour les créatures de base. Pour les fauves par exemple, très appréciés des combattants, les variations de potentiel entre les individus d'une même espèces sont minimes, et ainsi, on a généralement pas à tenir ces détails en compte. Plus la créature est intelligente, plus son espèce est développée, plus ces variations peuvent se produire. Ainsi, les simiens sont...
- Les quoi ?
- Les singes. Ils sont sujets à de communes variations. Les félins, les canidés et les équidés le sont déjà beaucoup moins, malgré leur intelligence manifeste. Ceux qui ont, en pourcentage, le plus de variation, ce sont les humains.
- On peut invoquer des humains ?
- J'y viens j'y viens. Il me faut te parler des créatures magiques.
- Elles existent ?
- J'en ai bien peur, oui, et elles sont particulièrement dangereuse de ce point de vue là. Leur potentiel est souvent assez élevé, voire très élevé, je pense notamment aux dragons – je n'en ai cependant jamais rencontré, ni de vivant ni de mort, il se peut qu'ils ne soient que légendes – qui ont un pouvoir démentiel. Les variations, malgré l'intelligence de certaines de ces espèces, au moins égale à celle de l'Homme pour certaines, sont moindre que chez nous, mais leur pouvoir les rends tout aussi dangereux : même si le pourcentage de variation est plus faible, la différence est mortelle. Admettons, poursuivit-il, voyant qu'Efir ne comprenait pas, que le pouvoir moyen d'un humain soit égal à 100, unité arbitraire. On va dire que les variations peuvent être de l'ordre, au maximum, de 50%, ce qui veut dire qu'on va trouver des individus dont le potentiel varie entre 50 et 150. Si tu prévois 100 et que tu tombes sur 150, tu auras des surprises, mais rien d'insurmontable, 50 de différence ce n'est pas énorme. Maintenant, imagine que le potentiel moyen d'un dragon soit de 10 000, et encore, c'est une population de vieux dragons un peu gâteux. Si il n'y a qu'une variation de 2%, 2 petits pourcents, cela te ferai une différence de 200, soit quatre fois plus que pour un homme. Tu comprends ce que je voulais dire ?
- Un peu mieux, oui... Et justement, comment invoquer des humains ?
- Je n'en sais rien. Je suis un élémentaire, et si je connais les bases, je ne connais pas la manière exacte de certaines choses. Mais ce que je sais c'est que personne ne l'a encore jamais fait.
- Pourquoi ?
- A cause du sortilège d'enchaînement. En effet, il ne suffit pas de penser à une bestiole et de claquer des doigts pour qu'elle apparaisse. Il faut l'avoir rencontrée par le passé, et l'avoir soumis à un sortilège d'enchaînement. Là encore, sa facilité dépend de la créature que tu as devant toi, et plus la créature est intelligente, plus c'est difficile, de même, moins elle est magique, plus c'est difficile. Les humains sont sans doutes les créatures parmi les plus intelligentes – en moyenne – et les moins magiques. Ainsi il n'y a rien de plus ardu que de tenter de lancer l'enchaînement à un Homme.
- Comment on lance ce sort ?
- C'est une procédure très compliquée, et très difficile, que je ne te révélerai pas ici, ce serait inutile. Saches cependant que ton sang et celui de la créature doivent se mêler, ce qui peut se révéler être un problème si tu veux enchaîner une créature toxique.
- Je comprends, dit le jeune homme, ce qui n'était qu'à moitié vrai. Et, le dernier type de magie, c'est quoi ?
- Ça... C'est le moins répandu, à tel point que certains doutent encore de son existence. Je ne t'en parlerai pas longtemps, car je ne sais que très peu de choses sur celui là. On l'appelle Magie Cognitive, ou Pouvoir Spirituel, ou plein d'autres noms grandiloquents de la sorte. D'après ce que j'en sais, cette magie n'obéis qu'à deux règles : la puissance de la magie de son auteur, et sa force de volonté. Si on a les deux, alors, d'après ce que l'on dit, in est potentiellement capable de tout faire.
- Tout ? Comment ça, tout ?
- Tu as gagné, tu as réussi à poser une question encore plus stupide que ce que j'aurais cru humainement possible ! Oui, génie, tout. Les seules limites de ce pouvoir en seraient la force et l'esprit de son acquéreur. On suppose que la source de ce pouvoir est dans le cœur.
- Pourquoi est-il si peu répandu ?
- Il exige la plus parfaite des disciplines, une droiture inflexible dans sa volonté et dans ses pensées, et surtout, surtout, ce don est bloqué dès que l'on emploie sciemment l'un des autres types de magie. Et vois tu, c'est là raison pour laquelle Lu-Ann est avec nous.
- Pardon ?
- Regarde donc ses beaux yeux. Au fond de ta pupille brille une étrange lumière, le savais tu ma fille ?
- Non monsieur Albar, je l'ignorais...
- Je ne maîtrise en rien cette magie, mais je connais ce signe. Cette lueur n'est autre que celle de la magie. Tu es une utilisatrice de la magie cognitive, n'est ce pas ?
- Oui, avoua-t-elle en baissant les yeux, oui monsieur Albar, c'est bien cela.
- N'ai pas honte, ou quoi que ce soit d'autre. Soit fière plutôt ! Tu es presque unique. Tu es une perle rare. »

Est-il nécessaire de dire qu'à ce moment précis de l'histoire, Efir commençait à avoir du mal à ingérer toutes ces informations, et surtout à les traiter ? C'est ainsi que, au lieu de s'étonner des talents de Lu-Ann, il posa à Albar sa dernière question :

« Dis Albar, c'est qui exactement ce Céphocus ?
- Ah, oui, c'est vrai, je l'avais oublié. C'est une longue histoire entre lui et moi, et je n'ai pas envie de donner de détails pour le moment. Toujours est-il que nous étions rivaux, et qu’aujourd’hui il me voue une haine féroce, que je lui pardonne, et qu'il tente de me tuer dès qu'il le voit.
- Comment t'as-t-il trouvé ?
- Parce que c'est un génie. Il est bien plus malin que moi, et il est rare qu'on puisse le berner.
- Et il n'est que capitaine de la garde ?, demanda Lu-Ann.
- Il a un énorme défaut : son tempérament, justement. Il lui en faut très peu pour entrer dans une rage folle et perdre le contrôle, malgré tous ses efforts. Il est ainsi capable de mettre sur pieds des plans d'une complexité effrayante, mais de devenir totalement inutile, incapable d'improviser si jamais on réussi à déjouer une étape de sa stratégie. Ta soif de curiosité est-elle satisfaite Efir ?
- Presque. Est-ce que je vais apprendre la magie ? »

Cette question le taraudait depuis qu'il avait compris que l'eau se mouvant autour d'Albar était un phénomène magique. Dès cet instant, il avait espéré apprendre à faire ce genre de choses. Lui qui ne voulait combattre, être mage lui irait parfaitement ! Et tous ces types de magie l'intéressaient tous, et il était persuadé que lui, il allait réussir à maîtriser la magie cognitive. Prétention ? Peut-être, mais il brûlait d'apprendre !

« Tu apprendras, mais tu n'es pas encore prêt. On a beaucoup de travail à faire avant. »

Sur cette remarque sans appel, Albar clôt la conversation et repris la route, suivi par Lu-Ann et Efir, le crâne bouillonnant de tout ce qu'il venait d'apprendre, menaçant de déborder à chaque faux pas, comme une personne se promenant avec une marmite remplie à ras-bord à flanc de montagne. Avec des échasses. Et un vent latéral force 8, mais c'est un détail. Albar fut le premier à rompre le lourd silence s'était formé.

« Vous trouvez vraiment que mes blagues sont prévisibles? »

Albar

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Lun 30 Jan - 11:59
Je rejoins Tira au niveau de ses remarques... Tu oscilles aussi pas mal entre un style "oral" et "écrit". J'avoue avoir eut un peu de mal avec certaines digressions qui étaient parfois trop longues et perdaient ainsi de leur impact.

Sinon je prendrai plaisir à suivre l'avancée de l'histoire ! Ca reste bien écrit et agréable à lire.

Par contre vous devriez pas ouvrir un sujet à part pour accueillir les commentaires?

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Mar 7 Fév - 18:29
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Oui elles sont très prévisible U.U Non ton chapitre est très sympathique, j'aime beaucoup, surtout le passage avec la princesse qui est très fluide, mais par contre, le message sur la magie est looooooooooong! J'ai eu l'impression d'être en cour T-T Enfin on te pardonne car le reste est génial ♥

Ayael

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Sam 30 Juin - 11:54
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Chapitre X : Le chapitre au titre introuvable


Après lui avoir assuré, en toute bonne foi, qu'il ne manquait pas d'imprévisibilité, Efir et Lu-Ann s'éloignèrent, involontairement, un peu d'Albar, qui guidait le groupe, la petite flamme restant nichée dans sa main. Ils étaient à quelques mètres de lui, et très proches l'un de l'autre. Cela était, à la réflexion, sans doute du au fait qu'Efir avait la tête pleine de tout ce qui venait d'être dit, et qu'il marchait en étant extrêmement pensif, ralentissant ainsi sa camarade, derrière lui et ne pouvant le doubler à cause de l'étroitesse du tunnel.

Navré de la redondance de la phrase qui suit mais : son cerveau bouillonnait de questions. En vérité les paroles d'Albar en soulevaient plus qu'elles n'en éclaircissaient. Il souhaitait connaître tous les détails de la magie, voulait savoir tout faire, il voulait ardemment devenir un mage, maintenant qu'il savait qu'il en avait les moyens. Certes, son potentiel n'était pas exceptionnel, selon son mentor, mais n'avait-il pas dit que la maîtrise comptait plus que la puissance ? Il s'imagina alors contrôler des océans entier, voler grâce au vent qu'il maîtriserai et créer une montagne par sa propre volonté. Il se voyait aussi appeler une foultitude d'étranges animaux, tous légendaires, tels les dragons, les licornes, les chimères, etc... Et enfin, il imaginait toute l'étendue de la magie cognitive, pouvant se permettre de tout imaginer : lire dans les penser des autres, leur parler par télépathie, se transporter d'un endroit à un autre spontanément, soulever les objets à distance, rejoindre quelqu'un dans ses rêves, etc... Toutes ces possibilités, infinies, lui faisaient tourner la tête.

Puis il pensa à Lu-Ann. Apparemment, elle allait être des leurs pour la suite du voyage. Qui était elle ? Qu'est ce qu'elle savait faire au niveau magique ? Comment était-elle dans la vie de tous les jours ? Pourquoi parlait elle si peu ? Par timidité ? Par manque de confiance ? Ou juste parce qu'elle est comme ça ?

Si Albar ne daignerai sûrement pas répondre à toutes ses questions sur la magie, la jeune fille, elle, accepterai peut-être. Il se retourna un bref instant, pour la regarder, avant d'engager la conversation. Je précise que l'instant fut bref car il manqua de tomber à la renverse, marchant ainsi à reculons. Les Albar en herbe qui lisent ce passage penseront peut-être à un mauvais jeu de mot, tel que « sa beauté étant véritablement renversante », mais je vous en prie, ne le répétez pas à vos amis, c'est une simple question de bon goût.

« Heu, Lu-Ann ?, commença le jeune homme, rouge de honte et ne sachant comment engager la conversation.
- Oui ?
- Je... Je me demandais... Je veux dire, je ne sais encore rien de toi.
- Je ne sais rien de toi non plus.
- C'est... c'est vrai, oui, dit-il, presque troublé cette l'évidence. Eh bien, on pourrait peut-être... Je te raconte un peu ma vie, qui je suis, pourquoi je suis là, et après toi tu me raconte un peu ta vie. Tu... Tu en dis quoi ?
- Si tu veux. »

Elle semblait tellement détachée que le jeune homme se demanda si elle ne l'envoyait pas tout simplement balader poliment. Mais il entrepris quand même de lui faire un court résumé de son existence. En vérité, tout en racontant, il trouva qu'il n'avait décidément que peu de choses intéressantes à dire sur sa vie telle qu'elle fut avant de rencontrer Albar. Bien sûr, il aurait pu lui parler de sa vie de tous les jours, de ses déboires amoureux, du travail qu'il accomplissait pour son père, de quand il allait chercher la nourriture pour sa mère, de la cabane biscornue qu'il avait construit dans la forêt, mais... Maintenant tout ça lui apparaissait tellement lointain, comme appartenant à une autre vie. Il n'avait pourtant pas tant changé que ça : il restait terrifié devant les armes, il refusait toujours de se battre, d'ôter la vie encore plus ! Il croyait toujours en Dieu, il respectait toujours ses ancêtres... Il était exactement pareil qu'avant ! Alors pourquoi tout cela lui semblait il appartenir à quelqu'un d'autre ? La réponse il l'obtint lorsqu'il se fit cette réflexion : « tu ne pleures plus en pensant à ta mère ». Les premiers jours, la simple pensée qu'il avait pour sa mère le faisait s'effondrer littéralement, mais maintenant, il ressentait tout juste une pointe de tristesse, de mélancolie profonde et durable, mais pas le choc émotionnel violent qu'il avait ressenti les premiers jours. Il n'avait pas fait son deuil, loin de là, mais il commençait à accepter les choses... Tout ça lui paraissait lointain car désormais, il n'avait plus de parent, il s'en était presque définitivement séparé. Il a été forcé de passer de l'adolescence – presque de l'enfance – à l'âge adulte, violemment, sans préambule véritable. C'est en cela qu'il était différent...

Aussi raconta-t-il en détail ses péripéties avec Albar. Notez que je suis d'une extrême honnêteté sur ce passage, car j'aurais pu vous présenter le récit d'Efir directement au premier degré, et donc gagner en longueur en me contentant de résumer le début de ma propre histoire, évitant ainsi tout effort d'imagination. Pour en revenir au jeune homme, il raconta ses déboires en atténuant un peu ses bourdes, notamment celle du sac de diamants. Ainsi dans cette version il avait été méfiant vis à vis de la voleuse immédiatement, mais elle était trop douée pour lui. Il manquait certes de pratique, mais, dans cette version contestable, il était devenu d'un clairvoyance assez impressionnante. Il craignait cependant qu'Albar, qui l'entendait sûrement, ne s'amuse à raconter la vraie histoire, et cessa presque de respirer quand il l'entendit élever la voix.

« On ne devrait plus être très loin de la sortie maintenant ! »

Efir, reprenant son souffle, aurait juré le voir lui faire un clin d'oeil malicieux. Lu-Ann, indifférente à ce qui venait de se passer, pris alors la parole.

« J'ai moins de choses à dire que toi tu sais. Je ne pense pas que ça va t'intéresser.
- Ça m'intéresse beaucoup, bien au contraire. Tu es si mystérieuse, j'aimerai en savoir plus sur toi.
- Charmeur !, retenti la voix d'Albar
- Mais... Mais non, j'essaie juste d'être aimable... Je, je veux juste..., » commença-t-il avant d'être interrompu par le rire de Lu-Ann. Elle avait un très joli rire, très doux, presque feutré. Efir aimait bien ce rire. « C'est si drôle que ça ?
- Oui, dit-elle avec un sourire. J'aurais juré qu'Albar était ton père, à la façon dont vous vous parlez.
- Ne parle pas de malheur, répondit Efir avec un sourire à son tour.
- J'allais le dire, cria Albar, encore plus loin que tout à l'heure.
- Lu-Ann et moi essayons d'avoir une conversation Albar !
- D'accord, d'accord, reste seul avec ta petite amie, je ne dis plus rien !
- Mais... Ce n'est pas ma... Oh et puis zut !
- Il est toujours comme ça avec toi ?
- Souvent on va dire, le reste du temps il me gronde.
- Au moins je ne vais pas m'ennuyer. Pas comme chez moi, ajouta-t-elle, toute hilarité disparue.
- Oh... Que veux tu dire ?
- Eh bien, j'ai toujours vécu dans la capitale. Ma mère a accouché dans un couvent, les bonnes sœurs ayant accepté de l'aider, mais, comme pour beaucoup de monde, elle est morte en couche. Quant à mon père, je ne l'ai jamais connu. Les nonnes ont été très généreuses et se sont occupées de moi dans le secret pendant 4 années. Je dis « dans le secret », parce que la mère supérieure refusait d'accepter les enfants d'inconnus. Selon elle, ils pouvaient tout aussi bien être les enfants du diable que des saints, et elle ne voulait pas prendre le risque. Elle avait une horrible peur de l'enfer et des démons, à chaque sermon elle nous en parlait. Vers mes quatre ans, elle a réussi à comprendre ou a prouver, je ne sais pas trop, que je n'étais pas, comme les sœurs l'avaient dit, la fille d'un petit bourgeois mort à la guerre et dont l'épouse est morte en couche. Elle m'a jeté dehors, sans que les sœurs ne puissent l'en empêcher, mais elles ont eu le temps de me dire d'aller voir un certain Cliro. Je me souviens avoir longtemps cherché, avant de tomber sur le patron d'une taverne un petit peu louche, qui se nommait justement Cliro. Il était un peu... Déviant sur les bords, mais quand je lui ai expliqué ma situation, il a accepté de me garder. Il m'a fait passer pour sa petite nièce, qu'il venait de recueillir après je ne sais quel drame familial. J'ai appris, au fil des années, que la taverne faisait aussi office de maison de tolérance.
- Qu'est ce c'est qu'une maison de tolérance ?
- Une maison de plaisir, répondit Albar, une maison de passe, une maison close, il y a beaucoup de noms pour ça. Et c'est illégal depuis mes trente ans si ma mémoire est bonne.
- Heu... Cliro m'a dit qu'on avait interdis ce genre de chose depuis... Attendez que je calcule, ajouta-t-elle en comptant sur ses doigts. Aujourd'hui ça doit faire 118 ans.
- Je n'étais pas loin : c'était l'année de mes 29 ans.
- Vous voulez dire que vous avez... , commença-t-elle en comptant à nouveau.
- Il a 147 ans. Je sais, c'est bizarre, mais on s'y habitue.
- Je vois... Donc je disais, Cliro était dans l'illégalité, mais tout allait bien. Je ne posais pas de questions, et il me trait très bien, comme ci j'étais véritablement sa nièce. Je me demandais d'ailleurs comment les nonnes pouvaient connaître cet homme, vu les activités qu'il menait.
- J'ose une supposition, dit alors Albar. Il se peut parfaitement que certains d'entre elles venaient de cette même maison. Beaucoup de femmes sont contraintes de vendre leur corps pour vivre, et beaucoup finissent par tellement haïr leur vie qu'elles tentent de s'orienter dans les couvents. Ce n'est pas chose facile, car, comme vous vous en doutez, elles sont souvent refusées en raison de leur passé. Cliro devait, je ne sais trop comment, réussir à leur fournir de fausses références pour qu'elles puissent entrer au couvent.
- En tout cas, poursuivit la jeune fille comme ci elle n'avait jamais été interrompue, ses activités ont fini par être connues des gardes. Un jour, peu de temps après que j'ai eu 10 ans, ils sont venus, toute une patrouille, pour l'arrêter. Le capitaine de la garde, Céphocus, était avec eux – il se rends toujours sur les lieux des arrestations ou des exécutions. Cliro s'est défendu, si violemment que les gardes ont du le tuer. Ça m'a laissé le temps de m'enfuir, moi et presque toutes les filles. Je ne sais pas ce qu'elles sont devenues. En tout cas, depuis ce jour là, depuis cinq ans, je vivais dans la rue, me débrouillant comme je le pouvais. Voilà, tu sais tout maintenant Efir. »

Est-ce utile de préciser que ce discours avait jeté un grand froid sur le groupe. Le jeune garçon ne savait quoi répondre. Quand elle disait qu'elle n'avait pas grand chose à dire, il aurait sans doute du entendre « je n'ai pas très envie d'en parler ». Mais elle était vraiment étrange... Si elle ne voulait pas en parler, pourquoi avait elle accepté ce petit marché avec lui ? De plus, elle ne semblait pas vraiment affectée par tout ce qu'elle racontait, elle en semblait véritablement détachée. On pourrait dire qu'Efir avait l'air plus affecté qu'elle même de tout ce qui s'était passé. Personne, vous allez me dire, n'allait poser de questions supplémentaires après une telle histoire, n'est ce pas ? Vous ne le feriez pas, personne ne le ferait, pas vrai ? Vous avez l'air d'oublier quelqu'un en ce cas...

« Dis moi jeune fille, dit alors Albar (oh, quelle surprise, pas vrai?), dis moi, qu'en est-il de la magie dans tout cela ? Pas un seul instant tu n'en as parlé dans ton histoire, et pourtant, elle a du avoir une place assez importante dans tout ça, non ?
- Je ne veux pas en parler monsieur Albar. Ça me regarde.
- Je comprends, libre à toi d'avoir tes secrets. Mais j'ai une autre question : si tu ne comptes pas en parler, l'utiliseras tu ?
- J'essaierai, mais je ne sais pas faire grand chose.
- Je pourrais t'apprendre. Je ne maîtrise pas cette forme de magie, mais il y a des bases communes, et je ne pense pas que tu les aies eue.
- J'ai toujours réussi à me débrouiller toute seule, je ne vois pas pourquoi ça changerai.
- Te débrouiller ? N'importe quel animal est capable de rester en vie, et d'après ce que tu as raconté, tu n'as pas su faire beaucoup mieux.
- Albar !, dit Efir, outré.
- Laisse Efir, dit la jeune fille d'un ton froid, il parle de choses qu'il ne connait pas. »

A ce moment précis, et à la surprise général, Albar eut un petit rire qui se transforma en un rire franc et presque enjoué. Efir avait une petite idée de ce que son mentor allait répondre.

« Dieu que c'est beau l'ignorance et la candeur. Tu me fais beaucoup penser à Efir tu sais. Mais je ne peux pas t'en vouloir de te tromper à ce point, tu ne sais rien de mon passé ma petite. Et j'ai la flemme de t'expliquer. Reste donc dans l'erreur. »

Efir aurait pu avoir un petit sourire de triomphe si Lu-Ann ne le regardait pas à cet instant : c'était bien ce qu'il avait imaginé. Plusieurs fois au cours de leur voyage avait-il tenté d'en savoir plus sur son passé, que ce soit par des questions franches et directes ou par des questions détournées. Et jamais il n'avait eu de réponses, tout au plus étais-ce un mensonge comique, mais jamais rien de personnel. Il n'avait pas la moindre idée de qui étaient ses parents, où il avait grandi, etc... C'était à se demander si Albar était son vrai nom, et si les terres de Monulia avaient vraiment un jour existé. Lu-Ann n'était pas encore habituée à tout ça, mais Efir n'avait-il pas fait la même erreur, ou presque ? C'était assez étrange en fait, de voir que lorsqu'on se sent agressé et qu'on ne sait comment se défendre, on attaque immédiatement, sans vraiment réfléchir, plutôt que d'avouer sa défaite. En tout cas, Efir espérait que la jeune fille ne revienne pas à la charge : elle ne gagnerai jamais à ça contre Albar, elle ne le connaissait pas encore assez pour ne pas tomber dans ses pièges. Voyant qu'elle ouvrait la bouche, il se dépêcha de poser une question, n'importe quoi, la première lui venant à l'esprit.

« Dis Albar, où on va maintenant ? Je veux dire, aller à la capitale était la seule chance qu'on avait, non ? »

Quoi, vous attendiez une question stupide ?

« Bonne question. En fait ce n'était pas notre seule chance, on a d'autres options quand même.
- Pourquoi ne pas les avoir tentées avant ?
- Ah, là tu vas rire : c'est parce que la capitale était l'option la moins risquée.
- …
- Vous voulez dire que l'endroit où vous vous êtes fait repéré après une seule journée est celui où ça avait le plus de chance de marcher ?
- Précisément. Sur une échelle de 1 à 10, le risque n'était que de 6, à une ou deux vaches près. Mais si ça peut vous rassurer, je crois que j'avais mal évalué les risques et les précautions que prendrait Céphocus. On va dire qu'en vérité il était de 8 sur 10.
- Tu as déjà un nouveau cap en tête ?, demanda Efir, circonspect.
- Bien entendu.
- Et... Le risque est de combien ?
- Eh bien, je ne suis plus très sûr de moi, je ne saurais donner un chiffre précis, mais, nous allons dire... Entre 7 et 9, plus ou moins, répondit Albar d'un ton détaché.
- En vérité tu n'en sais rien...
- Bien sûr que si, je sais que ce sera éminemment dangereux, catégorie qui englobe 7, 8 et 9. Pour info, 0 correspond au danger nul, 1 et deux sont de l'ordre du danger minime, 3 et 4 incarnent le danger raisonnable, 5 et 6 le danger important, et enfin, 10, ça représente le presque impossible.
- On était pas obligés de savoir ça tu sais.
- Oh que si les enfants, parce que si notre prochain tentative échoue et que l'on est toujours en vie, les options restantes seront de niveau 10, voire 11.
- Vous êtes hors barème monsieur Albar.
- Je sais, mais la difficulté est telle qu'il faut un chiffre 11.
- Pourquoi, dit Lu-Ann, ne pas directement faire un barème sur 11 ?
- Parce que le chiffre est moins élégant, dit Albar comme ci c'était d'une évidence à toute épreuve.
- Quel est notre destination alors Albar ?, demanda Efir, lassé de ce barème.
- La ville côtière de Manid, à environ 2 semaines de cheval si on y va doucement, et comme vous devez tous les deux apprendre à vous servir de vos dons, nous n'allons pas forcer l'allure outre-mesure.
- Mais, monsieur Albar, le capitaine Céphocus ne risque-t-il pas d'envoyer des gardes à nos trousses ?
- Encore faudrait-il qu'il sache où nous sommes. Je ne nourris nulle inquiétude à ce sujet les enfants, ne vous en faîtes pas.
- Tu n'étais pas non plus inquiet pour notre venue dans la capitale.
- C'est donc là ton raisonnement ? Parce que je me suis trompé une fois, on doit prendre comme postulat de départ mon erreur à chacune de mes propositions ?
- Il faut l'envisager.
- Il est difficile de bien raisonner en partant toujours du principe qu'on se trompe.
- Oui mais..., commença-t-il avant de laisser s'éteindre sa voix.
- Jeunes gens, vous venez d'assister à un sophisme.
- Un quoi ?, demanda Lu-Ann.
- Oh pitié Albar, pas encore une leçon...
- C'est un procédé d'argumentation fallacieux, que argumentateur emploie avec mauvaise foi, dans le but de remporter le débat. Ici, par exemple, mon argument n'est pas valable, car trop manichéen : tu me disais, Efir, qu'il fallait envisager l'erreur, et je te réponds en disant que je ne peux pas toujours prétexter l'échec. Ce n'est pas la même chose, car tu n'as jamais parlé de « toujours partir en s'imaginant échouer », mais de « penser à ce qui pourrait causer l'échec ».
- C'est très intéressant tout ça, dit Efir qui n'en pensais pas un mot, mais tu ne peux pas faire une petite pause de temps en temps.
- Ah mais moi je trouve ça intéressant, intervint Lu-Ann. Vous donnez souvent des leçons comme ça monsieur Albar ?
- Il en donne tout le temps ! Il m'apprends au moins une dizaine de choses chaque jours, sans compter les anecdotes historiques et les dates qu'il lance parfois quand la situation le justifie.
- Je n'y suis pour rien Efir si ta culture n'a d'égale que ton caractère plaintif.
- Il s'est quand même passé suffisamment de choses aujourd'hui pour faire une pause, non ?
- Allons bon, je me dois de te préparer. La mort n'attends pas notre bon vouloir ?
- La mort ? Tu viens de nous expliquer ce qu'est un sophisme ! Quel rapport avec la mort ?!
- Imagine donc que tu tombes sur un philosophe fou, qui te menace de mort si tu es incapable de répondre à des questions sur des termes philosophiques. Là tu me remercieras de t'avoir appris ce qu'était un sophisme, jeune sot.
- Un philosophe fou ?, demanda Efir d'un ton entre l'exaspération et le rire. Je ne suis pas sûr que ça existe.
- Pour tout de dire c'est au pire un pré-requis, au mieux un pléonasme.
- Un quoi ?, demanda Lu-Ann innocemment.
- Ne l'encourage pas !
- Un pléonasme est une figure de style qui... »


Après environ 30 minutes d'explication (Lu-Ann a eu le malheur de demander ce qu'était une figure de style), et encore une quinzaine de minutes du marche, le groupe émergea enfin du tunnel, qui monta brusquement, les forçant presque à escalader les parois pour sortir.

La lumière les aveugla quelques instants, au delà desquels ils s'aperçurent être dans une forêt peu dense, mais visiblement loin de la route, qu'ils ne voyaient pas. Ils étaient sortis au niveau d'un petit buisson de ronce (ce qui arracha un petit cri de surprise à Efir lorsqu'il se piqua, Albar n'ayant pas jugé utile de les prévenir). Une fois tous sortis, ils constatèrent que le tunnel avait encore de beaux jours devant lui : alors même qu'ils venaient de le quitter, ils avaient du mal à trouver son entrée, tant celle ci était bien camouflée.

« Bon, on fait quoi exactement maintenant ?, demanda Efir à peine sorti
- Doucement mon garçon, ne soit pas si pressé. On a tout notre temps.
- On est quand même encore près de la ville monsieur Albar.
- Certes, mais on est pas dedans, alors tout va bien, non ?
- S'il te plait... Je suis pas rassuré ici.
- D'accord, d'accord. Charla m'avait dit d'aller à l'Est une fois sorti. Elle y aurait fait parvenir les chevaux.
- Alors allons-y, dit Efir, partant dans une direction après avoir regardé le Soleil.
- Tien donc, dit Albar, surpris, tu sais t'orienter grâce au Soleil ?
- Pas vraiment, mais j'ai vu comment tu faisais. Je suppose que c'est dans cette direction alors, non ?
- Tu supposes avec justesse. »

Le trio, guidé pour la première fois par Efir, se mit alors en route à travers les bois. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que la forêt n'est pas comme une grande plaine où on aurait planté des arbres. La température y est différente de celle qui règne en dehors, et le sol est des plus irréguliers, tant à cause des vallonnements incessants de la forêt, mais aussi à cause du sol en lui même, terreux, sans herbe mais peuplé de petites plantes à épines (allez comprendre pourquoi elles ont toutes des épines là dedans!). Le sol était à la limite du boueux, et marcher dedans était aussi aisé qu'agréable, c'est à dire, pas super. Ils marchèrent pendant une quinzaine de minutes avant d'entendre un petit bruit au loin, comme un vague hennissement. Efir se mit alors à pressé le pas, avant d'être ralenti par Albar.

« Méfie toi. Céphocus est obligé de laisser sortir les chevaux de la princesse, mais ça ne veut pas dire qu'il ne les surveille pas.
- Tu as dit qu'il nous croyait encore à l'intérieur de la cité.
- Bien sûr, mais prudent comme il est, il n'y aurait rien de surprenant à ce qu'il ai pris cette précaution.
- Et comment tu comptes faire ? Avec ton costume blanc, ce n'est même pas la peine d'espérer s'approcher discrètement.
- Eh bien on va utiliser la méthode moins maligne mais plus drôle. Restez ici tous les deux, je reviens. »

Albar avança alors franchement, sans chercher à se cacher. De là où les deux jeunes gens étaient, ils ne pouvaient voir ni les chevaux, ni Albar lorsqu'il fut suffisamment loin. Tout juste apercevaient-ils une vague tâche blanche se déplaçant au loin. Entendant des bruits de voix étouffés, ils ne purent savoir ce qui se passait là bas. Certes, Albar parlait, mais il le faisait sans doute avec les gens qui avaient ramené le chevaux.

Les minutes passèrent, interminables, jusqu'à ce qu'enfin ils entendirent et comprirent quelque chose : il s'agissait d'Albar, qui leur criait de venir, que tout allait bien. Soulagés, ils ne traînèrent pas, et eurent une surprise de taille : leurs deux chevaux, Ithaq et Isabella, étaient bien là, mais arnachés à une espèce de chariot bâché. La princesse leur avait fait un beau cadeau, qui allait grandement simplifier leur voyage, à n'en pas douter.

« Si vous voulez bien vous donner la peine de prendre place, la diligence va bientôt partir. Prenez garde à là différence de hauteur entre le marchepied et le sol, et prenez garde aux légers soubresauts des chevaux. Nous sommes le 14 octobre, il est approximativement 18 heures, et la température extérieure est de plus ou moins treize degrés. Nous vous remercions d'avoir choisi les « Diligences Albar, diligences de l'Espoir » pour votre voyage. »

Efir et Lu-Ann, heureux, eurent un petit rire en montant à l'arrière, où une autre surprise les attendait : il y avait trois petits matelas entreposés dans un coin, des couvertures, et surtout, de la nourriture. Charla n'avait pas l'intention d'obéir à Albar en ne leur laissant qu'une petite bourse apparemment. Celui ci avait un air à la fois exaspéré et attendri. Après avoir flatté l'encolure d'Isabella et d'Ithaq, et ayant parlé un peu à ce dernier, il monta à son tour, prenant les rênes. Dans un petit tremblement, le chariot se mit à avancer doucement, puis un peu plus rapidement. Albar voulait s'éloigner de la ville le plus possible avant la nuit. On ne prends jamais assez de précaution disait-il, se contredisant ainsi ouvertement.

Lorsque la nuit tomba, aucun village n'était en vue. Mais en revanche, de la plaine s'étendait partout autour d'eux. Albar fit alors quitter la route à la diligence, pour s'arrêter environ cinq cents mètres plus loin, décidant d'y dresser le camp pour la nuit. Ce fut lui seul qui décida en effet, car Efir et Lu-Ann s'étaient déjà endormis sur leurs matelas, qu'ils avaient installé au début de voyage. Albar eut un petit sourire en les regardant tous deux, ainsi abandonnés aux bras de Morphée. Ses propres pensées vagabondèrent tandis qu'il alluma un feu, destiné à réchauffer la carriole. Il avait détaché les chevaux pour la nuit, et s'installa comme à son habitude contre le flanc d'Ithaq (en ayant tout de même posé son matelas sur le sol, et ayant pris ses couvertures). Il ressorti son poème inachevé, et avec une pensée pour celle à qui il était destiné, il entrepris d'en continuer l'écriture, reprenant le couplet auquel il s'était arrêté.

« Votre sourire fera flancher le plus fort,
Vos yeux sont deux soleils chauds et éblouissants,
Qui régissent les règles du monde : la vie, la mort,
Le bonheur, le malheur, et même l'espace-temps.

Ce que vous avez de plus superbe, de plus beau,
Je ne peux trouver les mots pour vous le nommer.
Une fenêtre sur l'infini ? Un drapeau,
Annonçant une belle et lointaine contrée ?

Est-ce ainsi ? Votre cœur est il un grand royaume,
Dont les immenses terres sont hors de ma vision ?
Vos armées, dans le cœur sans défense d'un homme,
Que leur avez vous donné comme mission ?

Elles ont conquit mes terres mais pourtant n'en font rien.
Vont elles le détruire ? Ou lui redonner vie ? »

Bien, pensa Albar, cela suffira pour ce soir. Il avait encore un peu de travail devant lui avant de pouvoir dormir. Ils étaient trop visibles de là où ils se trouvaient, il leur fallait être protégés contre une éventuelle attaque. Il se leva péniblement, et fit le tour du camp, la main tendue vers le sol, sentant la magie couler autour de lui. Les plantes n'en avaient pas, et les être vivants les plus petits en exhalaient doucement, si peu qu'on pouvait douter de son existence. Mais Albar était rompu à l'usage et à la perception de l'énergie magique. Il sentait les gouttes de magie s'élever des insectes et disparaître dans la nature, devenant trop infimes même pour lui.

Seul ce qui vivait et qui avait un système nerveux pouvait produire et utiliser la magie. Mais pour l'utiliser sciemment, il fallait un minimum d'intelligence, une intelligence supérieure, telle que celle des humains, des elfes, des nains, des fées, des sirènes, des centaures, et de toutes ces créatures magiques qui se faisaient de plus en plus discrètes dans le monde des hommes. Ou du moins, pour être tout à fait exact, elles s'étaient toujours tenues à l'écart des hommes. Dans sa jeunesse, Albar n'en avait pas plus vu qu'aujourd'hui sur ses terres, et selon les dires de Méthélos, il n'y en avait pas plus à son époque, autrement plus reculée que la sienne. Sans doute se méfient elles des Hommes, et entre elles. Il n'y a qu'à voir les relations des humains et des elfes pour comprendre cette crainte.

Cette guerre... Depuis quand durait elle ? Même l'ancêtre Méthélos n'aurait su le dire. Tout comme Albar, il l'avait toujours connue. Et aucun des deux n'avait jamais pu mettre les pieds en territoire elfique. Ils étaient humains, et aucun n'avait le droit de pénétrer sur les terres du peuple de la forêt. La seule fois où il avait essayé, il avait reçu une flèche dans l'épaule avant d'être arrivé à moins de 10 mètres des arbres. Ce genre d'attitude ne favorise pas les négociations de paix.

Est-ce qu'Efir aurait vraiment le pouvoir d'enfin mettre un terme à cela ? Albar ne savait quoi penser. Certes, la solution, si solution il y avait, était inscrite dans son sang, mais est-ce que ce serait suffisant ? Et quand bien même ce le serait, est-ce que le jeune homme saurait prendre la bonne décision ? Si jamais il parvenait à assez de maturité pour avoir à faire ce choix, Albar n'aurait sans doute déjà plus d'autorité sur lui. Il jouait gros, et le destin des hommes et des elfes, ainsi que, peut-être, d'une grande majorité des peuples, serait remis au hasard des choix d'Efir... Albar n'avait jamais eu de chance avec le hasard.

S'arrachant à ces pensées, il se recentra sur sa tâche. Il pris pour cible un cube de Terre d'environ 2 mètres de large sur trois de longueur, et profond d'un peu plus de deux mètres. Utilisant sa maîtrise relative de la terre, il souleva tout ce volume pour l'entasser devant le trou ainsi creusé, formant ainsi une haute butte, de plus de deux mètres de haut. Lentement, ne pouvant aller plus vite, il forma un cercle autour du campement, pour finir par être totalement encerclé par ces murailles de terre. Vers l'intérieur du cercle étaient les grandes buttes de terre, n'en formant plus qu'une seule, tandis que, vers l'extérieur étaient les petites douves, qu'Albar laissa vides de toute eau. Si quelqu'un tentait de les attaquer, il devrait d'abord franchir le trou, puis escalader la terre à pic, chose impossible si l'on a une armure. Le simple bruit de l'effort de l'individu potentiel devrait suffire à réveiller Albar.

Satisfait de son œuvre, ce dernier s'en retourna vers le chariot, voyant avec surprise qu'Efir était assis et le regardait.

« Tu ne dors toujours pas on dirait.
- Il s'est passé trop de choses, il faut que je fasse le tri. »

Albar s'assit à ses côtés, regardant les étoiles sans s'en rendre compte. Tous deux chuchotaient, pour ne pas réveiller Lu-Ann.

« C'est vrai que la journée a été chargée en rebondissements. Mais dis toi que demain sera une journée bien plus tranquille.
- Tu m'apprendras la magie ?
- Je ne sais pas si je le ferai demain, mais je t'assure que tôt ou tard, je le ferai.
- Est-ce que c'est difficile ?
- Comment est-ce que tu qualifierais la difficulté d'apprendre à écrire et à lire ?
- Plutôt grande.
- Alors en comparaison la magie va te sembler impossible. C'est un tout nouveau langage que tu va apprendre ici : le langage du corps – et pas celui des chambres d'hôtel – celui de ton être profond. Le corps est comme une rivière déchaînée, mais très rythmée. Pour pouvoir faire de la magie, tu devras être capable d'en prédire et identifier chaque vague avec précision.
- Tu sais, il faudrait que tu me racontes plus souvent ce genre de choses : rien qu'après ton explication, je me sens bien plus fatigué qu'il y a deux minutes, dit Efir avec un air moqueur.
- Et dis moi, avant d'aller dormir, qu'est ce que tu en penses, de la petite Lu-Ann ?
- Pour tout t'avouer je ne sais pas trop quoi en penser. Elle est jolie, elle a l'air intelligente et gentille, mais je ne sais pas, elle a... Quelque chose d'étrange en elle. Quelque chose de triste.
- Elle a vécu la vie de beaucoup de personnes de nos jours, et, pour avoir connus nombre de gens dans son cas, je puis t'assurer que ceux ci souffrent beaucoup plus qu'ils ne le laissent croire. Je suppose que pour elle, avec le talent magique qu'elle a, tout a été plus dure encore.
- Que veux tu dire ?
- La magie, ce n'est pas seulement le don de faire des choses, c'est aussi, et surtout, le don de mieux les comprendre, de mieux les voir, et non de simplement les regarder. Le mage sait ce qui se passe en lui, et en les autres. Quand je suis triste, je sens quelque chose se répandre dans mon corps et en affecter tous mes sens, les engourdissant un peu. Et il m'arrive aussi de ressentir la détresse des autres. Au début je la repoussais comme je le pouvais. Puis j'ai tenté de l'ignorer, et enfin, je l'ai acceptée. Aujourd'hui, j'en suis pleinement conscient, sauf que ça ne m'atteint plus. J'ai appris à m'en moquer. Et je vis beaucoup mieux comme ça d'ailleurs. L'indifférence, le dédain, l'éloignement, c'est ça le secret du bonheur, et je n'ai jamais vécu aussi bien que depuis que j'ai compris cela. Mais elle, elle n'est pas comme moi. Elle est jeune, elle est encore fragile, et surtout, elle entends plus de choses que moi. Pour pouvoir utiliser la magie cognitive, je puis t'assurer qu'elle a une maîtrise supérieure à la mienne, et donc, logiquement, elle entends plus de choses que moi. Ajoute à ça le fait qu'elle ai toujours vécu dans la misère, entourée de gens tristes, abattus, ou autre... Sentir la tristesse c'est comme entendre des pleurs d'être chers dans sa tête. On est forcément affecté par ce genre d'expérience. Mais pour autant, ne sois pas triste pour elle.
- Il y a de quoi pourtant.
- C'est vrai, mais le passé est le passé, et l'on y peut rien. Maintenant qu'elle est avec nous, elle s'éloignera de toute la souffrance de la ville et de ses bas-quartiers. Elle va arpenter le monde avec nous, et expérimenter la joie, la colère, la fierté – pour moi – et la honte – pour toi – la colère, la haine, la peur, etc... Elle sortira enfin de cette pièce au murs ternes qu'était sa vie. La voilà dans le vrai monde maintenant. Ça ne peut lui faire que du bien.
- J'espère que tu as raison.
- Aller, endors toi, dit Albar en se levant. Demain sera une longue journée, comme tous les prochains jours de ta vie d'ailleurs.
- Je n'ai pas sommeil. Tu ne veux pas que l'on parle encore un peu ?
- J'aimerai bien mon garçon, mais je suis mort de fatigue. J'ai beaucoup pratiqué de magie aujourd'hui, et mon corps n'y était plus habitué. En revanche, maintenant que tu sais à peu près lire, je peux te donner ceci, dit-il en lui mettant deux livres entre les mains, qu'il avait sorti de la sacoche de son cheval, posée dans le chariot. Celui de dessus, avec la couverture rouge, est un roman d'aventures et de chevalier, très bon dans son genre. Je te le conseille si tu veux t'émerveiller. L'autre est un recueil des plus grandes imbécillités jamais proférées, écrites, ou vues. Je te conseille celui ci si tu veux rire un peu, il y a de sacré perles !
- Merci. Eh mais ils sont tous deux du même auteur en plus ! Herberth Draguenar.
- Oui, c'est mon pseudonyme d'écrivain ! »

Albar

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Daeva

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Lun 2 Juil - 19:50
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voilà un petit chapitre reposant, après toutes les péripétie des précédant, l'histoire de Lu-Ann est triste mais originale, brefouille, la suite^^?

Ayael

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Sam 22 Sep - 21:38
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Chapitre XI : Un vieillard bien particulier


Efir ne dormit que très peu cette nuit là. La lecture des livres le tint en haleine un long moment. Il avait commencé par le roman, mais l'avait vite mis de côté, celui ci état d'un style un peu trop complexe pour lui. Quant à l'autre livre, il est vrai qu'il regorgeait de délicieuses boutades ou situations décalées, et il pris plaisir à le lire. Il ne put le finir, loin de là. Il tomba endormi sur lui à la page 127, éclairé par un feu bien faible, laissant devant lui plus de cinq cents pages qui attendaient d'être lues.

Il fut doucement réveillé par la main et la voix de Lu-Ann. Cela changeait grandement des réveils façon Albar. Après avoir salué Lu-Ann d'une voix approximative, le jeune homme jeta un œil autour de lui : il y avait toujours du bois pour redonner vie aux quelques tristes braises restantes, ce que Lu-Ann était entrain de faire. Les murailles de terre étaient toujours en place. Et Albar, contrairement à d'habitude, faisait la grasse matinée. Il se retourna vers sa nouvelle amie.

« Tu as bien dormi ?
- Ça peut aller, oui, la couche était confortable. Par contre, toi, tu vas avoir le dos rompu aujourd'hui, heureusement que tu n'es pas à cheval.
- C'est sûr. Je commence tout juste à lire, et j'étais tellement captivé que je n'ai pas fait attention à mon état. Tu sais lire toi ?
- Les nonnes m'ont appris quand j'ai séjourné chez elles, mais je n'ai jamais lu autre chose que des livres religieux ou des étiquettes de bouteilles d'hydromel.
- Je ne le dirai jamais devant Albar, mais c'est franchement passionnant tout ce que l'on apprends quand on lit des livres.
- Ou quand les autres croient que vous dormez. »

Efir mit quelques instants à comprendre ce qu'elle voulait dire. Quand il eut enfin percuté, il s'inquiéta : aurait elle mal pris le fait qu'ils parlent d'elle dans son dos ? Et il chercha à se remémorer tout ce qu'il avait pu dire sur elle. Il se souvenait ne pas en avoir dit de mal, certes, mais certaines choses auraient pu être interprétées différemment par la jeune fille. Le fait qu'il la plaignait par exemple : elle avait l'air du genre à ne pas aimer être prise en pitié. Peut-être qu'il pourrait dire que c'était la faute d'Albar... Ou alors que...

« Détends toi Efir, ce n'est pas grave. Après tout, quand je me suis levée cette nuit on a aussi parlé de toi avec Albar.
- Ah mais en fait c'est lui qui... Comment ça ? »

Pourquoi diable était-il surpris ? Il aurait du le voir venir à des kilomètres un coup pareil ! Mais le fait était le même : qu'avaient-ils pu dire sur lui ? Il en venait à penser qu'Albar lui avait confié ces livres dans l'unique but de le pousser à la fatigue la plus profonde pour pouvoir discuter tranquillement sans qu'il ne risque de se réveiller.

Albar le Machiavélique se réveilla alors, leur imposant le silence par son seul bâillement. Le regard endormi, il les regarda tous les deux pendant une vingtaine de secondes, sans rien dire.

« Bonjour les enfants, vous êtes d'attaque pour aujourd'hui ?
- Oui monsieur Albar, et vous ?
- Plus que jamais. Au fait Efir, ajouta-t-il en un sourire, mes livres t'ont bien aidé à dormir ? »

Je le savais !!!, pensa alors Efir.

« Ils étaient passionnants.
- Évidemment, c'est moi qui les ai écrits. Bien, vous m'aidez à ranger le camp et on y va ? »

Efir lui jeta un regard soupçonneux, s'imaginait être la victime d'une énième machination. Il était convaincu de voir la flamme rouge dans son regard de comploteur sournois. Le diable incarné, il en était presque convaincu, car il savait cacher ses pensées tordues et ses idées terrifiantes sous des dehors avenants – surtout à en croire la gent féminine.

Il eut un sourire en pensant à ça. Il l'idéalisait beaucoup mine de rien, même lorsqu'il le parodiait dans sa tête, ce n'était que sous forme d'un génie du mal. La vérité c'est qu'il l'appréciait beaucoup, et qu'il avait énormément de gratitude à son égard. Car, bien qu'Albar laissait constamment supposer qu'Efir n'avait pas l'esprit très vif, ce dernier ne comprenait que trop bien la situation : s'il n'avait pas été là il ne serait plus en vie, mais s'il n'était pas resté par la suite, Efir n'aurait pas été beau à voir, tout accablé par le chagrin.

Il est vrai qu'il avait peur, oh oui. Il avait vu des choses qu'il ne pensait même pas possible et chaque nuit il craignait de fermer les yeux, au cas où une main surgirait de l'obscurité pour l'emporter au loin, car il savait désormais que c'était possible. Ses nuits étaient parfois agitées de cauchemars, autant pour sa mère que pour la menace invisible qui planait au dessus de lui, telle une épée de Damoclès. Mais pourtant, même si c'était dur et plein de sacrifices, il aimait cette nouvelle vie, pour le moment tout du moins. En revanche, il avait rapidement voulu avoir une autre compagnie qu'Albar, même si ce dernier, quand il ne lui donnait pas de cours, racontait des histoires passionnantes. Il avait besoin d'un peu de diversité si je puis dire. Et c'est là que Lu-Ann s'est jointe d'une manière soudaine au duo qu'ils formaient.

D'ailleurs il trouvait cela étrange qu'Albar ait dit oui si facilement, et qu'il ne soit pas plus suspicieux. Même s'il était naïf, Efir avait du mal à avaler qu'il l'avait croisée totalement par hasard. A moins que ce ne fut tout simplement le destin pensa-t-il.

« A quoi tu penses fils ? »

Assez rapidement, Albar avait pris la manie de l'apostropher en le nommant « fils », une attitude qui au début avait surpris Efir mais à laquelle il s'était vite habitué. Il faut avoir que maintenant, Albar était devenu presque une figure paternelle de substitution pour le jeune homme.

« A rien, mentit alors Efir.
- Alors au lieu de faire comme tu fais constamment, met moi en marche toute ta machinerie organique et au boulot ! Charge le chariot avec Lu-Ann, moi j'abats les murs.
- Tout de suite vieillard !
- Les surnoms c'est moi qui les donne, Joséphine. »

C'est la première fois qu'il l'appelait par un nom de fille. Pourvu que ça ne devienne pas une habitude... S'arrachant à ses songes, il se mit au travail, sans savoir comment commencer une conversation avec Lu-Ann, qui ne semblait nullement décidée à l'engager. Ainsi ne parlèrent-ils pas.

Lorsque l’œuvre de chacun fut achevée, ils reprirent la route : Albar était le cocher, et les deux autres étaient assis à l'intérieur du chariot. Ils ne parlèrent que très peu, et de choses insignifiantes, car cette route embrumée par les effluves humides du matin accueillait nombre de voyageur en partance pour ou en provenance de la capitale.

Cela fut ainsi jusqu'au midi, où ils mangèrent sans s'arrêter. Ils étaient désormais assez loin et la route se divisait sous leurs yeux en de nombreux chemins moins glorieux. Albar choisit celui passant par la forêt, réputée emplie de bandits et autre coupe-jarrets en tout genre selon Lu-Ann. Bien évidemment, quand ils le firent remarquer à Albar, il leur répondit en un sourire qu'il était parfaitement au courant. Il ajouta aussi que le moment était venu pour lui de leur inculquer les bases, pour l'instant théoriques, de la magie.

« Ah, enfin ça devient intéressant !
- Merci pour moi Madeleine. Bien, Lu-Ann, veux tu participer ?
- Je me contenterai d'écouter.
- A ta guise. Bien, alors, par où vais-je commencer ? Efir, dis moi ce qu'est la magie.
- Euh, c'est... Quelque chose que l'on a dans le corps, une espèce d'énergie que tout le monde a mais qu'on quelques uns peuvent laisser s'exprimer selon leur volonté.
- C'est à peu près ça, bien. Maintenant, dis moi combien il y a de types de magie et à quoi elles sont associées dans le corps humain.
- Euh, il y a la magie cognitive, qui est associée au cœur, la magie d'invocation, associée à... A rien je crois bien. Et la magie élémentaire. Pour celle là ça dépends de l'élément : l'eau est associée au cerveau, le feu, au... Au foie, je crois. Et pour la terre et l'air je ne sais plus.
- L'eau est mise en relation avec le cerveau, le feu avec la vésicule biliaire, la terre avec la rate et l'air avec le foie. Pour la magie cognitive tu as raison, ainsi que pour l'invocatoire. Bien, maintenant... »

Albar continua à lui poser des questions pendant une petite dizaine de minutes, lui faisant restituer presque totalement tout ce qu'il avait dit lorsqu'ils étaient dans ce tunnel. Puis...

« Bien, c'est pas mal, tu as une bonne mémoire. Maintenant je veux que tu m'écoutes attentivement, car je vais t'apprendre comment on fait pour employer la magie, chose que tu ne fera pas avant longtemps.
- Pourquoi ?
- J'y viens, sois patient. Bien, pour employer son potentiel magique, il te suffit de rayonner.
- Pardon ?
- Il n'y a pas de meilleur mot pour te le signifier. Tu dois laisser ton pouvoir s'exprimer et ainsi investir tout ton corps. C'est cette étape là qui est la plus dure, car elle est absolument empirique, il n'y a aucun moyen de le découvrir et de le comprendre autrement qu'en y arrivant. Tu dois briller, exhaler la magie sans la laisser partir. C'est une sensation très grisante, car quand tu y arrives, tu ressens tout de toi : les moindres battements de ton cœur, le travail de ton estomac, tes poils se dresser sous l'effet d'un frisson, chaque goutte de sueur. Tu sens si tu es malade, si tu as besoin de dormir, si ton corps est en manque de quoi que ce soit. Tu vois alors toute cette immense machinerie, et tu te rends compte qu'il s'agit là d'un instrument d'une complexité que tu ne pourras sans doute jamais comprendre totalement, car plus ta maîtrise augmente, plus tu sens des choses.
- Et ensuite ?, demande le jeune homme, fasciné par le ton passionné d'Albar.
- Ensuite tu as le choix : ou bien tu la laisse sortir, incontrôlable, ou bien tu l'emploies.
- Comment ?
- Tu as conscience de ton corps, répéta-t-il, et pour employer cette puissance, tu dois employer ton corps. Tu dois te concentrer sur l'organe que tu veux utiliser, le ressentir, le comprendre, et faire transiter toute ta lumière par lui, avant de la laisser partir. Contrôler le flux par la suite est une autre affaire.
- Je vois...
- Certains sont plus simples que d'autres à sentir : le cerveau et le foie sont les plus simples, c'est pour ça que les élémentaires de l'eau et de l'air sont les plus nombreux. Ceux du feu sont plus rares, et ceux de la terre encore plus.
- Et le cœur dans tout ça ?
- Il est partout, c'est pour cela qu'en général ce n'est pas lui qu'on utilise en premier, car vois tu, le cœur aspire le sang de ton corps pour le renvoyer ailleurs. Ainsi, ses battements correspondent à l'aspiration ou à l'expiration de ton sang. Et chaque battement est ressenti dans n'importe quel coin de ton corps. De plus, la magie est une chose si intense, surtout les premières fois, que ton cœur perds les pédales et se met à battre comme si ta vie en dépendait, ce qui complique encore plus les choses. Et, après avoir laissé parler un autre organe, c'est fini, une sorte de barrière t'en empêche.
- D'accord, je comprends. Et pour les invocateurs ? Comment ils font vu qu'ils n'ont aucun organe associé ?
- Leur doigts, dit Albar en agitant ses longs doigts fins. Un invocateur, qu'il veuille enchaîner ou appeler, doit utiliser ses mains pour tracer des symboles, ou faire de simples signes pour les plus doués. Un invocateur devra s'entailler le doigt pour coucher sur une surface plan des symboles plus ou moins complexes, dépendant du sort d'enchaînement employé sur la créature voulue. Vois tu donc ce que la magie cognitive à de complexe ?
- Euh, pas vraiment...
- Pour utiliser toutes les autres il n'y a qu'à contrôler le flux, à faire passer le courant de la magie par tel ou tel endroit, ce qui est déjà infiniment complexe. Pour les éléments il y a un petit effort supplémentaire à faire, puisqu'une fois déclenché, il faut dessiner sa magie. »

Pour appuyer ses paroles, ouvrit la main, dans laquelle se précipitèrent des centaines de gouttes d'eau, se réunissant en une sphère approximative. Celle ci, par la suite, se mit à danser au creux de sa main, prenant diverses formes : elle se mua en un cube, puis en une pyramide, adoptant des formes de plus en plus complexes. Ainsi elle devint oiseau, chat, chien, homme, femme et dragon, jusqu'à ce qu'Albar la renvoie dans la forêt d'un geste presque tendre. Efir était fasciné, et Lu-Ann aussi.

« Modeler sa magie est un exercice à la difficulté grandissante, mais pas insurmontable, car cela passe encore par l'organe : quelle quantité de magie dois-je distribuer ici, ou là ? La magie cognitive, elle, n'obéis à aucun de ses principe. On la fait passer par le cœur, et ensuite... Eh bien je ne sais pas comment ça se passe en vérité. J'ai du mal à ne serait-ce que concevoir comment faire à ce stade là. Mais peut-être notre amie veut-elle prendre la parole pour éclairer les pauvres idiots que nous sommes ?
- Non, dit Lu-Ann d'un ton neutre. Je ne serai pas capable de décrire comment je fais. E le fais, c'est tout.
- Merci pour cette merveilleuse intervention. Bien, Efir, des questions ?
- Des centaines, mais aucune d'utile.
- J'ai rêvé du moment où tu dirais cela. Bien, maintenant, exerce toi. Retire toi au calme dans le vide de ton crâne, et tâche de rayonner.
- Je veux bien, mais...
- Tais-toi et brille ! »

C'est ainsi qu'Efir ne fut pas une lumière - Dieu que cette blague était prévisible. Oh, il s'y attendait, même s'il avait espéré pouvoir y arriver du premier coup, pour impressionner son mentor et Lu-Ann. Mais la vérité c'est qu'il n'avait pas la moindre idée de comment faire : devait-il ne penser à rien ? Devait-il au contraire laisser ses pensées s'étendre à tout ce qu'il y avait autour de lui ? Il essaya une méthode, puis une autre, puis une autre, mais il ne put, au final, rester concentré plus d'une heure. Tout ce qu'il gagna c'était un petit mal de dos dû à son immobilité. Quand il ouvrit les yeux, Lu-Ann le regardait avec attention, le roman de chevalerie sur les genoux, ouvert.

« Tu n'y arrives pas Efir ?
- Non, et j'ai l'impression de perdre mon temps à ne rien faire.
- Tu sais, je ne pense pas que ça serve à grand chose ça : en général ça vient de soi même, lors d'un moment de joie, ou de peur. Forcer la main à ce moment ne marchera pas. Albar n'a juste pas la patience d'attendre que ça vienne.
- Ça ne me surprendrais pas de lui... Par contre ce qui me surprends c'est qu'il ne dise rien.
- Regarde donc, idiot », dit-elle avec un petit rire amusé.

Ne comprenant pas, Efir se tourna vers là où se trouvait habituellement Albar. Ce dernier avait disparu, sans que le jeune homme ne s'en rende compte, et la charrette était arrêtée

« Où il est passé ?
- Il a cru voir quelque chose au loin, et dans le doute, il est parti voir lui même, en nous demandant d'attendre. »

Efir se leva et regarda devant lui. En effet, au loin, il voyait une petite tâche blanche se mouvoir avec lenteur. Il entendit alors un bruit venant de derrière eux. Alarmés, Efir et Lu-Ann se retournèrent d'un bon, prêts à en découdre (enfin, prêts...). Il virent alors un vieillard vêtu d'une pauvre tenue de voyage, chevauchant un âne à l'aspect aussi débonnaire que les habits de l'homme étaient débraillés. Il sursauta presque en réaction à l'attitude des jeunes gens.

« Holà, doucement les enfants, je ne vous veux aucun mal !
- Oh, excusez nous vieillard, dit Efir en baissant sa garde. Mais on dit cette route infestée de bandit, alors vous comprenez, vous nous avez surpris...
- D'ailleurs que faîtes vous ici vieil homme ?
- Eh bien en voilà des manières, répondit l'inconnu avec un air plus amusé désormais. Je voyage, voilà tout ! Que voulez vous qu'il arrive à un vieil homme qui ne possède qu'un âne tout aussi âgé et des vêtements qui le sont plus encore ?
- C'est juste... Excusez nous de nous être montrés impolis, noble vieillard, dit Efir, rassuré.
- Ce n'est rien mes enfants. Bonne route !
- A vous aussi. »

Il repris sa route tranquillement, contournant le chariot, tandis qu'Efir et Lu-Ann se détendaient. Malgré tout ce qu'il avait pu dire, ils s'étaient méfiés, mais il semblait bien qu'il n'y avait aucun danger. Apaisés, ils se tournèrent l'un vers l'autre, pour entamer la conversation, Efir tournant le dos à l'avant du chariot.

Quelle ne fut pas sa surprise quand une vive douleur se fit dans son dos, et qu'il fut projeté en avant, tombant sur Lu-Ann. Il se retourna vivement.

« Qu'est ce que ? »

Devant lui se trouvait le vieillard en question, tenant un bâton noueux avec lequel il venait vraisemblablement de le frapper. Son âne était resté tranquillement derrière lui, à une bonne dizaine de mètres. Comment cet homme du 3ème âge avait-il pu parcourir cette distance sans qu'ils ne l'entendent ?

« Bien, dit-il, maintenant vous allez tranquillement me laisser vous dépouiller de vos biens.
- Mais enfin, vous...
- On va pas se laisser faire, dit Lu-Ann d'un air farouche, sortant une petite dague de sa manche.
- Voyez vous ça. Eh bien je vous en prie ma chère, arrêtez moi. »

L'homme fit alors un bond en arrière avec une agilité plus que surprenante, que ce soit pour un homme de son âge ou même pour un plus jeune. Efir, par exemple, n'aurait pas été capable d'accomplir une telle pirouette. Ni même de se réceptionner avec autant de grâce que le vieil homme. Celui ci était assez grand, plus qu'Albar. Son visage était élégamment ridé, sa barbe rasée de près, et des cheveux mi-longs gris-blancs avaient l'air entretenus. Il n'était sans doute pas un voyageur de passage, contrairement à ce qu'il faisait croire.

Lu-Ann ne céda pas et sorti elle aussi, d'une façon plus orthodoxe, certes, sa dague à la main. Efir, ne savant qui faire, et ayant de légers tremblements à cause de l'arme, décida de rester dans le chariot, au cas où.

« Mon enfant vous ne devriez pas vous imposer cette peine, cela ne ferai que gaspiller notre temps et votre énergie.
- Je ne suis l'enfant de personne, bandit, répliqua-t-elle, froidement.
- Permettez moi d'en douter. Mais si c'est là votre choix, qu'il en soit ainsi. »

Il fit un bond de plusieurs mètres en avant et abattit son bâton sur Lu-Ann, qui eut tout juste le temps d'esquiver le coup. Le bandit ne lui laissa aucun répit, et avec une vitesse surprenante, il lui asséna un coup de bâton dans le ventre qui la plia en deux, la faisant lâcher sa dague.

Sans réfléchir, ayant juste eu le temps de se dire que ça suffisait comme ça, Efir sortit du chariot et fonça sur l'homme, les poings levés. Ce dernier eut un sourire amusé et coupa l'élan du jeune homme en lui fauchant les jambes avec son bâton. Le jeune homme tomba lourdement à terre, mais se releva pour revenir à la charge. L'inconnu, cependant, fit une pirouette pour l'esquiver, et le frappa dans le dos, ce qui le fit à nouveau chuter. Ne s'avouant pas vaincu (alors que vous et moi savons parfaitement qu'il l'était!), il se remit sur pied une nouvelle fois... Avant d'être sonné par un coup de bâton sur le front.

Efir s'effondra alors, ne trouvant la force de se relever, tandis que Lu-Ann, elle, se tordait de douleur à côté de lui.

« Je suis profondément navré jeunes gens, mais je vous avais tout de même prévenus. Bien, maintenant, si vous le permettez...
- Hector ?! », retentit une voix derrière l'inconnu.

C'était Albar, revenu de son inspection. Sa rapière était dégainée, mais il ne s'était pas mis en garde.

« Albar, c'est toi ? », répondit le vieil homme.

A la grande surprise d'Efir, les deux hommes s'approchèrent et s'étreignirent amicalement, Albar ayant immédiatement rangé sa rapière. Tous deux avait un sourire joyeux.

« Que deviens tu vieille branche ? Toujours brigand à ce que je vois.
- Eh oui, que veux tu mon cher, c'est ce qui me réussit le plus. Ces enfants sont avec toi ?
- Oui. Tu ne les as pas trop malmenés j'espère ?
- Le garçon non, il ne représentait pas la moindre espèce de danger, par contre je crains d'avoir frappé un peu fort la petite, elle était la seule à avoir l'air de savoir ce qu'elle faisait.
- Je vois, dit Albar en allant s'occuper de Lu-Ann, qu'il fit doucement s'asseoir. Mais tu as quand même ressenti le besoin de cogner le garçon. Ça veut dire qu'il a essayé de résister ?
- Oui : quand j'ai mis la petite à terre, il est sorti de ses gonds et m'a attaqué sans le moindre discernement.
- Surprenant. Ça va Lu-Ann ?
- Pas vraiment, répondit elle en toussant. Je crois qu'il faut que je reste allongée.
- Je suis sincèrement désolé jeune demoiselle, je ne savais pas que vous étiez la protégée d'Albar. - Il faut dire que c'est rare qu'il prenne quelqu'un sous son aile.
- Aller ma puce, ne bouge pas, dit Albar en la portant de ses bras, pour l'amener jusqu'au chariot. Et tu sais, poursuivit-il a l'attention du dénommé Hector, c'est ma mission qui veut ça.
- Tu es toujours au service des Veilleurs pour surveiller l'enfant ?
- Pas vraiment, disons juste que je continue ma tâche sans me reposer sur les Veilleurs.
- Je vois, l'ordre est corrompu ?
- Il semblerait, oui.
- Et comme toujours, c'est le tout puissant Albar qui doit sauver la situation. Au moins la gamine semble valoir tous les efforts mis en place. Frêle et fraîche comme une fleur, mais la férocité d'un chat sauvage.
- Ce n'est pas elle l'enfant.
- Alors qui est-ce ? »

Albar ne répondit que par un sourire, tandis qu'Hector jeta un regard compatissant en direction d'Efir, qui se sentait un tantinet rabaissé dans son orgueil.

« Je vois... Je me disais bien que tu semblais plus fatigué que d'habitude.
- Il a du potentiel, même si c'est un incapable.
- Eh, je suis juste là, dit faiblement Efir.
- Et si tu étais plus capable tu ne serais justement pas là, fils !
- C'est la première fois que ton poulain se bat ?
- Si on peut appeler ça se battre, oui.
- Il a agit avec beaucoup de courage tu sais. Il a certes perdu, mais ce qu'il a fait était de l'héroïsme.
- On a le nappage du gâteau, certes, mais il en manque encore beaucoup d'ingrédient. E ne suis même pas certain d'avoir la recette.
- Est-ce que quelqu'un a remarqué que je vous entendais ?, demande Efir avec difficulté.
- Et il se vexe pour un rien.
- C'est en partant de rien que l'on fait les plus grands édifices mon cher, dit Hector avec sagesse, avant de se diriger vers Efir pour l'aider à se relever. Vous avez été un adversaire lamentable jeune homme, mais, en ce qui concerne cette jeune fille, vous avez été un ami dévoué, et c'est ce qui fait de vous quelqu'un de bien, j'en suis convaincu.
- Vous êtes trop aimable...
- Au fait Albar, dit Hector alors qu'il conduisait Efir au chariot, comment se fait-il que tu ais abandonné tes petits protégés ?
- J'avais cru voir quelque chose de suspect au bout de la route, alors j'y suis allé seul, ne voulant pas les mettre en danger.
- Sans vouloir te vexer, le succès était mitigé. Y avait il quelque chose là bas au moins ?
- Trois fois rien, mais ça valait le coup d'aller voir. »

Albar s'installa à dans le chariot à son tour, après qu'Hector lui eut tendu les rênes.

« Vas-tu faire un bout de chemin avec nous mon ami ?
- Je voyage toujours seul, tu devrais le savoir.
- Allons bon, nous prenons pourtant la même route.
- Plus maintenant. Adieu cher ami, peut-être nous reverrons nous !
- Ainsi soit-il Hector. Bonne route.
- Au revoir jeunes gens ! »

Ces derniers, allongés dans le chariot, se contentèrent d'un vague signe de main, sans qu'ils ne puissent se relever. Le véhicule démarra doucement, agité par de légers soubresauts. Efir, moins atteint que Lu-Ann, se releva au bout de quelques dizaines de secondes, avec prudence. Il regarda Albar, ayant du mal à comprendre tout ce qui venait de se passer.

« Tu m'expliques qui était cet homme ?
- Hector, un ami à moi.
- Tu as de drôles d'amis tu sais... Il a failli nous tuer !
- Mais non, s'il avait voulu vous tuer vous seriez déjà morts.
- Comment fait-il, prononça Lu-Ann avec difficulté, pour être aussi vif ?
- Ça, c'est son petit secret. »

Le chariot fut alors secoué par une bosse plus grosse que les autres.

« C'était quoi ça ?
- Oh, ça ? Juste une souche. Rallonge toi et dors un peu, ça te fera du bien. »

Et Efir s'allongea, sans regarder dehors. Ainsi ne vit-il pas le corps de l'homme sur lequel ils avaient roulés, ni la dizaine d'autres cadavres de bandits qui jonchait la route.

Albar

Albar


Daeva

Partie IRL
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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Dim 23 Sep - 0:41
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Chapitre XII : Des énigmes dans le noir


Une journée passa, puis deux, puis, avec une rapidité déconcertante frôlant presque l'indécence, toute une semaine s'était écoulée depuis leur rencontre avec Hector. Les méditations d'Efir n'avaient pas progressé d'un pouce, à l'inverse de son sentiment de frustration et d'agacement. Avec un total de plus de 30 heures d'inactivité physique en 7 jours, le jeune homme avait l'impression phénoménale de perdre son temps.

Oh, il savait que cet exercice était utile, qu'il se devait de le pratiquer s'il voulait progresser (ou du moins commencer). Il était également parfaitement au fait de la difficulté de la chose. Albar le lui rappelait chaque jour avant qu'il s'y mette, et aussi à chaque fois qu'il abandonnait avec un soupir rageur.

Ce dernier discutait énormément avec Lu-Ann. De fait, ni l'un ni l'autre n'avaient besoin de cet exercice, alors, quand c'était au tour d'Efir de s'y prêter, Albar laissait plus ou moins quartier libre à Lu-Ann, qui l'employait à discuter avec lui. En effet, Albar s'était mis en tête de les instruire tous les deux, et leurs leçons étaient désormais communes. Il avait instillé un léger esprit de compétition, posant des questions simples, et accordant une récompense au vainqueur, ou une corvée au perdant, au choix. Contrairement au jeune homme, Lu-Ann, elle, avait une base d'éducation, et apprenait beaucoup plus rapidement que lui, qui avait encore des difficultés avec l’alphabet. Les exercices de logique faisaient sa fierté, mais dès qu'il fallait transposer quoi que ce soit par écrit, ses reliquats d’analphabétisme le ralentissaient fortement, et l'empêchaient de réfléchir.

Autant de choses qui faisaient que le garçon sentait son humeur se dégrader tout doucement, malgré les efforts de Lu-Ann pour le rassurer et ceux d'Albar pour s'en moquer totalement. Ce dernier point n'était pas totalement vrai, car Efir avait vite remarqué qu'à chaque fois qu'il sortait de méditation, Albar, sans même le regarder, lui adressait un petit commentaire quelconque, trahissant, derrière ses dehors détachés, l'attention qu'il portait au travail du garçon.

Ils avaient pris leur petites habitudes, vivant dans ce chariot bâché comme dans la plus confortable des maisons. Le programme était toujours sensiblement le même. Réveil aux aurores, ponctué d'exercices de souplesse d'Albar suivi d'un départ tranquille. Après cela ils avançaient à un rythme assez tranquille jusqu'à midi environ. Albar, cocher, posait des questions sur ses enseignements de la veille à ses deux passagers, et approfondissait certains points. Après cela, ils se posaient près du premier plan (ou cours) d'eau venu, et y faisaient boire les chevaux tandis qu'ils se restauraient tous. Cette pause durait environ une bonne heure, le temps que les bêtes se reposent, puis ils se remettaient en route, à un rythme un brin plus lent, pendant qu'Albar leur enseignait de toutes nouvelles choses, et ce jusqu'à ce que la leur bienfaitrice du Soleil se fasse plus terne. Dès ce moments ils se mettaient à chercher un endroit sécurisé pour passer la nuit. Une fois que le feu était allumé et la nourriture au dessus des braises (ou en dessous pour celles ayant une cuisson plus complexe), la journée était officiellement terminée, et il n'était plus question ni de cours ni d'exercices, mais de discussion amicale, de plaisanteries et d'anecdotes. Parfois, Albar leur faisait la lecture à tous les deux, leur lisant un roman d'aventures à tous deux, avec une conviction et un talent qui leur donnait l'impression d'être au théâtre.

Les soirées se terminaient invariablement de la même façon : Lu-Ann allait se coucher seule, tandis qu'Albar et Efir restaient ensemble quelques dizaines de minutes, pour parler ensemble. Ils parlaient de tout et n'importe quoi, Efir étant chaque jour un petit peu plus assuré dans ses argumentations. Preuve en est le fait qu'il soit parvenu à convaincre Albar de ne pas remettre en place ce qu'il avait appelé « le supplice de la dague », qu'il avait abandonné juste avant leur entrée dans la capitale. En effet, cela n'avait en rien aidé Efir, et l'avait dangereusement handicapé pendant tout le temps où cette chose était attachée à son poignet. Ils avaient alors réfléchis longuement sur ce qu'ils pouvaient faire pour régler cela, sans encore trouver de solution. Albar lui avait dit que ce n'était là qu'une question de conception des choses, de travail personnel, arguant pour cela son accès de rage face à ce qu'il pensait être un vieillard dangereux (et qui l'était véritablement il faut bien le reconnaître). Il fallait juste, disait encore le mentor, qu'il trouve la motivation nécessaire pour dépasser ça constamment.

Après ces discussions plus ou moins longues, le jeune garçon allait alors se coucher, parlant de rares fois avec Lu-Ann, lorsqu'elle était encore réveillée, pendant qu'Albar écrivait avec conviction ce qu'Efir supposait être un poème.

Ce fut là leur routine durant toute une semaine. Vint alors le jour où celle ci fut violemment bouleversée, tandis qu'ils s'engageaient dans une dense forêt. L'après midi touchait à sa fin, et Albar semblait anormalement concentré sur la route, comme ci... Comme s'il suspectait un danger.

« Albar, tout va bien ?, finit par demander Efir, inquiet.
- Oui, pourquoi cette question ?
- Tu sembles inquiet.
- Certes, cette route n'est pas sans danger, et e ne serait pas passé par ici s'il n'y avait pas eu ces barrages. »

En effet, depuis la vieille, on les avait informés de barrages de soldats sur les routes les plus fréquentées, ceux ci contrôlant les voyageurs avec zèle. Ne doutant pas qu'ils étaient à leur recherche, Albar avait alors décidé de faire demi tour et de prendre un chemin beaucoup plus long. Au vu de la situation actuelle, il s'avérait aussi plus dangereux.

« Qu'avons à craindre dans cette forêt ?, demanda Lu-Ann, se joignant à la discussion.
- En toute honnêteté, je suis incapable de vous donner une réponse. Je ne saurais même pas dire si nous avons réellement quelque chose à craindre ici.
- Que veux tu dire ?
- Eh bien, cette forêt a été le théâtre de nombreuses disparitions, entre autres. Des voyageurs, des marchands, des soldats aussi, etc... Ce qui m'inquiète c'est que l'on me raconte cette légende depuis ma naissance. Ce qui me réconforte c'est que je suis passé par ici au moins une dizaine de fois et qu'il ne m'est jamais rien arrivé de plus grave que de salir mon costume. Si j'étais seul, j'avancerai la tête haute et sans crainte dans ses bois, mais ce n'est pas le cas. Vous êtes là et je ne peux pas me permettre de prendre de risque.
- Vous êtes très séduisant quand vous prenez cet air sérieux. »

Efir et Albar lui même ouvrirent de grand yeux de surprise devant cette déclaration de Lu-Ann, faite sur un ton si naturel qu'ils n'auraient su dire si c'était de l'ironie ou non. Les deux hommes la regardèrent ainsi fixement, les yeux grands ouverts, attendant une explication à cette étrange situation. La jeune fille, elle, s'empourpra un petit peu avant d'ajouter :

« J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Je voulais juste faire un compliment moi, rien de plus.
- D'accord..., dit Albar d'un ton consterné. Eh bien, je suis flatté, mais d'une part, venant de toi, ce compliment sonne d'une manière totalement différente de celle à laquelle je suis du genre à aspirer, et surtout, il faut que tu apprennes à doser tes compliments.
- Eh bien quoi ? Ce n'est pas quelque chose qui se dit couramment ? »

Efir ne put qu'avoir un petit sourire attendri dans l'amusante naïveté de la jeune fille. C'est vrai que quand on a grandit chez des bonnes sœurs, puis dans une maison de passe, puis dans la rue, on a forcément eu du mal avec les standards des relations hommes femmes. Ce n'était qu'un détail, mais Efir attachait beaucoup d'importance à ce genre de choses. Il trouvait cela beaucoup plus mignon qu'un air policé qui a été travaillé pendant dix minutes avant le début du rendez vous galant. Il eut un petit sourire, que la jeune fille ne manqua pas de voir.

« Qu'est ce qu'il y a ?, lui demanda-t-elle sans agressivité.
- Rien, répondit Efir avec un sourire d'excuse, c'est juste que ce genre de réaction c'est... C'est typiquement toi.
- Qu'est ce que tu veux dire ?
- Je... Je ne sais pas, juste que tu as cette façon de parler qui t'es si particulière et qui est... Qui est si attachante en fait.
- Ma façon de parler est particulière ?, demanda Lu-Ann, n'ayant pas l'air d'avoir ne serait-ce qu'entendu qu'il la trouvait attachante.
- Oui tu... Tu as cette espèce de...
- Aller Georgie, je viens à ton secours, dit Albar avec un sourire. Ce qu'il veut dire, jeune fille, c'est qu'il y a dans ta façon d'être une grande naïveté par rapport au monde qui t'entoure. Tu as eu une vie extrêmement sombre et triste, et pourtant tu fais montre d'une innocence délicieusement rafraîchissante, qui nous met de bonne humeur tous les deux. Ta façon de me trouver séduisant (chose que je ne peux que comprendre d'ailleurs) en est un exemple. C'est bien ce que tu avais en tête Efir ?
- Oui, sauf ce que tu as dit en aparté.
- Je préfère quand c'est vous qui dites les choses monsieur Albar, c'est plus clair et moins haché.
- Je te remercie, maugréa Efir, piqué au vif.
- Oh, j'ai dit quelque chose de mal ?
- M'est avis que tu poseras souvent cette question, dit Albar avec un sourire.
- Je t'ai vexé Efir ?
- Non non non, tout va bien, c'est juste que je...
- Silence !, chuchota alors Albar avec autorité. »

Ce fut plutôt la surprise qui les fit se taire. Ce n'est qu'après quelques secondes que tous deux se rappelèrent de l'histoire que leur avait raconté Albar, vis-à-vis de cette forêt, et qu'un silence inquiet supplanta le silence surpris qui s'était instauré. Les chevaux avaient été arrêtés aussi, et plus aucun bruit, autre que la respiration lente et régulière des bêtes, ne se faisait entendre.

« Regardez devant », leur chuchota Albar, pointant du doigt la direction mentionnée.

Ils s'exécutèrent, et, après quelques instants d'observation sans comprendre, ils virent tout deux un étrange chatoiement au loin, un éclat vif et clair. Comme celui d'une plaque de métal qui se reflète à la lumière.

« Qu'est ce que c'est ?, demanda Efir le plus bas possible.
- Une patrouille, répondit Albar sur le même ton, ou un poste de garde dont on ne nous avait pas parlé. Ils doivent être environ une vingtaine.
- Eh bien tu attends quoi ? Envoie leur une vague et allons-y !, dit Efir.
- Ce n'est pas si simple. Tu as vu l'état de cette route ? Si je veux les balayer, elle sera totalement détrempée, et il nous sera impossible d'avancer. Les chevaux s’embourberont ainsi que le chariot, et nous serons obligés de l'abandonner là. Mais la principale raison, c'est que l'endroit est beaucoup trop sec pour que je mobilise assez d'eau. »

La leçon de l'avant-veille. Albar avait expliqué qu'il ne créait pas l'eau, mais qu'il se contentait de la manipuler. Cela était la même chose pour tous les élémentaires, même pour ceux du feu, qui payaient le coup de leur pouvoir destructeur en raison des difficultés à trouver un feu allumé qu'ils puissent employer. Certains, comme Céphocus, gardaient toujours sur eux une petite flamme qu'ils entretenaient constamment, ce qui nécessitait un grand talent, notamment pour qu'il ne s'éteigne pas durant la nuit. Le même Céphocus avait, par exemple, un pendentif percé dans lequel brillait la douce lueur d'une petite flamme.

« Alors on fait demi tour ?
- Non, on ne peut pas, je me refuse à être encore dans cette forêt à la nuit tombée, et la lueur du soleil décline déjà.
- Mais donc on fait quoi ?, demanda Efir avec empressement et un peu d'inquiétude.
- « On » ? On ne fait rien, moi je fais quelque chose, répondit Albar en se levant.
- Tu vas te battre ? A un contre vingt ?
- Mes blessures se soignent d'elles même en quelques secondes, et je suis l'un des trois meilleurs bretteurs du Royaume, alors je pense que ça ira.
- Et nous on reste ici sans rien faire ?
- Exactement, si je vous emmenais avec moi vous seriez bien trop en danger.
- Comme nous l'étions quand Hector nous a attaqué.
- Regardez, ils avancent vers nous », dit Lu-Ann.

En effet elle avait raison. Les soldats étaient sortis des broussailles et ils les voyaient avancer vers eux en trottinant. Il était trop tard pour faire demi tour avec le chariot, alors il fallait y aller. Albar enleva sa veste de costume, qui l'aurait gêné dans un tel combat. Il desserra ensuite le col de sa chemise à jabot. Ses gestes étaient rapides, fluides et calmes. Il dégaina sa rapière, ce qui provoqua un petit mouvement de recul chez Efir, par réflexe, qui se ressaisit rapidement.

Efir et Lu-Ann se baissèrent, pour s'abriter des éventuelles flèches qui pourraient être tirées, tandis qu'Albar sauta du chariot et se dirigea en courant vers la troupe qui fondait vers lui. Rapidement, à une cinquantaine de mètres du chariot, les deux groupes se rencontrèrent et engagèrent le combat. Fascinés et effrayés, Lu-Ann et Efir ne pouvaient détacher le regard du ballet mortel qui se déroulait sous leurs yeux. Albar se mouvait avec une grande aisance, et une grâce qui n'était pas coutumière des combattants. Il n'y avait qu'à voir ses opposants, beaucoup moins mobiles que lui, dans leur armures de métal et avec leur lourdes épées ou haches. Leurs heaumes gênaient leur vision périphérique face à un homme bondissant partout autour d'eux. La plupart moulinaient avec exagération pour être certain de le toucher, au risque de blesser leurs camarades – ce qui arriva une ou deux fois.

Le combat était clairement déséquilibré, mais malgré tout, Albar avait l'air de vouloir tout doucement prendre l'avantage, le nombre de ses ennemis descendant graduellement. Calme et concentré, il ne semblait pas véritablement faiblir, et les quelques blessures qui lui avaient été infligée s'étaient refermées (comme) par magie, laissant ça et là de petites déchirures dans ses vêtements et de petites tâches de sang.

La situation pris néanmoins un tournant dramatique lorsqu'Efir et Lu-Ann sursautèrent, entendant un bruit derrière eux : une patrouille, aussi nombreuse que celle que combattait Albar, se trouvait derrière le chariot. Lu-Ann sortit sa dague mais se tourna immédiatement vers Albar, consciente qu'elle ne pourrait rien faire. Efir, lui, était directement passé à l'étape « appeler à l'aide ».

« Albar !! Au secours ! »

Ce dernier, après un bond en arrière, les regarda, et ses yeux s'écarquillèrent en voyant la situation dans laquelle se trouvaient ses deux protégés. Il se mit immédiatement à courir vers eux, en ouvrant sa main gauche, ses yeux fermés, signe d'une grande concentration. Efir, terrifié, le regardait, alors que Lu-Ann l'entraînait avec lui, le faisant descendre du chariot pour courir à la rencontre d'Albar. Tous deux, main dans la main, se mouvaient le plus vite possible, courant comme ci – et c'était le cas – leurs vies en dépendait. Efir se savait en danger, mais chaque pas le rassurait un peu plus, tandis qu'il voyait un petit globe d'eau se former entre les doigts d'Albar.

Ce dernier levait le bras, prêt à lancer la boule, quand soudain un carreau d'arbalète se planta dans la paume de main d'Efir. Ce dernier, sous le coup de la douleur et de la surprise, se pris les pieds dans une pierre et tomba, entraînant Lu-Ann avec lui dans sa chute, tandis qu'une étrange lueur provenait de sa main transpercée. Sa chute brisa le carreau, dont une partie resta dans sa main. Dans le même temps, Lu-Ann s'assomma en tombant, et la sphère d'eau dans la main d'Albar se disloqua complètement sans raison apparente.

La situation n'aurait pu être pire : aux côtés d'une Lu-Ann sonnée se tenait Efir qui se tordait de douleur, tandis qu'Albar, qui avait visiblement eu beaucoup de mal à mobiliser cette eau, montrait à présent des signes de fatigues, tandis, disais-je, qu'il était désormais encerclé par une trentaine d'hommes, avec ses protégés incapables de se défendre à la merci de ses adversaires. Il ne pouvait rien faire d'autre que ce qu'il fit : il continua à courir pour rejoindre les deux blessés, puis il posa son arme.

« Nous nous rendons messieurs », déclama-t-il d'une voix forte.

Efir, accablé de douleur, l'entendit à peine. Il ne vit que les hommes en arme qui avançaient vers eux, leurs épées toujours dégainées. Il rampa en vitesse vers Lu-Ann, tremblant de peur, recouvert de sœur et la main en sang, et lui fit rempart de son corps, dans une tentative aussi désespérée qu'inutile pour la protéger. Une main se posa sur son épaule, ce qui le fit sursauter et se retourner le plus rapidement possible.

Bien sûr, ce n'était qu'Albar, qui affichait un air serein et rassurant, avec un petit sourire malicieux. N'entendant rien à cause de sa propre respiration, Efir crut discerner sur ses lèvres les mots « calme toi, ça va aller ». L'instant d'après, il lui donna un violent coup sur la tête, le faisant, à son tour, sombrer dans l'inconscience.

Ses sens finirent par reprendre le travail après cette courte grève. Ce fut d'abord son oreille interne qui se manifesta : il était allongé quelque part, et était agité de légers soubresauts. Son ouïe se réveilla peu après. Il entendait une conversation venant de devant lui – enfin, en direction de ses pieds si je puis dire.

« Chef, enfin, il a tué six de nos hommes et deux d'entre eux sont blessés ! Il est dangereux, on ne peut pas le laisser en vie !, tonitrua une voix juvénile et inquiète.
- Je sais parfaitement ce qu'il a fait, inutile de me le rappeler, répondit une autre voix, forte, assurée, appartenant à quelqu'un d'indéniablement plus âgé. Mais on a des ordres, et ne pas les suivre nous mettrait dans une situation bien dangereuse.
- Et alors ? Est-ce qu'il y a quoi que ce soit qui soit pire que la mort, que l'on risque si on le laisse vivant ?
- Il est amusant celui là, dit une autre voix dans un rire franc. C'est un nouveau ?
- Silence !, tonna la voix du chef, vite suivie d'un coup sourd. Quant à toi, Alez, saches que désobéir aux ordres entraînerait une punition bien pire que la mort. Céphocus est un homme qui ne tolère pas l'indiscipline.
- Dans ses jeunes années, dit la voix enjouée, qu'Efir identifia comme étant celle d'Albar, Céphocus était totalement différent. Je me souviens de cette soirée dans une maison close, et...
- Assez !, dit le chef tandis qu'un nouveau coup sourd se faisait entendre. Ne pouvez vous donc pas vous taire ?
- Non, j'aime beaucoup trop me faire frapper. Frappez moi encore, grand fou !
- Chef, je peux peut-être lui couper la langue ?
- Elle repousserai aussitôt gamin, pas vrai Chef ?
- Bien, répondit ce dernier en un soupir. Si ça lui plait tant que ça de parler, alors laissez le faire, on va pas s'arrêter tous les deux mètres pour le frapper pour devoir ensuite trottiner après le chariot !
- Sage décision chef. Alors, pour ce qui en est de cette maison close, elle était réputée pour pouvoir satisfaire absolument tous les désirs de ses clients, quels qu'ils soient. Et votre capitaine était jeune, et s'il avait déjà un tempérament de feu, il avait différents loisirs à l'époque, et aimait beaucoup tester de nouvelles choses. Alors il est allé voir la patronne et lui a demandé de... »

Albar était encore en vie, Dieu merci. Et il avait même l'air plutôt en forme.

Efir, lui, continuait à émerger de sa torpeur. Il se remit à sentir les odeurs autour de lui : l'odeur des chevaux, du métal, du sang, et de la sueur. Tandis qu'il redevenait tout doucement maître de son propre corps, une question lui poignardait le cœur : où était Lu-Ann ? Est-ce qu'elle était là, silencieusement aux côtés d'Albar ? Ou bien l'avaient-ils abandonnée sur la route ? Non, Albar n'aurait pas l'air si détendu sinon, elle devait aller bien, c'était évident.

Il en eut la confirmation quand il recommença à sentir ce qu'il touchait. Il se rendit alors compte qu'une petite main tenait la sienne, la serrant avec douceur. C'était elle, il en était certain. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit, en ouvrant les yeux, José, 47 ans, le meilleur tordeur de cou de poules et autres volailles de la région.

Je plaisante ! C'était bien évidemment Lu-Ann qui se tenait à ses côtés. Faiblement, le garçon bougea les doigts pour lui signifier qu'il était réveillé. Elle lui répondit en serrant sa main un peu plus fort. Tout doucement, il la caressa avec son pouce, tandis qu'il tournait, avec difficulté, sa tête vers là où elle semblait être. Lentement, il ouvrit les yeux, ne voyant d'abord pas grand chose. Sa vision se clarifia, et il finit par distinguer le beau visage de Lu-Ann, allongée elle aussi, dont les beaux yeux profonds le fixaient. Il plongea longuement son regard dans le sien, y cherchant un réconfort qu'il trouva. Ou peut-être était-ce elle qui implorait son aide, et qu'il lui apportait. La seule chose évident c'est que plus ils se regardaient, mieux ils se sentaient.

Dans un tout autre contexte ce genre de contact, à la fois physique et visuel, l'aurait affreusement gêné, et il se serait déjà soustrait à ce beau regard et à ces petites caresses faites du bout des doigts. Mais ici, ces gestes n'étaient pas amoureux. C'était ceux de deux amis terrifiés qui éprouvaient du réconfort auprès de l'autre. Elle semblait si fragile et apeurée qu'il voulait la prendre dans ses bras, et la bercer tout doucement en lui disant que ça irait, faisant abstraction de sa propre crainte. Certes, elle était forte, mais on a toujours besoin d'un soutien quand tout va mal. Et il n'y a rien de plus rassurant que les bras d'un être cher. Il s'était attaché à elle tellement vite...

« C'est alors qu'il a compris que ce n'était pas une femme mais un bouc. Depuis il ne boit plus. »

C'était Albar. Efir en était venu à oublier sa présence. Adressant un sourire faussement assuré à Lu-Ann, il tenta de se redresser : sans succès. Ça ne venait pas de lui, pas uniquement tout au moins. Quelque chose l'entravait. C'est lors de sa deuxième tentative qu'il entendit le crissement d'une corde sur laquelle on tire trop.

« Fais doucement fils, dit alors Albar, qui avait entendu le bruit. Tes bras et jambes sont attachées par de solides cordes reliées à une masse conséquente et puante, puisqu'il s'agit du chariot lui-même, qui est envahi par deux soldats blessés, qui conduisent les chevaux.
- La ferme, retentit la voix du jeune soldat. Ces hommes sont des blessés de guerre maintenant, ils seront accueillis en héros, alors que vous trois, vous serez comme des criminels. La population vous jettera des pierres, les gens vous...
- Oui, je sais gamin, ils honniront mon nom et celui de mes ancêtres, ils maudiront mes hypothétiques descendants, et peut-être même qu'ils seront tellement choqués par notre aspect terrifiant qu'ils oublierons de battre leur femme ce soir. Épargnez moi ce genre d’imbécillité je vous en prie. Se faire haïr par des imbéciles est la meilleure des récompenses pour ceux qui leur sont supérieurs. Quant à ces deux héros... J'entends déjà les crieurs publiques raconter l'événement ! « Vivats pour le soldat Sept Doigts, vivats pour le soldat Para Plégique ! Hourras pour ces deux héros qui ont fait face, envers et contre tout, au plus grand danger de leur vie ! Membre de la patrouille des Bras Cassés, ils se sont jetés à vingt contre un, malgré leur évidente infériorité numérique, et ils ont lutté avec courage contre un homme plus petit d'une vingtaine de centimètre, sans la moindre armure, avec une épée fine et fragile et d'environ trente kilos de moins que chacun d'eux. Ils ont longtemps lutté, mais, submergés par leur seul adversaire, ils étaient en difficulté. Eh bien plutôt que de baisser les armes, ils combattirent, ils levèrent bien haut leurs épées et frappèrent. Para Plégique y perdit l'usage de ses jambes, et Sept Doigts, comme l'indique son surnom, revint avec un cœur dessiné sur la cuisse gauche à coup de rapière et avec une très profonde entaille à la clavicule. Saluons ces héros qui, en se sacrifiant, ont gagné du temps pour l'arrivée d'une autre patrouille, qui a démontré son courage et sa noblesse de cœur en s'en prenant aux deux enfants sans défense qui se croyaient en sécurité, loin des affrontements. Gloire à... »
- La ferme !!!, dit le jeune soldat en frappant Albar en plein visage avec son gant de fer et en dégainant son épée. Encore un seul mot, et je te saigne comme un porc !!! Tu entends ?! Comme un porc !!!
- Il n'est nul meilleur poète que le soldat Jolicoeur Sanscervelle, c'est évident. C'est vous qui devriez écrire l'oraison funèbre des six autres. Enfin, si jamais vous retournez chercher les corps un jour.
- La ferme !!! Espèce de...
- Calmez vous soldat ! Et vous, ajouta le chef à l'attention d'Albar, taisez vous, sinon nous prendrons des dispositions !
- C'est assez cocasse tout de même : les corps de vos amis résident au beau milieu de cette forêt hantée car deux de vos prisonniers sont dans le chariot qui aurait pu emporter les cadavres.
- Tu sais quoi d'eux, hein ?! C'était des héros !!
- Oh, s'il suffisait de mourir pour devenir un héros... Je peux juste dire que la dernière chose que j'ai vu dans leurs yeux n'était pas du courage, mais la plus intense des peurs. Je ne sais pas si tu l'as remarqué, mais l'un de tes héros est mort dans sa propre urine.
- Il suffit !, déclara le Chef. Encore un mot et c'est l'un des enfants que prendra à votre place ! »

Albar devint silencieux. Il s'était attendu à ce genre de réaction, et ne voulait en aucun cas risquer la vie de ses deux protégés. Et de toute façon, il avait déjà gagné. Quand il tourna son regard vers le jeune soldat qu'il s'était ainsi amusé à torturer dans un but imprécis, ce dernier semblait au bord de l'implosion. Seule la présence de son chef l'avait empêché de transpercer Albar de part en part. Ce dernier le toisa d'un regard joyeusement condescendant, avec un sourire qui se voulait sincère mais qui, au vu de la situation, semblait carrément malsain.

Efir se demandait pourquoi Albar avait fait ça. Il avait sans doute une idée derrière la tête, mais laquelle ? Ce n'était pas son genre de provoquer les gens à ce point juste pour le plaisir. Il était impitoyable, mais absolument pas cruel, et ne prenait aucun plaisir à faire souffrir les autres. En revanche, il adorait voir que ses plans marchaient comme sur des roulettes, ce qui semblait être le cas vu son état de franche hilarité. Il jeta un regard interrogatif à Lu-Ann, qui lui répondit d'un petit signe de tête en direction du ciel. Il faisait presque nuit. Et ils étaient encore dans la forêt.

C'était donc ça que voulait Albar ? Gagner du temps pour qu'ils soient encore dans la forêt à la nuit tombée ? Cette nuit que lui même semblait redouter. Et maintenant qu'il avait compris la situation, Efir avait l'impression d'entendre d'étranges sons, auxquels il n'avait nullement prêté attention avant cela. Un crissement qui n'était pas exactement en même temps que celui des roues du chariot, un bruit de vent alors qu'aucune feuille ne bougeait, etc...

Ce n'est qu'à se moment là qu'il repris conscience de sa main gauche, celle qui avait été transpercée. Étrangement, elle ne l'avait pas fait souffrir depuis son réveil. Jusqu'à maintenant. Sous un bandage de fortune, sans doute mis en place par Albar, un petit picotement se faisait jour. Rien de comparable à la douleur ressentie précédemment, certes. Sans compter que cela ne s'aggrava pas, ne se mua pas en une véritable douleur, et se cantonnant au rang « d'étrange démangeaison ».

Mais peut-être qu'il entendait tout ça juste parce qu'il avait peur. Et pourtant, il n'était pas le seul. Le jeune soldat, l'épée encore sortie, regardait autour de lui avec inquiétude, sursautant fréquemment. Le Chef s'en rendit compte rapidement.

« Que vous arrive-t-il soldat ? Ressaisissez vous et restez concentré.
- J'entends quelque chose, venant des fourrés. Je crois qu'on est suivis Chef, répondit-il d'un ton à la limite de la panique.
- Mais non, vous avez les nerfs à vifs à cause de cet abruti.
- Mais chef, vous savez comme moi ce qu'on raconte sur ces bois, non ? Et là, la nuit tombe, vous devriez peut-être...
- Alors ainsi, répliqua d'un ton derrière lequel couvait la colère, vous vous jugez autorisé à me dire ce que je devrai faire, soldat ? Oui, je sais comme vous ce que l'on raconte sur cette forêt, mais je sais gérer mes hommes.
- Mais... Vous ne trouvez pas qu'on met beaucoup plus de temps pour rentrer que pour...
- Il suffit, cessez de remettre en cause mes décisions, sinon c'est la cour martiale ! Et je peux déjà vous garantir qu'à notre retour vous recevrez les châtiments que votre attitude mérite ! En attendant, taisez vous et n'aggravez pas votre propre cas. »

Albar agita ses mains attachées et leva le doigt en l'air comme pour poser une question. Vu la situation de tension qui régnait, il n'osait pas ouvrir la bouche sans y avoir été invité, cela aurait pu causer des problèmes aux deux enfants, qui écoutaient la scène, de plus en plus inquiet de la tournure des événements.

« Que voulez vous ? Je vous averti que si un seul mot me semble déplacé, je coupe un doigt à l'un des deux.
- Merci Chef. Je voulais juste attirer votre attention sur le fait qu'il manque les deux hommes de l'arrière garde. »

Tout sembla s'arrêter pour chaque personne ici. Le cœur d'Efir s'arrêta un court instant et les yeux de Lu-Ann écarquillèrent, tandis que le chef et la jeune se stoppèrent. Ils constatèrent qu'en effet, deux de leurs hommes, vêtus de lourdes et bruyantes armures, avaient disparu sans que personne d'autre qu'Albar ne s'en rende compte. Et, lorsque le temps s'est arrêté et qu'il reprends, il accélère pour rattraper son retard.

Le chef cria alors aux cochers d'arrêter le chariot, et à l'avant garde de stopper, tandis qu'Efir et Lu-Ann se tenaient la main comme jamais, et que le jeune soldat, Alez, attrapa Albar par le col.

« C'est toi qui a fait ça, hein ? Hein que c'est toi ?!
- Calme toi petit, je n'y suis pour rien, qu'aurais tu voulu que je fasse ? J'étais attaché entre vous deux.
- Je sais pas, mais je sais que tu as fait un truc ! Depuis le début je sais que tu vas essayer de nous jouer un mauvais tour.
- Je suis comme vous sur un point : je veux sortir de cette forêt maudite, répondit Albar d'un ton presque nerveux, chose inhabituelle chez lui. Si jamais mauvais coup il y avait eu, croyez moi, j'aurais attendu d'être sorti de cet horrible endroit pour le perpétrer !
- Je... Je ne te crois pas ! Tu es sûrement...
- Alez, la ferme ! Ils se sont peut-être simplement arrêtés pour se soulager et n'ont pas pensé à prévenir, voilà tout. Ne sombrons pas dans la paranoïa.
- Au sec... », retentit une voix venant de l'avant du chariot, qui n'eut apparemment pas le temps de finir sa phrase.

Lorsque tout le monde regarda dans cette direction, plus de cinq soldats manquaient à l'appel. Au moment du cri, tous étaient tournés vers l'arrière du chariot, pour suivre la discussion. Ainsi, personne ne pouvait voir ces 5 hommes, à la pointe de l'avant garde.

« Qu'est ce que c'est que ce délire ?!, cria alors Alez, perdant toute retenue. Qui est là ? Qui est là ?!!! »


Levant la tête, Efir vit alors le sourire satisfait d'Albar tandis qu'il regardait le jeune soldat. C'était cela son plan ? Le mettre à bout de nerfs pour qu'au moindre problème, il perde pied beaucoup plus rapidement ?

« Calmez vous soldat, c'est un ordre !
- Je ne me calmerai pas, pas dans une forêt où il y a un truc qui emporte nos hommes sans que personne n'arrive à le voir ou l'entendre ! Il faut accélérer et sortir de cette forêt, tout de suite !! On ne doit pas... Oh mon Dieu !!!!! »

Son visage exprima alors une terreur sans nom. Il semblait fixer quelque chose au dessus du chariot, qu'Efir et Lu-Ann ne pouvaient donc pas voir. Levant les yeux, ils ne virent rien, mais ressentirent une intense sensation de froid, tout soudainement. Ils entendaient également des exclamations de surprise et de terreur provenant de derrière eux, à l'avant de chariot. Puis, dans un dernier cri, Alez jeta ses armes et s'enfuit en courant, s'éloignant du chariot, et donc retournant au cœur de la forêt. Le Chef voulut d'abord le poursuivre, et bouscula Albar sans ménagements, avant de se raviser. A l'avant du chariot, c'était aussi la déroute face à cette mystérieuse apparition qui semblait déjà avoir disparu. Le Chef fit donc demi tour et abandonna Alez à son sort, allant à l'avant du chariot pour rassembler ses hommes, qui eux, bien qu'apeurés et désorganisés, avaient tenu leur poste.

Albar et les deux enfants étaient désormais seuls à l'arrière du chariot... Et Albar avait les mains libres ! Il leur expliquera, quelques minutes plus tard, qu'il s'était volontairement mis dans le passage du chef pour pouvoir lui prendre son poignard quand il le bousculerait. Cela fait, il s'en servit pour couper ses liens, puis, bien évidemment, pour couper ceux d'Efir et Lu-Ann le plus discrètement possible. Une fois libres, ils se jetèrent tous deux avec une coordination impressionnante dans les bras d'Albar. Les pauvres étaient absolument pétrifiés de terreur, mais la présence d'Albar leur faisait du bien. Ne jamais sous estimer le pouvoir d'un câlin.

Le chef venait de voir qu'ils s'étaient libérés, mais décida visiblement de ne pas s'en faire. Où pouvaient-ils se sauver après tout ?

« Qu'est ce qui se passe Albar, demanda Efir d'une voix tremblante.
- La pire et la meilleure chose qui puisse nous arriver, dit-il d'une voix grave mais totalement assuré, contrairement à celle qu'il avait employé avec Alez juste avant. La forêt s'est réveillée, et si l'on survit à cette nuit, on sera libre demain.
- Pourquoi ça ?
- Parce que tous les autres seront morts.
- Il... Il y a... Tellement de souffrance... Et de haîne ! », articula péniblement Lu-Ann, en larmes.

Immédiatement, mu par un instinct protecteur qu'il ne se connaissait pas, Efir quitta les bras d'Albar pour serrer la jeune fille dans es bras, tandis que celle ci n'avait toujours pas quitté ceux de leur mentor.

« Ça va aller, dit Efir d'une voix mal assurée. Ça va aller. Pas vrai que ça va aller ?
- Bien sûr que ça va aller les enfants. Si on reste tous ensemble, tout ira bien. Pour le moment, on va rester avec les soldats. Ils nous protègent, même s'ils ne le savent pas.
- D'accord.
- Écoutez moi bien les enfants, il y a un moment où il faudra courir, mais pas suivre la route, ni dans un sens ni dans l'autre. Il faudra passer par les bois. Pour ne pas se perdre, on va tous se tenir la main, d'accord ?
- D'accord...
- Lu-Ann, c'est d'accord ? »

Elle répondit par un hochement de tête positif.

« Bien. Une dernière chose : ne regardez pas derrière vous. Ne regardez absolument jamais derrière vous, c'est clair ?
- Oui, c'est clair.
- Je vous le répéterai le moment venu. Ne regardez surtout pas derrière ! »

Il s'écoula quelques secondes d'un grand silence, où chaque sentit sa peau frisonner. Une goutte de sueur s'écoulant dans le dos, une difficulté à respirer, un mal de gorge, les jambes qui tremblaient... Tant de signes de la peur. Efir tentait de les cacher, pour mieux réconforter Lu-Ann, tant bien que mal. Albar, lui, avait le visage grave et concentré.

Soudain, la route s'embruma. Comme ça, brusquement, elle se recouvrit d'une épaisse chape de brume bientôt presque opaque. C'est à ce moment là qu'Albar se mit en route. Il frappa fort sur la croupe d'Ithaq, qui était toujours arnaché au chariot, en lui criant :

« Va Ithaq, va, fuis ! Nous te rejoindrons ! »

Il ne se fit pas attendre et se mit en route immédiatement dans un grand hennissement tandis qu'Albar prit ses deux protégés par la main en leur criant d'y aller. Ils sautèrent du chariot en marche, et foncèrent vers les arbres sombres, quittant cette brume horrible. Ils n'avaient pas fait cinq mètres hors de la route qu'Efir entendit les hurlements de terreur, puis de douleur des soldats, ainsi que quelque chose qui ressemblait aux grognements de Dieu seul sait quel monstres. Mais il ne s'arrêta pas, et, tenant la main d'Albar ainsi que celle de Lu-Ann, il continua à courir, persuadé qu'il ne pourrait jamais avoir plus peur qu'à l'instant présent. Il comprit qu'il avait eu tort lorsqu'il entendit distinctement des pas derrière lui qui n'étaient pas ceux de Lu-Ann, ainsi qu'un petit rire malsain.

« Ne le regardez pas ! »

Albar

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Dim 23 Sep - 0:42
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Eh oui, deux chapitres ce soir, ou plutôt cette nuit. Que voulez vous, les crises d'inspiration sont rares et il faut savoir en profiter. Et il faut aussi profiter du fait que l'on a une galerie bien à soit et qu'on peux donc faire des doubles ou des triples posts si on veut, na!

N'hésitez pas à commenter, vous, les deux ou trois qui avez eu la force d'arriver jusqu'ici.

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[Fic] Le titre n'est pas encore trouvé Sand-g10Sam 6 Oct - 11:13
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Chapitre XIII : Elle


Ils avaient couru pendant un temps qu'il n'aurait su apprécier. Efir avait l'impression d'avoir fuit pendant des heures entières sans s'arrêter, poussé par sa peur qui ne le lâchait pas, qui l'empêchait de s'effondrer. Et pourtant il en avait besoin ! Chaque muscle de son corps criait au supplice, et il avait l'impression que chaque centimètre carré de son corps était en feu. Sa respiration lui brûlait la gorge atrocement, un peu comme lorsque l'on boit une soupe trop chaude alors que l'on a la gorge irritée par une toux récalcitrante. Chaque bouffée d'air frais le faisait souffrir.

Et il avait mal ! Dieu qu'il avait mal ! Jamais il n'avait ressenti pareille douleur. C'était tout bonnement indescriptible tant c'était violent. Quand il posait le pied par terre, il avait l'impression que celui ci allait se briser en deux. Et si ce n'était pas son pied, ce serait son tibia, sa fibula, ou bien encore son fémur, ou alors ses muscles qui allaient exploser, etc... En ce sens, il le remarquera plus tard, il n'aura que jamais été plus conscient de son corps qu'en cet instant même. S'il avait été dans un environnement favorable, il aurait fait des merveilles en magie.

Lu-Ann s'était effondrée il y avait quelques minutes – ou quelques heures, Efir était incapable de le dire – harassée par l'effort et peut-être aussi par autre chose, qu'Efir sentait mais n'arrivait pas à identifier. Avant même qu'elle ai finit de tomber, Albar l'avait mise sur son épaule, l'y maintenant d'une main, et tenait celle d'Efir de l'autre. Il ne fallait surtout pas qu'ils se lâchent la main, avait-il dit. Alors ils ne s'étaient pas lâchés.

Pauvre jeune fille : elle était courageuse, et forte, mais, physiquement, elle était encore fragile, surtout pour de tels exercices. Elle était un peu trop fine et trop faible pour une telle fuite, tout comme Efir, qui, il le savait, ne tiendrai plus longtemps. Albar, lui, de part sa condition d'athlète centenaire, tenait le choc, même s'il était plus qu'évident qu'il n'en pouvait plus non plus. Ils n'entendaient plus le bruit pourtant, mais Albar refusait de s'arrêter.

Jusqu'à ce qu'ils le virent. Entre les arbres se dessinait une forme trop géométrique pour être naturelle. Il s'avéra que c'était une assez grande bâtisse, bien plus grande qu'une maison, visiblement à l'abandon, mais pas en ruine, car elle était faite de pierres. Sans doute un ancien pavillon de chasse. Cela semblait logique : quiconque entrait dans cette forêt en chasseur en devenait la proie.

Albar se contenta de dire à Efir : « dedans ! », d'une voix hachée. Il n'y avait cependant aucune raison d'en dire plus, le jeune homme avait immédiatement compris : ils allaient entrer. Leur salut y était sans doute. Des doutes l'assaillirent cependant : la porte allait elle s'ouvrir ? Et que trouveraient-ils dedans ? De toute façon, ils n'avaient pas le temps d'y penser. Si Albar voulait aller là dedans c'est que ça devait être mieux que dehors de toute façon.

Ce dernier enfonça la porte d'un coup d'épaule – celle qui ne tenait pas Lu-Ann, cela va de soi – et celle ci céda du premier coup, Dieu merci. Ils se trouvaient dans une grande salle, avec un lustre écrasé au sol. En dehors de cela, elle était totalement vide, hormis de petits piédestaux sans la moindre chose dessus. De nombreuses portes se trouvaient sur les côtés, et il y avait également un escalier. Ce fut Albar qui pris une décision : l'étage.

L'escalier débouchait sur un couloir s'étendant à droite ou à gauche, avec une série de nombreuses portes. Il choisit de tourner à droite, et de passer la première porte qu'ils verraient. Celle ci était ouverte, et donnait sur une vieille chambre à coucher au lit autrefois luxueux, mais totalement défraîchis désormais. Mais les deux héros ne s'en formalisèrent pas, et Albar posa Lu-Ann sur le lit avec autant de douceur qu'il le pouvait tout en étant rapide, puis il barricada les portes et fenêtres avec des meubles quelconques, tandis qu'Efir tombait à quatre pattes sur le sol, respirant avec grand peine.

La dernière chose qui fit Albar fut d'allumer un feu par magie, enflammant un vieux tableau pourtant très joli (grâce à deux morceau de pierre), et jetant des éclats de chaise par dessus. Cela fait, il se dirigea vers Lu-Ann et écouta sa respiration. Efir, qui observait la scène, parvint à articuler :

« Elle... Respire ?
- Faiblement, répondit Albar, éreinté mais visiblement soulagé. Mais elle respire. »

Il se laissa tomber sur le sol, respirant alors à grandes bouffées, tandis qu'Efir, lui, faisait tous les efforts du monde pour ne pas sombrer dans l'inconscience. Ils s'étaient enfin arrêté !

« Ça va toi ?
- Ça... Ça va...
- Tu t'es débrouillé comme un chef », ajouta Albar dans un souffle avec un sourire dans la voix.

Efir était trop fatigué pour manifester sa fierté, mais il l'était pourtant. Voilà des jours, des semaines, qu'Albar ne lui faisait que des reproches, ou alors des compliments teintés d'humour ou d'autres reproches encore. Mais là, il lui avait clairement dit qu'il était fier de lui, sans préambule ni pirouette de vocabulaire. Le jeune homme en était très touché. Il ne répondit pourtant que par un grognement.

De longues minutes passèrent, silencieuses, pendant lesquelles personne ne parla, et où les seuls bruits audibles étaient les puissantes respirations des deux hommes présents. Efir commençait à récupérer tout doucement, même s'il restait endolori, comme si on l'avait soumis au supplice de la roue. Albar, lui, semblait déjà retrouver une respiration normale. Quant à Lu-Ann, ils commençaient à l'entendre respirer, ce qui était bon signe.

« Tu veux la réveiller ? », demanda Albar.

Efir émergea comme d'un brouillard, l'esprit comme enveloppé de coton.

« Pardon ?
- Lu-Ann, tu veux la réveiller ?
- Ah euh... Oui je... Veux bien », dit-il, ayant encore du mal à parler normalement.

Il se leva avec beaucoup plus de pénibilité qu'il ne l'aurait imaginé, chaque de ses muscles protestant, arguant qu'ils étaient beaucoup mieux quand il était allongé. Faisant taire ces protestations, et avec une délicieuse douleur – telle que celle que l'on a lorsque l'on s'étire par exemple – il s'approcha du lit pour finalement se poser au bord de celui ci, à côté d'une Lu-Ann qui retrouvait son teint clair, ses joues perdant leur couleur écarlate, due à l'effort. Elle était dégoulinante de sueur, tout comme Albar et lui même d'ailleurs.

Tout doucement, il écarta ses cheveux de son visage et lui passa la main sur la joue, en lui murmurant son prénom. Celle ci ouvrit les yeux avec lenteur. Elle avait l'air à la fois soulagée et suspicieuse.

« Efir ? C'est toi ?
- Oui c'est moi, répondit-il. Tout va bien... Tu es en... En sécurité... Albar est là aussi...
- On est sorti de la forêt ?
- Euh... Pas vraiment... Mais là on est dans... Dans un pavillon de chasse... Abandonné... Mais tout... Tout va bien maintenant ! »

Dès qu'il avait dit « pas vraiment », il avait vu la détresse dans ses yeux. Il y avait quelque chose dans cette forêt qui la terrifiait à un point inimaginable, quelque chose qu'Efir ne saisissait pas.

« Tout ne va pas bien ! Elle sait où on est ! Elle va...
- Doucement ma petite, dit alors Albar, qui venait de se lever et de s'asseoir de l'autre côté de Lu-Ann, posant une main rassurante sur son bras. On lui a déjà échappé, ce qui n'était pas gagné. Il ne devrait plus pouvoir nous rattraper. Prenons un peu de repos ici avant de s'en faire.
- Vous avez peur ?
- Non.
- Vous mentez monsieur Albar, je le sens... Vous avez peur.
- Oui, mais pas d'eux. J'ai peur de ce qu'ils peuvent vous faire.
- Eh, dit alors Efir, qui c'est... Qui c'est « eux » … Ou « lui » ? Ou... Ou bien « elle » ? Je ne... Comprends rien.
- Écoute, cette forêt est remplie de créatures en tout genre parmi les pires de ce monde. Je ne les ai pas toutes rencontrées, mais il y a, par exemple, des banshees, femmes encapuchonnées et décharnées qui aspirent notre énergie. Il y a aussi des chiens des enfers, et d'autres choses encore. Ça c'est « eux ». La chose qui nous suivait est une créature absolument horrible que je ne saurais te décrire, car on raconte que ceux qui le regardent disparaissent sans raison apparente peu de temps après l'avoir vu. Quant à « elle »... je ne sais pas ce que c'est, mais je sens sa présence, et c'est très puissant, et en colère.
- Elle est dans une colère noire, dit alors Lu-Ann, toute tremblante. Elle ne nous laissera pas partir d'ici. Jamais.
- Doucement mon enfant, reste calme, même si c'est troublant. On va s'en sortir.
- Comment ?!
- Parce que je suis là, tout simplement.
- Dis Albar, demanda Efir, soudain un peu suspicieux, c'était un hasard si on est tombés précisément sur cette bâtisse?
- Du tout, je me souvenais de la position du pavillon : il a été construit l'année de mon douzième anniversaire.
- Donc, toi qui dit ne jamais avoir rencontré quiconque d'autre que les brigands dans cette forêt, tu sais tous ces détails ? »

Albar ne répondit pas tout de suite. Son visage était lisse, impossible à lire, et ne flanchait pas, même sous le regard accusateur d'Efir et de Lu-Ann. Ils étaient tous deux convaincus qu'il était au courant depuis le début de ce qui allait se passer.

« Albar, réponds moi !, lui ordonna Efir d'une voix mal-assurée mais indéniablement rageuse.
- J'étais au courant.
- De quoi ?
- De tout, tout ce qu'il y a ici. En vérité, j'ai même provoqué tout ça.
- Tu as quoi ?!, peina à articuler Efir, sous le coup de la rage et de la surprise. Mais tu es complètement malade ! Tu...
- Il suffit !, dit alors Albar, élevant subtilement la voix. Laissez moi vous expliquer la situation avant de me juger.
- J'espère que tu en as une bonne, d'explication, parce que là...
- Efir, calme toi, dit Lu-Ann d'une petite voix faible, ce qui apaisa le jeune homme immédiatement.
- Merci. Figurez vous que réveiller la forêt était le chemin le moins dangereux qui s'offrait à nous.
- Comment ça ?!
- Il y a des barrages sur toutes les routes, sauf sur celle ci. Étais-je vraiment le seul à trouver cela suspect ? Il était évident qu'on allait se faire piéger dans cette forêt, et que l'on aurait certainement aucune chance de s'en tirer de façon conventionnelle. De plus, comme vous l'aurez remarqué, pratiquer la magie dans cette forêt est extrêmement difficile, en bref, on avait aucun moyen de vaincre nos assaillants, si assaillants il y avait. Et une fois capturés, vous leur auriez servi d'otage, et je n'aurais rien pu tenter. Il fallait donc trouver un moyen de leur échapper après avoir été capturé. Et c'est là que la forêt intervient. Voyez vous, elle a toujours été habitée par des esprits plus ou moins violent, mais cela s'est aggravé quand j'avais 30 ans environ, ce qui a poussé les seigneurs ayant construit ce pavillon de chasse à le déserter. Pourtant la forêt n'est pas impossible à traverser. En vérité, on ne risque rien si l'on a pas ce qu'il faut pour déclencher sa fureur.
- Et c'est quoi ?, demanda Efir avec agressivité, les bras croisés.
- La peur, la colère, la haine, la douleur, tous ces sentiments violents et négatifs, que ce qui est apparu lors de mes 30 ans ressent en masse. Quand elle sent la douleur, la sienne se réveille. Quand elle sent la haine, la sienne se réveille. Et quand ses sentiments reviennent, c'est elle qui se réveille, et la forêt avec elle.
- C'est pour ça que tu as harcelé ce pauvre type ?
- Il était fragile et emporté, exactement ce dont j'avais besoin. C'est grâce à lui que tout a réussi.
- Il est devenu quoi, monsieur Albar ?
- Je n'en ai pas la moindre idée, et son sort n'est de toute façon plus entre nous mains. Grâce à cela nous avons pu fuir.
- Cette fuite a failli nous tuer, Albar !
- Elle ne l'a pas fait. Je me doutais que vous auriez la motivation nécessaire pour... »

Efir, ne se contrôlant plus, sauta sur Albar et le pris par le col, roulant par terre. Il le secoua dans tous les sens, emporté par la peur, qui s'était muée en rage, contre la seule personne qu'il pouvait juger responsable de tout cela : Albar Tlassin. Celui ci se laissa faire, jusqu'à ce qu'Efir se mette en tête de le frapper. A cet instant il bloqua son poing et inversa les positions, se retrouvant au dessus, assis sur le torse du jeune homme, dont les poumons malmenés désapprouvaient cette posture.

« Je perçois ta colère fils, mais tempère toi. Elle ressent toujours la haine, et il est fort probable qu'elle sache où nous sommes à présent. Cesse de souffler sur les braises ou nous allons tous prendre feu !
- Mais c'est qui, « elle » ?
- Je n'en sais fichtre rien, mais ce que je sais c'est qu'elle est la menace de toute cette forêt. Lu-Ann, ajouta-t-il en tournant la tête vers la jeune fille, tu peux marcher ?
- Je... Je crois, oui.
- Alors debout. »

Il se leva alors, et tendit la main vers Efir pour l'aider à se relever. Celui-ci, cependant, la refusa, et se releva par ses propres moyens, peinant atrocement. S'il comptait bien se calmer, il n'était pas prêt à pardonner à Albar cette machination. Une question lui vint d'ailleurs à l'esprit.

« Pourquoi tu ne nous a rien dit ? A propos de ton stupide plan ?
- Parce que j'aime mentir. »

Cette réponse, déclamée sur un ton d'indifférence sérieuse, laissa Efir totalement pantois. C'était tellement surréaliste et improbable qu'il ne sut quoi dire. Il alla aider Lu-Ann à se lever, la soutenant dans ses premiers pas mal assurés. Elle finit par lui dire qu'il pouvait la lâcher, ce qu'il ne tarda pas à faire, constatant avec soulagement qu'elle arrivait en effet à marcher normalement.

« Où on va ? On quitte le bâtiment ?
- Non, la forêt est bien trop dangereuse. On va juste changer de pièce, c'est la seule chose qu'on puisse faire. »

Ils n'avaient aucune arme en dehors de la dague qu'Albar avait volée, le reste était resté dans le chariot, confisqué par les militaires. C'est donc armé de cette courte lame qu'Albar ouvrit la porte avec prudence. Efir senti sa colère se muer en une angoisse indicible, augmentant à chaque instant. Souhaitant fuir la compagnie d'Albar, il se rapprocha de Lu-Ann.

La porte était entrebâillée, et Albar passa d'abord sa main en dehors de la pièce, sur le qui vive. Efir se préparait à fermer les yeux si jamais quelque chose se passait... Ce ne fut heureusement pas le cas, et Albar retira sans main sans coup férir. Efir sursauta néanmoins l'instant d'après, quand Albar ouvrit la porte d'un coup vif et sorti de la pièce en courant, regardant autour de lui, la dague levée. Pourquoi est-ce qu'il n'avait pas pris de précaution cette fois ci ?

Il fit signe à Efir et Lu-Ann de sortir, ce qu'ils firent, le cœur battant stupidement fort. Le jeune homme avait presque peur qu'on puisse l'entendre. Ne perdant pas de temps, Albar mena la marche, se retournant à intervalles de temps irréguliers, pressant le pas ou le ralentissant sans raison, mais le tout avec le plus de discrétion et de silence possible. Derrière lui, Lu-Ann et Efir suivaient le rythme comme ils le pouvaient, se retournant fréquemment, tout en espérant qu'il n'y ai rien derrière eux. Ils auraient juré que des meubles s'étaient déplacés entre deux regards d'ailleurs.

Ils ne dirent cependant rien, et Albar continuait de mener la petite troupe, descendant les escaliers, puis tournant à gauche, entrant dans la première pièce, séparée du hall par de grandes portes. Il les ouvrit doucement, pour qu'elles ne fassent pas de bruit, ce qui était un véritable exploit, au vu de leur taille.

Cette pièce était une immense salle de bal. Elle était vide, à l'exception de quelques chaises ça et là, en bien piètre état pour la plupart, et d'un vieux comptoir en bois dans un coin. Fermant la porte, Albar dirigea la petite troupe jusque là, il s'assit sur celui ci. Apparemment, ils étaient arrivés. Ne sachant s'il pouvait parler, Efir attira l'attention d'Albar en levant le doigt.

« Tu peux parler, lui dit-il alors en chuchotant. Mais ne parle pas fort.
- Très bien, répondit le jeune homme sur le même ton. Pourquoi tu nous a amené ici ? La pièce est immense et il y a nulle part où se cacher !
- Oui, mais il y a une autre sortie, rétorqua Albar en montrant du doigt une porte non loin d'eux. Quitte à devoir m'enfermer quelque part, je préfère avoir deux opportunités de fuite.
- Et dis moi, pourquoi tu es sorti de la chambre comme ça ?
- Si tu prends quelqu'un au piège, tu t'attends à ce qu'il sorte ainsi ? Bien sûr que non. Si nous avions été piégés par quoi que ce soit, la chose en question ne se serait pas attendu à une telle attitude et on aurait eu un avantage, même léger. Quand tu as affaire à quelque chose de plus fort que toi, mise toujours sur l'imprévisibilité. Retiens le, ça te sera utile.
- J'ai pas de leçons à recevoir d'un type comme toi Albar, s'agaça Efir, grinçant des dents. Je n'en reviens toujours pas de ce que tu as fait.
- C'était la seule chose à faire, et s'il m'était donné la choix de revenir en arrière, je prendrais la même décision.
- Ça n'aurait pas été moins dangereux de tenter de s'enfuir une fois emprisonnés, sortis de la forêt, avec tes pouvoirs revenus ?
- On aurait pas été emprisonnés. La Horde aurait eu vent de notre arrestation, et une émeute aurait éclaté dans la ville à notre arrivée, les prisonniers étant étrangement retrouvés morts après.
- Qu'est-ce que tu en sais toi ?
- Ça s'est déjà produit. Un jour, alors qu'on te déplaçait – que tu déménageais si tu préfères – les Veilleurs on fait courir la rumeur que toi et tes parents avez été arrêtés en cours de route, pour une raison quelconque. Ce jour là, la patrouille revint avec trois prisonniers : un homme, une femme, et un jeune enfant. Et ce que je t'ai raconté arriva : à peine entrés, un mouvement de foule inopiné et soudain se déclencha, emportant avec lui les trois prisonniers, égorgés tous les trois.
- Qui étaient les prisonniers ?
- Oh, je ne sais plus leurs noms, mais c'était juste des criminels qui étaient transférés. L'un d'eux était jeune et avait une apparence encore plus juvénile, il nous avait suffit de le teindre en blond.
- C'est ignoble...
- C'est ce qui fait que tu es en vie aujourd'hui. Cesse de juger à tort et à travers sans tout connaître. Tu as le droit d'avoir une opinion, mais ne blâme pas les gens dès que quelque chose te semble immoral. Ils ont souvent des raisons de le faire.
- Tu es bien placé pour me donner des leçons de morale toi...
- C'est précisément de ça dont je te parle, gamin. Apprends à te tempérer, à faire dans la demie-mesure.
- Parce que tu trouves que...
- Vous voulez dire que l'armée travaille avec la Horde ? », demanda alors Lu-Ann.

Certes, cette question méritait une réponse, mais Albar et Efir comprirent instantanément ce qu'elle voulait dire vraiment : « arrêtez un peu tous les deux ». Au même instant, la douleur dans la main d'Efir revint, lancinante et soudaine.

« Oui et non, répondit Albar. Céphocus, par exemple, ne les tolère pas, et il en fait la chasse sans pitié. C'est d'ailleurs pour ça que la capitale est l'endroit le plus sûr pour toi, Efir, du moment que moi je ne suis pas là. La politique du Roi à l'encontre de la Horde est elle aussi très dure. Il ne reconnaît pas leur légitimité et en a fait des criminels, contrairement aux Veilleurs qu'il tolère dans une certaine limite. Mais selon les villes, les Capitaines de Garde sont plus ou moins indulgents envers la Horde, et certains la soutiennent becs et ongles. Pour résumer, je dirais que dans l'ensemble ce sont des parias, mais qu'ils ont leur propres fiefs qu'il faut, bien évidemment, à tout prix éviter.
- Je vois, répondit Efir, qui cherchait lui aussi à faire la conversation désormais. Et... Euh... Là où on va ? C'est... Comment, vis à vis de tout ça ?
- Le seigneur de la ville n'en a strictement rien à faire, du moment que ça ne vient pas perturber son commerce. C'est une ville portuaire, alors tu te doutes bien qu'il y a beaucoup d'argent et de biens qui transitent par là.
- Oui, en effet...
- Rappelez nous, dit Lu-Ann, après un silence de quelques secondes qu'Efir ne parvenait à rompre, rappelez nous pourquoi on va là bas. On y cherche quoi ?
- Eh bien on y cherche surt... »

Il fut interrompu dans sa phrase par une chaise qui se souleva soudainement du sol pour foncer vers lui. Il eut tout juste le temps de basculer de l'autre côté du comptoir, tandis qu'elle s'écrasait sur le mur derrière eux. Efir, surpris et apeuré, oublia sa rancune un instant.

« Tu vas bien Albar ?!
- Fichtre », dit alors ce dernier d'un ton neutre, regardant les éclats de chaise.

Le jeune homme se rappela bien vite sa rancœur, et se désintéressa d'Albar, préférant rester derrière le comptoir sans bouger. Est-ce que c'était elle qui avait fait ça ? Il regarda Lu-Ann, espérant que sa sensibilité exacerbée saurait dire si c'était une apparition quelconque ou bien cette étrange menace sans nom. Elle ne lui répondit pas, mais ses yeux écarquillés se faisaient une réponse muette.

« Il faut sortir de là Albar ! »

Il eut une réponse rapide, mais pas celle qu'il escomptait. Ce fut une voix désincarnée, et pourtant très humaine, au timbre fin et cristallin, un peu comme une voix de... Petite fille. Vous, lecteurs, l'aviez probablement deviné depuis le début si vous avez un minimum de culture horrifique, mais Efir, lui tomba des nues, ne comprenant pas, et ayant soudain affreusement peur.

« Personne ne sort... »

Pourquoi diable les petites filles fantomatiques faisaient-elles si peur ? Qu'avaient elles de plus que tous ces monstres dont il avait entendu parler dans sa jeunesse ? Certains, parmi lesquels se trouve Albar, pensent que ça vient du fait qu'un enfant est de toute façon terrifiant. N'ayant pas de notion claire du bien et du mal, soumis à ses pulsions sans savoir se contenir, n'ayant aucune inhibition et surtout étant de nature profondément sadique, l'esprit d'un enfant est terrifiant. Dans son corps d'enfant, il ne représente nulle menace, mais si il a le pouvoir d'accomplir ce à quoi il aspire...

D'autres pensent le contraire. Ils affirment que l'enfant est, comme vous le pensez sûrement vous aussi, le symbole même de l'innocence. Si les rages de certains sont célèbres, elles ne durent jamais. Les fantômes, quels qu'ils soient, n'apparaissent que dans le cas de crimes extrêmement violent, de mort terribles, telles que l'esprit reste coincé, à cause d'une affaire à régler, généralement une vengeance. Le fantôme vengeur accomplit toujours des actes bien pires encore que ceux qui l'ont créés. Et pourrait-on imaginer chose plus horrible que d'assassiner un enfant de manière suffisamment ignoble pour que son âme si pure en soit tâchée pour l'éternité ? Vous comprenez le raisonnement.

« J'allais le dire », dit alors Albar, répondant au fantôme, sans bouger.

Il essayait de faire quoi là ?, pensa Efir. Jouer sur l'imprévisibilité était bien beau, mais agir ainsi risquait d'exciter la colère de l'apparition, et personne ne voulait ça. Le jeune homme se tourna vers Albar, chuchotant, comme s'il espérait qu'elle n'entende pas. Peut-être l'espérait il véritablement d'ailleurs.

« Arrête ça, il faut qu'on file !
- Non, maintenant qu'elle est là, fuir ne servira à rien. On doit juste faire face, et tenir jusqu'au matin. Et ne jouons pas son jeu ! Elle ne peut rien nous faire.
- Tu es complètement fou !
- Aie confiance fils, je... »

Il fut interrompu par un nouvel objet, toujours une chaise à ce qu'il semblait, qui venait se fracasser sur le mur, les éclaboussant d'éclats de bois. Efir remarqua alors l'absence de réaction de Lu-Ann, et lui jeta un regard : elle était totalement tétanisée, son visage figé dans un rictus de peur panique.

« Albar, cria alors Efir d'une voix cassée, Lu-Ann ne va pas bien du tout !
- Hihihihi, répondit la voix de l'esprit, ce qui glaça le sang du jeune homme.
- Je le sais Efir, rétorqua Albar d'une voix calme sans prêter attention au rire de la morte. Elle ira mieux quand l'esprit partira. »

La porte claqua, et des petits crissements se firent entendre. Albar changea alors du tout au tout et se leva d'un bond, sans regarder derrière lui tandis qu'il tournait le dos à la porte qui venait d'être ouverte et au fantôme. Il pris Lu-Ann dans ses bras. Efir l'imita, ne regardant pas non plus, même si la tentation de le faire était très grande. Sans un mot Albar se dirigea vers la porte la plus proche d'eux à grands pas, tandis que le crissement se rapprochait. Efir sur ses talons, il ouvrit promptement la porte et la referma aussi vite, tandis que ce qui émettait les crissements était juste derrière la porte.

Efir, curieux et croyant avoir échappé au danger, baissa alors le regard et s'apprêta à regarder par la serrure de la porte, avant d'être arrêté par Albar, qui planta sa dague à travers celle ci. Efir sursauta tandis qu'un hurlement mi-humain mi-animal se fit entendre de l'autre côté de la porte. Albar retira son poignard, couvert d'un épais liquide noir, qu'il essuya dans un des rideaux près de la porte. Il fit alors à Efir un signe pour le suivre, et se mit à courir. Ils avaient débouché dans les cuisines et empruntèrent la première porte venue, donnant accès à énième couloir.

Dieu que ces couloirs semblaient longs... A chaque porte il avait peur qu'elle s'ouvre et qu'un bras en sorte pour l'enlever. Ce ne fut, Dieu merci, pas le cas, et ils se retrouvèrent à nouveau dans la grande salle. Albar brisa alors le pacte du silence qu'ils avaient passé tout aussi silencieusement.

« A l'étage !
- Albar, demanda Efir, la voix tremblante, c'était... C'était ce truc qui nous a suivi dans la forêt ?
- Oui. Et si ça saigne, dit-il en levant sa dague encore légèrement ensanglantée, tu peux tuer. Mais il peut te tuer aussi.
- Et si ça saigne pas ?
- On va tourner à gauche, dit Albar, indiquant bien évidemment la direction à prendre.
- Où on va ?
- N'importe où ! »

Il entra dans une pièce au hasard, et ils se figèrent tous deux – Lu-Ann étant déjà figée. La pièce était une grande chambre, avec un squelette paisiblement allongé sur le lit, au beau milieu de la pièce. Une lumière blafarde illuminait le plafond sans jaillir de nulle part, donnant l'impression qu'elle provenait des orbites du squelette.

Mais ce n'est pas ça qui les mettait mal à l'aise. C'était les chevaliers en terre cuite, grandeur nature, qui entouraient son lit solennellement, leurs regards – si regards ils avaient – tournés vers le mot, comme s'ils attendaient qu'il se réveille.

Plus qu'effrayé, Efir était profondément angoissé par cette vision. Il n'osait pas bouger, de peur que les Chevaliers ne se jettent sur lui, ou ne seraient-ce que bougent la tête. Albar, en revanche, avait l'air attristé. Il chuchota d'un ton triste : « Bayard... ». Posant délicatement Lu-Ann, il s'approcha du lit, prudent, immensément prudent. Efir ne pouvait pas détacher son regard d'Albar, ne comprenant pas pourquoi il faisait ça, jusqu'à ce qu'il remarque le livre que tenait le mort dans sa main dépourvue de chair désormais.

Passant entre les statues, Albar s'approcha du lit, jusqu'à pouvoir saisir le livre. Alors qu'il tendait la main vers celui ci, Efir aurait voulu se jeter sur lui pour l'en empêcher, lui hurler de s'enfuir, ou fuir lui même en hurlant. Mais il ne fit rien et le regarda faire en plissant les yeux, prêt à les fermer si jamais un chevalier bougeait soudainement la tête.

Albar posa sa main sur le livre. Involontairement, Efir se crispa... Mais rien ne se passa. Albar pu le retirer avec douceur de la main du mort, et revenir sans coup férir. Les chevaliers n'étaient peut-être que des statues après tout...

Mettant le livre entre les mains d'Efir, il pris à nouveau Lu-Ann dans ses bras, et se dirigea vers la porte. D'une voix qu'Efir aurait juré être accablée par le chagrin, il dit alors :

« Sortons, il n'y a rien ici... »

Le jeune homme s'exécuta sans broncher, sortant à sa suite sans jeter de regard autour de soi cette fois ci, il l'avait bien compris. Si le monstre les avait suivi, il ne faudrait surtout pas le regarder, Efir y ferait très attention cette fois... Mon Dieu qu'il avait peur... Il n'en pouvait plus, il avait juste envie de courir se cacher quelque part et de hurler un bon coup ! Mais non, il fallait rester calme, feutré... Ça lui était presque impossible... Comment Albar faisait-il ? Il ouvrit la porte d'une autre chambre, vide elle, sans montrer le moindre signe de peur, juste de la prudence. Son attitude était presque désinvolte, et Efir ne comprenait pas comment l'on pouvait avoir autant de retenue dans une telle situation.

« On va se poser là. Je barricade la pièce, pour empêcher l'autre d'entrer, sait-on jamais. Toi tu ne touches à rien ! »

Et, pendant qu'Albar s'affairait, après qu'il ait déposé Lu-Ann avec douceur sur le lit, Efir, qui s'était assis et sa côté et lui tenait la main, ouvrit le fameux livre qu'Albar avait récupéré, poussé par une curiosité maladive, le seul moyen qu'il avait de ne pas devenir dingue. C'était un livre de compte, auquel Efir ne comprenait rien et qui datait de plus de 100 ans, mais, feuilletant les pages, de plus en plus de texte se mit à apparaître. Le premier extrait était très court :

Note à moi même : organiser une battue autour du pavillon, avec des hommes expérimentés. Risques de prédateurs dangereux.

Pendant plusieurs pages les seuls mots ne furent que des notes, puis un jour, 4 mois après cette première phrase, écrit d'une façon hésitante, il y avait un seul mot, suivi d'un petit cœur :

Madeline

C'était à n'en pas douter une écriture d'enfant. Efir en déduisit que c'était la fille de cette homme qui avait voulu lui faire une surprise en écrivant son propre nom dans le journal. Efir passa les pages suivantes jusqu'à tomber sur une simple phrase extrêmement mal écrite et pleine de tâches, comme ci quelqu'un avait pleuré dessus.

Je la retrouverai

C'était tout juste un mois après que l'enfant ait écrit son nom. Ces trois mots ont l'air d'avoir été écrits par un adulte qui devait beaucoup trembler. Il semblerait que la fille – ou un des autres enfants de l'homme, sait-on jamais – avait disparue, et que celui ci, très affecté, avait tenu à consigner ses décisions dans celui ci malgré tout. Pourtant, l'entrée suivante a eu lieu près de deux ans plus tard.

J'ai dit que je partais en voyage pour me changer les idées. Tous ont accepté mon choix sans rien dire, même Albar. Je me sens coupable de leur mentir, mais mieux vaut qu'ils ignorent que je retourne au pavillon. L'endroit n'est pas dangereux pour moi, et j'ai besoin d'être avec elle. Et elle a besoin que je sois là. Je l'aide à aller mieux.

Le pouls s'accélérant, Efir continua à lire, comprenant doucement ce qui se passait. La note suivante n'était pas datée, mais elle était déjà l'avant-dernière.

Les autres esprits me deviennent hostiles. Elle fait ce qu'elle peut pour les contrôler, mais elle n'y parvient plus aussi bien qu'avant. Je crois que c'est à cause de moi en vérité : elle va mieux. Elle est moins en colère, et du coup, elle est moins forte. Mais elle m'a fait un cadeau : les Chevaliers Froids. Elle m'assure qu'ils vont me protéger, qu'ils seront toujours là pour moi et que rien ne pourra m'approcher. Je lui fais confiance, même si j'ai peur que ça ne suffise pas.

Tremblant, Efir tourna la page pour lire la dernière note, à peine lisible.

Trop tard. Plus assez forte. Les Chevaliers Froids ont faillit. Ils sont là, ils sont toujours là. Ils sont là, ils me protègent, ils me veillent. Mais je ne regrette rien. Merci ma chérie. Je t'aime.

Ça s'arrêtait ainsi. Efir, pâle comme un mort, tourna les autres pages vierges, en espérant y trouver quelque chose d'autre, mais rien. Quand il revint à la dernière page, pourtant, un dernier mot était apparu, tracé dans ce qui ressemblait à du sang, dans la même écriture que « Madeline ».

PAPA

Efir referma le bouquin d'un geste compulsif et le jeta un ou deux mètres plus loin sous le coup de la peur. Il avait tout compris, et, s'il n'en était pas moins effrayé, il était triste pour cette fille et son père. Albar fut alerté par le bruit et ramassa le livre promptement.

« Tu m'as presque fait sursauter bougre d'âne !
- Je... Désolé...
- Ce n'est rien. Encore une ou deux heures et le jour se lève. Alors on pourra enfin partir !
- Non, répliqua alors la voix de la petite fille, vous allez rester jouer avec moi pour toujours ! »

Elle leur apparut alors. Petite, frêle, blonde, dans des habits blancs sales, déchirés et couverts de sang. Son visage était plus blanc que pâle, hormis la peau beaucoup plus noire, plus terne, autour des yeux. Elle souriait à pleine dent, et Efir recula promptement en arrière, avant de se raviser et de retourner pour « protéger » Lu-Ann. Il tremblait si fort que le lit faisait du bruit. Albar, lui, n'avait pas bougé, même s'il avait pâli à la vision de l'enfant.

« Vous êtes d'accord ? On va tous jouer, vous en dites quoi ?
- Moi je veux bien qu'on joue mais as tu été une gentille fille ? »

Il y eut un moment de blanc, même de la part de la morte, qui conserva son rictus malsain mais ne dit rien. Efir, lui, ne savait quoi penser. Albar ne s'arrêta pas là cependant :

« C'est bien comme ça que tu as été élevée, non ? Les jeux et les cadeaux, il fallait les mériter, c'est comme ça que t'avais élevé Bayard, non ? »

La température de la pièce chuta alors brusquement et elle donna l'impression de s'assombrir. Efir ne parvenait plus qu'à distinguer une petite tâche blanche là où était la fille, et une grande tâche blanche là où était Albar. Et il vit clairement la plus petite des deux tâches reculer, avant d'avancer brusquement. Elle cria alors, de sa voix la plus terrifiante :

« Comment oses tu parler de...
- Il suffit ! »

Albar fit alors un pas en avant et gifla l'apparition, ou du moins fit comme s'il pouvait. Sa main passa au travers. Madeline, en revanche, avait tout de même fait un petit pas en arrière. Elle fanfaronna alors d'une voix typiquement enfantine :

« Tu ne peux pas me toucher !
- Alors toi non plus, tu ne peux pas me toucher. C'est pour ça que tu as fait venir cette chose, dans la salle de bal : parce que toi, à part lancer un ou deux petits objets, tu ne peux rien nous faire.
- Bien sûr que si ! Et je vais vous montrer que...
- Tu es morte, Madeline, et les morts ne peuvent blesser les vivants.
- Tu ne sais rien !!!!, cria-t-elle alors d'une voix monstrueuse, plus du tout enfantine.
- J'ai connu ton père, même si c'était il y a longtemps. Je suis Albar Tlassin, ne te souviens tu pas de moi ?
- Menteur menteur menteur menteur !
- J'ai assisté à ta naissance. Je t'ai vue grandir. J'ai joué avec toi.
- Tu mens, sale chien ! »

Les objets se soulevèrent d'eux même et se mirent à tourner en rond dans toute la pièce, entourant la petite fille, comme s'ils la protégeaient. Efir senti la main de Lu-Ann bouger, et essayer de l'attirer vers elle. Il s'approcha alors et elle lui chuchota, les larmes aux yeux :

« Elle est triste... »

Efir, ne comprenant pas, regarda à nouveau la petite fille, dont il ne parvenait pas à distinguer les traits. Albar, lui, avançait vers elle.

« Recule !, ordonnait-elle. N'avance pas !
- Tu commences à te souvenir de moi, pas vrai ? Tu te souviens d'Oncle Tassin, toi qui t'es toujours ingéniée à ne pas prononcer le « l » ?
- Ne t'approche pas !!
- Tu étais devenue comme ma fille après tout ce temps. Et puis c'est arrivé...
- Je ne t'entends pas !! »

Albar continuait d'avancer, étant à présent frappé par les meubles. Il n'arrêta pourtant pas, et continua d'avancer, aussi pénible que cela s'avérait être.

« On t'a cherché pendant des semaines entières, on a perdu des dizaines d'hommes dans cette forêt maudite, rien que pour te retrouver. Mais jamais nous n'y sommes parvenus. Et celui qui t'a fait ça non plus n'a jamais été retrouvé.
- La ferme !
- Nous étions tous terriblement abattus. Bayard refusait de s'alimenter et de quitter son siège. Tu lui manquais tellement...
- Tu ne sais rien !, répliqua-t-elle, la voix pleine de larmes désormais.
- Un jour il nous a dit qu'il partait en voyage, qu'il fallait qu'il quitte la région s'il ne voulait pas se laisser dépérir. Nous l'avons cru, ou plutôt nous voulions le croire, et même moi, je l'ai laissé partir sans poser de question. Aujourd'hui, je comprends où il est allé... Il est revenu ici, chez vous.
- Tais toi...
- Est-ce qu'il savait ou est-ce qu'il l'espérait ? Je ne sais pas, mais il t'a trouvée ici. Ton enveloppe n'était plus mais pourtant ton esprit était encore là, pas vrai ? Il avait retrouvé sa fille chérie...
- Papa...
- Mais lui, il vieillissait. Et, sachant qu'il ne serait pas éternel, il a voulu te laisser un petit quelque chose dans ce journal. Tu veux qu'on le regarde ?
- Non... »

Ne prêtant pas attention à sa réponse, Albar ouvrit le livre à la dernière page, qui était vierge, et fit défiler jusqu'à trouver la dernière note. Il n'avait pas eu le temps de le lire, mais la chance, Efir le savait, était avec lui. Il prononça les derniers mots à haute voix. Efir, cette fois, entendit distinctement la petite Madeline fondre en larmes, les meubles retombant tous sur le sol, tandis que Lu-Ann lui serrait le bras, touchée par le chagrin de la fille.

« Papa...
- Ces Chevaliers en terre cuite t'empêchaient d'accéder au livre, pas vrai ?
- Ils... Ils devaient empêcher les monstres de lui faire du mal...
- Mais ils ont mal compris et t'empêchent toi aussi de passer. Mais maintenant le livre est là, dit-il en le lui tendant, ouvert à la dernière page. Les tous derniers mots de ton père y sont écrits, et ils sont pour toi.
- Ton..., commença-t-elle, sanglotant. Tonton Tassin ?
- Oui Madeline, c'est moi. Moi je suis encore là. »

Elle se jeta alors dans les bras d'Albar, voulant l'éteindre. Elle ne put évidemment le toucher, mais elle parvenait à toucher le livre. Elle le pris dans ses petites mains alors que la pièce se fit plus claire tout soudainement. Elle tremblait, tandis qu'elle se concentrait pour lire les derniers mots de son père. Elle se mit à briller légèrement, une larme sur la joue. L'espace d'un très court instant, son apparence changea brusquement, devenant celle d'une véritable enfant, belle et fraîche comme la rosée du matin. L'instant d'après, elle avait disparu, et le livre était tombé par terre.

Lu-Ann pris alors une grande inspiration, comme ci elle avait retenu son souffle pendant des heures. Cela voulait-il dire que c'était fini ? Efir, qui lui aussi avait le souffle court, se tourna vers Albar.

« C'est fini ? »

Quand il se tourna vers eux, tous deux virent clairement qu'il pleurait. Son visage rayonnait pourtant, et dans un sourire sincère, il leur dit :

« Oui. »

Albar

Albar


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