Vallée paisible
_____La caravane s'étirait le long de la route, avançant lentement, au rythme des meuglements des bêtes de somme et des cris des hommes. Gauvin regagnait la capitale aprés avoir fait fructifier ses affaires au port d'Arknous. C'était un marchand riche et prospère, habile dans les négociations qui avait fortune auprés des sarrazins. Certaines personnes de "bien" se détournaient à son passage et négligeaient sa marchandise "païenne" mais dans l'ensemble, l'intérêt suscité par ces contrées attirait la clientèle. Au lieu de suivre les grans axes commerciaux du royaume, il avait pour habitude de parcourir les campagnes délaissées par la plupart de ses confrères. Ce fut ainsi que sur la fin de l'automne, il se retrouva à suivre la vallée de l'Yrie.
_____Ce choix allongeait sa route de plusieurs jours et l'exposait à subir les attaques de troupes de bandits. Mais à la veille de l'hiver, les habitants de la vallée avait besoin de bois, d'osier et de laine, pour s'occuper au coin du feu. Au printemps, corbeilles, sculptures et vêtements recherchés dans les villes, remplissaient en retour ses chariots. Bien entendu, à cause de sa renommée, de ses marchandises et des liquidités qu'ils transportaient avec lui, Gauvin n'était pas seul. Il avait à sa solde, sa propre milice, aguerrie et bien entrainée.
_____Le convoi composé d'une vingtaine de chariots en rang serré, avait une organisation parfaite. Chacun était tiré par une paire de boeuf, et aucune marque ne les distinguait, masquant ainsi leur usage respectif, à l'attention des voleurs. Un bouvier menait chaque atelage de sa baguette. Une matronne faisait la cuisine pour tous. Quatre piquiers entouraient chaque chariot, afin de briser toute tentative de charge. Une vingtaine de cavaliers complétaient l'escorte, galopant sans cesse le long de la caravane. Pour finir quatre éclaireurs prévenaient toute surprise venant de l'avant comme de l'arrière. Tout le monde s'assemblait le soir autour des feux de camp où chacun avait également sa place attitré.
_____Gauvin chevauchait en tête au coté du chef de la milice, homme d'une stature herculéenne et d'un grand mérite, et dont les ordres étaient suivis sans discussions. Bien que parfait dans son rôle, il parlait autant qu'une pierre et répondait par monosyllabe. Le marchand n'insistait plus et profitait du paysage et de la douceur exceptionel du temps. Il regardait avec admiration, les hautes falaises qui s'élevaient au dessus des arbres, à deux ou trois lieues de la route. C'était la barre des Trils qui bordait la vallée de l'Yrie sur plus d'une centaine de kilomètres. Au dessus, le plateau des quatre vents, était un espace vide et désolé, dénué de toutes ressources. En face le paysage était plus arrondi et les collines aux noms plus ou moins définis se succédaient.
_____Alors qu'il revassait, bien installé sur sa selle, il fut rejoint par l'un de ses éclaireurs. Ce dernier s'approcha et dicrètement fit part aux deux hommes de tête de la raison de son retour aussi subit. Quelques instant plus tard, il repartait au galop, accompagné du marchand. Sur un signe de leur supérieur, deux cavaliers s'élancèrent à leur suite ainsi que ainsi qu'une dizaine de piquiers, le convoi se réorganisant avec une fluidité étonnante, comme s'il se fut agit d'un entrainement.
* * *