- Sujet de l’épreuve:
Racontes comment tu as rejoint Espoir et comment tu as vécu ton retour à Sent'sura
C’était peu après la Grande Bataille, comme ils l’appelaient maintenant. Les démons adorent donner des noms retentissant à leur victoire, j’imagine. La Grande Bataille, le Massacre de Flore, la Conquête de Ciel … les voir évoquer ces évènements avec autant de fierté et de joie, me donne la nausée. Ces imbéciles ne comprennent même pas le mal qu’ils ont fait à notre monde. Ce qui me met encore plus en colère, c’est de devoir sourire à leurs faces alors que je voudrais les déchirer de mes griffes jusqu’à pouvoir les vendre comme vêtements. Ça ne me le ramènerait pas, les sages diraient que ça n’apaiserait même pas ma douleur, mais qu’est ce que je peux m’en foutre ! Si ça ne suffit pas et bien, je trouverais une autre manière de les faire souffrir et je recommencerais. Avec leur nombre, mon imagination n’a que peu de limites.
C’est un peu ainsi que je passe mes journées ces derniers mois. A détester tout le monde, sauf ceux qui ont aussi mal que moi, que je ne fais que prendre en pitié. Ceux qui ont également perdu quelqu’un, et que je vois pleurer régulièrement. Je n’en veux pas à Galaad, ou aux Glaces. Pas tout le temps. J’ai juste l’impression d’être vide et inutile, toujours bouillante de rage. Mais malgré toute ma haine, je sais que me sacrifier pour en tuer quelques uns ne sert à rien. Et il détestait les actions inutiles. Ça le fatiguait. Je n’ai pas envie de le croiser dans les lymbes avec un “Tssss...” excédé de ce comportement de gamine gâtée que j’avais en le rencontrant. Pourtant la rébellion me manque.
De façon incompréhensible, je ne veux pas tirer un trait sur tout ce que nous avons fait. Les planques entre espions, les marchés pour récolter des informations auprès des commerçants ou des notables, les ventes à la sauvette pour se faire quelques piècettes et financer le repas du soir. Je finis par croire que toute cette histoire est ce qui me tient debout aujourd’hui. Avoir su repérer les rondes des soldats, avoir supporter la libération des souverains. Souvent la nuit, seule sur ma couche, j’ai froid parce qu’il n’est plus là, et je ne finis par m’endormir qu’en repensant à ces missions réussies. Certains noms me reviennent, Umi ma supérieure notamment. D’autres aussi qui avaient risqué leur vie en se mettant au service du démon pour mieux le poignarder dans le dos.
Je soupire, assise sur un tronc d’arbre mis à bas par le vent. Je ne sais plus depuis combien de temps je ressasse ces idées noires aujourd’hui. La forêt n’est pas vraiment calme, mais le bruit des animaux et de la nature autour de moi produit un brouhaha qui couvre parfois mes pensées. Et puis surtout, il n’y a personne qui passe sur cette route. Et c’est exactement ce que j’ai envie de voir. Personne à perte de vue. Je serai prête à m’allonger quand soudain quelque chose m’arrête. Une ombre dans la forêt qui me fait froncer les sourcils. Une sorte de… silhouette encapuchonnée qui se rapproche. Mes bracelets cliquettent à mon poignet alors que mes yeux se braquent sur l’inopportun voyageur. C’était bien malavisé de venir troubler une sargonne alors que ses tripes s’enflammaient à la moindre contrariété.
Les deux pupilles colorées se braquent avec insistance sur l’ombre qui avance. Quelque chose me dérange sans savoir pourquoi. Quelque chose de … familier peut être? Personne ne vient jamais ici, même si les autres savent où me trouver, en théorie. Ma tête se penche légèrement, allongeant Mon cou trop fin de manière étrange. Est-ce possible que …? Je me redresse de toute ma hauteur (autant dire de rien mais ne soyons pas désagréable) pour mieux discerner celle qui arrive vers moi. Je suis sûre de reconnaître la chef des espions de la Rébellion, instinctivement sans pour autant comprendre ce qu’elle pourrait faire là. C’est bizarre… Ou alors je suis en train de rêver. Comme si elle ne collait pas dans ce paysage, dans ces pensées qui me rongent depuis des semaines. Elle s’arrête pourtant à ma hauteur et c’est le son de sa voix qui me fait sortir de mon immobilisme attentif.
Umi me parle quelques instants ou un long moment, une proposition que je ne refuserai pour rien au monde. J’imagine qu’elle le sait, que c’est peut être pour cela qu’elle est venue. Le simple fait qu’elle se souvienne de moi me fait du bien en fait. Ce qui est totalement stupide et enfantin même pour moi, mais tout de même. Au fur et à mesure qu’elle m’explique j’hoche la tête de plus en plus convaincue. Je sens qu’une flamme brûle en moi, une sorte de fierté retrouvé. Je ne sais pas trop pour qui elle travaille, mais elle n’a pas stoppé le combat. C’est une évidence dans ses mots. Et je me fous un peu de qui est derrière pourvu que l’Aile en souffre. Il ne me faut pas grand chose, j’accepte juste de rencontrer son chef. Au pire je risque quoi sérieusement. On se mettra en marche le lendemain et je laisserai mon coin de forêt déprimé derrière moi.
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Le parchemin m’indiquant le chemin de l’atelier se froisse à cause du vent qui s’engouffre dans l’aller encombrée de Sent’sura. Si bien que je suis obligée de posée à terre mon baluchon pour tenir la feuille de papier et y lire les indications grossières du soit disant plan. Un ricanement amusée passe mes lèvres. Moi qui suis sensée être une nouvelle venue dans la ville, heureusement que je connais ces rues du quartiers Tisserand. Sinon je pouvais chercher mon nouveau chez moi pendant des heures dans en approcher. On me bouscule sur ma gauche sans que je n’esquisse le moindre mouvement de mécontentement. J’ai fini par comprendre il y a des années qu’ici on pouvait tomber sur des citoyens honnêtes comme sur des gens beaucoup plus dangereux. Et je n’ai pas l’intention de me faire remarquer… enfin plus autant que lorsque j’ai mis la première fois les pieds dans ce quartier.
Je ramasse mon sac et me dirige avec l’adresse de ceux qui connaissent les pavés mal ajustés et les mouvements de gens. Souvent de trois quarts, je trace mon chemin un sourire carnassier aux lèvres. C’est bête mais… je suis à mon aise au fur et à mesure. Au début, être la plaque tournante d’un certains nombres de trafic à Sent’sura me paraissait suffisamment dangereux pour me tenir occupée.
La ville devait avoir changé. C’était ce que je me répétais. Mais en fait à part les bâtiments qui avaient autrefois porté les couleurs de la Royauté et qui avaient aujourd’hui revêtu celles de l’Empire, il n’y avait que les mêmes transactions, les mêmes salutations, le même mode de vie rythmé par les adorateurs de Zelphos.
Des cris et des dangers que je connaissais par coeur. Et ça ne me donnait que plus envie de dévorer ces démons prétentieux. De les mener par le bouts du nez, pour que les autres puissent venir faire exploser leurs familles et leurs maisons. La capitale n’était plus qu’un cocon familier dont je comptais devenir le plus grand prédateur. Aujourd’hui, c’était ce sentiment de puissance qui gonflait ma poitrine où pénétrait l’air emplie d’odeur de colorants et de teinture dans lesquelles on plongeait les tissus importés de tout Terra. Plus de peur, plus de doute. rien qui n’aurait pu me détourner depuis que j’avais passer le pont de Sent’sura.
Certains auraient pu dire que j’étais inconsciente. Je leur aurais alors dit que ce n’était pas nouveau. On avait toujours saluer ma verve, mon empressement à rire du danger, ma façon de dire tout haut ce que tout un chacun pouvait penser. Peu importe les conséquences. A la fois mon pire défaut et surement ma plus grande qualité. La Sargonne qui avait quitté Ciel avec pour seule désir de connaître des aventures amusantes et romantiques, ce n’était plus moi. Ce n’était plus moi depuis ce jour de la prise du château où j’avais perdu ma quiétude de jeune fille.
Et aujourd’hui, j’espérais plus que tout, non j’étais persuadée en poussant la porte de la boutique que j’étais venue diriger que je ferais partie des rouages qui leur ferait regretter cela nuit après nuit.