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- Les infidèles sont partout... même dans le culte de Yehadiel. Hier encore, vous en avez surpris un qui parlait dans une étrange sphère d'où sortait une voix démoniaque. Vous n'avez pas de preuve mais vous êtes certain qu'il s'agit d'un espion à la solde de l'Archidémon. Débusquez le traître ! Amenez-le à la justice, ou faites là vous même. En chasse !
La situation posait un cas de conscience. Non seulement je n'étais sûre de rien, mais Geralt s'était toujours montré enthousiaste aux démonstrations de foi. Imaginer une seule seconde qu'il soit un espion ... si moi-même, après ce que j'avais vu, ne pouvais y croire, comment convaincre qui que ce soit sans preuve ? Non, je devais en avoir le cœur net. Et une fois que le doute ne serait plus permis, alors Geralt recevrait son châtiment.
C'était bien plus simple de simplement chasser les démons terraniens et les morts-vivants. Mes sens me guidaient et mon instinct ne me trompait jamais sur ma cible. Le doute n'est pas dans ma nature : je choisis ma cible, et je l'exécute. Mais l'Ordre Nouveau de Yehadiel était comme une seconde meute pour moi, et chasser les compagnons de ma propre meute n'était pas naturel. C'est pour ça que j'étais devant lui, au dos du temple.
- C'est rare que tu ouvres la bouche Vigdis, et encore plus pour parler à quelqu'un en tête-à-tête. Tu as un soucis pour une mission et tu ne veux pas que les autres le sachent ?Je balayai l'éventualité d'un revers de la main. Je suis fière, mais pas au point de me cacher pour avouer avoir besoin d'aide quand c'est le cas. Geralt le savait bien, il n'avait dit ça que pour me taquiner. Ce qui rendait ce que j'avais à dire autrement plus complexe : côtoyer cet homme attisait mes doutes quand à ce que j'avais cru voir.
- Bien sûr que non. Je ne me cache pas quand j'ai besoin d'aide, ne soit pas ridicule. Ça ne nous regarde que tous les deux, c'est tout. Pour le moment.- Ho. Euh ... HA ! Oui mais non ... enfin, je veux dire ... Je t'aime bien Vigdis, hein, mais t'es pas vraiment mon genre, et ... hum.Je foudroyai Geralt du regard. Comment pouvait-il imaginer une seule seconde ce genre de choses ! Il savait très bien que je cherchais un homme fort et fier, pas un prieur comme lui, qui restait au temple presque en continu pour s'occuper "du salut des âmes" et trier la paperasse.
- Ne dis pas n'importe quoi Geralt ! Tant pis, je ne suis pas douée pour prendre des gants. Je t'ai vu parler dans une sphère : la voix qui te répondait n'avait rien d'humaine. Qu'était-ce ?Je ne voulais pas l'accuser devant tout le monde si il n'avait rien fait de mal. Autant pour ne pas avoir l'air stupide que pour ne pas lui attirer d'ennuis ou de suspicions inutiles. Mais quoiqu'il en soit, nous abordions le cœur du sujet : la sphère. Il pouvait y avoir plein d'explications, après tout, n'est-ce pas ?
- Oh ? ça ? Ce n'était rien. Une petite sphère de communication. J'ai de la famille qui est restée sur le continent, on garde le contact comme ça. Mais avec le temps qu'il fait ici, les voix sont assez déformées. Je suis un peu gêné, je n'aime pas trop parler d'eux ...Mon visage se referma. Geralt mentait. S'il s'était douté que j'allais embrayer sur le sujet, il aurait pus travailler son jeu d'acteur et me convaincre : après tout, il avait été parmi les premiers de l'Ordre que j'avais rencontrés. Pendant l'année écoulée, il s'était toujours montré jovial et à l'écoute de tous : presque un modèle pour les autres membres du Souffle de Vie. Et tout cela n'avait été qu'un mensonge. Je le voyais dans sa posture, je l'entendais dans l'infime hésitation de sa voix. Je décrochai doucement la poignée d'une épée courte de mon dos. Raffermissant ma prise et ma volonté, mon regard se durcit quand je le posais à nouveau sur celui que j'avais pris pour un ami.
- J'aurais préféré que tu mentes mieux Geralt. Ou que tu ais été sincère.Son attitude changea. Comme une fumée qui s'élève, ce qui faisait de lui un prêtre de Yehadiel sembla s'évaporer. Le masque tombé, les subtils changements qu'il s'était imposés une fois disparus, je ne pouvais plus douter du fait qu'il s'était bel et bien agit d'un espion. Que tout ce que je croyais savoir de lui n'était qu'un mensonge.
- Tu peux te faire appeler Bryenshot, Vigdis. Mais ce n'est pas parce que je me suis caché que je suis incapable de me défendre. Range ça avant que je doive te blesser.- Je ne peux pas.Je saisis la poignée de l'arme de mes deux mains, alors qu'une lame de glace se formait à son extrémité. Je n'étais pas dans mon élément, la surprise, mais je ne laisserais pas un traître s'en tirer. Secouant la tête, il se contenta de pointer le doigt vers moi.
Je plongeai, et bien m'en prit. Un rayon rouge venait de frapper le mur là où je me trouvais un peu plus tôt. L'énergie était malsaine, je le sentais d'ici. Je me mis à tourner doucement autour de Geralt, D'un mouvement ample, je générai un couteau de glace et l'envoyai dans sa direction. Il se contenta de le coincer entre deux doigts.
- ça ne marchera pas.Je me mordis la lèvre. Il avait raison, je ne pouvais pas me permettre d'y aller doucement. Je pris quelques pas d'élan, et le vrai combat commença. Je devais bondir, rester en mouvement pour pouvoir esquiver ses assauts. Lui restait immobile. Mais il se fatiguait tout de même, sa magie puisait dans ses ressources. Je m'autorisais une pensée encourageante, pensant pouvoir profiter de la situation pour l'épuiser : erreur. Un rai d'énergie m'atteint à l'épaule de mon bras d'arme. Je lâchai un cri de douleur et mon arme, mais gardais l'esprit clair : je devais bouger vite.
La transformation fut rapide, et me servit à bondir plus loin que ne m'auraient portées mes jambes humaines, à savoir hors de portée de l'attaque suivante. Je repris forme humaine avant de toucher terre, roulant sur le sol et dégainant une nouvelle poignée pour former une lame. J'avais été entraînée à coordonner mes mouvements avec ma transformation depuis que je savais l'utiliser. C'était un atout de poids de pouvoir jouer ainsi entre la puissance du chien et l'agilité et les armes humaines.
Bouger. Je devais passer à l'offensive. J'étais blessée, esquiver et attendre qu'il se fatigue ne suffirait plus. Je jetais l'arme vers Geralt, et pris deux foulées avant de bondir en me transformant à nouveau. Geralt avait fait l'erreur de briser la lame de glace. Au plus haut de mon saut, je repris forme humaine, lui jetant une volée de dagues de lancer de glace. A peine cela fait, je retrouvais ma fourrure pour finir en lui fondant dessus sous ma forme canine. Nous roulâmes sur le sol, mais il parvint à me repousser : qu'importe, mes griffes avaient tracé un sillon sur son bras droit, dont il s'était servit pour se protéger le visage. Pas de répit.
Je repartis à l'assaut, dégainant mes dagues de glace, et me portant au contact. Mon souffle était déjà court, je sentais mon corps protester : la transformation étirait et modelait les chairs après tout. Même s'il elle se faisait sans douleur et que j'arrivais à la faire intervenir rapidement, la tension occasionnée sur mon corps n'était pas bénigne. Pas de relâchement. Les lames de glace fendaient l'air. Geralt parvenait à en esquiver une bonne partie : il était vraiment bien plus dangereux que je ne l'aurais cru. Frappant judicieusement, il brisait parfois même les lames, que je devais reformer aussitôt. Mais la fatigue prenait place en lui aussi. La glace entailla ses chairs en plusieurs endroit, et la douleurs gênait l'utilisation de son bras droit autant que du mien.
Finalement, je me projetais en avant, le renversant. Ma lame s'arrêta sur sa gorge. Nos deux souffles cherchaient désespérément une source d'oxygène pour alimenter nos corps en énergie. Ce moment de suspend ne dura que deux dixièmes de seconde. Pourtant nos regards se croisèrent, et j'y lu une haine sans fond. La lame mordit dans la chair du cou, taillant son sillon sanglant dans la tuyauterie organique, sectionnant ce qui reliait Geralt à la vie. Je sentis également une douleur intense dans le ventre. Je roulai sur le côté, gémissante, pendant que Geralt finissait d'agoniser.
J'avais le ventre brûlé, tout comme l'épaule. Non, ce n'était pas vraiment une brûlure : la blessure aurait été autrement dérangeante, et pas seulement douloureuse, si elle relevait d'une source de chaleur. Je passais une main sur la zone de mon abdomen touchée. la blessure n'était pas profonde, sans doute en partie grâce au cuir et à la fatigue de mon agresseur : après tout, mon épaule était en bien plus mauvais état. Maintenant que l'adrénaline refluait, le sang qui en coulait et la douleur intense se rappelaient à mon bon souvenir, surtout que j'avais forcé dessus, aggravant sans doute les dommages. Voilà un bras dont je ne pourrais pas me servir pendant quelques semaines. Dans le meilleur des cas. Mon ventre ... mes doigts qui étaient partis explorer ne revinrent même pas tâchés de sang. Mais j'avais sentis des chairs en parties cautérisées.
La sueur qui perlait à mon front mêlait fatigue, douleur et, en partie aussi sans doute, peur. Je ne regrettais pas d'avoir tué Geralt, il ne m'avait de toute façon pas laissé le choix. Mais avoir du m'attaquer à quelqu'un dont je m'étais sentis proche, même un peu seulement, était une expérience que j'aurais voulu ne jamais vivre. Je hurlais : de douleur, de détresse aussi, pour alerter de ma présence, de la situation. Et l'on m'entendit.
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Je suis restée deux jours et deux nuit alitée. La magie corrompue avait provoqué, en plus des blessures, de la fièvre et des hallucinations. Les prêtres de l'Ordre avaient pris soin de purger mon corps, d'apaiser mon âme. Mon épaule était sauvée, mais je devrais la porter en écharpe pendant deux semaines entières. Mais aujourd'hui, ce n'était pas mon traitement qui m'occupait ; aujourd'hui, je devais être entendue pour mon rapport.
Je leur parlais de la sphère, qu'ils avaient déjà retrouvée dans les effets personnels de Geralt. De mon refus de les prévenir, pour éviter des ennuis injustifiés à celui que j'avais malgré tout continué de considérer comme un ami. De notre explication, derrière le temple. La nature du mal qui m'avait étreinte parlait en ma faveur. Je ne pouvais pourtant me détacher d'un sentiment de honte et de méfiance diffus. J'avais levé la main sur un membre de l'Ordre Nouveau, c'est vrai : mais si Geralt était un traître, qui, parmi ceux qui composaient l'ordre aujourd'hui, était encore digne de confiance ?