Une vague explosa sur la coque du navire, éclaboussant le visage déjà trempé par une pluie qui n'en finissait pas du mercenaire. Ses cheveux suivaient les caprices du vent et lui fouettaient régulièrement la face, mais il gardait toutefois les mains dans les poches et le dos droit. La chute de son manteau claquait contre ses jambes ou volait dans son dos, seulement retenue par ses pognes fermement collées à sa taille,
Sigmar s'efforçait de conserver sa position tandis qu'ils approchaient du port, esquivant avec soin les navires, et gardait les yeux rivés vers les murailles gigantesques de la cité de Cardrak. En dépit de son lieu de naissance, il n'avait jamais eu l'occasion de s'y rendre, et n'avait entendu de la ville que des récits faisant éloge de la prestance de l'endroit.
Comme souvent, les récits étaient disproportionnés; il avait pu le constater en parcourant le reste du monde. Sen'tsura était une cité qui dépassait de loin Cardrak, esthétiquement, mais quand le navire accosta et qu'il put mettre pied à terre, se retrouvant au pied de cette imposante muraille, il se sentit écrasé.
Si la capitale de Saline n'était pas un chef d'oeuvre d'architecture comme l'était celle de Terre, elle dégageait un sentiment de puissance brute qui allait de pair avec les moeurs de l'endroit.
Il avait été contrôlé une première fois en mer par des navires garde-cotes, et un nouveau contrôle l'attendait aux portes de la capitale. Heureusement pour lui, le mercenaire avait fait le bon choix de navire, et n'était même pas tombé sur des contrebandiers, aussi le premier contrôle s'était passé sans la moindre altercation. Et le second se passa de la même manière tandis qu'il cédait ses armes à regret aux veilleurs de la porte, une fois assuré qu'il pourrait les récupérer en quittant la ville.
En plus de la privation de ses armes, le mercenaire fut soumis à une interminable série de questions et à plusieurs tentatives d'intimidation qui se soldèrent par de cuisants échecs. Les gardes considérèrent que sa version de son exil volontaire était valable, et que les raisons de ce dernier l'étaient tout autant. Aussi estimèrent-ils qu'il pouvait pénétrer au sein de leur capitale. Sous cette satanée pluie, qui n'en finissait pas.
Les jambes alourdies par son interminable voyage, le quadragénaire en devenir se hasarda au détour de la première rue qu'il traversa, puis enchaîna rue sur rue jusqu'à déboucher sur une place qui acheva de faire son avis sur la ville. Cardrak n'était pas une oeuvre d'art, c'était une formidable performance architecturale qui illustrait à la perfection une rigueur martiale que le Salinéen affectionnait tout particulièrement, à l'instar de ses pairs.
Harassé, désarmé et trempé, le mercenaire s'engagea dans la première auberge qu'il trouvât et s'y installa pour la nuit. Le lit était loin d'être confortable comme avaient pu l'être ceux d'autres auberges, d'autres lieux, mais il était chez lui. La pluie; toujours elle, le lui rappelait constamment en battant une mesure chaotique sur le toit de sa chambre. La pluie, et le froid, mordant et pénétrant, qui maintenait ses muscles en éveil et lui faisait regretter d'avoir fait un trait sur sa barbe.
Doucement, ses paupières se fermèrent et le soleil ne tarda pas à le gagner, bientôt relevé par des souvenirs sous forme de rêves. Il était chez lui.