Pouvoir rentrer dans la peau d'une once n'est pas toujours synonyme de sécurité. Raconte un jour où Aisling fut prise en chasse par tout un groupe de chasseurs téméraires.
Epreuve
« La bête blanche et noire est visible dans le noir et sur le blanc... »
Aisling venait de finir son service à la Taverne où elle travaillait pour payer son futur (et hypothétique) voyage. Il était tard, la nuit était tombée depuis un moment déjà. Elle sortit calmement, sa besace qui ne la quittait plus frappant contre son flanc. Elle masquait mal son impatience mais se forçait à un pas régulier. Elle parvint devant sa maison. "Maison" était peut-être exagéré pour décrire la grande cabane qui se trouvait face à elle, et qu'elle louait bien trop cher à son goût. Elle enfonça la clé dans la serrure, et accrocha son sac et son manteau au crochet qui sortait du mur, à côté de la porte. Elle ressortit aussi vite qu'elle était entrée et ferma la porte à clef.
Elle ne s'arrêta de courir que lorsqu'elle fut hors de vue de Cardrak. Là elle se transforma en once (il était temps, elle commençait à avoir froid). Elle se roula dans la neige et bondit, tel un animal sauvage qu'on aurait enfermé trop longtemps, ce qui était approchant de la réalité. Aisling faisait des efforts pour maîtriser l'instinct animal qui pulsait en elle, dans chaque particule de son corps. Ce serait si facile de se laisser aller... Etre totalement libre... Un sifflement près de son oreille la fit bondir et se retourner. Des chasseurs, au moins dix. Une nouvelle flèche caressa sa fourrure, sans entailler la chair. Il y avait donc deux bons archers minimum.
Aisling ne perdit pas une seconde et fit volte-face en un éclair. Elle bondissait comme jamais elle ne l'avait fait. Mais elle luttait intérieurement aussi. La panique ne l'aidait pas du tout. Et il n'y avait aucune forêt autour d'elle ! Juste une plaine enneigée étendue à l'infini, parcourue par endroits d'énormes congères. Aisling redoubla d'efforts, elle ne pensait désormais plus qu'à sauver sa peau. Elle parvint rapidement hors de vue des chasseurs, mais elle ne tiendrait pas cette allure longtemps. Et leurs archers avaient l'air plutôt doués. Elle dérapa et se terra derrière une congère.
Et si elle leur montrait sa vraie nature ? Ils seraient énervés mais la laisseraient vivre. Non. Personne ne devait savoir. Elle était un monstre, une bête sauvage qui voulait manger ses parents. Une abomination de la nature, une... Elle se ressaisit. Se rendant compte qu'elle préférait mourir plutôt que de choisir cette option, elle continua de réfléchir. Son ouïe de félin entendait les hurlements des chasseurs qui se rapprochaient de seconde en seconde. Etait-elle vraiment un monstre ? Elle soupira de soulagement et laissa glisser sa peau de serpent sur la neige, silencieusement, presque invisible. Ils pourraient la chercher longtemps...