Le peuple nouvellement unifié fut invité à se rassembler dans la grande cour devant le palais royal flambant neuf de l'émirat. La structure brillait d'un éclat cuivré qui faisait miroiter les rayons du soleil tel un diamant rutilant. Des palmiers furent plantés tout au long du chemin menant à la demeure de l'émir Al-Mansur. Le chemin de sable était bien entretenu et pourtant simple, reflétant une certaine humilité. Toutes les structures en réalité avaient cette simplicité et cette modestie dans leurs formes et leurs apparences qu'elles en devenaient brillantes d'une aura de prestance rare. Les nomades récemment habitués à la sédentarisation avaient gardé néanmoins leurs vielles habitudes. Ils portaient toujours leurs fins vêtements et leurs cagoules de soie. Nombreux portaient leurs armes, habitude née des années de méfiance dans la vie dans le désert aux mille dangers. Néanmoins tous semblaient vivre dans une harmonie presque parfaite, s'échangeant des politesses et se serrant la main avec affection. On aurait dit que la cité elle-même recouvrait tous ses habitants d'un manteau de quiétude et de sérénité. Unifiés dans le sang et l'effort, les hommes des sables venaient de renaître, plus purs que jamais, galvanisés par une conviction solide comme le diamant. Les lions indomptables avaient trouvé leur alpha, et désormais ils œuvraient ensemble pour un bien commun.

Ils patientaient tous devant les portes du palais, désireux d'écouter et surtout de revoir leur protecteur. Dans leurs cœurs couvaient cet amour toujours grandissant pour le nouvel émir. Les hommes le traitaient avec respect, les femmes ne cessaient pas de parler de lui et les enfants l'élevaient au rang d'héros de conte. Il était le parfait exemple pour la jeunesse florissante. Humble, bon , charitable, consciencieux et éduqué. Il sut conquérir le cœur de tous , chacun désirait prouver sa valeur pour briller devant les yeux de leur idole. Une nouvelle société, un nouveau régime.

Tandis que les gens discutaient entre eux à l'ombre des murs et des plantes, un bruit métallique attirât leur intention : les portes s'ouvraient pour laisser place à l'homme tant attendu. D'abord, vinrent des gardes en armures légères, véritables tigres armés de larges sabres. Puis apparut le glorieux seigneur, vêtu modestement d'une djellaba immaculée dans la capuche pointue était rabattue sur ses cheveux couleur de miel. Il s'exhibait ainsi comme l'homme du peuple, simple et pourtant nimbée de noblesse et de prestance. Des cris de joie et d'admiration s'échappèrent de la foule et tous tendaient la main en clamant le nom de leur sauveur. Al-Mansur sourit tendrement, touché par autant d'amour dans l'air. Son cœur s'inonda d'une profonde fierté mêlée à la joie. Il salua son public avant de lever la main pour demander le silence. Dés que le calme reprit ses droits, l'émir s'éclaircit la gorge avant de déclarer d'une voix calme mais débordante d'émotion et de sincérité :

"_ Cher peuple ... mes amis, mes frères ! Nous sommes réunis ici pour tout d'abord célébrer ensemble l’achèvement de la construction de la grande muraille ! Comme vous le savez tous, nous avons activement préparé des ressources pour finir dans les plus brefs délais la construction de notre merveilleuse cité qui sera, je l'espère, le berceau d'un nouvel ordre et le symbole de la paix ! Je tenais aussi à vous informer de certaines nouvelles réjouissantes. "

Il toussa légèrement, puis fixa de nouveau la foule avec son regard franc, dur mais noble. Il leva ses mains hautes dans le ciel et dit de nouveau à voix haute :

"_ En tant qu'émir, j'ai aussitôt œuvré pour notre bien commun. Je suis votre père, votre protecteur, mais aussi votre serviteur et votre camarade ! Et je tiens à vous faire une promesse !"

Il serra sa main droite très fort, envahi soudain par une intime conviction et tremblant d'une glorieuse émotion. Un politicien qui commence à goûter à l'excitation des discours.

" _ Tant que je serais en vie, chacun de mes actes et de mes paroles n'auront pour but que de vous protéger et vous offrir un monde meilleur ! Et ensemble , nous unirons tous nos frères égarés du pays de Feu sous une seule bannière, et nous chasserons les envahisseurs pour enfin purifier nos terres ! "

Une exclamation bruyante résonna autour de l'émir, tous criaient " Gloire au futur Sultan ! ". Un spectacle extraordinaire digne de la naissance d'une nouvelle idéologie, plus puissante que jamais. Les paroles de ce brave homme pénétraient les cœurs les plus durs et faisaient resurgir des larmes d'émoi chez les plus sévères. L'émotion générale était à son comble, et Al-Mansur continua dans sa lancée :

"_ Je vais vous faire part de quelques-unes de mes décisions et actions : Premièrement , j'ai ordonné depuis quelques semaines la construction de deux forts. Le fort Abyad (Blanc) et le fort Asswad (Noir). Le premier sera bâtit à l'est de notre cité, dans le but de protéger notre riche mine de platine et de surveiller nos frontières contre toute menace orientale. Le second fort sera construit au sud-ouest , et servira d'avant-poste pour surveiller la mer contre tout danger et pour protéger notre port contre les attaques maritimes. Et en parlant de port, sachez que notre commerce de marchandises de Feu rencontre un front succès, et nos bénéfices grimpent à un rythme encourageant ! "

Des murmures appréciateurs furent échangés au sein des spectateurs. Le seigneur poursuivit ensuite :

"_ Mes conseillers et moi avons aussi mis au point plusieurs lois de conduite pour organiser notre communauté ! Nous avons fait en sorte de garder nombre de nos traditions tout en supprimant celles qui défiguraient notre image et nous rapprochaient de bêtes sauvages et impitoyables. Un homme de Feu digne de ce nom doit être comme le palmier : ses feuilles ne doivent jamais tomber ! Ainsi je vous invite tous à respecter ces nouvelles lois. Désormais la complaisance et la luxure seront refoulées. Les maisons de plaisirs ne seront plus, car vendre son corps et un acte répugnant contraire au vrai amour. Les tavernes devront servir des boissons douces, et il est interdit de s'enivrer , car l'ivresse n'est qu'une source de problèmes. Le meurtre et le vol seront punis en fonction de leur gravité. Ce seront les principales restrictions que vous allez devoir adopter. Mais n'ayez crainte, car vous verrez à quel point notre communauté s'embellira sous nos directives."

Al-Mansur laissa planer un moment ses nouveaux ordres pour qu'ils fassent leur effet. Si certaines personnes froncèrent les sourcils , la majorité des réactions furent favorables, et bientôt tout le monde hocha la tête d'un air approbateur. L'émir s'empara d'une tasse en terre cuite pleine d'eau fraîche et but le contenu rafraîchissant avec délicatesse. Rassasié , il se retourna vers son auditoire.

"_ J'ai enfin quelques dernières choses à vous dire : J'ai organisé en ce moment même une grande distribution de nourriture, de vêtements et d'autres objets pour les pauvres et les démunis. Je vous invite aussi, mon cher peuple, à offrir des dons afin d'alimenter le coffre et ainsi aider nos citoyens les plus malchanceux. Ensemble, nous éradiquerons nos malheurs. J'annonce aussi que la nouvelle infirmerie de l'émirat est ouverte gratuitement à tous ! N'hésitez donc pas à solliciter l'aide de nos habiles médecins. Enfin, nous allons organiser un festival de musique et de danse ainsi qu'une parade militaire pour célébrer cette grande journée ! Profitez pleinement de cet amusement, car j'aimerais que demain votre ardeur à aider à l'évolution de notre cité n'en soit que plus flamboyante ! Gloire à notre émirat ! "

La foule hurla de joie et de bonheur, et un applaudissement tonitruant répondit à la fin du discours d'Al-Mansur. Ce dernier sourit, leva les mains pour accueillir ses protégés. On chantait, dansait, pleurait, applaudissait. Des ennemis se serraient entre eux, de vieux rivaux se réconciliaient, des hommes pieux distribuaient des bénédictions en compagnies de bonnes femmes qui offraient des friandises et des pâtisseries. Une nouvelle prouesse de la part de notre héros . Souriant, il rentra dans son palais, laissant son peuple exprimer son allégresse.


L'émir s'assit sur le trône de l'émirat : Une grande chaise en bois de chêne sculpté avec des coussins écarlates. Aucune trace d'or ou de décorations coûteuses. Un siège simple mais de bonne qualité, confortable et plaisant. Puis il fixa ses conseillers qui attendaient patiemment ses nouvelles directives. Sur une table devant lui se trouvait plusieurs documents et autres parchemins. Il se frotta le menton d'un air pensif en examinant chacun d'eux , puis se saisit d'une plume dans un encrier et se mit à écrire sur quelques parchemins. Ensuite il y imposa son sceau et déclara à ses hommes :

" _ Messieurs , nous allons dés à présent nouer des relations amicales avec nos voisins pour préparer notre future expansion. Je tiens à ce que nos rapports diplomatiques soient des plus sincères et surtout favorables pour chacun d'entre nous. "

Il attrapa un premier parchemin et le tendit à un page.

" _ Veuillez envoyer cette missive au Chambellan de Faestelia. Je lui adresse mes plus humbles salutations et l'invite à échanger des rapports commerciaux et diplomatiques avec moi. Pour l'aider dans sa tâche de veiller sur son peuple, je lui offres de l'or et des ressources à dos de chameau dans une caravane gardée par mes hommes. "

Il tendit un second parchemin :

" _ Une lettre adressée au Cheikh de Dahalia. J'aimerais m'entretenir avec lui et je vante la grandeur de sa cité si éloignée des troubles. Je lui offre mon soutien contre toute menace et tout danger, et en gage d'amitié, je lui envoie des provisions et de l'eau pour affronter la sécheresse."

Ainsi l'émir généreux distribua nombre de missives à ses messagers pour nombre de voisins avant de déclarer :

" _ C'est un grand pas vers le renouveau. J'ai écrit dans chaque missive les nombreux avantages qu'auront mes voisins s'ils souhaitent entretenir des relations avec nous. D'ailleurs j'ai eu une brillante idée : La liberté de culte. Désormais toute personne entrant dans mon émirat est libre de se vouer à sa religion sans aucune répression ni contrainte, sauf celles qui ont un rapport avec le mal et les sacrifices. "

Il soupira et s'adossa contre son siège d'un air rêveur, sans apercevoir les lueurs admiratives qui brillaient dans les yeux de ses fidèles sujets. Un pas de plus vers la gloire éternelle ... la conviction qu'un jour, son nom restera à jamais synonyme de bonté et de compassion.