6 d'Astarr 114

Les cadavres mouvants, les malades gémissants, les mourants trépassant... La nature corrompue et la maladie qui planait au-dessus de sa tête à chaque instant. Trataïr avait passé des jours, des semaines et même des mois des plus horribles. Si un jour on lui posait innocemment la question "A quoi ça ressemble les Terres Infectés ?" Il répondra instinctivement, comme un automatisme gravé dans sa mémoire "C'est l'enfer..." Car rien au monde ne pourra effacer toutes les horreurs qu'il avait vu dans ces landes. Ses iris d'émeraude avaient été maintes fois souillés par des images de combats incessants et sanguinolents. Il était parti il y a une semaine environ de cette antichambre du mal. Pendant tout ce temps, il avait cavalé, presque sans répit. Tant de journées à manger et dormir sur sa monture. Monture qu'il changea bien souvent pour qu'il puisse toujours avancé le plus vite possible. Il avait traversé Drayame, la patrie des elfes de part en part. Il était désormais sur une barque, voguant sur une rivière au nom chantant. Un passeur lui avait proposé de traverser l'étendue d'eau pour quelques pièces. Cela faisait depuis le matin qu'ils descendaient tous deux la majestueuse rivière. Après avoir passé des mois à scruter un paysage macabre et corrompu, l'archer avait enfin l'occasion d'admirer la beauté, la vraie. Celle que seules les forêts elfiques possèdent. Ainsi que leurs rivières et leurs lacs. Le monde chantait un bonheur simple autour de lui. Lui qui, habillé de ses habits de cuir et de sa cape noir, était vraiment l'intrus dans cette scène chimérique. Ses yeux fatigués n'osaient pas regarder le monde alentour, tant celui-ci menaçait de le broyer tant sa présence devait sembler funeste. Il était armé, même si son équipement pour tuer était posé sur la barque pour ne pas effrayer les gens qu'il croisait.

De longues heures passèrent ainsi. Des heures de calme pesant, de quiétude troublante, de sérénité morbide. L'ancien chasseur ne se sentait pas chez lui, tant son apparence reflétait la guerre qu'il venait de vivre. Et tant cette guerre était bannie de Drayame, où la paix était une constante universelle en ce moment. Ainsi, après ces nombreuses journées à voyager par delà les plaines et les forêts, il vit enfin ce qui l'avait poussé à se surpasser, à aller le plus rapidement possible, à ne jamais s'arrêter. Il vit là, perché sur une falaise au dessus d'un lac immense et féerique, son foyer. La Confrérie des Brumes. Ses pupilles se dilatèrent et un immense sourire vint, pour la première fois depuis longtemps, illuminer son visage. Le passeur s'arrêta là où la rivière se jetait dans le lac. Il déposa Trataïr sur la berge avant de s'exalter devant la bourse que lui tendit l'archer, le regard toujours fixé sur l'immense bâtiment, dont il savait que ce n'était que la partie émergée de l'iceberg. Il savait que sous celui-ci, il y avait encore plus de choses que ne laissait penser le tableau au premier abord. Il récupéra ses armes avant de s'en équiper. Il ne voulait absolument pas paraître intimidant aux yeux de ses collègues, mais il ne voulait pas les porter à bout de bras et cela lui conférait une prestance qu'il appréciait.

Il grimpa ensuite une longue pente, suivit un long chemin qui ne faisait que monter, monter vers le bâtiment. C'était comme un rêve. C'était comme un Eldorado qu'il poursuivait depuis des mois. Il allait enfin rentrer chez lui, la plus belle des récompense qu'on pouvait lui faire. Sur le chemin, il croisa des connaissances et même des amis. Tous le reconnaissait et le saluait avec plus ou moins de chaleur et de respect. Il répondait également à chacun, trop heureux de revoir enfin des visages familiers et amicaux. Arrivé à la grande porte du bâtiment. Il la poussa légèrement avant d'y pénétrer. Ce tableau familier mais non moins unique était toujours un chaleureux accueil. Le hall d'entrée était une sorte d'épicentre d'activité. Où clients et employés cohabitaient presque pour travailler ensemble. Ça courait de partout et cette effervescence fit chaudement sourire Trataïr. C'était toujours un grand moment que celui où il revenait après de longs mois d'absences. Chose qui se faisait de plus en plus fréquente et l'absence était toujours plus longue. Cela faisait presque 4 mois qu'il n'était pas revenu. Mais il comptait bien s'excuser en personne auprès de la personne qu'il avait le plus envie de revoir après tout ce temps. Ses cheveux flamboyants, ses iris bicolores et son sourire charismatique lui manquait plus que tous. La première chose qu'il voulait faire c'était de revoir Luz, sa patronne. Et peu importe si elle travaillait ! Il la dérangerait en pleine réunion si il le faut ! Enfin... calme tes ardeurs jeune homme. Ce serait impoli de faire une telle chose, surtout à une amie.

D'un pas pressé, il se dirigea, non sans se retenir de courir, vers le bureau de l'intéressée. Descendant les innombrables escaliers. Parcourant les infinis couloirs. On ne sait comment, il fini par s'arrêter devant une porte semblable en tout point à ses voisines. Comment l'avait-il reconnue ? Nul ne le saura. En tout cas, il ne comptait pas entrer de suite. La raison en était qu'une jeune fille, presque femme, était là, devant lui. D'une apparence bien atypique mais non moins ravissante. Ses cheveux blancs tombaient en cascade sur ses frêles épaules. Un iris d'un bleu envoûtant éclairait son visage tandis que l'autre était masqué par un cache œil qui donnait une touche de mystère à cette personne. Son âge était inconnu au jeune homme mais nul doute qu'elle était jeune. Peut-être trop... Enfin ! N'oublions pas la politesse et la courtoisie ! L'archer s'inclina légèrement, faisant tomber quelques mèches noires sur son visage. Il releva ensuite le buste mais avait encore la tête baissée pour pouvoir voir son vis-à-vis.

- Bonjour demoiselle. Je me présente, Trataïr. Vous me voyez ravi de faire votre connaissance. Quel est votre nom ?

Il n'allait pas tout de suite lui demander son âge, c'était impoli, surtout envers une femme ! Il était toujours ravi de rencontrer de nouvelles personnes mais il se demandait toujours ce qu'elle faisait ici, à la Confrérie. Était-ce une nouvelle collègue ou une cliente importante ? A moins que Luz n'ait une descendance cachée... Tant de questions qui demeuraient sans réponses !

Une journée comme les autres débute à la Confrérie pour la petite élémental. Se levant aux aurores, elle revêtit son costume de fonction, vérifia bien attentivement chaque plis et replis de sa chemise ou de son pantalon, et enfin ajusta son cache-œil soigneusement. Elle marcha vers la salle à manger et s'installa auprès du personnel, pour prendre son petit déjeuner. Se contentant de peu de choses, elle donna le reste de sa part et courut dans les 4 coins des bâtiments. Elle se rendit à la bibliothèque feuilleter divers ouvrages, et aider à ranger bien en ordre ceux-ci; puis elle partit à la salle d'entrainement, se changea en ses vêtements habituels, et s'entraina auprès d'un maitre d'armes au katana, ainsi qu'aux pouvoirs pyrotechnique. Une bonne heure plus tard, une fois l'entrainement terminé, la demoiselle partit dans les douches et en ressortit impeccablement fraiche et élégante: l'humidité rendait ses cheveux rebelles et ondulés que plus ravissants. Elle se devait d'être impeccable pour accueillir les visiteur, qu'ils soient importants, ou pas; et puis, elle se devait aussi d'être élégante ne serais-ce que pour donner bonne impression envers Luz: son regard avait une grande importance aux yeux de la petite élémental, ne savant pas réellement pourquoi...
Puis, elle jeta un œil rapide à sa montre à gousset avant de se rendre compte qu'elle était en retard pour réveiller Madame. Elle courut une nouvelle fois, vers sa chambre, et n'hésita pas à faire irruption pour servir de réveil. La jeune femme avait toujours l'habitude le la lever une dizaine de minutes en avance, juste pour voir son visage encore endormit, ou mal réveillé; c'était son petit péché mignon. Et après l'interception d'oreiller - allias projectiles-, la demoiselle repartit vers le niveau 0, grimpa jusqu'au toit du bâtiment, et se délecta des rayons du jour et de la brise matinale, baignant son corps tout entier, faisant voler ses cheveux... Une incroyable sensation de liberté s'emparait de la petite élémental, jouant au funambule sur la pointe du toit. Mais vint rapidement le temps de rejoindre sa maitresse bien aimée. Elle descendit avec célérité vers les niveaux inferieurs, faisant un détour à l'occasion vers les cuisines, prenant un plateau sur lequel se trouvait une théière et une tasse. La demoiselle priait pour ne pas laisser tomber tout cela sur le chemin et se dirigea en direction du bureau principal, pour tenir compagnie à la dragonne, et la seconder dans ses divers recherches ou taches. Mais à penne était-elle arrivée au seuil de la porte, que la demoiselle s'entrava dans ses pieds. Elle entra en trombe dans la pièce, et, miraculeusement, posa le plateau intact sur le bureau, avant de chuter tête la première au sol. "Du thé ?"

Après ce fâcheux "incident", les deux femme se mirent au travail. Que de papiers, encore des papiers, trop de papiers, Lulya se demandait comment pouvait-on produire autant de paperasse, même dans une guilde ! Elle enviait la patience de sa maitresse face à tant de responsabilités... Mais elle était prête à la seconder, à la conseiller quand ce fut nécessaire. Puis, elles firent différentes recherches sur différents artefacts, leurs histoire, leurs secrets... La demoiselle était toujours émerveillé par tant de savoir, et dévoilait l'enthousiasme et la curiosité d'un enfant quand il s'agissait d'apprendre et de découvrir de nouvelles choses, encore plus quand c'était aux côtés de Luz. Elle souhaitait rattraper le temps perdu à souffrir, à se lamenter et à tuer; maintenant, l'heure était à la joie, à la connaissance !
Accoudée au fauteuil de Madame, la jeune femme ne voyait pas le temps passer, et cela lui était bien égal, pour une fois! C'était un moment privilégier dont elle se délectait chaque minutes. Un peu de calme dans un quotidien mouvementé. C'était aussi le seul moment où elle pouvait retirer son cache-œil en toute sérénité.
Puis, une heure plus tard, quand le travail principal fut achevé, la dragonne lui parla d'un certain Trataïr, un homme dont elle attendait la venue. Lulya lui répondit alors d'un sourcil arqué interrogateur; qui était donc cet homme dont elle vante tant les éloges ? Elle lui expliqua que c'était un grand travailleur au sein de la Confrérie, qui est partit pour une expédition aux Terres Infectés, et qui, normalement, devrait arriver ce jour même, d'après les informateurs. La demoiselle était intrigué par cet homme avant même de l'avoir vu, et elle était maintenant impatiente de le rencontrer ! Tant de questions à poser, tant de discussions à faire... Mais hélas, ceci ne serait que trop indiscret de la part d'une simple majordome...!

Le soleil était maintenant haut dans le ciel, et Lulya dut quitter son agréable compagnie pour atteindre une nouvelle fois les sommets du bâtiment. De longues minutes passèrent, alors que la demoiselle faisait le guet, en quête du fameux homme. Elle trépignait d'impatience, et ne put s'empêcher de guetter attentivement les moindres barques. Ses yeux perçants étaient bien utiles pour scruter le lac avec précision. Quand soudainement, elle aperçut une barque atterrir sur terre ferme, et un homme en sortir, donnant une bourse au navigateur et se dirigeant vers la Confrérie.
C'était un charmant jeune homme. Une fine musculature, joliment sculpté est en parte cachée par une cape couleur ébène. Des cheveux sombres à peu près de la même longueur que les siens, relâchées, s'accordent à merveilles avec ses iris émeraude.
Après ce bref examen, Lulya remit son cache-œil, et partit une nouvelle fois pour le bureau de Madame, et lui transmit mentalement la description physique du monsieur. Elle acquiesça, et dit que c'était bien lui. Alors, la petite élémental se tin au garde-à-vous devant la porte, arrangeant sa cravate, et le reste de sa garde robe. Dans la précipitation , elle ne se rendit même pas compte qu'elle avait oublié de faire ses tresses, et laissa une cascade de cheveux blancs tomber sur ses épaules.

L'homme en question arriva avec hâte vers le bureau, et s'arrêta net face à la demoiselle. Celle-ci dévoilait un sourire enjôleur pour accueillir son hôte. Elle voyait le regard de monsieur la scrutant, avant qu'il ne se prononce:

- Bonjour demoiselle. Je me présente, Trataïr. Vous me voyez ravi de faire votre connaissance. Quel est votre nom ?

-Bonjour monsieur Trataïr, vous me voyez enchanté de vous rencontrer. Excusez moi, je ne me suis pas présenté: je me nomme Lulya, majordome de madame Luz Weiss. Madame m'a beaucoup parlé de vous, elle vous attend. Veuillez donc entrer !

La demoiselle toqua deux fois à la porte, puis ouvrit celle-ci, tout en abaissant son buste en une élégante courbette, et tendant sa main vers la salle. Lulya accompagna l'homme vers le bureau, masquant efficacement son enthousiasme.

[Hrp : Toutes mes excuses pour cet impardonnable retard ! Je me rattrape sur la longueur de mon post, qui j'espère, vous plaira !]

Le diminutif lui était venu naturellement par un beau matin d'été. Le soleil arrosait la façade d'une lumière criarde, et leurs silhouettes, épinglées sur les murs comme un théâtre de mimes, s'affairaient à quelques menus travaux. « Luly' », avait-elle dit pour la première fois. Et le surnom était resté, probablement imprimé noir sur blanc sur sa langue par tout ce trop plein de soleil à l'image de leurs ombres mouvantes et contrastées, projetées sur le mur à jamais.


Les sourcils froncés sur d'incompréhensibles pattes de mouche administratives au langage aussi édulcoré qu'il était traître, Luz tâchait d'esquiver les failles de cette écriture passée maître dans l'art des contournements. Elle mordillait d'un bout de dent blanche l’extrémité d'une mine de plomb, et la marque de ses crocs sur l'alliage témoignait des longues heures qu'elle avait passées à s'échiner sur son courrier en attente. Oublieuse de tout lorsqu'elle était concentrée, elle n'avait pas noté consciemment la présence de Trataïr, ou du moins n'avait pas désiré en manifester une preuve tangible. Sans lever les yeux de son travail, elle délaissa le plomb pour la plume, et rédigea une réponse de ses belles lettres manuscrites, couvrant le vélin d'encre brune et sombre.

La solitude lui manquait par instant. Sa tête s'était emplie d'une joyeuse cacophonie, de consciences externes à la sienne et dont les voix comblaient son esprit de deux volontés parfaitement indépendantes. Mifuné et Lulya échangeaient ainsi sans le savoir un incessant dialogue de sourds que seule Luz était en mesure de relier par des liens logiques, tâchant parfois de se faire médiatrice de ces deux caractères bien tranchés. Et lorsque son garde du corps ne communiquait pas avec elle par télépathie, que ses rêves ne parasitaient pas les siens au cours d'une nuit tumultueuse, c'étaient les pensées de Lulya qu'elle percevait, accompagnées des sensations qu'elle voulait bien lui transmettre sous la forme de vifs et limpides flashs lumineux, un déferlement d'images brèves et précises. Dans tout cela, le vide s'était fait rare... Mais la dragonne avait fait contre fortune bon cœur et finalement, avait appris à apprécier ce manque flagrant de silence. Cela empêchait ses pensées de s'égarer vers une personne en particulier. Il s'était mué en un souvenir douloureux.

Avec une sorte de grâce languide, Luz posa le point final de son courrier et rangea la plume dans son fourreau de métal velouté. Alors tourna-t-elle son regard à double couleurs vers Trataïr. L'y laissa ancré. Ses prunelles impassibles entreprirent de décortiquer le jeune homme, ôtant sans pudeur les couches protectrices psychologiques dont il s'était revêtu, cherchant avec exactitude cette petite note salée là où elle savait tant l'y déceler. Elle le trouva changé. Vieilli comme un jeune fruit vert qui acquiert sa première maturité, soudain étonné d'être en vie au milieu du monde, de ce grand monde absurde et cruel. Les humains disaient « Il est devenu homme. ». Luz préférait croire qu'il avait été sacrifié à la rudesse de la guerre comme des milliers d'autres avant lui. Cette désillusion qui trônait dans ses yeux verts comme un chien en cage ne laissait aucun doute, et cette ombre diaphane gagnait en de fugaces instants jusqu'à sa façon de se mouvoir en de rapides gestes secs et précis, brusquement nerveux et sur ses gardes lorsqu'un malheureux bruit se faisait entendre.
Pour l'heure, il souriait. Et cela éclairait son visage, chassait les bribes obscures que percevaient la dragonne, pour un temps du moins... Il redevenait le jeune Trataïr étourdit des débuts. Un peu froissé comme une chemise, le visage rugueux de barbe non rasée, mais bel et bien ce Trataïr là.


Et le visage de Luz se fendit d'un sourire épanoui, ses prunelles pétillant d'une malice que le temps n'était pas parvenu à affecter. Elle se leva souplement de sa chaise et s'avança vers le duo, le regard franc et droit, sincèrement heureuse de le revoir sain et sauf en ces lieux chéris.


La dragonne posa une main douce et maternelle sur l'épaule de l'Elemental, la désignant de l'autre en guise de présentation sommaire. Ils auraient tout loisir de faire plus ample connaissance par la suite, et entre autre, Luly était dotée d'une langue et donc capable de nouer ses propres relations... Luz ne cessait de l'y pousser, tâchant de socialiser la jeune demoiselle trop longtemps restée solitaire dans les bois sombres de Drayame... Elle aussi avait trop vécu pour son âge. Le monde semblait s'acharner sur les jeunes âmes avec un cynisme de mauvais goût.


Elle ne finit pas sa phrase, dessinant un cercle éloquent du poignet à l'intention dudit bardas. Lulya savait exactement où ranger quoi, parfois même davantage que Luz qui n'avait que trop tendance à s'éparpiller sur chaque centimètre carré de libre à sa disposition, sans une once de logique. La jeune fille était un vrai cadeau du ciel et la dragonne louait fort souvent son implacable rigueur...
Dos à son bureau, elle s'appuya contre le bois de celui-ci. Elle couvait Trataïr d'un regard pénétrant, mélange de curiosité et d'une tendre bienveillance.

La réponse de la dénommée Lulya fut aussi élégante et polie que la jeune femme elle-même. Elle se présenta comme la majordome de Luz puis invita le jeune homme à entrer pour la voir. Celui-ci répondit avec un demi-sourire et un mouvement de tête avant d'emboîter le pas de la jeune Lulya qui l'accompagna jusqu'au bureau de sa patronne. Contrairement à lui, Luz n'avait pas changée, elle était toujours aussi élégante malgré la pointe d'agacement sur son visage sûrement dû à son travail. Elle était plongée dans une immonde paperasse et ne semblait pas avoir remarquer la présence de l'archer. Celui-ci vit son sourire s'élargir quant elle parlait d'une affaire divers. Il savait qu'elle l'avait remarqué. C'est pour ça qu'il ne se manifestait pas, préférant patienter et attendre qu'elle daigne lui parler. Il n'aimait pas la déranger dans son travail mais là il n'en pouvait plus d'attendre. Il voulait revoir ce visage si bienveillant et pouvoir à nouveau parler avec son amie.

Finalement, de sa plume de plomb, Luz marqua le point final du courrier qu'elle rédigeait. Signe qu'elle en avait terminée et que la conversation allait enfin pouvoir débuter. Elle leva la tête de son bureau pour planter son regard dans celui de Trataïr. L'archer connaissait bien ce regard. C'est celui qu'elle emploie quant elle scan les gens. Quant elle cherche à connaître leurs émotions, leurs sentiments. Même si certains prendraient cela pour une violation de l'intimité, le jeune homme la laissa faire. Qu'elle lise en lui ce qu'elle pouvait, il n'avait rien contre ça. La belle dragonne prit finalement la parole.

- Bienvenue à la maison, Trataïr. Tu nous as manqué.

C'est à cet instant que Trataïr rompit le regard et baissa légèrement la tête. Elle avait briser toutes ses défenses d'un seul coup. Eux aussi lui avait manqués. Pendant ces longs moments où il était seul, seul dans ces terres abandonnés des dieux, un peu plus près de la mort à chaque instant. Durant ces longs moments il ne faisait que penser à ses amis, à la Confrérie. C'était ce qui le raccrochait encore un peu à la vie. Parfois, il se prenait à vouloir mourir en ces lieux. A vouloir rejoindre tous ses camarades qui avaient péris sur ces plaines. Ce n'était que de la chance si il était ici, et ça il le savait. Hors, il n'aimait pas que son destin soit guidé par la seule chance. Pendant ces longs mois là-bas, il ne cessait de se rappeler la promesse qu'il avait faite à Victo. "Je deviendrais plus fort". Oui, il deviendrait plus fort pour être maître de son destin, ne plus jamais osciller aussi longtemps entre la vie et la mort. Aujourd'hui il était en vie, avec ses amis, mais qui sait ce qui aurait pus lui arriver là-bas qui l'en aurai empêché.
Quand la voix de sa patronne se fit entendre à nouveau, il sortit de ses songes.

- Je te présente Lulya, jeune fille que j'ai recueillie après ton départ. Comme tu peux le constater, elle m'aide en tant que Majordome.

Le jeune homme regardait d'un air bienveillant la jeune femme que Luz désignait. Elle était belle, mais d'une beauté troublante, comme entachée. Le cache œil laissait deviner un passé assombrie par le sang. Le sien, celui de ses proches ou plus généralement celui d'autres personnes. L'archer se demandait quel âge elle pouvait bien avoir. Elle était jeune, c'était certain. Il reconnaissait la lueur dans son unique oeil visible. La lueur fatiguée de quelqu'un qui a trop tué. Est-ce qu'on a jamais trop tué ? Il avait exactement la même dans ses prunelles vertes. Malgré ses tristes réflexions, il restait souriant face aux deux femmes.

Après cette brève présentation, Luz invita Trataïr à s'asseoir sur un élégant fauteuil malheureusement couvert des habituels papier qui envahissaient le bureau de la dragonne. D'un geste de la main, elle pria sa majordome de faire de la place pour que l'archer puisse s'asseoir. Quand ce fut fini, le jeune homme la remercia tout en inclinant la tête, puis il prit place dans le fauteuil, croisant les jambes et les mains dans une posture calme et sereine.

- Tu as, je crois, pas mal de choses à me raconter depuis ta dernière visite... Comment vas-tu ?

Luz avait toujours le même regard posé sur les yeux du jeune homme. Ce regard qui t'incite à parler, à te dévoiler. Un regard qui ferait craquer n'importe quel prisonnier tant il était chargé. Trataïr baissa les yeux un instant avant de les replonger dans les yeux de Luz. Ce geste voulait tout dire, il allait avoir du mal à tout lui dire, c'était certains. Il fit planer un long silence avant de répondre d'une voix calme et posée.

- Et bien je crois pouvoir dire qu'en ce moment ça va, même si, tu dois le savoir, ça n'a pas toujours été le cas ces derniers temps. J'ai vu ton regard Luz, je sais ce que tu as vu.

Il marqua une pause avant de se lever de son siège et de se placer derrière. Il voulait être à la hauteur de Luz, il n'aimait pas sentir son regard au dessus de lui. Même si celui-ci était bienveillant, il était pesant.

- Je reviens d'un endroit où la mort est partout, où les cauchemars prennent vies sous tes yeux. Et miraculeusement, j'en suis sorti vivant. Et j'en suis très heureux. Cependant je ne pourrais pas oublier ce que j'ai vu là-bas, jamais. Imagine Luz. Tu transperce un homme et il ne bronche pas. Il continue à vouloir ta peau sans tenir compte de ta lame. Tu ne peux pas imaginer pire endroit.

Un petit rire nerveux s'échappa de ses lèvres alors qu'il passait sa main dans ses cheveux comme pour chasser ses macabres souvenirs.

- Il y a quelques mois, je suis aller, comme tu le sais, à Sahawi, près du désert de sable. Là-bas j'ai rencontrer une personne formidable nommée Iryo. Cependant, c'est aussi là-bas que j'ai, pour la première fois tué des êtres humains...

Ses derniers mots s'échappèrent dans un souffle. Ses yeux devenaient humides, il voyait trouble. Signe que des larmes voulaient s'échapper et couler sur ses joues. Tant d'horreurs depuis la dernière fois...

- Le sang des autres macule mes mains désormais. Je ne pourrais jamais racheter les horreurs que j'ai fait... Luz, si je n'avais pas tué ces hommes, c'était moi qui mourrais de leurs mains. Je devais le faire ou Iryo y passait aussi... Mais cela n'excuse rien. Je voyais le sang sur mes mains, je voyais le regard des autres gens. Je les entendais me traiter de monstre...

Maintenant, des larmes coulaient vraiment sur son visage. Pour tout expliquer à Luz, il devait faire remonter des souvenirs qu'il essayait d'enfouir depuis des mois. Un traumatisme qu'il pensait éteint, mort. Mais non, il revenait plus fort que jamais pour le hanter. Pour le torturer. Il ne regardait même plus Luz, perdu dans les visions de sang, de mort, de terreur.

- Su... suis-je un monstre Luz ?

La demoiselle marcha d'un pas calme, posé, après avoir franchis le pas de l'imposante porte menant jusqu’à l'antre de la dragonne, comme si elle voulait savourer chaque moments de cette simple traversée. Son cache-œil masquait son côté gauche, sur lequel se trouvait le curieux ôte. Alors, intérieurement, elle râla de ne pas pouvoir déceler le moindre indice qui pourrait l'aiguiller dans sa quête de réponses. Mais elle se contenta de garder sa droiture habituelle, le regard fixé devant elle... Elle observait sa maîtresse, un léger sourire en coin, concentrée sur son travail, comme d'habitude, ne se préoccupant pas pour l'instant de son invité, visiblement pas soucieux de cette attente.

« Dis-moi Luly'... La ferme d'Hegrad n'avait-elle pas déjà demandé des subventions la semaine dernière ? Il me semblait leur avoir envoyé une escarcelle... »

Luly'... On ne lui avait encore jamais donné de diminutifs, et celui-ci ne lui déplaisait pas le moins du monde, bien au contraire, cela marquait le changement radical entre le passé et le présent, entre le cauchemar et la réalité. Puis, elle leva la tête, fit échapper un discret soupir qui laissa place à un autre sourire ressemblant plus à un rictus qu'autre chose. Malgré son jeune âge, la petite Lulya connaissait parfaitement bien ses priorités, et devait répondre avec justesse à sa maîtresse, la forçant à connaitre les ficelle, notamment dans le domaine du commerce...

"C'est en effet le cas, madame... Ils doivent avoir une bonne raison pour vous demander ainsi une autre faveur à vôtre magnanime personne...!"

Elle insuffla à la fin de sa phrase un léger ton ironique, accentué d'avantage par son visage amusée. Mais bientôt, madame eût finit son interminable rédaction, et détourna enfin son attention vers le mystérieux jeune homme. Son regard, Lulya le connaissait, ce regard qui scrute, cherche, et décèle les secrets de son interlocuteur. Trataïr semblait aussi le connaitre. La dragonne souhaita alors la bienvenue à l'homme et se leva avec sa grâce naturelle, avant de présenter la petite élémental. Alors, la demoiselle plongea dans le regard dans celui de son invité. Elle dévoilait u regard perçant, au sens propre, celui-ci transperçait celui de Trataïr, y descellant un lueur familière... Ce regard... Elle le connaissait par cœur, et fit remonter quelques douloureux souvenirs en un léger frisson parcourant son dos, remontant jusqu'à ses épaules. Elle y descella aussi une touche de compassion. Alors, elle pencha sensiblement la tête vers le côté et offrit à cet inconnu un sourire enfantin, emplis d'une innocence bafouée. Mais les mots de Luz balayèrent vite ce curieux moment.

« Assieds-toi, je t'en prie. Luly', pourrais-tu... ? »

La jeune élémental se teint au garde-à-vous, fit un vite geste de la tête, et laissa place au guerrier. Et tendis le bras, demandant poliment si elle pouvait lui débarrasser de sa cape. Elle la prit alors et la mit sur un portant à l'extérieur de la salle. Contrairement à son entrée, son pas était un peu plus pressé, comme si elle ne souhaitait manquer aucuns instants d'un spectacle captivant qui allait se dérouler sous ses yeux. Puis, quand elle revint, Luz avait à peine terminé sa question, et Trataïr débuter sa sinistre confession:

- Et bien je crois pouvoir dire qu'en ce moment ça va, même si, tu dois le savoir, ça n'a pas toujours été le cas ces derniers temps. J'ai vu ton regard Luz, je sais ce que tu as vu. Je reviens d'un endroit où la mort est partout, où les cauchemars prennent vies sous tes yeux. Et miraculeusement, j'en suis sorti vivant. Et j'en suis très heureux. Cependant je ne pourrais pas oublier ce que j'ai vu là-bas, jamais. Imagine Luz. Tu transperce un homme et il ne bronche pas. Il continue à vouloir ta peau sans tenir compte de ta lame. Tu ne peux pas imaginer pire endroit.

Lulya posa son dos sur un mur non-loin de la "scène". Elle était captivée par ces visions d'horreur que l'homme décrivait. Comment Nayris pouvait rire de cette anarchie? Les cris et lamentations devaient être à ses oreilles une douce cacophonie, une symphonie du chaos, dont Lulya s'imaginait chaque notes, tristement familières à ses oreilles, avec une terreur sourde. Ses yeux se perdaient dans le vide, mais ses oreilles, elles, continuaient à écouter... Elle perçut un rire nerveux comme elle savait si bien le faire, et à la place d'une main dans la nuque, c'était une main dans les cheveux, simple réflexe récurrent...

- Il y a quelques mois, je suis aller, comme tu le sais, à Sahawi, près du désert de sable. Là-bas j'ai rencontrer une personne formidable nommée Iryo. Cependant, c'est aussi là-bas que j'ai, pour la première fois tué des êtres humains... Le sang des autres macule mes mains désormais. Je ne pourrais jamais racheter les horreurs que j'ai fait... Luz, si je n'avais pas tué ces hommes, c'était moi qui mourrais de leurs mains. Je devais le faire ou Iryo y passait aussi... Mais cela n'excuse rien. Je voyais le sang sur mes mains, je voyais le regard des autres gens.

La jeune élémental ouvrit les yeux encore un peu plus grands à l'écoute de cet aveux. En une fraction de seconde, elle se remémora ce cauchemar du passé qu'elle croyait effacé: Elle, sous une pluie écarlate, rougis par le sang d'innocents; des corps calcinés tombant du ciel, frappés par de geysers de flammes incontrôlables. La jeune femme se frotta la tête, une sueur froide perlant sur son front, ses pupilles rétractés. Elle sentait une pression, devenant de plus en plus insupportable peser sur ses frêles épaules. Elle n'en n'avait rien dit à Luz, n'en voyant pas l'intérêt, et fit donc en sorte de ne pas attirer les soupçons d'avantage.

Je les entendais me traiter de monstre... Su... suis-je un monstre Luz ?

La demoiselle leva alors subitement la tête et laissa échapper de ses lèvres un léger glapissement à peine audible, avant de se tenir la bouche, se rendant vite compte de son erreur... Alors, elle tourna les yeux vers le pauvre diable, pleurant pour ses péchés. Elle sortit de sa poche un mouchoir, s'avança vers lui, et le lui donna tout en gardant sa droiture, une main serrée dans son dos...

"Si ces personnes ont raison, alors nous... enfin, je veux dire, vous n'êtes qu'un monstre parmi des monstres; des millions de monstres...!"

Sur ces mots, elle esquissa un sourire réconfortant, et se rendit vite compte que ce n'était pas à elle de dire cela, et s'excusa envers Luz avant de repartir timidement à sa place.

Luz eut un doux sourire. C'était amère sur la langue, aussi amère que ce jour lointain sous les arbres de Drayame... Je suis un monstre. Et sa voix s'était ancrée autrefois comme aujourd'hui dans sa mémoire, gravée tel un cri dans une immense solitude. Fallait-il que le destin soit pernicieux et se complaise à faire souffrir les vivants, et ce jusqu'à leur mort visiblement puisque certains en venaient encore à se relever... Si la dragonne n'avait jamais vu de zombie, elle imaginait aisément le traumatisme qui découlait de ces pantins désarticulés, claquant des mâchoires et mouvant leurs moignons comme autant de fils coupés.
Suis-je un monstre Luz ?
Cette question semblait être la ligne directrice de son existence. Obsédante, elle revenait de visage en visage et tous se tournaient vers elle, muets dans leur indécision. La dragonne se surprenait à maudire cette existence qui poussait ses proches sur les récifs acérés de la folie et de la haine, car la guerre était omniprésente et qu'elle n'avait de cesse de réclamer son tribu sanglant...
Alors Luz se faisait bouclier. Encore et encore, à bout de souffle même s'il le fallait, elle pataugeait dans leurs souvenirs horrifiés et tâchait de les y arracher, l'un après l'autre, aussi tenace à les protéger que sa présence était rassurante. Elle serait leur cran de sûreté. Elle serait cette lumière qui leur défendrait formellement de sombrer.


Le ton était péremptoire. Mais le léger sourire qui flottait sur ses lèvres atténuait cette appel autoritaire, sûr de lui. Avec une tendre douceur elle enroula ses doigts autour de son poignet et le guida vers le fond de la vaste salle. Là se trouvait un miroir. A hauteur humaine, sa surface réfléchissante luisait faiblement dans l'obscurité, réverbérant la chatoyante luminosité des feux follets alentours...
Luz se coula derrière le jeune homme, fit glisser ses mains le long de ses coudes, puis de ses avants bras jusqu'à ses propres mains. Alors les lui releva-t-elle, paumes vers la surface du miroir, visibles de tout un chacun et principalement de lui.


Sa voix n'avait été qu'un murmure tranquille. Ses prunelles vairons fixaient paisiblement le reflet de Trataïr, absous de la moindre parcelle de doute. Montagne contre vents et marées, Luz se faisait ancre dans l'océan de ses traumatismes...


Elle hocha imperceptiblement la tête et son sourire se fit harmonieux, aussi sereine que la détresse du jeune homme était palpable :


Luz s'écarta légèrement, le laissa se mouvoir par lui-même et redécouvrir cette identité qu'il avait tant refoulée. Trataïr trônait sur la surface du miroir sans nul artifice, et son âme nue pouvait se contempler pour la première fois telle qu'elle était vraiment, criante de vérité. Il n'était pas un tueur. Il n'était pas fou. Il était... Simplement humain, vivant. Vivant après toutes ces horreurs !


Elle désigna le miroir d'un geste d'évidence même, et quetta d'un regard l'approbation de Luly, un sourire complice sur les lèvres.
Ces deux-là se ressemblaient bien au-delà de ce qu'ils pensaient. Et tout comme elle avait autrefois réconforté la jeune demoiselle, Luz s'était mis en devoir de chasser les ombres qui couvaient au-dessus de Trataïr...

Le pauvre était perdu, inondé dans un océan de souffrances. Les nuages noirs de ses souvenirs assombris par le désespoir ne cessaient de le tourmenter. Encore et encore. Il était seul, simplement seul. Dans ce monde sans lumière où le sang est la seule chose que l’on peut encore gagner. Comment ? Comment avait-il pu être aussi monstrueux ? L’Homme est-il fait pour tuer, détruire ? Etait-ce le destin de tous ? Dans le plus profond des cauchemars, il sentit une présence, une main se tendre vers lui, vers cette âme brisée en millions de morceaux. C’était la main de Lulya. La jeune femme lui tendait un mouchoir en tenant ce langage.

- Si ces personnes ont raison, alors nous... enfin, je veux dire, vous n'êtes qu'un monstre parmi des monstres; des millions de monstres...!

Alors selon elle, selon cette jeune âme au parfum acre de chagrin, le monde était vraiment rempli de gens comme lui, qui tuaient sans cesse pour mieux vivre ou seulement survivre. Selon elle, il n’était pas seul. Et c’était une fatalité, l’Homme est un tueur dans sa nature profonde. Rien ne pourra jamais le changer. Il est condamné à trouvé la mort de la main d’un autre, d’un de ses frères. Yehadiel, as-tu déjà songé que tes créations deviennent aussi macabres ? Cette pensée ne rassurait aucunement le jeune homme. Simplement, son point de vue était devenu un peu plus stoïque et fataliste. Si son destin d’humain le condamnait à être un monstre et bien soit. Il serait un monstre. De toute façon, qui peut échapper à son destin ? Même les dieux s’évaporent sous le poids du destin. L’archer se saisit doucement du mouchoir en remerciant d’un signe de tête la jeune femme aux cheveux d’argent. Il s’était résigné à demeurer un humain parmi tant d’autres, qui écrit son histoire dans le sang de ses frères.

- Trataïr.

Ses yeux se levèrent d’un seul coup. Encore humides des larmes versées. Il avait oublié son amie. C’était son avis qu’il avait demandé précédemment. Est-ce que elle serait d’accord avec la jeune Lulya ? Au fond de lui, Trataïr l’espérait. Il ne voulait plus se torturer avec d’autres questions. Même si le constat était triste, il aimerait que Luz le conforte. Comme ça, il serait certains de sa destinée et il n’aurait plus qu’à marcher, tout droit, dans un sanglant chemin. Sans se demander où aller pour être un homme bien. Sans autres mots, Luz lui saisit le poignet et le guida jusqu’à un splendide miroir au fond de la pièce. De ses gestes gracieux, elle glissa ensuite ses paumes jusqu’à celles de l’archer et les releva pour qu’il puisse les voir en même temps que son reflet dans le miroir.

- Que vois-tu ?

Ce qu’il vit dans ce miroir le troubla bien plus que n’importe quel mot. Il pu contempler en face de lui un homme, au visage fatigué et luisant sous l’effet des sanglots. Un visage dur, froid, et en même temps effondré. Effondré sous le poids de sa vie, de ses actions, de ses questions. Et ses mains… ses mains étaient celles d’un homme qui avait tant voyagé, tant travaillé, tant vécu que ses paumes fatigués semblaient s’écrouler elles aussi.

- Moi je ne vois que des mains d'homme, abîmées par le temps et les voyages. Des mains qui ont vécu, qui ont aimé, ont tué, oui, aussi parfois. Mais elles restent humaines, incroyablement humaines.

Alors c’était ce que voyait Luz ? Elle voyait en Trataïr un humain, un humain normal ? Ni bon, ni mauvais ? Tant de question que la rousse aux yeux vairons aurait pu lui épargner en le confortant dans ses idées. Mais était-ce vraiment la bonne solution ? Est-ce que le rassurer et lui montrer une nouvelle vision de lui-même était forcément une mauvaise chose ? Les questions en amènent bien souvent d’autres, d’autres tout aussi ardues et sans réponses… Le bougre baissait la tête, il ne pouvait pas rétorquer. En fait, il ne le voulait pas. Luz était en train de le relever petit à petit. De le sortir de ses tourments, de ses cauchemars dans lesquels il se croyait perdu à jamais. Elle était en train de le sauver.

- Qu'aurais-tu préféré, Trataïr ? Mourir ? Ne porte pas le poids du monde sur tes épaules, car la mort est une faute commune que chacun abrite jusqu'à sa propre fin. Qu'aurais-tu pu faire ? Quand bien même tu aurais recommencé la scène en boucle, tenté d'empêcher ces hommes de rejoindre Nayris, ils seraient morts par la main d'une autre personne. Ils ont payé le prix de leur cruauté. Au lieu de quoi tu as sauvé la vie de cette Iryo face à la brutalité des vivants. Le sang ne reste pas sur la peau. Tes mains sont aussi immaculées que naguère.

Plus la belle continuait de parler et plus le jeune homme se sentait renaître, revivre. Elle avait raison sur toute la ligne. Elle le sortait d’un tourbillon de tourments. Ses mots resteraient à jamais gravés dans l’esprit de son employé. Il ne les oublierait jamais, et il le savait. Face à la mort, nul n’est vainqueur. S’il prenait des vies, ce n’était pas forcément pour une mauvaise cause, même si le geste est triste.

- Tu es en vie, tu es jeune, tu as l'avenir devant toi. Et si malgré tout cela tu ne peux t'empêcher de te sentir coupable, alors fais en sorte que tes actions prochaines remboursent cette dette de sang que tu t'obstines à t'infliger ! Fais de toi celui qui sera capable de protéger ceux que tu aimes, accroche-toi à la vie au nom de tous ceux qui n'ont pas eu cette chance ! Et par-dessus tout, sois fier de ce que tu es Trataïr. Sois-en fier.

Être fier ? Être fier de tuer ? Mais il n’y avait pas que ça. Trataïr tu n’es pas qu’un tueur ! Tu es aussi l’ami de beaucoup, l’ennemi de certains. Tu es un espoir pour les habitants de l’Empire car tu les protègent. Tu es un homme comme les autres, avec des qualités, des défauts, c’est ce qui fait ce que tu es. Il faut l’accepter. Ne vois pas que le mauvais. Et relèves-toi de ce cauchemar !
Et c’est ce qu’il fit. Il leva enfin les yeux vers l’image de cet homme. Cet homme avec la barbe mal entretenue. Cet homme qui avait toujours les yeux aussi fatigués à cause du long voyage. Mais par-dessus tout, cet homme qui avait retrouvé le sourire. Un sourire franc, joyeux et qui se faisait si rare ses derniers temps qu’il en était devenu désirable. Il voulait faire tellement de choses désormais.

Mais tout d’abord il se retourna vers Luz et l’enlaça le plus vigoureusement du monde. Posant sa tête sur son épaule, près de son oreille il lui chuchota un « merci » emplit d’une joie retrouvée. Ses troubles d’entant lui avaient presque fait oublier qu’il était revenu, qu’il était de retour chez lui, auprès de ses amis. Il ne pouvait s’empêcher de verser encore quelques larmes. Mais celles-ci exprimaient sa joie retrouvée. Sa joie de vivre.

- Je suis tellement heureux d’être vivant… Merci pour tout…

Il finit enfin par lâcher Luz pour poser le regard sur Lulya. Maintenant qu’il avait les idées redevenus clairs, il se souvenait de quelque chose de troublant. Lorsqu’il parla de tout. De ses meurtres, de l’enfer des Terres Infectées, elle réagissait, et elle réagissait un peu comme lui. Elle faillit même s’effondrer en pleurant lorsqu’il se définit comme étant un monstre, il l’avait entendu. Et maintenant, il pouvait en demander la raison, même s’il avait quelques hypothèses. Sur son visage demeurait un sourire. Mais plus léger, plus affectueux.

- Lulya, je m’excuse de t’avoir infligé ça. J’ai entendu ton petit écart de voix lorsque je me suis désigné comme un monstre. A tout hasard, est-ce que, toi aussi, tu as eu à verser du sang ? Je ne te jugerais pas, sois-en certaine. Je veux simplement savoir.

Le pauvre bougre se doutait bien que sa question allait grandement déranger la jeune fille. Mais il voulait savoir à tout prix si le monde était tellement tourmenté qu’une petite fille devait désormais tuer elle aussi pour survivre.

Lulya contemplait l'émouvante scène en silence. Décidément, cette dragonne ne cessait de l'impressionner... Cette douceur... Cette confiance en soi... La petite élémental l'enviait. Et la réaction de Trataïr face a elle ne faisait que le témoigner du contraste entre la maîtresse et l'employée. Elle n'était pas douée par le réconfort, et elle le savait bien... Et elle restait planté contre son mur, répondant à Luz d'un discret geste de la tête, accompagné d'un petit sourire. Elle baissa après la tête, et laissa échapper un petit soupire de soulagement: apparemment, son petit décalage n'a pas fait trop de vagues... Mais ca, c'était avant que ce cher jeune homme ne pose un regard, un sourire sur la jeune femme.


- Lulya, je m’excuse de t’avoir infligé ça. J’ai entendu ton petit écart de voix lorsque je me suis désigné comme un monstre. A tout hasard, est-ce que, toi aussi, tu as eu à verser du sang ? Je ne te jugerais pas, sois-en certaine. Je veux simplement savoir.


La demoiselle ouvrit grand les yeux, leva sa tête pour la tourner vers Trataïr. Son visage laissait transparaître facilement une très grande surprise, couplée à de la peur. Alors, elle détourna vite son regard vers le fond de la pièce, voulant cacher à tout prix cette rougeur naissant sur ses petites joues blanches.

"Désolé monsieur Trataïr, mais je crains ne pas pouvoir... non...ne pas vouloir répondre à votre question. Je ne souhaite pas que dame Luz ait à supporter la souffrance de deux de ses employés, et je ne pense pas que mes soucis aient de l'importance, c'est quand même vous l'invité, et moi votre humble serviteur !"

La jeune femme rit alors d'un rire nerveux, tournant finalement sa tête vers les deux protagonistes, un main sur la nuque. Son regard se posa ensuite sur la dragonne, l'air sérieux, voir inquiet, avant qu'elle ne lui transmette par télékinésie:

*Et quoi que vous dites, vous ne pouvez pas supporter toute l'absurdité de ce monde sur vos simples épaules, dragonne ou pas dragonne... Chacun à ses douleurs, et je suis sure que vous aussi, mais je ne veux pas que vous ayez à supporter mon âme en peine, en plus de celle de ce cher jeune-homme... *

Sur ces mots, un long silence régna dans la pièce. Ce n'était pas digne d'une majordome de contester une demande, surtout d'un invité; mais à la fois, c'était son devoir de vouloir le bien-être de sa maîtresse... La petite élémental était face à un cruel dilemme... Un paradoxe ne rendant l'atmosphère que plus pesante pour Lulya, mais bien moins que les regards insistants de l'homme et sa patronne. Alors, le regard de la demoiselle s'assombrit, et elle n'eut d'autres choix que de s'exécuter:

"Bon... Vu que vous ne me donnez pas le choix... Je vais donc vous raconter mon histoire. Tout commence dans un petit village paysant, où j'y a passé les premières années da ma (petite) vie. Un jour, un scientifique fou est arrivé, et a commencé à capturer des enfants pour des expérimentations. Et pour faire cesser ces agissements, je me suis rendue, en échange de tous les autres... J'ai alors passé un année attachée à une table d'expérimentations, subissant sans cesse de nouvelles tortures. J'étais devenu un véritable rat de laboratoire. Pour information, c'est a cause de cela que mes cheveux sont blancs, que je parais plus jeune qu'une fille de 16 ans, et surtout... "

La jeune femme enleva alors son cache œil. Son visage laissait transparaitre une douleur lancinante, une cicatrice du passé se rouvrant peu a peu...

"...que mon œil droit à viré au rouge. Mes gènes d'élémental se sont éveillés, des tatouages apparurent sur mon corps tout entier (et notamment sur mon dos). Et un jour, j'ai perdu le contrôle... J'ai tué le scientifique. Et comme tout enfant qui se respecte, j'ai voulu rentrer à la maison. Mais personne ne me reconnut, moi, le monstre de feu. Pas même mes propres parent, qui tentèrent de me tuer. Et j'ai... j'ai...!"

Les yeux de Lulya brillaient sou l'humidité des larmes. Et marcha d'un pas faible vers un des fauteuils, de l'autre côté de la pièce, et s'affaissa sur celui-ci. Elle ne souhaitait pas pleurer et retint ses larmes, avant de reprendre:

"Puis, je suis partis m'exiler dans les montagnes, n'ayant plus aucune maison; et une femme vint m'y trouver, et m'emmena avec elle. Elle me nourrit, me logea, et m'habilla, même ! Je l'aimais, de tout mon cœur... Mais un jour, je me suis retrouvé attachée sur un pieux, au milieu de la place centrale, face a tous les habitants... Il s'avérait que cette femme était une chasseuse de prime, voulant me voir morte, comme tous les autres. Je les entendait me traiter de monstre, d'erreur de la nature... Et le carnage se répéta..."

La demoiselle, ayant terminé son récit, ne pouvait plus supporter le poids des larmes. Elle mit une main sur ses yeux, ne voulant en aucun cas montrer sa tristesse a son invité, ainsi qu'a la dragonne. Mais sa voix tremblante la trahissait:

"Je ne souhaitais pas tuer tous ces innocents; je ne souhaitais pas tuer mes parents de mes propres mains ! Et aujourd'hui, leurs sang reste gravé sur ma peau a travers mes tatouages, et dans mon regard...!"

Rapidement elle se leva, essuya ses larmes, et fit mine qu'il ne s'était rien passé. Elle rejoignit ses mains en un claquement, et déploya un large sourire, sans dire rictus. Celui-ci était d'une triste amertume, mais elle le maintenait tant bien que mal.

"Enfin bref, ce ne sont que des histoires sordides d'une simple majordome! Hahaha... Si on se concentrait un peu plus sur vous, cher Trataïr, c'est quand même vous nôtre invité !"

La Confrérie des Brumes était une vraie guilde de bras cassés. Pour une raison obscure, ses rangs attiraient ceux que le hasard n'avait pas épargné. Vidés de leur substance, meurtris par le sang, le froid et la faim qui bien souvent venaient ensemble, elle leur apparaissait comme l'aube de tout espoir, cette petite lanterne blanche toujours allumée dont la lumière blafarde rompait vaillamment l'obscurité des rues la nuit... Bateaux ivres fourbus par la tempête, ils venaient s'échouer entre ses bras de contrefaçon et de commerce illicite, la voile défaite et la proue brisée. Luz n'aurait su dire s'ils en sortaient mieux. Tout au plus y trouvaient-ils un abris, un « chez soi » comme aimait à le dire Trataïr. Entre ces murs sous-terrains les visages se ressemblaient et les malheurs de chacun se confondaient dans un mélange informe, commun, capables d'être acceptés car ils étaient partagés.

La dragonne garda le silence, laissant les mots de Lulya s'épancher par eux-mêmes. Elle savait depuis longtemps que sous cette fragile apparence se cachait l'horrible réalité d'un passé regrettable, et que rien ne saurait exorciser la jeune fille de sa propre douleur si ce n'était l'aveu, enfin, de celui-ci. Écoutant d'une oreille attentive bien que ne le montrant pas, elle se dirigea en silence vers une étagère annexe à son bureau et fureta entre les gobelets de terre cuite et autres mixtures de sa confection.


Avec des gestes qui avaient figure d'orfèvre elle disposa la juste quantité de plantes, et une tasse dans chaque main, s'en revint vers ses deux âmes en peine.


Luz posa sans bruit un gobelet fumant sous le nez de Lulya, et sa voix se fit force tranquille dans tout cet épanchement de violence :


Elle passa alors avec tendresse sa main dans les cheveux fins de Luly', comme elle avait pris l'habitude de le faire lorsque parfois les prémices d'un instinct maternelle la saisissait toute entière. C'était une caresse réconfortante et sincère dans ce qu'elle avait de spontané, souvenir de ce jour désormais lointain où la jeune demoiselle avait atterrit au Quartier Général, toute étonnée dans son grand lit blanc d'hôpital.


Elle s'accroupit devant elle, ses mains délicatement posés sur les genoux de Luly, le regard droit et immuable ancré dans ses prunelles tout aussi vairons que les siennes.


Luz se releva souplement et tendit la seconde tasse à Trataïr non sans un sourire encourageant.


Ses prunelles pétillèrent d'une nuance amusée, faussement sévère. Puis, face à ses deux amis, elle s'inclina avec toute la grâce dont elle était capable, geste équivoque et chaleureux qu'elle traduisit par des mots :

La question de l'archer éveilla une grande surprise chez Lulya, cela se lisait facilement dans son œil. Mais son visage exprimait aussi autre chose, un arrière-goût amer de peur. Elle redoutait, elle redoutait de conter son histoire. Savoir pourquoi n'était pas important. Toujours est-il que la terreur tordait son visage en cet instant. Dans une formule tout ce qu'il y a de plus polie, elle refusa de raconter au duo. Prétextant que Trataïr étais l'invitée et que ses soucis personnelles n'avaient pas d'importance. Le jeune homme soupira. Il n'était nullement l'invité et avais versé assez de larmes en ce jour. Mais il est vrai que Luz devait en avoir assez de supporter les pleurnicheries de ses employés. L'archer attendait sa réaction, continuant de regarder Lulya sans vraiment le faire. Perdu dans le tourbillon de ses acres pensées. Au final, ni lui ni Luz ne répondirent. Et Lulya décida enfin de raconter sa vie, ses tourments. De les partager pour en alléger le poids. En tout cas, c'est le but que Trataïr s'était fixé. Sa peine avait presque disparue et c'était au tour de cette jeune fille de se dévoiler pour pouvoir enfin trouver la paix de l'âme.


Il écouta, pendant de longues minutes, sans bouger, sans parler ni même soupirer en entendant son histoire. Pourtant, n'importe qui aurait fondu en larme en entendant une vie aussi tumultueuse et tâchée de sang. Pourtant, elle n'était pas longue. Seulement seize ans que Lulya était arrivée sur Terra, et en même pas deux décennies elle avait versée autant de sang et de larmes qu'un vétéran d'armée. Trataïr éprouvait de la compassion pour elle. Il avait vécu les mêmes tourments, mais pas aussi jeune. Cette fille était un roc. Un modèle de courage et de volonté. Peu importaient ses actes, ce qui comptait, c'était son cœur. Et son cœur était plus pur que n'importe quel diamant.

Finalement, Luz entreprit de faire du thé. Avec des gestes posés, elle mit l'assortiment de plantes dans la théière avant d'y verser une eau frémissante. Elle prépara ensuite deux gobelets de ce mélange et, sans palabres, en tandit un à Lulya. Celle-ci avait les yeux humides de larmes salés. Passant tendrement sa main dans ses cheveux d'albâtre, elle semblait une mère qui réconfortait sa fille. De son côté, l'archer souriait en entendant les mots de Luz. Elle savait y faire et le bougre se demanda même si elle n'avait pas été mère durant sa longue vie. La seconde tasse vint finalement dans les mains du chasseur de zombies et il en bu une bouillante gorgée avant de répondre aux mots de sa patronne.

- Merci pour le thé. Luz, tu sais vraiment y faire avec les esseulés. Je ne serais jamais mieux que chez moi. Et je te promet de ne plus me morfondre sur ma vie... c'est une promesse que je tiendrais. Je serais toujours heureux de vivre, malgré tout ce qui pourrait m'arriver. Merci pour tous Luz. J'étais à ce point bête car je viens de l'apprendre.

Un sourire chaleureux sur le visage de Trataïr semblait répondre à celui qui se trouvait sur celui de sa patronne. Cependant, il restait Lulya. L'archer s'approcha d'elle et passa à son tour une main dans ses cheveux, un sourire fraternel sur le visage. Ils étaient doux et bien coiffés. "Comment ne pas les aimer ?" pensait-il.

- Lulya... ne regrette pas, ne regrette jamais. Je l'ai appris il y a quelques minutes et c'est une belle leçon de vie. Tu n'es plus seule désormais. Tu n'as plus à te cacher dans la forêt. Tu n'as plus à tuer. Tu n'as plus à faire ce que tu n'as pas envie de faire. Tu as juste à vivre, à être heureuse. Seule ou avec quelqu'un d'autre. Je ferais partie des gens qui ne te laisseront jamais tombée Lulya, sois-en sûr. Luz fait aussi partie de ces gens-là. Tu es ici, entourée d'amis.

Pendant qu'il parlait, il lui releva doucement la tête pour que ses yeux vairons croisent les siens. Il ne voulait plus voir de larmes aujourd'hui. Trop avaient été versées. Finalement, il accompagna d'une main la tête de Lulya qui vint se poser sur son épaule. Instinctivement, il vint lui aussi poser sa tête sur l'épaule de la jeune fille dans une chaleureuse accolade.

Lulya soupira, et détourna une nouvelle fois le regard dans le vide. Elle avait finit sa sinistre confession, que faire de plus ? Elle se sentait stupide, voir pathétique derrière son faux sourire, tel un clown tragi-comique. Mais heureusement, sa précieuse maitresse ne semblait pas y prêter grande attention, préparant tranquillement son thé avec une précision et une délicatesse d'orfèvre. Sa douce fragrance, caressant ses narines, extirpa la petite élémental de ses divers songes et idées noires. Elle prit la tasse a deux mains et but alors le breuvage, sans sentir la sensation brulant qu'un humain normal sentirait.
Elle remarqua la présence douce de Luz, face a elle. La dragonne semblait si grande aux yeux de la jeune femme, qui restait vissée a son fauteuil. Elle posa le gobelet sur le bureau, et gloussa légèrement, désignant la concoction de Luz du regard.

"Décidément, j'en oublie tous mes dev..."

Mais elle fut rapidement interrompu par la main de sa dragonne caressant ses cheveux. Elle aimait tellement cette sensation tel un chat se faisant dorloter. Ses mains restaient crispées au fauteuil. Lulya souhaitait aussi effleurer ce visage, la fixant tendrement; mais elle en était tout simplement incapable.

"Qui a dit qu'un cœur avait ses limites ? Il n'est pas question d'endurer, mais d'accueillir. Non pas ton âme en peine comme tu sembles le croire mais bien toi toute entière, dans ce que tu as de plus complet. Et je suis heureuse de te connaître. Toi et ton passé compris.
Ton périple solitaire a pris fin. Tu es ici en sécurité et ni Trataïr, ni moi, ni aucune autre âme entre ses murs ne cherchera à te faire subir ces ignominies que tu as déjà vécu... Nous sommes tous des blessés de guerre, tu sais. Tu n'imposes rien à personne. Ne te sens pas coupable de te confier... N'est-ce pas un peu le rôle d'une famille, d'alléger les plaies de chacun ?"

A l'écoute de ces simples phrases, les larmes de la petite élémental débordèrent. Elle était extrêmement émue, elle qui n'avait jamais eu de famille prête à l'accueillir et a l'aimer telle qu'elle était. Et ni son contrôle de soi, ni quoique ce soit d'autre ne pouvait l'empêcher de pleurer... Elle n'entendait plus rien de ce que se disaient les deux compère, perdue dans ses flots de sanglots.
Quand soudainement , une autre main passa dans ses cheveux. C'était celle de Trataïr. D'une main alors elle essuya ses larmes, et posa l'autre sur celle de l'homme. Ses mimines semblaient si petites et fines par rapport à celles de l'archer, qui s'adressa à elle d'un voix réconfortante:


"Lulya... ne regrette pas, ne regrette jamais. Je l'ai appris il y a quelques minutes et c'est une belle leçon de vie. Tu n'es plus seule désormais. Tu n'as plus à te cacher dans la forêt. Tu n'as plus à tuer. Tu n'as plus à faire ce que tu n'as pas envie de faire. Tu as juste à vivre, à être heureuse. Seule ou avec quelqu'un d'autre. Je ferais partie des gens qui ne te laisseront jamais tombée Lulya, sois-en sûr. Luz fait aussi partie de ces gens-là. Tu es ici, entourée d'amis."


Puis, il entraina la jeune femme dans une étreinte. Elle se mit alors sur la pointe des pieds, enroula ses bras autour de la nuque de l'homme, et blottis sa tête dans le creux de son épaule. Ses mains serraient fermement les vêtements de Trataïr, comme si elle ne souhaitait plus le lacher.
Mais fut le temps de se séparer. Elle s'écarta avec une infinie délicatesse, et se dressa de toute sa grâce face aux deux amis. Elle frotta son petit nez rougis par toute cette émotion, et se courba en une révérence.

"Merci infiniment ! Pour le toit, pour vous, pour avoir cru en moi...! Je vous jure de ne plus pleurer pour quoique ce soit ! Et en y réfléchissant, je ne peux imaginer vivre une éternité sans vous, la guilde, à mes côtés... Alors merci, de tout mon cœur oui, merci !"

Luz se sentait plus vieille que le monde en cet instant. Elle ne sut dire si c'était de voir leur jeunesse s'épancher ainsi, échoués dans les bras l'un de l'autre comme les deux faces d'une même pièce, ou si c'était de se sentir à ce point impuissante contre cette fameuse roue du destin... A son âge, une dragonne lambda se serait enfuie à tire d'aile dans une recherche permanente de mâles et de portées, quand les siens n'étaient pas mus par cette soif de vengeance et de destruction qui les caractérisaient. Quoique se lover dans les entrailles d'une montagne devait être agréable, avec pour seule compagnie jusqu'à la fin des temps la présence froide et austère du métal précieux... En lieu et place de ces rêves écailleux, elle n'avait hérité ni plus ni moins que d'un entrelacs de problèmes insurmontables et de péripéties politiques douloureuses. Vivement que tout ce beau monde ait tôt fait de s'entretuer, cela leur ferait des vacances !
Elle se fit sa propre tasse de thé oubliée jusqu'alors et, ses mains posées de chaque côté de la terre cuite chaude, se permit d'évoquer d'autres sujets importants.


Accoudée contre la petite table de travail, elle regardait Trataïr de cet air interrogatif qui lui était particulier. Elle n'avait pas précisé à qui elle s'adressait, mais la direction de sa voix et le poids de ses prunelles mettaient fin à toute incertitude...


Elle ne précisa pas qu'il s'agissait d'employées au féminin, bien que la nuance soit indécelable à l'oral. Elle savait combien Trataïr connaissait son ancien compagnon de route -lui et sa fameuse malédiction d'ailleurs... A vrai dire, le sujet l'amusait davantage qu'il ne l'ennuyait. Ce n'était pas tous les jours qu'elle pouvait se targuer d'abriter un démon originel aux passions plutôt débridées !
Le regard de la dragonne glissa momentanément sur Luly'. Elle se demanda si celle-ci connaissait leur antilope démoniaque nationale, et s'ils avaient eu l'occasion d'échanger un mot. Le Quartier Général était si vaste qu'il était aisé d'y évoluer des années durant sans pour autant en croiser tous les habitants...
Luz laissa filer un soupir. Cela annonçait le retour aux sujets difficiles.


Elle releva vers lui un regard incisif. Il leur avait parlé des morts, des combats, du sang sur ses mains... Mais jamais il n'avait évoqué les aléas de la vie qui l'avaient conduit à toutes ces horreurs, ni s'il comptait justement y retourner. Avait-il intégré une sorte d'armée, que ses pas l'aient mené jusqu'aux terres infestées ? Était-il allé jusqu'en Adhès dans l'antre des Adorateurs, accompagné de l'un ou au l'autre camp ennemi ? Il y avait une part de mystère dans les propos qu'il tenait, et cela n'avait de cesse d'aiguiller l'instinct millénaire de la dragonne... Il avait toujours ces mêmes yeux lointains malgré ce sourire tout nouveau qui trônait sur ses lèvres, une sorte de regard intérieur qui portait plus loin, bien plus loin que les locaux de la Confrérie des Brumes. Et Luz n'avait pas son pareil lorsqu'il s'agissait de sauter à pieds joints sur les points douloureux, sur les nœuds d'incohérences des êtres qu'elle côtoyait !

Elle espérait donc sans y croire une seule seconde qu'il ferait le choix de rester parmi eux. Reviendrait-il un jour s'il repartait sur les routes... ? Elle avait la désagréable impression qu'il leur revenait chaque fois plus éteint, élimé par le temps. Et la question était la même pour Lulya, si jeune qu'elle ne pouvait décemment pas faire le choix de rester à vie à la Confrérie... Ils semblaient voués à s'échouer de part et d'autre de la planète comme des aimants contraires !

Lulya étant un peu plus chétive que Trataïr, elle dû se mettre sur la pointe des pieds pour arriver à la hauteur de ses épaules et l'imiter en plongeant sa tête dans celles-ci. L'archer était ému. Il était ému de pouvoir donner de l'affection à quelqu'un qui en avait manifestement besoin. Ces derniers mois, il avait plus souvent donné des coups que des embrassades. Cela lui avait vraiment manqué de ne pas sentir le souffle chaud de quelqu'un contre lui. Une chaleur retrouvée qui lui donnait du baume au cœur et un peu d'espoir pour l'avenir, le sien et celui monde en général. Si cette fraternité n'était pas perdue, cela laissait de bons présages pour le futur. L'étreinte de la jeune femme était puissante, certainement emplie de grands sentiments. Et quand les deux êtres se séparèrent pour laisser un peu d'espace entre eux, ce fût comme un amer départ. Trataïr ne pouvait que sourire en voyant les joues rosies de Lulya. Elle était belle et gracieuse dans ses gestes. Même si il avait pu voir la beauté des elfes pendant son périple, elle n'avait rien à voir avec cette innocence juvénile que possédait son amie. Les elfes étaient plus... hautains et froids. Il n'aurait probablement jamais l'occasion de voir les joues d'un elfe rougir comme cela, et tant mieux. Il préférait cent fois plus le tableau qu'il avait sous les yeux dans ce cas. La jeune femme fit une élégante courbette devant ses deux interlocuteurs.

- Merci infiniment ! Pour le toit, pour vous, pour avoir cru en moi...! Je vous jure de ne plus pleurer pour quoique ce soit ! Et en y réfléchissant, je ne peux imaginer vivre une éternité sans vous, la guilde, à mes côtés... Alors merci, de tout mon cœur oui, merci !

Trataïr soupira discrètement. Nul doute qu'elle ne pourrait pas tenir cette promesse. L'humain est fait pour ressentir des émotions, et donc pleurer. Si il arrivait à ne pas le faire, il n'en serait plus un. Imitant la jeune femme, Trataïr tourna le regard vers sa patronne. Qui s'étaient tranquillement servie du thé en les regardant.

- Je n'ai pas vu Niflheim depuis ta dernière visite. Cela avait l'air de te tenir à cœur... J'espère qu'elle va bien. Peut-être devrais-tu lui envoyer un courrier ? Quant à Quatre-Cornes, il doit être quelque part sous nos pieds en train d'asticoter mes employées.

Entendre parler comme cela de ses amis fut un réconfort pour l'archer. Luz n'avait, comme lui, aucune nouvelle de la petite Niflheim. C'était dommage sans être grave. Comme disait Luz, il pourrait toujours lui envoyer une lettre. Le passage sur son cher compagnon Quatre-Cornes le fit grandement sourire. Il était au courant de la malédiction de celui-ci qui "l'obligeait" à avoir des mœurs originales. Il rit légèrement en l'imaginant courir après les plus jolies filles de la guilde. Ce devait être loin de la réalité heureusement. Mais cette vision exagérée l'amusait.

- Que vas-tu faire à présent, Trataïr... ? Vas-tu rester ici ? Repartir sur les routes ? Ou quelque chose que tu ne nous as pas encore dit... ?

Aaaah Luz... autant elle peut vous redonner le sourire, autant elle peut vous le faire perdre très rapidement. Elle en venait toujours à cela, qu'allait-il faire par la suite ? L'archer savait qu'il avait désormais des obligations envers l'Empire dus à son poste. Mais il savait aussi que celles-ci lui laissaient suffisamment de libertés pour continuer de travailler à la guilde et d'y loger. Cependant, ses deux amis devaient connaître dans quelles circonstances il s'était retrouvé là-bas, à combattre ces monstres. Alors qu'au début, il venait juste pour aider le général de façon pacifique, sans se battre. Il laissa planer un long silence, la tête baissée dans une mimique de lassitude, avant de répondre à sa patronne.

- Tu sais Luz, j'ai toujours cette envie de voyager qui me poursuivra toute ma vie. Je ne suis pas fait pour rester au même endroit très longtemps. Tu t'en doutais que j'allais repartir sur les routes...

Un nouveau silence traduisait le stress qui montait en lui en pensant à ce qu'il allait dire. Comment allait-elle réagir en apprenant qu'il se battait au péril de sa vie ?

-... Cependant, il y a autre chose qui m'oblige à ne pas rester, à repartir. J'ai des obligations envers des gens. Des gens à qui je dois beaucoup. Je les ai rencontrés dans ces terres maudites. Ils se battent tous les jours pour protéger les habitants de ce monde des êtres qui veulent les nuire. Ils respectent des valeurs comme le courage, l'honneur, la détermination... Je les ai rejoins pour, moi aussi, protéger les habitants de ce continent. Si tuer doit être mon lot quotidien, je veux le faire en défendant d'autres personnes. Ces gens se nomment Anima, Hadrien etc... Ces gens portent le nom tristement célèbre d'Impériaux.

Il avait relevé la tête et plongé son regard dans celui de Luz avant de dire cette fin de phrase où il mit, sans le vouloir, une grande détermination. Aucun doute que son jugement sur ces gens était mélioratif, et il s'en doutait un peu. Cependant cela ne changeait rien dans sa vision de l'Empire. Pour lui, seuls les têtes pensantes avaient de mauvaises intentions. Le simple soldat, lui, veut juste protéger sa famille et son village natal. Il ne veut pas envahir les Glaces ou anéantir une secte étrange. C'était cette image là qu'il respectait. La noblesse d'âme des gens, pourtant si simples, mais qui avaient des idéaux qui méritaient d'être défendus. Quelle serait la réaction de Luz ? Et de Lulya ?

"Niflheim"? "Quatres-cornes" ? Que de noms qu'elle ne connaissait pas, et qui rappelaient à Lulya comme le monde est vaste, emplis de surprises et de mystères. "Quatres-cornes"... Ce nom résonnait dans sa tête, comme un sentiment de déjà vu... Quand soudainement, un éclair de lucidité traversa la petite élémental. Certains autres employés lui avaient parlés de ce démon tripoteur de filles, rodant parfois dans les couloirs de la mystérieuse guilde. Elle croyait que ce n'était qu'une légende pour l'empêcher d'être trop curieuse. La demoiselle faillit s'écrier "Ca alors !!", mais se contenta d'un sourire de coin malicieux.
Mais ce moment léger fut rapidement stoppé par un simple soupir, que Lulya ne connaissait que trop bien.

" Que vas-tu faire à présent, Trataïr... ? Vas-tu rester ici ? Repartir sur les routes ? Ou quelque chose que tu ne nous as pas encore dit... ?"

La demoiselle reprit son air sérieux et tourna son double regard vers Trataïr. Elle aussi souhaitait savoir le pourquoi du comment, et a quoi cela aboutis.
Mais peut-être n'aurait-elle pas voulu entendre ce que l'homme allait dire...

" Tu sais Luz, j'ai toujours cette envie de voyager qui me poursuivra toute ma vie. Je ne suis pas fait pour rester au même endroit très longtemps. Tu t'en doutais que j'allais repartir sur les routes... ... Cependant, il y a autre chose qui m'oblige à ne pas rester, à repartir. J'ai des obligations envers des gens. Des gens à qui je dois beaucoup. Je les ai rencontrés dans ces terres maudites. Ils se battent tous les jours pour protéger les habitants de ce monde des êtres qui veulent les nuire. Ils respectent des valeurs comme le courage, l'honneur, la détermination... Je les ai rejoins pour, moi aussi, protéger les habitants de ce continent. Si tuer doit être mon lot quotidien, je veux le faire en défendant d'autres personnes. Ces gens se nomment Anima, Hadrien etc... Ces gens portent le nom tristement célèbre d'Impériaux. "

La bouille curieuse de la jeune femme s'assombrit. Naquit dans ses yeux une lueur vengeresse, d'autant plus mis en valeur par ses poings serrés.
Les Impériaux... Ceux qui avaient détruits le village natal de cette chère Aricie, ainsi que brisé le cœur et l'enfance de sa bien-aimée...
Ses yeux restèrent figés pendant quelques secondes avant de repartir vers l'archer. La demoiselle était divisée en deux: d'un côté, les intentions de Trataïr étaient purement louables, mais de l'autre, comment tous ces carnages ont pu se faire sans soldats, pas forcément tous pervers à la base... Mais progressivement, le regard de Lulya s'apaisa. Elle ne pouvait pas en vouloir à Trataïr, après tous ce qui s'est passé... Et étrangement, elle se souciait pour cet homme (plus qu'elle ne lui en voulait), alors qu'ils ne se connaissaient même pas il y a quelques minutes. Finalement, elle lui offrit un regard tendre. Ses sourcil légèrement froncés vers le haut montraient sans peine l'inquiétude de la jeune femme.

"Si un jour vous êtes fatigué; si un jour vous êtes seul face à la souffrance, la guilde, je dirais même plus, vôtre famille, sera la pour vous accueillir. Et si vous avez juste besoin d'une épaule sur laquelle vous poser, je ne serais jamais très loin de dame Luz...!"

La demoiselle ricana d'une voix enfantine. Evidemment elle n'aimait pas l'idée de le voir partir si tôt, encore plus en tant que soldat! Elle aurait aimé le connaitre un peu plus... Mais que pouvait-elle dire d'autre ?
Elle se tourna vers sa maîtresse en quête d'une approbation, avant de se rediriger vers la place qui lui revenait de droit, c'est-a-dire contre son mur...

Les prunelles d'ordinaire si vives de Luz se voilèrent d'un sombre souvenir. Anima. Hadrien. Voilà des noms qui ne lui étaient pas inconnus mais qui restaient toutefois sans visage. Plus encore que leur identité propre, c'était le camp qu'ils incarnaient qui lui serrait la gorge, faisait pulser le sang dans ses veines et vibrer la corde sensible de ses souvenirs blessés... Il y avait là tout au fond d'elle un sentiment refoulé de nostalgie. Car ce camp était aussi celui d'un certain Conseiller Noir... Comment, comment aurait-elle pu en vouloir à Trataïr de se fourvoyer sur les valeurs qui animaient ces grands noms ? Elle était la première à blâmer, la première à avoir tant désiré goûter aux saveurs de l'interdit impérial...

Elle ouvrit la bouche, spontanée. Sans doute voulut-elle le rassurer, lui parler de cette vérité sue d'elle seule -qu'elle en connaissait un rayon en matière d'affinités avec les Impériaux. Mais quelque chose dans l'attitude de Lulya la retint, coinça les mots tant espérés dans sa gorge. Ses poings s'étaient fermés comme deux blocs de ciments, tremblant d'impuissance, et tout son corps se tendit tel un arc de façon quasi perceptible. Ce n'était pas là des signaux capables d'échapper à un reptile... Et Luz se tut, murée dans son propre silence incertain, incapable de porter ce coup fatal à cette jeune fille qu'elle aimait déjà presque comme sa progéniture. Une révélation douloureuse suffirait par jour. Il faudrait marcher pas à pas, ménager ces deux âmes blessées afin qu'elles ne se brisent pas, jamais.
Luz referma la bouche et ses lèvres dessinèrent un fin trait rouge. Elle oublia jusqu'aux mots qu'elle souhaitait prononcer.


La dragonne acquiesça d'un signe de tête encourageant, percevant l'interrogation muette dans le regard que lui coula Lulya. Elle ôta les herbes aromatiques éparses qui flottaient paisiblement à la surface de son thé à l'aide d'un filtre, et posa le tout sur sa table de travail. Elle n'aimait pas que la mixture gouttât au cours de la manœuvre. Mais en cinq-cent ans d'expérience, le thé gouttait toujours lorsqu'elle en levait le filtre... Voilà donc où ses compétences les plus poussées soient-elles prenaient fin : à une stupide tasse de thé tilleul vanille. Encourageant.


Elle but une gorgée de thé brûlant, s'ébroua comme un chat sauvage reprenant brusquement vie. Son sourire, lui, adopta les nuances plus subtiles de la culpabilité :


Nouveau soupir. A ce rythme-là, l'oxygène n'allait jamais plus vouloir revenir dans ses poumons.


Tenant d'une main sa tasse de thé, elle lui offrit alors un sourire beaucoup plus franc et sans détour que le précédent.


Oh que non, Luz ne la laisserait certainement pas retourner à sa parcelle de mur comme un vulgaire serviteur !

Un soupir. Un simple soupir se fit entendre dans le dos du chasseur. Un soupire si rapide et si léger que le percevoir était quelque chose d'extraordinaire. Cependant l'archer était concentré en cet instant, et comme à chaque fois qu'il était dans cet état, son ouïe comme une majorité de ses autres sens s'affinait. Cet écart de voix ne passa donc pas inaperçu à ses oreilles. Il regarda du coin de l'œil vers son amie pour en découvrir l'origine et là, il aperçut un visage des plus sombres. Lulya avait un de ses regards à pétrifier un démon sur place. Elle avait les poings serrés, ajouté à cela son oeil d'un rouge aussi vif que la lave d'un volcan et vous obtenez une femme dont la seule idée qu'elle puisse être en colère ferait frémir n'importe qui. Visiblement, elle n'appréciait pas le nouveau parti de Trataïr. C'était compréhensible. Les démons avaient fais tant de mal à travers le continent. Comment un homme un temps soit peu honorable pouvait épouser leur cause ? L'archer n'avait pas la réponse. Cependant, aucun regret, plus jamais. Il avait franchi le pas et n'allait pas revenir en arrière, il ne pouvait pas. Profiter de sa vie était son but, son rêve, et les doutes ne faisaient pas partie des choses qui l'aideraient à concrétiser ce but.

Un peu attristé par la réaction de son amie, Trataïr ne fit cependant aucune remarque et écouta docilement les paroles réconfortantes de la jeune femme. Lui répondant d'un sourire chaleureux et sincère. Il posa ensuite le regard sur Luz. Il devait en permanence tourner la tête à 180° pour voir ses deux vis-à-vis, comme un amateur de tennis qui regarde un match.

- Si tu as vraiment confiance en ces hommes alors il serait malvenu pour nous de te retenir.

Aucune réaction de la part du voyageur. Sachant très bien que sa supérieure n'avait pas finie de parler. Son sourire aux nuances de gris arracha un soupir désolé à Trataïr. Elle devait quand même être triste de le voir risquer sa vie.

- Enfin... C'est idiot mais j'ai un peu trop tendance à m'accrocher à vous comme à mes propres enfants. Je me fais l'effet d'une vieille dragonne tyrannique. Ne prend pas mon air déçu pour toi Trataïr j'aurais simplement aimé te voir encore quelques temps au QG...

Une nouvelle saccade de soupir se manifesta. Chaque souffle pinçait le cœur de l'archer. Comme si on le piquait avec une aiguille.

- Mais si tu as confiance en ces hommes... ! La Confrérie des Brumes se targue d'être une guilde polyvalente après tout. C'est le moment de le prouver au reste du monde avec un fidèle compagnon revêtu du bleu impérial ! Jusqu'à quel grade vas-tu monter ? Et toi Luly' ? As-tu des projets dans la vie ? Un endroit où tu aimerais aller, une cause à épouser ?

Trataïr s'attendait à ce genre de réaction de la part de Luz. Elle était d'un naturel libéraliste et laissait ses employés, voir ses amis, faire ce qu'ils voulaient de leur vie au mépris du danger et de la tristesse qu'engendrent leurs décisions dans son cœur de dragonne. Cependant le chasseur ne voulait plus qu'elle se fasse du souci pour lui. Il ne voulait plus entendre le dépit dans sa voix. Il voulait qu'elle arrête de s'inquiéter de son sort. Il pouvait au moins faire ça pour elle après tout ce qu'elle avait fait pour lui. Il s'approcha tranquillement de sa patronne et prit le plus doucement possible son visage entre ses mains. Elle avait la peau douce, et ses yeux vairons étaient bien plus beaux vus de près. Il lui offrit un sourire des plus francs, sans tristesse ni joie. Juste de l'amitié pure.

- Je le prends comme je veux Luz. Et la dernière chose que je souhaite est de voir ce regard qui traduit ton souci à mon égard. Tu ne te soucieras plus de moi avant longtemps parce que je compte rester ici le plus longtemps possible. J'ai déjà accepté une mission dans les Montagnes. Je la fait et je reviens directement ici...

Ensuite, il l'enlaça du plus fort qu'il pouvait et glissa ses prochains mots dans son oreille.

- Regardes... je suis là et je resterais toujours là. Ne t'inquiètes pas de me voir un jour partir. Profites plutôt du présent. Tu verras Luz, je resterais si longtemps ici, avec vous, que ce sera toi qui me suppliera pour que je parte.

Il restait au cœur de cet étreinte et n'attendait que le signal de Luz pour la relâcher. Il voulait qu'elle sente au fond de son cœur que jamais il ne partirait. Il ne voulait pas que des gens s'inquiètent de son sort. C'était là sa plus grande peur.

Lulya restait droite, à la fois pensive et concentrée. elle observait de son double regard les réactions de ses deux amis . Et une en particulier suscita l'attention de la petite élémental. Celle de sa chère maitresse... Elle, d'habitude si guillerette, ou bien sérieuse, se trouva cette fois-ci réservé, et l'on pouvait déceler dans son regard une once de rancune si inhabituelle aux yeux de Lulya.
N'était-elle plus la seule à entretenir des relations ambigües avec les impériaux ? Tant de questions sans réponses se chevauchaient dans le petit crâne de l'élémental. Mais elle se devait de ne pas être trop indiscrète envers Luz. Elle n'aimait pas l'entendre soupirer inlassablement et put aussi le constater chez Trataïr... Puis, calmement, elle se dirigea vers le bureau alors que la dragonne était occupée avec l'homme, sortit son mouchoir, et essuya les quelques gouttes ayant perlées sur la table, avant de retourner aux côtés des deux compères, le yeux posés sur Madame.

"Enfin... C'est idiot mais j'ai un peu trop tendance à m'accrocher à vous comme à mes propres enfants. Je me fais l'effet d'une vieille dragonne tyrannique. Ne prend pas mon air déçu pour toi Trataïr j'aurais simplement aimé te voir encore quelques temps au QG..."

Le visage de Lulya s'illumina d'un tendre sourire, aussi tendre que ses prunelles bicolores. Entendre sa maîtresse dire tout haut ce qu'elle avait dans le cœur la rendait heureuse, voire fière d'elle. Ce n'est pas tous les jours que l'on pouvait avoir une telle preuve d'affection de la part de l'illustre dragonne. "Vieille dragonne tyrannique" ? Non... "Mère dragonne" serait déjà plus approprié. Elle comprenais la peur de Luz, la peur de voir, impuissante, ceux qu'on aime flétrir entre ses mains, par le temps, par la peine, ou par la folie de ce monde... Alors, elle reprit sa tasse de thé et la vida tout en continuant d'écouter la dragonne.

"Mais si tu as confiance en ces hommes... ! La Confrérie des Brumes se targue d'être une guilde polyvalente après tout. C'est le moment de le prouver au reste du monde avec un fidèle compagnon revêtu du bleu impérial ! Jusqu'à quel grade vas-tu monter ? Et toi Luly' ? As-tu des projets dans la vie ? Un endroit où tu aimerais aller, une cause à épouser ?"

La demoiselle leva la tête à l'écoute de son nom, ainsi qu'a la question qui lui était donné. Mais avant qu'elle ne commence sa phrase, elle fut interrompue par l'archer:

" Je le prends comme je veux Luz. Et la dernière chose que je souhaite est de voir ce regard qui traduit ton souci à mon égard. Tu ne te soucieras plus de moi avant longtemps parce que je compte rester ici le plus longtemps possible. J'ai déjà accepté une mission dans les Montagnes. Je la fait et je reviens directement ici... Regardes... je suis là et je resterais toujours là. Ne t'inquiètes pas de me voir un jour partir. Profites plutôt du présent. Tu verras Luz, je resterais si longtemps ici, avec vous, que ce sera toi qui me suppliera pour que je parte."

Lulya n'avait que très rarement vue Madame dans une telle éreinte. Elle soupira et s'assit sur l'accoudoir d'un des fauteuils, bras et jambes croisées, un malin sourire aux lèvres. La réponse de Trataïr la réjouissait, tout autant que de voir ses deux amis enlacés.
Une fois ce moment de tendresse finit, Lulya se leva et parla:

"Moi, de mon côté, j'ai deux projets, deux trésors, deux personnes..."

Tout en parlant, la demoiselle marchait d'un pas calme et posé autour de Luz.

"La première m'attend patiemment à Sen'tsura et j'avoue ne pouvoir demeurer loin d'elle plus longtemps..."

Une fois cette simple phrase dite, les joues de la jeune femme se teintèrent de rouge. Rien que l'idée de retrouver sa chère et douce Nawel la mettait en émoi.
Puis, ses pas s'arrêtèrent face à Madame, ses yeux figés dans les siens.

"Et sachez, mi lady, que la seconde personne se trouve juste en face de moi..."

Alors, avec une infinie délicatesse, la jeune femme prit la main de la dragonne et posa sa joue contre celle-ci, remémorant le temps ou elles s'étaient rencontrés.

"J'ai fais un serment, et je le tiendrai."

Les prunelles de Lulya brillaient d'une lueur douce et fragile. Elle n'osait l'étreindre comme l'avait fait Trataïr, de peur qu'elle ne se lasse, ou quoique ce sois d'autre, et se contentait de cette simple main, contre la sienne...
Comme l'archer, la jeune femme n'aimait pas voir Luz triste, et se fit un devoir de la rendre heureuse, quitte à être drôle, ridicule; attendrissante ou sérieuse. Puis, du bout des lèvres, elle susurra:

"Restez en paix et continuez de sourire... n'est-ce pas cela le but d'un majordome ?"

Les prunelles de Luz s'arrondirent et formèrent deux perles surprises. Il était rare de voir Trataïr s'adonner à de telles démonstrations d'affection, plus encore avec elle. Elle n'avait que trop tendance à imprimer sur ses employés une note de respect un peu craintive, dans ses manières qu'elle avait d'être libre et ailleurs, un abîme infranchissable pour tout contact physique. La dragonne était pourtant des plus tactiles. Et, sans lui manquer, elle s'étonnait de ce que ses proches s'en tiennent à tout prix à cette forme de rigueur comportemental qui excluait tout contact... Oh certes, Lulya et lui avaient déjà échangé une étreinte quelques minutes auparavant. Mais que ses mains à lui viennent saisir son visage à elle, ce « elle » qui n'était pour une fois pas quelqu'un d'autre, c'était bel et bien une grande première !
Mais son étonnement guilleret fut de courte durée. Car à ses paroles succédèrent un froncement de sourcils fort explicite, tandis que le mécanisme immuable de son cerveau entreprenait sa mise en marche effrénée :


Nulle trace d'inquiétude dans sa voix. Elle croyait instinctivement et sur parole le jeune homme lorsqu'il lui affirmait qu'elle n'avait aucune raison de s'en faire, comme s'il lui suffisait d'effacer d'un revers de main les aspérités qui faisaient obstacle à son bonheur. Luz était ainsi. Incapable de rester très longtemps dans un unique état d'esprit...
Aussi s'écarta-t-elle presque immédiatement de lui, ses mains posées sur ses épaules tel un pont entre leurs deux corps, le regard vif adroitement ancré dans ses prunelles vertes. Elle sentait là qu'il y avait matière à savoir. Et ce savoir l'assoiffait, son esprit hanté affabulant déjà sur les mille et une choses qu'elle n'avait pas vues, ne verrait pas, et qui sans doute se produisaient actuellement sans elle à l'autre bout du monde. Et cette simple pensée la rendait folle.


Dans le tas, elle avait l'infime espoir qu'au moins une question passerait.


La dragonne cessa immédiatement ses minauderies de rapace. Intriguée comme seules savaient le faire chez elle les amorces de conversation de ce type, elle accorda tous les feux de sa curiosité à Lulya. Autant dire que l'Elementale devait s'attendre à un véritable tir groupé de questions... Il n'était jamais très bon de s'interposer entre Luz et ses sources d'interrogation.


Là, la subite teinte rubiconde de ses joues n'échappa pas à la dragonne. Pas plus que le double sens fort prononcé de ses paroles. Ahah, songea-t-elle, son sourire retors atteignant des sommets, coincée. Tout comme Luly' l'avait fait précédemment à l'égard de Trataïr, Luz glissa deux doigts sous son menton et releva ce dernier, son autre main toujours abandonnée bien volontiers aux siennes.


Et Luz ne put masquer le rire qui brillait dans ses prunelles, jurant sur ce faux ton théâtral de chaperon qu'elle avait pris l'habitude de parodier.

Une amitié solide. Un sentiment de fraternité. Un engagement envers elle. Voilà quelques unes des valeurs qui représentaient cette étreinte pour le jeune homme. Il voyait dans ce geste une preuve indiscutable de leur amitié. Luz était sa supérieure, mais il s’autorisait sans états d’âmes de l’enlacer comme il le faisait. Pour lui, elle était devenue une amie chère à son cœur. Et l’idée qu’elle croit qu’il veuille l’abandonner était insupportable. Il voulait effacer tout doute, toute déception, tout peur de son âme de dragonne centenaire. Il ne répondit pas tout de suite aux questions de la dragonne. Répondra-t-il seulement un jour ? Il ne voulait pas parler plus longuement de ses relations avec l’Empire, car cela semblait fortement alourdir l’atmosphère.

Du coin de l’œil, il vit la jeune Lulya glisser des paroles des plus symboliquement importantes à l’oreille de Luz. Elle parlait des deux âmes qui constituaient son trésor. Selon ses dires, l’une d’elle se trouvait à Sen’Tsura, la capitale terrestre que le jeune homme connait si bien pour y avoir rencontré son amie Nilfheim. Il souhaitait que ces deux âmes-sœurs se retrouvent bientôt. Il aimait voir l’amour infini dans les yeux de son amie. C’était un sentiment noble, pur, et d’une grande beauté. Cependant, le jeune homme ne l’avait, malheureusement, jamais connu. Il avait déjà ressenti les pulsions biologiques propres à tous les hommes envers des membres du beau sexe. Seulement, cela n’avait jamais été réciproque. Il était heureux pour Lulya, mais peut-être un peu jaloux…

- Et sachez, mi lady, que la seconde personne se trouve juste en face de moi...

Trataïr sourit en entendant ces mots. Luz ne manquait pas d’amis, certes, mais peu au sein de la confrérie n’osait véritablement la traiter comme telle. Il y avait toujours ce respect d’employé qui devait s’avérer frustrant pour quelqu’un d’aussi affectueux que la dragonne. Son sourire se fit plus désolé en songeant à cela. Il croisait les bras et admirait cette preuve de pur attachement entre ses deux amis. Avait-il vraiment envie de quitter cette pièce ? De quitter ces personnes ? De quitter leur bras ? Il se permit un instant de réflexion sur ses nombreuses questions. Il fut enfin sortit de ses pensées par les mots de Luz.

- Hmm hmm, m'est avis que tu ne nous as pas tout raconté. Auriez-vous d'ores et déjà eu l'occasion d'user de vos charmes dans notre belle ville de Sen'tsura, jeune fille... ?

La question ne le concernait pas. Cependant elle réveilla en lui une vision, un visage. Le visage de celle qu’il avait croisé quelques jours auparavant. Sans réellement se souvenir d’autre chose durant la journée. Il ne se rappelait que de ce visage. Aux traits fins, au teint pâle, aux cheveux longs et d’un noir profond. Cette vision se coupla avec une autre. Le même visage, exactement le même, mais dans un autre endroit. Plus peuplé, plus sale, plus malfamé. Une auberge un soir de Kelrenn… Doucement, il vit sa tête se rapprocher du sol. Son corps se pencher dangereusement vers la droite. Mais il ne contrôlait plus rien. Il était comme endormie, assommé, assommé par le souvenir de ce visage. Puis il tomba dans un « boum » suffisamment retentissant pour ne pas être passé inaperçu. Il se releva dans la seconde, vif comme un ivrogne qui chope une bouteille. Le regard agrandi par la surprise, mais qui regardait dans le vide.

- Non… non… !

Il ne faisait que bafouiller des bribes de mots. Il était des plus déconcertés. C’était elle ? Vraiment ?! Ce jour là c’était la même femme que celle avec qui il avait probablement passé la journée il y a moins d’une semaine ?!

- C’est pas vrai ?!

La demoiselle détourna le regard. Maintenant, ce n'était plus ses joues mais son visage tout entier qui vira au cramoisi. Elle savait, la connaissant si bien, que Luz ne pouvait dire QUE ca... Une question bien gênante, que Lulya n'hésitait pas à faire remarquer:

"Je...enfin elle...non ! urg...!"

Lulya restait planté sur place, les bras ballants, bégayant divers sottises, tentant de se justifier face à la question embarrassante de sa patronne. Et, sans le savoir, un mot ressortait: "Elle". Lulya ne souhaitait en aucun cas dévoiler l'identité de sa protégée, tout comme elle ne lui avait dévoilé son travail au sein de la Confrérie. Mais ces indices laissaient cette" personne" se changer en délicate demoiselle, sans le vouloir: comment les deux protagonistes réagiraient si ils savaient que la petite élémental aimait quelqu'un du même sexe qu'elle ? Dans tous les cas, Lulya commençait rapidement à paniquer, sous le poids de sa timidité, multipliant les erreurs...

Quand soudainement, un "Boum" la tira de sa misère.

"Alléluia" fut la première de ses pensées. Mais rapidement, celles-ci se redirigèrent sur ce son curieux. Et c'est avec stupéfaction qu'elle aperçut Trataïr, au sol, l'air assez... sonné.

"Monsieur Trataïr !"

Mais avant qu'elle ne puisse accourir pour l'aider à se relever, que l'homme se releva, les yeux aussi écarquillés que ceux de Lulya quand elle s'est rendu compte de la chute de son ami. Celui-ci balbutiait des mots- voir de phrases- absolument incompréhensibles, sans queue ni tête... Un peu comme la petite élémental un instant plus tôt...!

"Vous allez bien ?"

Puis, voyant l'archer perdu dans ses pensées, la jeune femme fit un petit soupir amusé, un ricanement délicat. Rien de grave... Plus de peur que de mal !

"Apparemment, vous aussi vous nous avez pas tout dit !"

Un rire dans les yeux, la demoiselle priait intérieurement, espérant pouvoir changer de sujet sur cette affirmation, tournant sa tête furtivement vers sa maîtresse, le temps d'un coup d'œil.
Mais pour l'instant, elle scrutait son ami, l'air encore dans les nuages...
Mais de qui pouvait-il songer, perdu dans ses pensées...?

L’appellation lui arracha un rire. Aussi spontanée qu'elle était incongrue, cela donnait un aspect à Lulya que Luz aurait qualifié de « mignon ». Bien sûr, l'Elémentale ne connaissait sans doute pas le nom de famille du jeune homme, et n'avait aucun moyen de le connaître. Mais tout de même, lorsque l'on évoluait continuellement dans un milieu dit professionnel où une faute d'un tel mauvais goût reviendrait à faire la pire des injures, ce pied de nez si juvénile à la réalité valait son pesant d'or !

Puis son rire s'étrangla dans sa gorge, noué tel un serpent pernicieux. Car Trataïr était au sol, dans un état d'égarement visible dont la source, elle, était complètement opaque... L'espace d'un instant, les prunelles acérées de la dragonne parcoururent la pièce en un réflexe si vif et si subtile qu'il ne se trahit que par sa soudaine immobilité. S'il y avait eu là un quelconque ennemi, la machine bien huilée qu'était son corps se serait mise en mouvement une fraction de seconde plus tard. Protéger, défendre, préserver, clamait sa silhouette tendue à se rompre, si concentrée que nul n'aurait pu respirer en cet instant sans alerter ses sens à vif.


Il balbutiait. L'incohérence de son expression n'avait d'égale que celle de ses paroles, et c'était un enfer pour qui ne pouvait comprendre ! Luz gomma soigneusement l'état d'alerte de son apparence, s'astreignit à lisser ses écailles et effacer l'amorce de doré sombre qui avait gagné son iris humaine comme un feu vorace... La dernière chose que je souhaite est de voir ce regard qui traduit ton souci à mon égard lui avait-il dit. Soit, mais il devait bien reconnaître qu'il lui rendait l'affaire plus difficile en étant sujet à de telles brusques crises ! Qu'était-elle supposée faire ? Rire avec enthousiasme, sautiller à cloche-pieds dans la pièce tout en gazouillant de bonheur ?
Dire qu'elle était agacée eut été un euphémisme. Très bien, elle n'avait pas le droit d'être inquiète -il devrait faire avec son caractère explosif ! Elle se posta face à lui, une main autoritaire sur la hanche, l'autre soudain devant le visage du jeune homme. Alors Luz claqua des doigts, ses prunelles lançant des éclairs, la ligne de ses sourcils froissée d'une légère inclinaison ombrageuse.
Le bruit sec de ses doigts retentit dans l'air comme on brise un charme. Impérial.


Elle avait parlé à voix basse, d'un ton filtré entre ses crocs car il lui était difficile de s'exprimer lorsque la crainte rôdait en elle. La colère n'était qu'une apparence factice destinée à cacher à son ami cette inquiétude qu'il ne désirait pas voir... Luz se radoucit pourtant. Et se lança dans une touche d'humour complètement décalée, sans transition aucune :

[Hrp : Toutes mes excuses pour cet effroyable retard... Qui plus est je me remets seulement à RP après tout ce temps, je suis donc quelque peu rouillée ! D8]

Et bien, on peut dire que ce fut un sacré choc. Sa tête s’en remettait difficilement. Il faut la comprendre. Un choc physique PLUS un choc mental, ça marque fortement. Mais nous ne sommes pas ici pour faire un diagnostic intégral de notre pauvre archer. Celui-ci était au plus mal. Des souvenirs, enfin plutôt des bribes de souvenirs venaient de se propager à travers toute sa tête. Il y trouvait des étrangetés inédites, même dans les tréfonds de l’Adhès. Pêle-mêle nous avons : des animaux aux couleurs originales, des substances aux effets douteux, de l’alcool aux accents forestiers… Mais le détail le plus troublant était sans conteste les formes féminines qui semblaient être présentes dans tous ces petits flashs. Une demoiselle certainement charmante, mais qui n’avais rien à faire dans sa mémoire ! Enfin, c’est ce qu’il aurait aimé penser. Cependant elle y avait bien sa place. Hormis ce trou noir d’une journée complète pendant la semaine passée, il avait déjà vu cette silhouette si justement proportionnée. Il se rappelait difficilement mais sûrement de ce jour de Kelrenn. Cette journée de printemps où il croisa, au détour d’une taverne crasseuse, une jeune demoiselle semblable à celle-ci. Elle était sympathique, ravissante et envoutante. Comme dans ses fragments de mémoire qui revenaient peu à peu.

Mais pourquoi elle revenait maintenant ? Avait-elle vraiment été auprès de lui durant cette journée obscurcie par les affres de la mémoire ? Qu’avaient-ils bien pu faire tout les deux ? D’effroyables questions dont il ne voulait même pas connaitre la réponse, tant la perspective qu’elles s’accordent avec ses hypothèses le terrifiait. Il était toujours au sol, flottant entre le conscient et l’inconscient pour essayer de rejeter ces morceaux de mémoire si brefs mais si effrayants. Il balbutiait encore des paroles incompréhensibles, jusqu’à ce qu’un éclair doré et sonore le tire de son inquiétante torpeur. Il recouvrit avec peine ses esprits et pu admirer une patronne agacée au dessus de lui, une main crispée se trouvant à quelques centimètres de son visage.

- Trataïr, reviens parmi nous s'il-te-plaît.

C’était un ordre et il se devait d’obéir. Avec un effort surhumain, il parvint à rattraper les quelques bribes de son esprit encore perdues dans le gouffre de ses souvenirs. Il cligna des yeux plusieurs fois pour que ceux-ci se réhabituent à la lumière et fini enfin par se relever, enfin s’asseoir, sur le sol, le visage traduisant son incompréhension.

- Ma parole, vous vous êtes donné le mot pour attiser ma curiosité et ne répondre à aucune de mes questions ! Que t'arrive-t-il ?

La voix de Luz lui permit de diriger sa tête vers celle-ci, toujours avec ce faciès d’amnésique. Il mit quelques longues secondes à comprendre le sens de ses mots, essayant de se rappeler la signification de chacun, de les remettre en ordre dans la phrase, pour essayer d’en comprendre le sens global. Il fallait surtout répondre à sa question. Le « que t’arrive-t-il ? ». C’était important ça, répondre aux questions, il s’en souvenait. Il bégaya encore un peu avant de finalement formuler une réponse cohérente.

- Et… et bien je… je vais très bien. C’est… c’est juste la fatigue du voyage, oui c’est ça ! Le voyage m’a fatigué !

Il ne doutait pas de la crédibilité de ses paroles, même si, il faut se l’avouer, elles ne l’étaient pas une seconde. Mais laissons-le dans son naïf espoir post-traumatique. Il faut lui laisser le temps de comprendre ce qui lui arrive.

Lentement, et avec peine, il se remit debout et fit craquer les os de son cou avant de s’étirer. Balayant la salle du regard, s’arrêtant au passage en croisant celui de Lulya. Elle semblait rire de la situation. Il ne savait pas pourquoi et cela n’était pas très important. Il fallait trouver une diversion avant que la patronne ne pose d’autres questions, et vite !

- Si… sinon Luz ? Lulya fait autre chose qu’être ta domestique personnelle ? C’est de la simple curiosité hein.

Voilà, c’était parfait ! Plus qu’à attendre leurs réactions respectives.

Le regard amusé de la petite élémental dévia rapidement vers celui de sa maitresse. Elle eut alors un léger frisson. Elle n'aimait pas ce regard, à faire pâlir le plus grand des barbares... Certes, elle aimait tout particulièrement cette apparence d'alerte, parfaite symbiose entre l'humaine et la dragonne, mais cette colère dans ses prunelles bicolores étaient loin d'être rassurants. Et sous le poids de toute cette autorité, la demoiselle baissa les yeux , enlaça ses mains derrière son dos, et se retira aux côtés de sa maitresse, comme un enfant que l'on aurait grondé.
Mais, elle releva les yeux. Elle la connaissait assez bien pour se dire qu'elle ne s'énerverait jamais envers un si bon employé sans une raison valable... Puis, dans un éclair de lucidité, elle comprit et sourit. Ses sourcils fins arqués l'espace d'une seconde vers le haut montraient bien explicitement sa compassion. Elle souhaitait capter son regard, ne serais-ce qu'une fraction de seconde, histoire de voire si sa théorie s'avérait vrai... Mais l'heure n'était pas à cela !

Trataïr semblait perdu entre le monde réel et ses propres songes, et ce fut un spectacle captivant que de le regarder émerger peu à peu sous le regard opprimant de sa patronne. Ses yeux ronds, ce regard aussi innocent que celui d'un jeune enfant étaient amusants, mais aussi déconcertants à voir... Décidément, ce cher archer avait aussi le don de cacher beaucoup de surprises, toutes plus curieuses ou inquiétantes ! Un petit paquet surprise dont les deux femmes s'amusaient à arracher subtilement, mais surement, le papier cadeau. Et voyons voir la surprise...

" Et… et bien je… je vais très bien. C’est… c’est juste la fatigue du voyage, oui c’est ça ! Le voyage m’a fatigué !"

Les yeux de la jeune élémental se fermèrent en un plissement. Sa prunelle bleue se fondit à travers ses cils gris, tandis que le rouge de sa seconde, elle, luisait plus que jamais en une lueur intimidante, voir angoissante. Son visage, penchée sur le côté, déployait un large sourire enjôleur d'une petite fille innocente. Et, elle laissa sur ses lèvres se dessiner le fond de sa pensée, se résumant en un seul et simple mot, inaudible:

"Menteur !"

Elle aimait avoir raison, sachant qu'elle était, cette fois-ci, sûre à cent-pour-cent. Il y avait anguille sous roche, et ca, elle pouvait le certifier. Mais la bouille curieuse de l'homme ne semblait pas cacher la moindre once de danger, ni de douleur; mais alors quoi ? La jeune femme s'apprêta à lui poser cette question, mais fut aussitôt interrompue:

"Si… sinon Luz ? Lulya fait autre chose qu’être ta domestique personnelle ? C’est de la simple curiosité hein."

La "domestique personnelle" soupira. Le petit malin... et veinard avec cela ! Il aurait suffit d'une minute de plus que Lulya détienne la vérité qu'elle chérit tant. Mais il faisait partie aussi de son devoir de répondre, même si la question était destinée à sa chère dragonne:

"En plus d'être la majordome de Dame Luz, je suis aussi arpenteuse de murmures..."

Une main ébouriffant ses cheveux, la demoiselle réfléchissait... Elle aurait aimé ne pas laisser cette affaire en suspend; mais parler d'avantage détournerait l'attention vers elle, et cela, elle ne pouvait pas se le permettre...!

Luz laissa filer un long, très long soupir. Elle pinça l'arrête de son nez de deux doigts épuisés, hésitant visiblement entre la réaction A ou la réaction B... Mais comme il n'existait aucun mode d'emploi propre à calmer un dragon -et qu'il n'y en aurait probablement jamais-, elle se rencogna dans une forme de résignation fatiguée, lasse de devoir arracher les vers du nez à tous ceux qui daignaient entrer dans ce foutu bureau.


La question n'attendait de toute évidence aucune réponse spécifique. Tout comme elle semblait sortir de nulle part, dans une inspiration dénuée de toute logique. Car sans pouvoir le démontrer devant un tribunal en bonne et due forme, la dragonne sentait intuitivement que quelque chose lui échappait chez l'un comme chez l'autre... Une conscience sourde mue par des années d'expérience passées à flairer les mystères de Terra, le museau dans la poussière et les pieds dans la boue s'il le fallait, même, parfois. Il y avait ce petit picotement caractéristique, ce elle-ne-savait quoi qui aiguillonnait sa curiosité et se refusait pourtant à la nourrir, malgré ses tentatives. Espéraient-ils tous deux qu'elle serait suffisamment vieille et sénile pour passer outre les multiples indices qu'ils semaient derrière eux ? Cet infime détournement du regard, ce geste indécelable, le tremblement d'une lèvre... Tout était source à interprétations. De douloureuses interprétations.

Par Nayris, pourquoi s'obstinaient-ils à se conduire avec elle comme de mauvais élèves pris en faute, chacun niant fermement son implication ? Tel le novice à problèmes appelé dans le sacre des sacres -le bureau du proviseur, en personne aussi craint que les limbes elles-mêmes si ce n'était davantage encore ! Ils la connaissaient pourtant. Ils devraient savoir que face au mystère, il n'y avait pas beaucoup de limites qu'elle n'était capable de franchir pour obtenir l'objet de ses désirs : des réponses. Et voilà que par un savant jeu de rebuffades et de dérobades, l'un et l'autre la forçaient à se vêtir des frusques ingrates de la patronne stricte et obsessionnelle...
Elle contourna silencieusement sa table de travail, et tira à elle le fauteuil qu'elle avait précédemment laissé vacant.


Au contraire de toute idée reçue, Luz n'était pas énervée. Pas même irritée. Son visage manifestait une impassibilité à toute épreuve, et sa voix était posée, une simple énonciation de faits. Elle fit courir ses doigts sur les dossiers qui attendaient sagement son attention, et ré-arrangea quelques piles sous la forme de rectangles bien réguliers :


Elle consentit enfin à leur faire don d'un sourire sincère, car elle ne voulait pas pour autant plomber plus que de mesure ces retrouvailles. Elle avait conscience d'être également injuste, mais s'il y avait bien une chose apte à la blesser, c'était de ne pouvoir satisfaire sa curiosité... Surtout lorsqu'on lui en disait juste assez pour l'enflammer ! Aussi posa-t-elle les coudes sur le bois de table, et vint appuyer son menton sur ses mains croisées. Cette fois-ci, il y avait un réel soucis de leur bien-être dans ses propos :


Elle désigna d'un vague geste de la main les feuilles qui s’amoncelaient sur son bureau, et grimaça comiquement.

Trataïr passa une main dans ses sombres cheveux pour essayer de deviner l'ombre d'une bosse. La chute avait été quelque peu rude et il avait, de ce fait, un peu mal à la tête. Bien heureusement, rien de méchant n'était arrivé sur son crâne, il était à peu près comme neuf. C'était comme si il venait de se réveiller. Il étouffa un bâillement de sa main alors que Lulya répondait à sa question.

- En plus d'être la majordome de Dame Luz, je suis aussi arpenteuse de murmures...

"Tiens, une collègue !" pensa le chasseur alors qu'il remercia la jeune femme d'une légère inclinaison de la tête, accompagnée d'un sourire amicale. Un long soupir se fit entendre près du bureau et l'archer reporta son regard émeraude sur sa patronne. Nul doute qu'elle devait être agacée de leur comportement d'enfants, à toujours se renvoyer la balle. Trataïr s'attendait presque à un sermon de sa part. Mais sa voix était étonnamment calme, s'en était presque inquiétant. Elle leur parlait avec ce flegme caractéristique. Mais cela n'empêchait pas le jeune homme d'en être très déstabilisé. Il aurait même préféré qu'elle se mette en colère, au moins ses sentiments auraient été clairs. Mais là non. Elle adoptait une expression totalement neutre et laissait à ses employés le soin de savoir ce qu'elle pensait vraiment. Un travaille éreintant car on n'est jamais sûr de rien avec une dragonne, surtout avec Luz. Elle était si énigmatique que lui mentir revenait à faire une partie d'échec avec Von Luar. Et la comparaison était faible.

C'était désormais à son tour de jouer et elle déplaçait ses pièces avec brio. Déstabilisant leurs défenses mentales en essayant d'abattre celles-ci pour les forcer à tout lui révéler. Visiblement, Lulya avait aussi un secret gênant dont elle ne voulait pas parler avec Luz, tout comme Trataïr. Il était donc logique qu'ils devaient travailler en équipe pour se défendre contre cette brillante dragonne.

Finalement, un sourire se dessina sur le visage, auparavant assombri d'une neutralité absolue, de Luz. Ouf, c'était déjà ça de gagné. Elle en avait peut-être assez d'essayer de leur arracher confessions. Elle avait peut-être l'idée d'abandonner le jeu et de les laisser, eux et leurs secrets, en paix. C'était un mince espoir mais Trataïr s'y raccrocha comme à une dernière corde de sauvetage. Il comptait bien exploiter cet atout pour fuir. Quoique... peut-être qu'elle comptait lui proposer avant qu'il n'en prenne l'initiative.

- Tu ferais mieux d'aller te reposer Trataïr, si tu restes manger avec nous c'est une longue soirée qui s'annonce... Les autres seront heureux de te revoir, et ton voyage a été suffisamment éreintant au point que tu ne puisses rester debout. J'ai énormément de travail à finir de mon côté, d'ici là...

Il répondit à cette invitation par un sourire chaleureux. Elle les invita ensuite, si ils le souhaitaient, à poursuivre leur conversation dehors, dans les jardins. C'était une bonne idée, car l'archer comptait quand même apprendre à mieux connaître Lulya. Il s'approcha du bureau de sa patronne bien aimée et pencha sensiblement la tête jusqu'à ce qu'elle soit assez près de la sienne. Un sourire espiègle ornait ce visage si marqué.

- Je suis désolé de n'avoir pu satisfaire ton insatiable curiosité Luz. Cependant, je te promet que bientôt, mon humble personne te fera cadeau de secrets suffisamment conséquents pour que cet estomac au visage si charmant soit enfin rassasié.

Il donna ensuite une petite tape du doigt sur le nez de sa patronne. Un geste assez bizarre mais qui ne signifiait rien de plus pour le chasseur qu'une invitation à la patience. Avec une petite pointe de défi comme "viens-donc m'arracher les secrets dont je te parle si tu y tiens vraiment..." ou quelque chose comme ça. Par "secrets" il faisait référence à son nouveau rang. Car il comptait bien se faire pardonner son manque de travail ses derniers temps par quelques renseignements précieux sur l'Empire. Mais est-ce qu'il en trouverait de la sorte alors qu'il n'était pas encore un haut-gradé ? Ça, il se doutait de ne jamais le savoir mais il espérait quand même qu'un tel miracle se produise. Car décevoir Luz c'était... quelque chose d'inexcusable. Autant parce qu'elle était l'une de ses meilleures amies que parce qu'il redoutait un courroux prévu depuis longtemps.

Il se redressa et se dirigea vers le porte manteau près de la porte. Là, il reprit sa cape et ses diverses affaires et se rhabilla comme il était venu. Il tendit une main gantée de cuir à Lulya pour l'inviter à la suivre à l'extérieur.

- Souhaites-tu poursuivre notre conversation dans les jardins comme l'a si justement proposée Luz ou y'a-t-il un endroit qui t'attire plus ? Ou bien veux-tu simplement qu'on se retrouve plus tard, pour le dîner. C'est comme tu le souhaites.

Un sourire d'une chaleur incomparable illuminait son visage. Il était heureux d'avoir rencontré un être pareil, et était certain de leur future bonne entente.

HRP: