Et soudain, il s'endormit. Un rêve apparut, puis un autre entre deux cauchemars. Tout allait très vite en s'emmêlant et en fusionnant. Les multiples cordes en formèrent une et même seule. L'image abstraite d'un verre remplit de plusieurs couches colorées mit fin à ses tourments, et c'est précisément là qu'il pensa se réveiller. Mais il était dans l'erreur.
Il se rendit rapidement compte qu'il faisait un rêve dans un rêve, c'est du moins ce qu'il supposait, lui-même en ayant déjà eu l'expérience, et tant cela en avait l'air. Débuta alors un affreux cauchemar, lorsqu'il vit l'image de son propre corps reposant dans un tombeau, entouré d'une multitude de silhouettes vêtues de robes sombres, toute masquées d'un capuchon de la même teinte. Il eût le temps d'apercevoir sa face dépourvue de son masque, et de se rappeler des évènements précédents, avant que le lourd couvercle du cercueil d'obsidienne ne vienne s'emboîter dans la base, dans un bruit assourdissant. Il hurla : « Mon MASQUE. Le MASQUE ne peut être séparé de ma dépouille, imbéciles ! »
L'image du tombeau sembla rétrécir, s'éloigner ; puis il comprit qu'il flottait au dessus, attiré par le plafond de la chambre obscure dans laquelle il se trouvait. Le rêve devint de plus en plus réaliste, et lorsque l'abstraction disparut totalement, il réalisa à peu près ce qui se passait. Il était mort. Mais la peur vint réellement lorsqu'il ne comprit plus exactement qui il était, et ce qui lui était arrivé. Le cadavre qui gisait en dessous était bel et bien le sien, il en était persuadé. Pourquoi ? Lui-même ne le savait pas.
Soudain l'espoir refit surface. Il se réveilla pour de bon et se rappela qu'il se nommait Néant et qu'il avait consacré son existence à travailler dans le château « de l'île » en qualité de directeur des travaux. Son apparence translucide et sa capacité à traverser les murs ou encore faire léviter les objets étaient des plus banales, puisqu'il n'en avait même pas conscience. Il venait de se réveiller dans sa chambre habituelle, tenu éveillé par les multiples rayons de soleils qui traversaient les fins rideaux pourpres qui masquait sa fenêtre ; prêt à s'attaquer à une rude journée de travail. Il remarqua autour de lui plusieurs architectes qui étaient venus « assister » à son levé, comme s'il était un roi :
« Bien le bonjour, frères. Bien dormis ? Pas pour ma part, j'ai fait un affreux cauchemars. » dit-il en se levant, avant de se diriger vers une armoire d'où il sortit une épaisse chemise de chambre de la même couleur que ses rideaux. « Ne faites pas attention frères, je trouve qu'il fait assez froid ce matin, pas vous ? Laissez-moi le temps d'enfiler cette veste et je suis à vous. » Sous le regard inquiet des nécromanciens, le fantôme quitta le tombeau d'où il venait d'apparaître pour se diriger vers une parois de la pièce, où il disparut. Il réapparut quelques temps après.
« J'ai déjà les plans de nos futurs travaux en tête, nous ne sommes même pas à la moitié. Il reste tant de choses à accomplir.»
« Que devons-nous faire, maître ? » demanda un architecte
« Aujourd'hui j'aimerai continuer la construction de la façade principale de l'écurie de la reine. Après ça nous pourrons attaquer la tour que le Prince Valon attend depuis un moment. » Dit-il en disparaissant derrière un mur.
Les nécromanciens se regardèrent, comme pétrifiés, voyant leur maître auquel ils venaient de demander de quelle veste il parlait, frappé de folie.
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